Expo au Victoria and Albert Museum de Londres

Pink Floyd et Sennheiser, une histoire d’amour multicanale

On avait été gâté avec Bowie, mais l’exposition des Pink Floyd qui se tient au Victoria and Albert Museum de Londres jusqu’au 1er octobre 2017 est un bijou encore mieux ciselé que la musique du groupe et la participation plus qu’active de Sennheiser et sa technologie Ambeo 3D la rendent irrésistible.
Que vous soyez ou pas un fan des Floyd, le charme opère et fait de cet événement honorant les 50 ans de la sortie du premier titre du groupe, une excellente raison d’aller en WE chez nos lâcheurs préférés ! SLU y était, et on vous propose un long reportage truffé d’images et se terminant par une interview très intéressante des frères Sennheiser.

Les racks créés par Sennheiser afin de pouvoir déployer et charger facilement les packs HF et les casques lors d’une manifestation. Classe et pratique.

Des claviers, des guitares, des éléments de décor, des batteries, des affiches, des films, des séquences enregistrées à Abbey Road avec les instruments de toujours mais le son d’aujourd’hui, des maquettes des légendaires scénographies, des costumes, des lettres, les joysticks et les consoles quadriphoniques, le Schoolmaster et sa baguette, tout y est.
Même sans connaître l’histoire ou la discographie des Floyd, il est impossible de ne pas plonger dans leur univers artistique remarquablement bien reconstitué malgré une volonté chronologique qui rend le début de l’expo et donc de la carrière du groupe époque Syd Barrett un peu obscure pour les non experts et ce sera là ma seule critique artistique. Circulez, il y a tout à voir !

Les GuidePort en train de se faire une beauté aux batteries sous un mur de chargeurs.

Le fil rouge de cette expo et qu’on vous délivre en le sortant de magnifiques racks verticaux estampillés Sennheiser, vous le portez autour du cou, et au bout de ce ruban pétant, un récepteur HF GuidePort vous accompagne et délivre de façon très qualitative des titres, des extraits de reportages, des interviews et des concerts à un volume que le confortable casque, Sennheiser lui aussi, n’aidera pas à augmenter. Pensez à prendre vos ears, le jack 3,15 est parfaitement accessible et l’immersion en sera encore plus complète !

Une maquette de la scène du Division Bell tour. Pas de line-array à l’époque mais une scénographie à couper le souffle signée Mark Fisher. Sur cette tournée, trois scènes se relayaient, 51 semis, 112 dates en 7 mois…

Comme il se doit, un énorme travail de collecte et de masterisation des extraits mais plus encore de programmation des zones de déclenchement du son a été fait. Si vous n’avez pas trop la bougeotte, laissez le système vous suivre, on rentre et sort très bien des périmètres délimités de manière invisible et c’est justement par le son qu’on découvre là un écran, là un instrument, là encore une maquette due au talent de designer de Mark Fisher, que la musique anime immédiatement.

Rien que de taper ces quelques lignes ravive le souvenir des formes humanoïdes et autres animaux en textile de Frei Otto, et qui vous observent en silence si vous retirez votre casque mais retrouvent toute leur force avec les mélodies du groupe qui les ont immortalisés. Aucun décrochage HF, clic étrange ou boucle arythmique ne viennent troubler l’écoute. Le rapport signal bruit, la bande passante, tout dans cette infrastructure technique respire la qualité bien au-delà du nécessaire et le moins que l’on puisse dire c’est que le visiteur est respecté y compris au niveau des oreilles.

Pas des répliques, non, les vraies créatures de The Wall.

Cela dit n’oubliez pas de restituer votre récepteur et casque à la sortie de l’expo, dès qu’il sort de la zone de couverture, une alarme retentit à volume toujours raisonnable mais sans aucune ambiguïté dans vos oreilles, j’en ai fait l’amère expérience ;0)

Andreas et Daniel Sennheiser dans la Performance Zone où a eu lieu l’inauguration presse avant qu’on appuie sur….schuut, vous le découvrirez par vous-même !

