Avec Sylvain Masure, place au son de Mass Hysteria pour un voyage au pays du Metal

Après les lumières avec Thomas Desrosiers, place au son de Mass Hysteria pour un voyage au pays du Metal avec Sylvain Masure qui mixe avec talent ce groupe. Humilité, compétence et zéro secret, autant dire qu’on s’est régalé avant, pendant et après pour écrire ces lignes.

SLU : Sylvain, tu es spécialisé Metal ?

Sylvain Masure : Je mixe un peu de tout mais ces dernières années, j’ai surtout mixé du Metal. J’ai tourné avec Alb, un groupe de pop, un super duo guitare batterie avec pleins de machines. J’ai aussi mixé de l’électro, mais j’ai surtout tourné avec des groupes de Metal et notamment Mass Hysteria et d’autres comme Hangman’s Chair qui ouvre ce soir.

SLU : Et Mass Hysteria depuis combien de temps ?

Sylvain Masure : Depuis 2013. Quand j’ai commencé, j’étais remplaçant puis je suis devenu le mixeur officiel du groupe en 2015.

SLU : Comment es-tu arrivé dans le son ?

Sylvain devant sa SD8 DiGiCo en plein show.

Sylvain Masure : Je suis musicien depuis l’adolescence. Je joue de la guitare. J’ai joué dans des groupes et puis j’ai commencé à m’intéresser au son grâce à un petit enregistreur numérique que j’avais à la maison.
Ensuite j’ai décidé d’étudier le son à l’ISTS Paris, une division de l’Esra. Pendant mes études, j’ai mis mon nez dans le live avec des groupes de potes qui tournaient et j’ai appris comme ça.
J’ai aussi travaillé à La Cartonnerie à Reims. Comme je vis là-bas, j’ai commencé à bosser pour eux il y a douze ans. Cela m’a permis de rencontrer des groupes et de fil en aiguille, j’ai tourné avec L’esprit du clan puis pour Hangman’s Chair et d’autres et enfin Mass Hysteria.

SLU : Quel est ton mode de travail. Tu es fidèle à ce qui t’arrive de la scène ou tu produis le son ?

Sylvain Masure : Je produis. On a choisi d’utiliser sur cette tournée des triggers sur la batterie. Je mixe principalement du son de fût et un peu de trigger en renfort pour les mouvements très rapides. Sur les toms et la caisse claire c’est à peu près 70 % de fût et 30 % de trig. Par contre sur la grosse caisse c’est l’inverse pour avoir vraiment un impact permanent avec quand même un peu de dynamique pour éviter que ça devienne mécanique et pas beau du tout.

Raphaël Mercier le batteur de Mass durant la balance. On voit bien les deux overhead AT4040

Rapha frappe fort, bien, vite et surtout de manière constante. Il n’y a pas longtemps on a fait un concert à Bordeaux où le batteur de la première partie qui était ultra-fan du groupe nous a demandé de jouer le dernier morceau et on l’a laissé faire.
Le mec est très bon mais on a dû pousser de 3 dB pour compenser la différence d’intensité de frappe, c’est-à-dire que Raphaël frappe deux fois plus fort que l’autre batteur qui joue très, très bien.

SLU : Tu utilises quoi comme sons ?

Les micros directement fixés à même les pieds et les fûts, un joli mélange de Sennheiser, Audix, Audio-Technica et Beyer sur le GROS tom basse. De très bons choix.

Sylvain Masure : Des samples que j’ai récupérés dans des banques de sons, que l’ai mélangés et réadaptés. La grosse caisse c’est la banque de son de Trigger et les fûts viennent de Toontrack qui est une autre banque de sons de batterie assez orientée Metal.

J’ai la chance de pouvoir avoir accès à une salle de La Cartonnerie et à du Spektrix Adamson. Du coup j’ai pu réécouter sur une vraie diff les samples choisis dans mon home studio et je les ai retravaillés pour avoir un rendu naturel qui sonne dans une salle de concert.

SLU : Les micros, tu les as choisis comment…

Sylvain Masure : Je suis parti avec un kit Audix parce que je trouve que ça marche hyper bien. Notamment pour les toms, les séries D2 et D4 ont un son vraiment nickel. Sur la caisse claire, j’ai un i5. C’est un peu l’équivalent du SM57 avec plus de bas médium et c’est ce que je cherche dans la caisse claire Metal.


Rapha près de sa batterie. Remarquez les micros Audix et et les triggers pincés sur les cercles.

On veut du bas mid, on veut de la caisse claire profonde. J’ai choisi de mettre un i5 au-dessus et en dessous.
Sur le charley j’ai des E614 Sennheiser qui sont des petits statiques. Très discrets et supercardioïdes donc du très bien car j’évite de prendre trop de repisse.
Sur les overhead, j’ai des AT 4040 Audio-Technica, des statiques à large membrane impeccables et que j’utilise depuis longtemps.

