Vincent Houzé créateur de contenu vidéo aux multiples talents

La très originale exposition Capitaine futur et la super nature, qui se tient actuellement à la Gaîté Lyrique, comporte une création interactive très originale : “Fluid Structures 360°”. L’occasion pour nous de rencontrer son auteur Vincent Houzé, un artiste français bourré de talent, d’idées et d’imagination qui a fait du code son premier médium.

La Gaîté Lyrique a consacré sa plus grande salle de projection à une expérience liquide interactive.

Les premières impressions sont saisissantes quand on entre dans cette grande salle de 14 mètres par 7 mètres dont les murs de 6 mètres de hauteur sont couverts de projections. On se sent comme aspergé par une cascade de pixels renforcés du fond sonore.
On bouge un bras, l’eau s’écarte, une jambe, elle ruisselle, et puis très vite on se laisse aller à d’autres figures plus artistiques dans une expérience synesthésique. C’est un plaisir de pouvoir interagir en temps réel avec ces projections. On rêve de retrouver ce type d’installation appliqué au spectacle, vivant ou AV.

Vincent Houzé, l’auteur de la création Fluid Structures – 360°

SLU : Vincent, tu es réalisateur indépendant aujourd’hui, quel a été ton parcours ?

Vincent : Après un début de carrière frustrant d’ingénieur informaticien, le master Arts et Technologies de l’Image (ATI) à Paris 8 m’a ouvert les yeux sur les possibilités de création que permettent les outils numériques et la programmation.
J’ai alors commencé par travailler plusieurs années dans les effets visuels numériques (VFX) sur des films, de la pub et des productions artistiques indépendantes, entre Paris (Illumination MacGuff) et Londres (Framestore, Field.io), avant de m’installer à New York et me tourner vers les installations interactives, un domaine nouveau qui me semblait prometteur.
Après quelques années en design et développement pour le studio AV&C à Manhattan, et des opportunités intéressantes, comme participer aux premières éditions du festival Day for Night à Houston, je me suis mis à mon compte pour développer mes propres installations.

SLU : Quel est le lien entre ton inspiration et les innovations techniques permettant aujourd’hui la simulation de fluide ?

Vincent : Mes années dans le monde des effets spéciaux à étudier comment reproduire de façon numérique des phénomènes naturels complexes m’ont beaucoup influencé.
Dans la nature, les mouvements fluides, tels que cascades, rivières ou encore nuages et fumées volcaniques sont détaillés à l’infini sans jamais se répéter à l’identique. Les progrès techniques rapides permettent de nos jours de simuler ces phénomènes de façon interactive ce qui auparavant nécessitait des heures voir des jours de calculs.

Les lois de l’apesanteur évoluent au cours de la projection et la matière se transforme.

Je m’intéresse donc à recréer ces phénomènes en modifiant les lois physiques naturelles pour donner vie à des compositions à la fois familières et surréalistes tout en encourageant le public à prendre part à l’œuvre par le biais de capteurs de mouvements.
Le code me permet alors de contrôler ces systèmes interactifs et visuels mais aussi d’intégrer les dernières innovations logicielles disponibles à mes créations. Ces innovations permettent d’imaginer des œuvres à plus grande échelle et dans différents formats. En fonction de différents paramètres tel que le type de création, le lieu, mais aussi le budget, on choisira plutôt les panneaux à leds ou le vidéoprojecteur.

Le temps ralentit et l’apesanteur disparaît à l’occasion de la projection de Fluid Structure 360° en Chine.

SLU : Dans quel cadre Fluid Structure 360° a-t-elle déjà été projetée ?

Vincent : Elle a tout d’abord été projetée sur un mur de 12 mètres par 4 à l’occasion du festival Google I/O 2017 en Californie, USA, puis au centre culturel Mana Contemporary à Jersey City près de New York, dans un format de diptych.
A cette occasion, deux projections de 5,5 m x 3 m se faisaient face. Puis elle s’est exportée en Chine, à Shanghai d’abord, puis à Xi’an. Dans les deux cas c’est un mur de leds totalisant 10 m x 3 m qui l’ont accueillie.

Un mur d’eau ruisselle et les spectateurs le contrôlent grâce à la reconnaissance de leurs mouvements devant les panneaux de leds.

SLU : Est-ce que tu avais pensé ton œuvre pour qu’elle puisse être projetée dans une pièce comme celle de la Gaité Lyrique ?