Le bouquet final de l‘expo est une salle de 120 m² dans laquelle Sennheiser a implanté un système Ambeo 3D qui vous immerge au plus profond de la musique des Floyd, un rendu que le groupe a rêvé et qu’il a été possible de réaliser 40 ans plus tard.
Ce brillant hommage à tout ce que ce groupe a apporté en termes de spatialisation du son, va beaucoup, beaucoup plus loin que la bonne vieille quadriphonie, grâce au travail effectué par Simon Rhodes, Simon Franglen et Andy Jackson à Abbey Road 2 où le déploiement d’enceintes prévu pour le musée a été recréé, permettant le mixage et l’encodage des sources sur l’ensemble des…18 points de diffusion + 1 canal infra.
Le déploiement de cette “Performance Zone” est basé sur deux références d’enceintes actives, les moniteurs KH420 et les subs KH870, les deux têtes de gondole de Klein & Hummel que le groupe Sennheiser à racheté et rebaptisé Neumann.
On vous re-propose pour l’occasion l’explication fournie sur un film en anglais de 4 minutes par cette équipe de techniciens de choc qui vous plonge dans le studio où, entre autres albums d’une infinité d’artistes, ont été enregistrés les deux monuments que sont The Dark Side of the Moon et Whish You Were Here.

Une sorte de « façade » est prévue avec 3 enceintes placées à 2 mètres de hauteur et 3 autres accrochées entre 4 et 5 mètres de haut. A l’arrière on trouve 2 enceintes basses et deux hautes.
Sur les côtés et par côté, nous avons 2 enceintes en position basse et une en hauteur et enfin deux dernières enceintes sont accrochées en douche au beau milieu de la salle à six mètres de hauteur et portent le sobriquet de Voice of God. Les 7 subs sont installés 3 à l’avant, 2 à l’arrière et 1 de chaque côté au sol. On reviendra sur ce dernier choix.

La KH420, un vrai petit moniteur qui posé sur le sub KH870, devient un moniteur à part entière en gagnant extension du grave et SPL.

Les KH420 sont les gros modèles de la marque et comme le reste de la gamme, ils sont amplifiés, ici en trois vois actives. Le grave est délivré par un 10’’ à grand débattement dans un montage bass reflex et deux évents de grande taille lui donnent une belle extension dans le grave.

En orange et en haut de ce graphique, la réponse en fréquence de la KH420. Ca se passe vraiment de tout commentaire.

Le médium est confié à un dôme de 3’’ mû par un aimant au Néodyme. L’aigu enfin repose sur un dôme en tissu d’un pouce. Le niveau SPL max atteint 109 dB ce qui est une excellente performance considérée la réponse en fréquence droite jusqu’à 30 Hz. 18 de ces enceintes sont mises en œuvre.

Le KH870. Un vrai petit sub avec ses deux 10’’ capables de générer à pression raisonnable de l’infra.

Le KH870 est aussi le gros sub de Neumann. Embarquant deux 10’’ à grand débattement dans une ébénisterie très inerte et ouverte via des ports à faible turbulence, il passe les 18 Hz à -3dB et délivre un SPL Max de 116 dB grâce à son ampli de 400 W. Il dispose par ailleurs d’une connectique très poussée lui donnant comme souvent le rôle de chef d’orchestre dans le cas d’un déploiement allant jusqu’au 7+1.
Le résultat à l’oreille est très bon avec un rendu spectaculaire et à la fois doux et précis malgré une spatialisation très large. L’absence de moteurs dans les enceintes ne permet pas des niveaux très importants, ce qui n’est pas le but recherché, mais offre un confort garantissant une écoute prolongée, une qualité recherchée en studio. Il ne fait aucun doute que les visiteurs de l’exposition apprécieront au plus haut point cette immersion sonore et… on ne vous en dira pas plus.
Sachez simplement que vous en prendrez plein la vue et les oreilles. Je n’ai en revanche pas été totalement convaincu par le placement des subs qui, en grand nombre et très distribués, se révèlent être par endroits un peu interférents. Peut-être aurait-il fallu ne les placer que d’un côté et les stacker par deux afin de réduire le nombre de points d’émission voire faire le choix de ne placer qu’un seul gros sub de sonorisation de marque allemande, il y en a des bons ;0)

Interview de Daniel et Andreas Sennheiser

Grâce à la collaboration très efficace de Stephanie Schmidt, la responsable de communication des produits pro de Sennheiser et de l’équipe de relations presse Marie Antoinette, nous avons pu interviewer Daniel et Andreas Sennheiser, tous deux CEO du groupe familial éponyme et présents sur place pour l’inauguration, afin de faire un point débordant largement l’exposition Pink Floyd.

Une des nombreuses salles de l’expo avec ici, une mise en scène rappelant la pochette de Delicate Sound of Thunder, le lieux idéal pour immortaliser à gauche Daniel et à droite Andreas Sennheiser.

