Un nouveau groupe de prestation se construit en France

Yannick Bétis et Eric Barthélemy rachètent Phase 4

Eric Barthélemy et Yannick Bétis ont signé le rachat de Phase 4 le 15 avril dernier, une magnifique société de prestation née en 1985, spécialisée en lumière sur les plateaux de TV. Il y a 8 mois, Yannick Bétis et Eric Barthélemy rachetaient des parts majoritaires de ON OFF, aujourd’hui c’est Phase 4, et demain ?
Nous les avons rencontrés dans les locaux de Phase 4 en compagnie d’André Mytnik, l’un des cédants et l’ancien président de la société.

De gauche à droite, Yannick Bétis, Eric Barthélemy, André Mytnik, Jean-Marc Bauer et Mikael Maurin.

De gauche à droite, Yannick Bétis, Eric Barthélemy, André Mytnik, Jean-Marc Bauer et Mikael Maurin.

Ce n’était pas un secret, Phase 4 comme beaucoup de sociétés de prestation dont les créateurs ont passé la soixantaine était à vendre, mais pas n’importe comment et surtout pas à n’importe qui. Une fois encore, ces deux entrepreneurs ont su convaincre un pionnier de la prestation de service avec un projet qui place au premier plan la pérennité de l’entreprise et son développement.

SLU : C’est une prise de participation ou un rachat total de la société phase 4 ?

Yannick Bétis : Cette fois c’est un rachat total.

SLU : Votre rencontre s’est faite comment ?

Eric Barthélemy : C’est José Tudela qui nous a présenté André.

André Mytnik : Nous sommes de vieux amis. José m’a fait entrer chez Régiscène, il y a… bien longtemps !

Yannick Bétis : Nous sommes passés chez Phase 4 avec José en rentrant d’un rendez-vous. C’était en juin dernier. André et Jean-Marc n’étaient pas là. Nous avons vu Mikael (Maurin) et pris rendez-vous. Nous nous sommes revus en septembre et ensuite tout s’est très vite enchaîné.

André Mytnik : Leur projet dans la finalité nous a séduits. Nous cherchions à transmettre Phase 4 depuis un an. Nous avions même envoyé un courrier à quelques chefs d’entreprise soigneusement sélectionnés avec lesquels on pensait qu’il se passerait quelque chose, mais il ne s’est rien passé. Eric et Yannick tombaient à point nommé puisque nous étions en phase de cession. Nous avons trouvé un accord financier satisfaisant, et puis je pense que l’ensemble de l’équipe est rassuré sur le devenir de Phase 4. Je suis content d’avoir trouvé la bonne relève pour l’entreprise, pour tout ce qu’on a fait, tout ce que j’ai fait et pour tout le personnel. Je n’aurais jamais cédé l’entreprise si je n’avais pas eu confiance dans leur projet.

SLU : André que fais-tu maintenant. Tu fonces t’acheter des ruches et une combinaison d’apiculteur, ou tu restes près d’eux.

André Mytnik : J’ai un projet d’accompagnement. Et je pense que tant que nous serons sur le même projet et tant que je pourrai assumer ma position, je resterai consultant de Phase 4. Je n’ai pas de timing. C’est un accord par tacite reconduction et l’avenir est prometteur je pense, car leur projet est intéressant.

SLU : Donc vous restez ensemble tant que vous le jugez tous les trois agréable et nécessaire.

Yannick Bétis : Agréable, ça l’est depuis le début et ça va continuer à l’être.

André Mytnik : Voilà à 70 ans, je déposerai les armes (rires) !

Yannick Bétis : Il ne s’agit pas d’un accompagnement classique sur une durée définie par exemple à 6 mois pour transmettre les informations sur la société. André a une importance considérable pour Phase 4, en particulier dans sa relation avec les directeurs de la photographie. C’est un élément déterminant dans la réussite de Phase 4.

SLU : Tout le personnel est-il repris ?

Yannick Bétis : Oui, nous n’avons pas de problématique de doublonnage critique de postes qui nous amènerait à prendre des décisions désagréables.