Vincent : La pièce de la Gaîté Lyrique présentait deux challenges. D’abord la taille, ce qui a nécessité plus de capteurs pour scanner toute la pièce, mais également le format à 360°, qui a nécessité de retravailler l’interaction côté logiciel.
Cependant, cette œuvre est par nature assez flexible car il n’y a pas de rendus vidéo. Je peux donc changer un certain nombre de paramètres instantanément pour m’adapter au support de projection comme ajuster la taille, la vitesse de la projection, ou encore modifier la position des capteurs. L’œuvre évolue donc au gré des différentes opportunités et j’espère qu’elle continuera à se développer pour d’autres formats !


SLU : Quels sont les logiciels que tu as utilisés pour cette installation ?

Vincent : En premier lieu, j’ai utilisé un logiciel nodal que j’apprécie, TouchDesigner. Par-dessus, j’ai fait pas mal de développements spécifiques comme intégrer la partie physique qui est une librairie de Nvidia. Une fois cette partie développement terminée, ça a été assez rapide de paramétrer les interactions en fonction de l’espace.
L’audio est un mix de bruitages de science-fiction et de chutes d’eau. La bande-son suit un cycle calé sur le style de simulation qui est projeté sur les panneaux.

Vidéo Fluid Structure 360 at La Gaîté Lyrique, Paris de vincent Houzé


SLU : On observe en effet différents cycles au cours de l’œuvre, l’eau semble être plus ou moins solide.

Vincent : Il y a essentiellement deux paramètres avec lesquels je joue. Le premier est la vitesse de la simulation. Il y a plusieurs moments où le temps s’étire, puis réaccélère, ce que j’exprime via la simulation de fluide qui ralentit puis étire ses formes. Le deuxième paramètre est un jeu sur la gravité qui permet de créer des paysages surréalistes à base de matière un peu étrange.

SLU : Cette installation fonctionne donc à l’aide de Kinects (capteurs de mouvements) accrochés au plafond pour identifier les personnes qui sont dans la salle ?

Vincent : En effet, il n’y a pas vraiment de reconnaissance de personnes mais plutôt un scan de leurs corps. Ces volumes sont utilisés pour créer des champs de forces qui vont pousser le liquide. Il y a également une analyse simplifiée du mouvement des volumes, ce qui permet aux spectateurs d’avoir un certain contrôle sur les liquides projetés.

Le visuel réagit en fonction du mouvement de la danseuse.


SLU : Penses-tu qu’une application de tes travaux pour des événements scéniques plus orientés spectacle ou concert soit possible ?

Vincent : J’ai eu l’occasion de contribuer à des contenus visuels réagissant aux sons et aux mouvements pour des concerts par le passé, et également avec une danseuse. Effectivement ce sont des choses que j’aimerais explorer davantage.

Pour le concert de NeonIndian, Vincent Houzé a collaboré à la création du contenu vidéo.

SLU : Récemment, tu as eu l’occasion de projeter ton travail sur un écran encore plus grand pour la Société des Arts Technologiques (SAT) de Montréal. Peux-tu nous en dire plus ?

Vincent : En effet, j’ai présenté début mai une nouvelle performance appelée Créatures dans la Satosphère. J’ai travaillé en collaboration avec un duo originaire de Brooklyn qui se prénomme Dave & Gabe et qui s’est occupé du son. La Satosphère est une salle de projection sphérique de 18 m de diamètre et de 12 m de hauteur. Elle est équipée de 8 projecteurs et 157 haut-parleurs.

Une expérience immersive plonge les spectateurs dans une sorte de voyage aux décors sous-marin à la SAT de Montréal – Crédit photo : Sébastien Roy

Un voyage poétique et irréel (La SAT située à Montréal) – Crédit photo : Sébastien Roy

Créatures est une expérience audiovisuelle immersive mélangeant graphisme calculé en temps réel et son spatialisé, dans laquelle les visuels et les sons interagissent de manière transparente et mutuelle. Il n’y a pas de liquide dans cette œuvre, mais on retrouve une inspiration de mouvements naturels. C’était ma première œuvre au format dôme et ça a présenté un challenge intéressant de par la taille et la spécificité du format.


SLU : Quels sont les prochains évènements qui accueilleront ton travail ?

Vincent : D’autres événements se profilent à l’horizon mais rien de confirmé, pour l’instant donc retour au studio pour préparer de nouvelles installations !

Crédits - Texte Allison Cussigh

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