SLU : Bonjour et merci de nous accorder cette interview. Pouvez-vous nous dire qui fait quoi au sein du groupe ?

Daniel Sennheiser : Nous sommes tous les deux CEO. Nous avons eu des parcours différents mais cela ne nous empêche pas de partager complètement la direction du groupe.

SLU : Peut-être que vous Andreas avez plus d’appétence pour la technique…

Andreas Sennheiser : Je suis ingénieur et Daniel est designer, donc nous avons une approche différente des choses, mais nous faisons bien le même métier et traitons les même problématiques ensemble, sans trop rester cantonnés dans nos domaines de prédilection.

Daniel Sennheiser : Et au final nous devons tous les deux nous intéresser à l’aspect financier des choses. (rires).

En grand écran, une des photos prises lors de la séance pour la pochette de Whish You Were Here. Mais pas celle retenue…

SLU : Un événement comme celui des Floyd est important pour Sennheiser, son image et sa stratégie commerciale ?

Daniel Sennheiser : Je ne pense pas que l’on puisse parler de collaboration commerciale autour de cet événement. Sennheiser et les Floyd, c’est une aventure qui dure depuis 50 ans et l’exemple du MD409 que le groupe a rendu célèbre est symptomatique de cela.
De plus nous collaborons beaucoup avec le V&A (l’abréviation du musée londonien NDR) puisque nous avons fourni notre assistance technique sur deux autres expositions et cela contribue à rendre populaire ce type d’événement mêlant objets et musique en mettant cette dernière au premier plan.
Sennheiser est présent sur les marchés de l’enregistrement, du mixage et de la reproduction, apporter notre contribution est le moins que l’on puisse faire !

SLU : Avez-vous apprécié le choix d’aller à Abbey Road pour retravailler le son des Floyd pour l’expo (sourire) ?

Andreas Sennheiser : C’était bien entendu parfait car c’est dans ce studio que le groupe a enregistré nombre de ses succès et nous avons pu voir tous les appareils d’époque qui s’y trouvent encore (hélas la console EMI 12345 MKIV du Studio 2 a été vendue fin mars 2017 aux enchères NDR). Bien entendu nous avons travaillé avec des ordinateurs et pas avec des tables aux faders analogiques mais l’atmosphère des lieux et la présence active d’Andy Jackson qui a été aux côtés des Floyd pendant trente ans, a ajouté au plaisir et au résultat final.

Exposée dans le hall d’entrée du V&A, la célèbre console construite sur mesure et à la demande spécifique d’Abbey Road par EMI, sur laquelle Alan Parsons a créé avec les Floyd sans doute leur chef d’œuvre Dark Side Of The Moon. Elle a été vendue aux enchères à Pie Studios de New York, un lieu de plus en plus mythique et où nombre de bijoux à la fois instruments et éléments de studio, continuent leur brillante et vintage carrière. Elle a été cédée pour 1 600 000 € en parfait état de fonctionnement et prendra la direction des USA pour reprendre du service à la fin de l’expo en octobre.

SLU : Ce n’est un secret pour personne, en tous cas pas pour les lecteurs de SLU, que vous avez employé des éléments du Live 8 de 2005 pour avoir des pistes séparées…

Andreas Sennheiser : Oui c’est exact. Ce n’est pas nous qui avons choisi, mais c’est évident que cela a satisfait tout le monde, d’autant que c’était la dernière fois que les 4 membres historiques ont joué ensemble (Gilmour, Waters, Wright & Mason NDR) et que nous avons bénéficié d’une excellente captation multipiste pour notre remix Ambeo.

Daniel Sennheiser : Et en plus ce concert a été enregistré en numérique.

Sennheiser, la stratégie et quelques chiffres

SLU : Pouvez-vous nous détailler votre stratégie, en tous cas celle qui concerne le département pro. Nous avons le sentiment, partagé par nombre de professionnels, que Sennheiser semble parfois s’intéresser plus au tout public.

Daniel Sennheiser : Non, nous sommes intimement liés aux professionnels de l’industrie musicale parce que c’est par le biais des meilleurs outils de capture, mixage et reproduction, qu’il sera aisé de par exemple créer des bandes sonores immersives, quelque chose que le tout public apprécie et adopte de plus en plus. Nous sommes à 100 % attachés aux professionnels du son comme nous l’avons toujours été.

Ce joystick s’appelle l’Azimuth Co-ordinator et il a été employé la première fois en 1967 au Queen Elisabeth Hall de Londres. Celui que vous voyez est la version de 1969 dûe au talent de Bernard Speight, un ingénieur de maintenance des studios Abbey Road.