SLU : Et les guitares ?

Sylvain Masure : Sur les guitares on a le Torpedo de Two notes, qui est un simulateur de HP. En plus on a un vrai box guitare sur scène par côté, pour avoir quand même du son de guitare sur le plateau. Du coup je mélange le Torpedo et le micro à 50-50 en retardant le micro pour rattraper le retard du Torpédo qui a une partie numérique. D’un côté j’ai un i5 à cause de son bas-mid et de l’autre j’ai un SM57.

Un des racks guitare avec deux têtes d’ampli, une Triple Rectifier Mesa Boogie et une EVH (Eddie Van Halen) 5150. Tout en haut, le Torpedo qui doit avoir chaud aux fesses avec autant de tubes !

Chaque guitare a son univers et ça permet qu’elles soient un peu différentes pour les distinguer dans la masse sonore. il ne faut pas que ce soit de la bouillasse. Du coup avoir deux sons typés différemment, ça aide.
On utilise aussi un Torpedo sur la basse en revanche sans ampli. On a un préampli de la même marque qui s’appelle Le Bass! et derrière le simulateur, le C.A.B. M toujours de Two notes .
Ce n’est pas tout à fait la même machine mais ça fait la même chose. Ça permet d’avoir un son propre avec beaucoup de contrôle et la possibilité de changer de basse si on a envie.

SLU : Est-ce que le son du groupe a des codes que le style musical impose ou bien peux-tu travailler les instruments librement ?

Une fois encore Two notes fait le taf pour la basse dans ce pédalier très bien agencé, avec en bas à gauche, Le Bass!

Sylvain Masure : Oui il y a des codes dans le Metal mais je suis assez libre. À partir du moment où on a des guitares très saturées donc très peu de dynamique, il y a des choses qui s’imposent un peu naturellement.
Le truc c’est de tout faire rentrer dans une petite boîte. Il faut faire ça doucement pour que ça marche. J’ai une liberté dans les choix des effets. Le groupe me dit s’il aime ou pas. Ils ont validé des choix en résidence.
En tournée, ils savent ce que je fais et ne s’en préoccupent pas. Ils aiment bien les effets que j’insère. Je n’ai pas de retours négatifs en général.

SLU : Avec quels outils tu travailles ton mix ?

Sylvain Masure : Au niveau de la console, j’ai choisi une DiGiCo SD8 parce que je l’ai employée lors de la tournée Pleymo et je l’ai vraiment bien aimée et trouvée très confort pour bosser. Je l’ai eue pour la tournée de Mass par le biais d’un prestataire de Cambrai qui s’appelle Le Hangar à Sons et dont le patron n’est autre que l’ingé son de Matt Bastard et Skip The Use. On se connaît bien et on a eu la possibilité de l’avoir avec le gros serveur Waves Extreme plus la M32 des retours à des conditions avantageuses.

Sylvain et sa SD8 dans la régie du Zénith.

Avoir sa console pour toute la tournée au lieu d’utiliser celle des salles qui nous accueillent permet d’aller beaucoup plus loin comme utiliser les triggers ou appliquer un delay aux micros quand nécessaire. Ça prendrait beaucoup trop de temps en balance de tout refaire dans chaque salle. La SD8 est aussi ultra-souple, sachant qu’ici on est en profil Zénith, donc qu’il y a quelqu’un aux retours mais dans les clubs, il n’y a personne et je m’en charge seul. Je gère d’ailleurs deux départs ears depuis la face.

Cour, ses antennes, ses consoles, ses sides, ses mixeurs retours…

SLU : Ils sont pour qui les ears ?

Sylvain Masure : Le batteur et le bassiste. On a choisi de ne pas mettre d’ampli basse sur scène. Ne serait-ce que pour la scéno, et puis les amplis basse en Metal ça pollue vite un plateau.
Pour le batteur c’est une nécessité parce qu’il a le clic. Les trois autres musiciens préfèrent les wedges. C’est un groupe de Metal qui vient des clubs et existe depuis 25 ans donc ils n’ont pas trop envie de passer aux ears même si ça les intrigue. Mouss le chanteur, n’aime pas être coupé du public, il a besoin d’être dans le truc.

Du coup pour revenir au choix de cette console, c’est parce qu’elle a beaucoup de voies et de traitements. Cela m’a permis de doubler tout le patch pour avoir mes tranches pour la face et celles pour les ears et les retours dans des petits clubs. ll y a juste les gains que je n’ai pas le droit de toucher parce qu’ils sont communs.

Le patch et le stage fournis, comme son nom l’indique, par le Hangar à sons.