Eric Barthélemy : Il s’agit ici du rapprochement de deux sociétés à taille humaine, l’une comptant 8 salariés en fixe, l’autre 34, on ne parle pas de structures de 2.500 personnes chacune. Et au-delà de ça, nous sommes dans une logique de croissance. Si on prend le cas de On Off, que nous avons rachetée y a 8 mois, sa croissance sera de 50% cette année.
Nous aurons donc besoin de renforcer nos équipes, que ce soit dans les métiers techniques ou commerciaux, à la fois pour assurer notre capacité à développer nos sociétés et pour renforcer nos expertises. Nous avons absolument besoin des piliers de la société, comme Mikael Maurin par exemple. Ils seront les moteurs de notre projet. Ce dont nous allons parler, c’est d’une redéfinition de certains aspects de l’organisation, donc de certains rôles. La réalité c’est que l’entreprise va proposer des opportunités d’évolution aux uns et aux autres.

SLU : De nombreuses personnes qui vous sont proches parlent avec enthousiasme d’un vrai projet qui commence effectivement à se dessiner plus précisément. Le rachat de Phase 4, est-il un aboutissement ou une étape ?

Yannick Bétis : C’est juste une étape. Notre projet est simple et clairement défini depuis le début. Nous y avons travaillé avec Eric pendant 2 ans et demi avant On Off et il continue à murir. Il y a un constat évident sur le marché français, qui est d’ailleurs aussi valable sur d’autres marchés européens aujourd’hui. La prestation technique est un métier jeune, que ce soit pour l’événementiel, pour le spectacle vivant ou pour l’audiovisuel. Il a été créé de toute pièce à la fin des années 70, début des années 80 par des gens qui sont tous à la tête de leur société. Ils ont aujourd’hui 60 ans voire plus, avec le souci de transmettre leur entreprise.

D’autre part, à quelques exceptions près, c’est un marché atomisé avec, en face, des gens qui sont en train de se structurer de manière forte que ce soit au niveau des salles de spectacle, des producteurs, etc. Notre projet est très simple. Avec Eric, nous voulons constituer, dans les mois et les années à venir, un groupe de spécialistes. J’insiste, parce que c’est vraiment important. On ne veut pas devenir généraliste au sens hypermarché de la prestation. Nous voulons constituer un ensemble de sociétés ultra spécialisées chacune dans leur domaine, capables d’adresser les 3 segments, spectacle vivant, audiovisuel et événementiel sur les 4 principaux métiers de la prestation technique : le son, la lumière, la vidéo et la structure.

SLU : En France ou avec une vue sur l’Europe ?

Eric Barthélemy : Pour l’instant notre réflexion se concentre sur le marché français.

Yannick Bétis : Mais on regarde comment les choses sont organisées dans d’autres pays parce que c’est toujours intéressant de tirer des enseignements des bonnes pratiques. Nous avons rencontré des dirigeants de sociétés à l’étranger pour comprendre comment ils travaillent et pourquoi les marges sont meilleures qu’en France, par exemple en Angleterre.

Eric Barthélemy : Notre projet, au départ, c’est une vision, une compréhension du marché français. Mais effectivement, nous devons être attentifs à ce qui se passe dans les pays voisins, éventuellement en mieux ou autrement. Yannick et moi avons eu l’occasion de travailler de nombreuses années dans plusieurs pays européens, il ne faut surtout pas s’interdire de regarder ce qui peut être fait autrement, voire mieux que chez nous. Et s’il y a des choses intéressantes à faire qui dépassent le cadre des frontières, on y réfléchira… en temps voulu.

Yannick Bétis : Mais pour l’instant nous somme attachés à la France. J’aime bien faire un parallèle avec Chanel qui dans la haute couture a racheté tous les petits métiers (plumassier, brodeurs etc..), pour garder l’identité de cet artisanat qui était un vrai savoir-faire à la française, sur des métiers rares. Aujourd’hui, les sociétés auxquelles on s’intéresse ont le même savoir-faire en prestation. Donc Phase 4 c’est l’audiovisuel et la lumière avec un savoir-faire qui est reconnu. Plus que reconnu en fait, puisque c’est la référence absolue sur son métier.