SLU : Quel est le pourcentage du chiffre d’affaires de Sennheiser Pro vis-à-vis des autres activités du groupe ?

Daniel Sennheiser : C’est à peu de chose près 50/50 et ça l’est depuis au moins 10 ans. Les gens voient toute la communication que nous faisons pour la branche tout public et en tirent des conclusions fausses.
C’est vrai que pour le Pro, nos actions sont plus discrètes et consistent par exemple dans l’accompagnement des événements musicaux du V&A, dans la mise à disposition de matériel pour des tournées ou des productions musicales.

Andreas Sennheiser : Nous sommes convaincus que cet équilibre de 50/50 est bon pour le groupe. Ce qui est aussi intéressant c’est qu’avec Ambeo nous réunissons ces deux mondes, le consumer et le pro, puisqu’il faut enregistrer, mixer, matricer et enfin reproduire, soit au travers de haut-parleurs, soit grâce à des casques. Ambeo est donc le meilleur moyen de satisfaire les deux marchés de Sennheiser.

SLU : Ambeo est intéressant comme procédé multicanal mais quel marché souhaitez-vous toucher ? Comme vous l’avez dit vous-même durant l’inauguration, ce n’est pas à la portée de tout le monde de disposer de 18 têtes et 7 subs…

Daniel Sennheiser : Bien sûr ici nous montrons l’exploitation la meilleure, celle qui démontre le mieux ce qui peut être fait avec Ambeo en de bonnes mains, mais nous travaillons aussi à recréer cette expérience sonore, cette immersion en binaural afin de permettre au plus grand nombre d’utilisateurs d’en profiter avec un simple casque. On peut imaginer que bientôt le mix binaural 3D fera partie des formats standard de reproduction du son des majors et des réseaux de distribution comme Universal, Warner ou Disney, un format qui sera une sorte de réduction qualitative du procédé Ambeo qui aura été par ailleurs utilisé tout du long de la production des contenus.

Loin du numérique et des plugs, la Strat, LA Black Strat achetée par David Gilmour en 1970 et utilisée sur un nombre important de soli dont celui d’Another brick in the wall, entre autres. Approchez-vous d’elle et de l’écran où l’on devine David Gilmour ; ce dernier est retourné à Abbey Road avec amplis et pédales et a été filmé et enregistré en jouant. Seul. Inutile de vous dire à quel point entre instrument, effets et jeu, sa sonorité change. Les poils…C’est Kourou, Cape Canaveral et Baïkonour réunis.

SLU : Vous faites du son avec beaucoup de modernité et semblez avoir trouvé la passerelle entre pro et grand public avec Ambeo. C’est une stratégie choisie et capable d’assurer des revenus ou alors le besoin de suivre une certaine mode et d’y placer votre savoir-faire ?

Andreas Sennheiser : Le son évolue et nous accompagnons cette évolution depuis la création de Sennheiser. Ce dont nous sommes certains, c’est que la séparation entre l’univers professionnel et consumer n’a plus lieu d’être, mais comme nous sommes avant tout au service des professionnels et nous savons que tout commence par un enregistrement, on dédie énormément de ressources aux pros.

SLU : On vit quand même à une époque où la consommation de la musique se fait en MP3 et via des enceintes en plastique. Il n’y a pas une certaine ambiguïté à promouvoir une telle qualité ?

Daniel Sennheiser : On a vu l’apparition du MP3 d’un bon œil chez Sennheiser car il a donné à la musique le don d’ubiquité, il l’a rendue facile à transporter et l’a enfin beaucoup démocratisée.
Cela dit, on constate depuis quelques années une certaine appétence pour le non compressé, un retour vers la qualité par le biais de sites vendant des fichiers HR ou même via le renouveau du vinyle. Cette prise de conscience, quant à la qualité du son, est importante car elle génère aussi de l’intérêt pour nos casques au travers desquels la différence entre MP3 et FLAC est clairement audible.

SLU : Pour revenir à l‘une de vos branches au travers de vos marques Sennheiser et Neumann, allez-vous continuer à sortir des nouveaux micros traditionnels ou bien allez-vous mettre l’accent sur des capteurs comme le VR Mic ?

Daniel Sennheiser : Nous allons développer en parallèle des micros comme le VR pour Ambeo mais aussi des modèles plus traditionnels. Nous allons aussi travailler sur des modèles plus anciens qui n’existent plus.