SLU : Du coup pendant le show, à la face…

Sylvain Masure : J’adapte en fonction des morceaux parce que Mass Hysteria change d’accordage guitare sur presque tous les albums. Ils descendent en tonalité avec les années.
J’ai quand même des mémoires par morceau, notamment pour les effets : les délais, les réverbes et l’égalisation s’il y a une tonalité qui change sur les vieux morceaux qui sont encore en Mi alors d’autres sont en La.
En fait j’ai trouvé un système avec les rappels de mémoires. J’ai mon son de guitare de base en Do et j’ai des petits points d’EQ qui sont activés en fonction des accordages en Mi ou en Ré qui sonnent vraiment moins grave. Idem pour les changements de guitare, je sais que sur tel morceau, la gratte est un peu trop agressive, je vais baisser un petit peu…

SLU : Le groupe ne te fait pas de surprises ?

Sylvain Masure : Non, ils sont très organisés et puis surtout dans la relation de travail, ils me font confiance. Fred a envie d’avoir son son de guitare à lui. Il veut que ça soit top. Parfois ça prend du temps, je le laisse travailler et à la fin il me donne quelque chose de bien. Si j’aime moins, je peux le lui dire et nous trouvons un compromis.

Une forêt de corps Marshall avec un i5 Audix bien décentré et un wedge Adamson.

SLU : Revenons au traitement de la dynamique.

Sylvain Masure :J’ai un rack Waves, donc des plug-ins ajoutés à ceux de la console notamment pour les effets ou pour certains traitements. J’ai évidemment des compresseurs sur beaucoup de tranches mais j’essaye quand même de ne pas trop exagérer. Ce qui est vraiment important c’est le compresseur que je vais mettre en sortie du master pour lisser le mix. Je me sers du plug SSL de Waves. Je trouve que ça marche hyper bien.

Des têtes, du Torpedo et deux récepteurs HF Sennheiser EW500

SLU : Les guitares sont en filaire ou en HF ?

Sylvain Masure : En HF. On a un système Sennheiser, les dernières versions EW500. En comparant le câble et la HF et en adaptant un peu les réglages du pocket, on a trouvé quelque chose qui marche très bien.
Tu perds un peu dans le haut, tu le sens quand tu écoutes la guitare toute seule mais une fois dans le mix, cette différence n’est plus audible pour le commun des mortels. Et puis pour Mass, c’est HF obligatoirement. Il ne faut aucun câble sur scène, ce serait trop dangereux.

SLU : Et pour les réverbes ?

Sylvain Masure : J’en ai plusieurs. Deux pour les toms, une normale et une large pour des effets de profondeur. J’ai une réverbe de base sur la voix et une très large pour des effets spéciaux, un délai qui est calé au tempo sur la voix uniquement et un léger chorus pour lui donner un peu d’épaisseur.


Sylvain loin de la face en train de monter le plateau. Petite équipe, grosse entraide.

SLU : Comment traites-tu la voix lead ?

Sylvain Masure : Ce n’est pas toujours simple. Elle est bien compressée avec beaucoup de traitements. Il faut qu’elle rentre dans une masse orchestrale très dense. Si je ne réduis pas sa dynamique je perds plein de mots et d’informations car, contrairement à la pop ou à la variété, la voix en Metal ne doit pas être au-dessus des instruments mais dedans.
Comme Mass Hysteria chante en français et c’est un groupe à texte, il faut trouver le bon ratio où l’on va comprendre les mots de Mouss, sans le placer 10 dB au-dessus des instruments.
Pour ça j’ai un rack externe avec les classiques : Distressor, un EQ SSL et un déesseur Empirical Labs. C’est une chaîne que j’ai l’habitude d’utiliser depuis des années avec plein d’artistes et ça rend très bien avec la liaison Sennheiser D6000 et la tête 9005 qui est une supercardioïde à électret. On est ravi du résultat.

Des boîtes, des boîtes, oui mais du canadien !

SLU : Qui fournit la diff ?

Sylvain Masure : Pour cette date à Paris c’est MPM. Pour Mass c’est exceptionnel de jouer dans un Zénith. On fait des clubs, des SMAC et c’est déjà très cool. Ce n’est pas un groupe qui peut partir en tournée des Zénith comme d’autres, donc c’est une date un peu unique pour nous aujourd’hui.

Le E15 à cour renforcé par 6 subs E219 en montage cardioïde. Tout à gauche et un peu dans le noir on aperçoit la bananette de 8 S7 en charge de combler le centre de la fosse.

SLU : Est-ce que tu t’adaptes à tout type de diffusion ?

Sylvain Masure : Oui car je vais dans des salles qui sont équipées donc je m’adapte toujours à ce que je trouve. Aujourd’hui je suis très content parce qu’on a du E15 Adamson qui est le système que je préfère. En plus c’est Boris Jochaud qui l’a calé et s’en occupe. Il a assuré la tournée d’Orelsan et c’est en plus un bon copain.