SLU : En effet c’est une pépite !

Yannick Bétis : Voila ! L’idée est d’associer des pépites, de les structurer et, par capillarité, d’amener une société comme ON OFF, qui fait du son dans le spectacle, à travailler demain pourquoi pas dans le son pour l’audiovisuel et à développer aussi l’événementiel. Et en agrégeant d’autres sociétés, de structurer notre projet. Aujourd’hui nous avons ON OFF et Phase 4 mais on ne va pas s’arrêter là.

SLU : Aujourd’hui, Phase 4 est positionné sur un marché, celui de l’audiovisuel. Vous allez donc développer son activité sur d’autres marchés ?

Eric Barthélemy : On tient déjà à protéger et à développer notre positionnement avec Phase 4 sur l’audiovisuel, mais nous comptons aussi très rapidement être présents sur d’autres segments.

SLU : Et vaincre l’étanchéité entre segments ?

Yannick Bétis : L’étanchéité est dans l’état d’esprit français. Il est difficile de changer de secteur d’activité. Nous l’avons bien connu avec Eric dans nos parcours professionnels. Nous avons transgressé les règles. Aujourd’hui dans les métiers qui concernent ON OFF ou Phase 4, nous sommes exactement dans la même logique. Ce cloisonnement est idéologique, dogmatique, c’est tout. Les matériels mis en œuvre sont sensiblement les mêmes.
A nous de savoir constituer nos équipes en fonction des spécificités de chacun des segments, ou de développer chez certains technicien une vraie polyvalence sectorielle. Et commercialement, à nous de savoir nous adresser aux bonnes personnes avec le bon discours sur chacun des segments. L’originalité du projet tient dans le fait que nous voulons agréger les meilleurs experts en ayant dès le départ une vision transversale sur les 3 grands segments. Nous voulons dès le départ adresser la totalité de cette matrice.

Eric Barthélemy : Mais il est vrai qu’il y a aujourd’hui un cloisonnement qui est, comme le disait Yannick, complètement dogmatique. Je suis absolument convaincu que nous allons très vite montrer que Phase 4 sait très bien faire de la lumière dans le spectacle vivant, par exemple. Nous travaillons sur ce sujet de décloisonnement depuis un certain temps. Nous n’avons pas attendu d’avoir finalisé Phase 4 pour commencer à l’amorcer. Alors oui, cela prendra un peu de temps pour faire changer les mentalités, pour aller à l’encontre de certaines habitudes. Il y a quelque chose de paradoxal dans le fait de faire les meilleures propositions, tant techniques que financières, et de ne pas être retenu, mais l’inertie au changement est à la fois naturelle et compréhensible. Mais une fois que les premiers clients franchiront ces barrières, les choses vont s’accélérer. Les dossiers de croissance externe sur lesquels nous travaillons nous aideront également.

SLU : Une question indiscrète : d’où viennent vos fonds ?

Eric Barthélemy : Ce que je veux simplement dire à ce sujet c’est que c’est notre projet à Yannick et à moi et que c’est nous et nous seuls qui sommes aux manettes.

Yannick Bétis : Nous avons la chance d’avoir des partenaires bancaires efficaces, convaincus par la pertinence de notre projet, qui nous accompagnent depuis le début. Un partenaire financier nous a rejoints sur l’acquisition de Phase de manière très minoritaire. Nous avons l’habitude des problématiques de financements grâce à nos expériences professionnelles passées. Et, ce qui est le plus important, nous contrôlons notre groupe et nous le dirigeons.

Eric Barthélemy : Aujourd’hui nous avons le contrôle de notre groupe à 95 %. Et je reviens sur un des points que nous avions abordés lors de notre discussion au sujet d’ON OFF. Yannick et moi, nous sommes partis sur un projet de vie. Ce projet n’est concevable pour nous qu’à partir du moment où nous le maîtrisons et qu’il ressemble à nos convictions.