Le VR Mic, pas loin de 2000 € en prix public mais la garantie d’avoir 4 têtes de grande qualité, parfaitement azimutées et une grande facilité d’emploi, sans oublier que ce capteur hors norme est vendu avec son logiciel de conversion de format A en format B.

On a aussi constaté qu’aujourd’hui beaucoup d’enregistrements se passent en dehors des studios d’enregistrement et un peu n’importe où, là où les idées surgissent. Nous réfléchissons donc à des micros qui délivrent autre chose qu’un signal micro standard. Cela pourrait être un flux numérique, un flux réseau qui par ailleurs sert beaucoup en broadcast.

Pour toutes celles et ceux qui ont connu l’HD414, il a révolutionné l’écoute au casque qui pour la première fois a pu durer plus de 10 minutes sans dégouliner et avoir mal au crane ;0)

SLU : Sennheiser suit au plus près le trend ou bien le créé ?

Daniel Sennheiser : Sennheiser veut clairement inventer et continuer à produire le futur de l’audio, quelque chose que nous avons toujours fait, j’en veux pour preuve le premier micro sans fil ou les premiers écouteurs conçus spécifiquement pour la musique, les HD414, avec un rendu et une légèreté sans commune mesure avec les standards de l’époque, on parle ici de 1968.
Nous avons aussi inventé le micro canon et maintenant le VR. Il y a aussi le premier micro sans fil, numérique et sans aucune compression, le D9000. On nous dit qu’il est cher, mais nombre d’utilisateurs en sont ravis car sur certaines sources très sensibles comme une guitare folk, son absolue neutralité fait la différence.

SLU : Quand pourrons nous considérer qu’Ambeo est un succès. Le jour où nous aurons des micros pour ce format chez Neumann (sourire) ?

Andreas Sennheiser : Il faut savoir où se place la notion de succès. Si c’est d’obtenir qu’un long frisson traverse l’échine de nos utilisateurs quand ils écoutent le rendu d’Ambeo, cela nous suffit. Offrir à l’expo des Floyd une salle Ambeo est aussi un succès car cela correspond exactement à notre désir de faire évoluer le son encore et toujours. Certes la “Performance Zone” est une installation hors norme, mais cela passe aussi par des produits beaucoup plus abordables comme notre casque à la fois écouteur et micro binaural dont nous sommes certains qu’il sera très apprécié et très vendu. Ambeo peut donc être innovant et rentable en même temps. Il faudra un peu de temps pour que cela rentre dans les mœurs, comme cela s’est passé entre la mono et la stéréo, mais quand on a pu écouter l’infinie richesse d’un rendu Ambeo et tout ce qu’il apporte à la musique, on ne peut pas revenir en arrière.

Regardez bien cet assemblage de pièces et réécoutez Money…Ehh oui, une expo ça sert à ça. A sa façon, cette percu est passée à la postérité !

Daniel Sennheiser : Nous essayons à la fois de redonner ses lettres de noblesse au son qui, généralement lorsqu’il est raccordé à une image, est moins bien loti que cette dernière et in fine, nous voulons tendre vers le meilleur son possible. La question n’est pas de savoir si on va sortir un micro Neumann pour Ambeo, il suffit d’en avoir 8 et de bien les placer pour obtenir des prises 3D de très grande qualité. Ambeo est un process de travail plus qu’un appareil à proprement parler ou un flux spécifique encodé. C’est avant tout une méthode qu’il faut apprendre à maitriser et à exploiter.

SLU : Mais cela passe par des logiciels pour l’exploitation des nombreux canaux. En développez-vous certains ?

Andreas Sennheiser : Absolument ! Avec le VR Mic nous livrons A-B Ambeo, un soft qui convertir le format A issu de la captation du son via notre micro en format B qui, ambisonique, permet de placer exactement le son où l’on veut dans le champ sonore entourant le capteur via des réglages qui s’appellent W, la somme des 4 têtes, X qui règle entre avant et arrière, Y qui le fait entre gauche et droite et enfin Z qui le fait entre haut et bas.

Un graphique expliquant assez bien le rôle du plug A-B Ambeo.

Daniel Sennheiser : Nous sommes aussi ouverts à la collaboration de développeurs extérieurs de plugs, mais aussi avec les créateurs de contenus et les éditeurs et distributeurs de ces mêmes contenus qui peuvent par exemple être sportifs. Tous ensemble, nous créons l’écosystème d’Ambeo sans avoir besoin de posséder quoi que ce soit de notre côté. Toute marque de micro ou de console peut être utilisée pour créer du contenu Ambeo sans aucune restriction.