SLU : Boris, tu nous décris le système Adamson ?

Boris Jochaud : Il est composé de 12 E15 par côté, 6 sub E219 accrochés en cardio derrière chaque ligne, plus 4 E219 et 4 E119 au sol toujours en montage cardioïde.

L’effet de sol et les front fills avec 4 E219 et 4 E119 pour le bas plus 4 S10 dans la face et 2 x 3 autres S10 à l’aplomb du système. Avec les 8 S7 en douche, il y a de quoi attendre sereinement l’entrée des E15. Ca donne la banane à Sylvain.

SLU : Et pour déboucher les premiers rangs ?

Boris Jochaud : Il y a quatre S10 en lipfill posés sur les E119 et 6 autres S10 en front-fill posés sur scène sous les E15. Il y a enfin une grappe de S7 Adamson en douche pour boucher le trou qui se forme aux premiers rangs pile au centre avant que le système qui ouvre à 90°, ne le comble naturellement.

Une des grosses caisses de Raphaël. Audix D6 et trigger. Après c’est tout l’art de mélanger les deux, les mettre en phase et gérer la dynamique pour livrer à Boris de quoi faire voler les 19” Adamson tout jaunes.

SLU : Est-ce que tu cales le système d’une façon particulière pour le Metal ?

Boris : Oui, on a notamment travaillé sur la grosse caisse pour garder de la clarté dans les frappes rapides car Raffa fait un peu de double pédale, mais ce sont juste des points d’EQ dans l’infra.
On taille 5 dB à 43 Hz, 47 et 52 Hz, 4 dB à 60,5 Hz et 3,6 à 109 Hz. Ces points sont liés à la fois au lieu et aux habitudes en Metal pour que l’infra et le bas soient précis.

SLU : Le niveau SPL doit-il être très élevé en Metal ?

Sylvain Masure : Il faut délivrer une sensation de masse sonore. Personnellement, je respecte les niveaux donc je me conforme au sonomètre des salles, et au décret. En Metal, on a le même niveau tout le long du concert. Il n’y a pas de dynamique, je ne peux pas jouer avec les niveaux comme pour certains artistes de variété où je peux monter un peu sur des moments faibles.

Du side bien français avec deux SB28 et deux ARCS.

Ici, il faut que je sois à 102 dB dès le départ sinon, je suis battu. La dynamique du mix est d’environ 3 dB sauf à des moments où tu n’as plus qu’une guitare.
J’essaie de ne pas partir dans l’extrême, ne pas faire un truc ultra-compressé mais malgré tout c’est ce que le public attend et puis c’est ce qu’on a envie d’entendre avec ce genre de musique. Je fais quoi qu’il en soit attention, y compris à mes oreilles.

SLU : Es-tu un fan de Big Mick?

Sylvain Masure : Non, pour être honnête je n’ai vu Metallica qu’une fois en concert. C’était lors d’un festival à Montréal en 2014 auquel participait Mass Hysteria, et je n’ai pas du tout aimé le son, J’ai trouvé en plus que ça jouait beaucoup trop fort. Je m’intéresse à ce que fait Big Mick, j’ai lu des interviews, il dit des choses qui m’intéressent mais je ne suis pas particulièrement un fan.

Mass is on fire !

SLU : Est-ce que tu as des personnes à remercier ?

Sylvain Masure : Oui, vous déjà (rire) mais si je dois remercier des gens, ce sont bien ceux qui composent l’équipe de tournée. Ça s’est super bien passé. Le groupe évidemment et puis toute l’équipe technique, Jonathan Maingre le Tour Manager, Jimmy Goncalves aux retours, Thomas Desrosiers aux lumières, Gérard Germis assistant lumières, Damien Perrin au backline, Romain Dronne qui a Wysiwygué les lumières et enfin Charles Colette au merchandising.

SLU : C’est une passion le Metal pour vous tous ?

Sylvain Masure : Pour la plupart, on écoute cette musique et c’est vrai que c’est préférable pour rentrer dans ce milieu. Les connexions ne se font pas vraiment entre la variété, la pop et le Metal, en France en tout cas. On se connaît tous maintenant, on a un petit peu notre salon professionnel qui est le Hellfest où on retrouve tous les copains qui font cette musique et tous les techniciens. Ça ne nous empêche pas d’aimer d’autres styles de musique, mais c’est vrai que j’écoute du Metal depuis que j’ai 12 ans et j’en écoute toujours.


Mass Hysteria avec son public génial. Vous imaginez le même sans fosse et un spectateur tous les deux sièges ?

Crédits - Texte et Photos : SLU

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