SLU : Comment êtes-vous organisés. Vous partagez-vous les rôles financier, commercial, organisationnel ?

Yannick Bétis : Nous constituons un véritable duo, c’est une des données fondamentales de notre projet. Nous sommes actionnaires tous les deux, à part égale dans notre holding, et nous dirigeons le groupe de manière collégiale. D’ailleurs, nous avons décidé de partager le même bureau à l’allemande, c’est à la fois une source d’efficacité et un symbole de notre manière de fonctionner. Alors évidemment, nous avons chacun des domaines de prédilection, sur lesquels l’un ou l’autre a le lead. Par contre, nous sommes tous les deux totalement impliqués sur la partie commerciale.

SLU : Envisagez-vous de réunir les deux entreprises sur un même site ?

Yannick Bétis : Oui, ici à Torcy, en fin d’année.

SLU : Comment évolue ON OFF ? J’ai entendu précédemment le chiffre de 50 % de croissance !

Eric Barthélemy : ON OFF se développe de manière importante, et effectivement en 2015 on va faire à peu près 50 % de croissance par rapport à 2014.

SLU : Sur quels segments de marché ?

Eric Barthélemy : Pour le moment sur le marché du spectacle vivant et les sous-segments historiques d’ON OFF que sont les comédies musicales, les tournées, nous avons 6 tournées importantes simultanément sur la route. Nous faisons un gros travail auprès des festivals, auprès des salles dans lesquelles y a des concerts régulièrement, et bien sûr auprès des productions. Nous voulons être le plus proche possible du terrain. C’est aujourd’hui nous pour une grande partie qui portons le développement de la société.

SLU : José et Guy ont-ils un peu levé le pied ?

Eric Barthélemy : Non, au contraire, ils l’on même plutôt enfoncé, et ça nous fait extrêmement plaisir. On aurait pu craindre un certain relâchement après la signature, malgré la qualité de la rencontre et l’adhésion à notre projet. Mais pas du tout, José et Guy sont complètement à fond, avec nous pour le développement de l’entreprise. Plus généralement, nous avons responsabilisé et impliqué chacun des membres de l’équipe, et on sent un enthousiasme et un engagement de tout le monde. Le projet est vraiment porté par toute l’équipe.

SLU : Parce que 50 % de croissance ce n’est pas rien…

Yannick Bétis : Et nous avons recruté deux personnes : un chargé d’affaires début avril qui était un de nos intermittents régisseurs et que nous avons embauché. Et nous renforçons la direction technique avec une jeune femme qui sort de l’école Louis lumière. Elle va travailler avec Nicolas Delatte. Toujours en cohérence avec notre volonté de développer l’entreprise.

SLU : J’ai appris que vous avez rentré un nouveau système de diffusion chez ON OFF.

Eric Barthélemy : Oui, un système complet JBL VTX. Il tourne actuellement sur la tournée de M Pokora pour laquelle ON OFF assure le son. C’est d’ailleurs l’équipe de Phase 4 qui a fait la création des images diffusées en vidéo.
Mais nous avons aussi investi dans du d&b avec le nouveau Y dont nous sommes très satisfaits, des consoles. Et nous avons renouvelé une bonne partie du câblage. Au total plus d’un million d’euros en 8 mois.”

Un vrai groupe de sociétés de prestation se construit, avec la cooptation des ainés, donc dans le respect des valeurs qu’ils défendent depuis l’origine de leur entreprise. Yannick Bétis et Eric Barthélemy sont sur le pont, les mains dans le cambouis, suivant une logique entrepreneuriale, autrement dit une vraie politique de développement tant humain que matériel.
C’est ce que l’on peut souhaiter de mieux dans le paysage de la prestation française qui va inéluctablement changer de visage. Nous leur souhaitons la pleine réussite de leur projet et vous tiendrons informé de leur progression.

Plus d’infos dans SLU : Guy Vergnol et José Tudela cèdent ON OFF à Yannick Bétis et Eric Barthélemy
http://www.phase4.fr/
http://www.onoffaudio.fr/

Crédits - Monique Cussigh

Laisser un commentaire