Fabriquée par Britannia Row, cette console de matriçage quadriphonique a accompagné les 197 dates du Momentary Lapse Of Reason Tour, effectué sans Roger Waters qui avait quitté le groupe peu avant. Une de ces dates s’est déroulée dans le Château de Versailles. Souvenirs…

SLU : Vous avez parlé de contenus sportifs, c’est une de vos cibles ?

Andreas Sennheiser : Oui. Le sport se filme de plus en plus en mouvement et le son nous semble très en retard sur cette évolution. Nous collaborons étroitement avec des producteurs pour leur permettre d’offrir des programmes infiniment plus immersifs que le simple rendu TV qui vous laisse un peu sur place.

Daniel Sennheiser : C’est qui est intéressant c’est que des producteurs de films et les personnes en charge de la partie sonore des long métrages vont rapidement l’adopter car ils ont déjà l’habitude de gérer du son immersif. Simon Franglen qui a travaillé sur Titanic ou Avatar et a été récompensé d’un Grammy et nominé aux Golden Globes, a particulièrement apprécié de collaborer au remix Ambeo du contenu exploité à l’exposition des Floyd. L’énorme avantage de notre procédé c’est qu’il ne demande pas d’encodage et peut donc être par exemple exploité dans toute salle de cinéma. L’avantage est que la réduction binaurale le rend facilement compatible avec toute installation stéréo et spécialement les casques.

SLU : Qui a eu l’idée d’Ambeo chez vous ?

Daniel Sennheiser : On ne peut pas appeler cela une idée. C’est un programme derrière lequel se cachent 15 années de recherches dans le cadre de l’audio immersif. Différentes équipes ont travaillé de leur côté sur l’audio immersif et il y a environ deux ans, nous avons fait le choix avec Andreas de capitaliser sur ces recherches et d’exploiter nos découvertes sous un nom commercial : Ambeo. On peut donc considérer que c’est une somme d’idées plus qu’une seule et unique idée et c’est ce qui lui donne sa grande polyvalence.

The Wall dans toute sa créativité. Oui c’est le vrai prof, le Schoolmaster avec sa baguette et ses yeux lumineux.

D’un autre côté, on observe que le marché semble prêt à absorber une innovation. Des artistes nous ont fait part de la relative pauvreté des formats de reproduction musicale. Pas moyen de donner de la profondeur et de la hauteur à une performance quelle qu’elle soit.
L’avènement de la VR, qui apporte un grand progrès à l’image, semble avoir oublié le son en chemin qui reste banalement stéréo et n’apporte pas sa pierre à l’édifice de la réalité virtuelle et augmentée, voire dilue l’expérience. Nous avons vraiment ressenti le besoin de nous lancer et apporter au marché le son en 3D.

SLU : Etes-vous prêt à vous rapprocher de certains artistes qui ont le besoin et plus encore l’habitude d’aller au-delà de la simple stéréo sur scène et recherchent de quoi offrir une expérience plus réaliste à leurs fans ?

Daniel Sennheiser : Bien sûr, et nous venons de le faire avec les Floyd. C’est sans doute plus facile en un premier temps de penser à des contenus enregistrés que du live, mais tout est possible, nous n’en sommes qu’au tout début d’Ambeo.

Le temps passe, je tape cette conclusion et mes poils semblent vouloir rester bloqués en position dressée. Le souvenir du cocktail d’inauguration où l’ensemble des organisateurs a pris la parole et où, au détour d’une salle, on a croisé Nick Mason, Brian May ou Jimmy Page y est sans doute pour quelque chose, mais pas que.
Their Mortal Remains est comme un bon Asterix, chacun y trouve son bonheur et on n’en épuise jamais vraiment toutes les trouvailles. Plongez-vous dans la version remasterisée de Dark Side of the Moon, prenez votre billet de train et ne ratez pas ce bain de jouvence et de sensations aussi indéfinissables que le groupe qui en est à l’origine.

Last but certainly not least, monsieur Nick Mason, le batteur et membre permanent du groupe, celui qui a passé toutes les étapes, toutes les périodes et a été aussi propre et métronomique dans son jeu que fiable et disponible vis-à-vis du groupe et même des organisateurs et producteurs de l’expo qui tous ont salué sa collaboration et son infinie gentillesse. Il monte prendre la parole lors du cocktail d’inauguration.

 

Crédits -

Texte & photos : Ludovic Monchat

Laisser un commentaire