Nouveau décret son

Ne m’appelez plus jamais 105, trois dB m’ont laissé tomber…

Vous connaissiez tous le décret n° 98-1143 du 15 décembre 1998. Sachez qu’il y a du nouveau car l’été est toujours propice à la publication plus ou moins discrète de textes législatifs. Bienvenue donc au décret 102 dBA, le n° 2017-1244 du 7 août 2017 ! Seulement trois dB de moins ? Non, c’est nettement plus subtil que ça. Nous vous proposons quelques rapides points de réflexion et le texte complet des deux décrets, l’ancien et le nouveau et reviendrons à la rentrée avec un dossier plus complet.

Pour celles et ceux que le sable, le sel et le soleil ont rendu lézard voire gecko, résumons ce nouveau décret. Désormais l’exploitant du lieu clos ou ouvert, que ce soit le producteur, ou bien le diffuseur qui dans le cadre d’un contrat a reçu la responsabilité de la sécurité du public, ou encore le responsable légal du lieu de l’activité qui s’y déroule, doit faire en sorte que le son ne dépasse, à aucun moment et en aucun endroit accessible au public, les niveaux de pression acoustique continus équivalents 102 décibels pondérés A sur 15 minutes et 118 décibels pondérés C sur 15 minutes.

La première grosse lacune du vieux décret « 105 », les lieux ouverts, est donc comblée. Le nouveau texte précise bien que sont concernés les lieux ouverts au public ou recevant du public, clos ou ouverts, accueillant des activités impliquant la diffusion de sons amplifiés dont le niveau sonore est supérieur à la règle d’égale énergie fondée sur la valeur de 80 décibels pondérés A équivalents sur 8 heures. Vous l’avez compris, il ne va pas être simple de contourner cette définition.

Un sonomètre intégrateur avec enregistreur et afficheur Amix

Pour revenir au niveau, ce ne sont donc pas que 3 dBA qui passent à la trappe, mais d’une façon plus intelligente, le législateur introduit la notion de 15 minutes d’intégration pour la mesure ce qui réduit d’autant la possibilité de laisser filer le niveau d’une partie du concert en « se rattrapant » sur certains titres.
Arrive aussi dans le nouveau décret la mesure pondérée C qu’on a beaucoup fantasmée durant les presque vingt ans qu’aura duré le « 105 ». Désormais et pendant la même durée d’intégration de 15 minutes, on ne pourra plus dépasser 118 dBC.

Ci-dessous et pour mémoire, les deux courbes A et C. Il paraît évident que le riggeurs et plus encore les fabricants de structures et d’enceintes vont se frotter les mains car il sera quasiment impossible de laisser les subs au sol. La réserve de sensations et de contour nichée dans le trou de la pondération A disparaît quasi entièrement puisqu’en C, le 40 Hz est intégré à -2dB comparé aux -30 dB en A… Il sera toujours possible de remplir un mix avec de l’infra, mais certaines exagérations actuelles seront techniquement irréalisables.

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Le guidage du grave, sa répartition et la gestion des interférences dans cette partie du spectre vont donc devenir fondamentaux pour garder aux spectacles le côté événementiel et physique que le public recherche, surtout dans certaines musiques.
Il en va de même pour la pollution des plateaux qu’il faudra réduire autant que possible afin d’éviter la surenchère réparatrice de la face pour rééquilibrer les premiers rangs, une débauche de décibels que le nouveau décret ne permettra plus.
Un travail sur la dynamique et la densité du mix vont aussi sans doute être nécessaires pour faire le plus joli « paquet cadeau » comme dirait Yves Jaget, tout en tenant dans le nouveau double gabarit. A terme on pourra aussi imaginer que les fabricants travaillent sur des modèles d’enceintes plus à l’aise avec la fidélité, la couverture et la réponse en fréquence que le simple SPL Max.

Une antenne de subs en montage cardioïde. Efficace pour aller loin, mais fatalement en infraction avec la nouvelle législation.

Outre respecter le niveau, il va aussi falloir l’afficher à destination du public et garder un enregistrement en A et C durant une période allant jusqu’à 6 mois. Il faudra aussi informer le public sur les risques auditifs, mettre à sa disposition à titre gratuit des protections auditives individuelles adaptées au type de public accueilli dans les lieux.
Et, attention ça va faire du bruit, créer des zones de repos auditif ou, à défaut, ménager des périodes de repos auditif, au cours desquelles le niveau sonore ne dépasse pas la règle d’égale énergie fondée sur la valeur de 80 décibels pondérés A équivalents sur 8 heures. En clair des entractes, surtout pour les salles où le bar n’est pas séparé. Pas facile aussi pour les clubs.

Un montage central, en accroche des subs. Sans doute une piste à privilégier dans le futur quand ce sera techniquement possible.

Curieusement les cinémas devront respecter la limite en niveau mais pas l’afficher et l’enregistrer, pas plus que d’informer le public sur les risques auditifs et proposer des protections. Certes rares sont les salles et les films qui bastonnent, mais l’exclure ainsi permettra sans doute à certains lieux polyvalents de se simplifier un peu la vie ;0)

En cas de dépassement avéré du niveau ou de non fourniture des enregistrements et de l’attestation de vérification de l’enregistreur, la sanction sera une amende de 5e classe, soit 1 500 euros au plus, montant qui peut être porté à 3 000 euros en cas de récidive lorsque le règlement le prévoit, hors les cas où la loi prévoit que la récidive de la contravention constitue un délit.
Enfin les personnes physiques ou les personnes morales déclarées responsables, encourront également la peine complémentaire de confiscation des dispositifs ou matériels de sonorisation ayant servi à la commission de l’infraction.

Pour conclure sachez que les dispositions du présent décret s’appliquent aux lieux nouveaux dès la parution de l’arrêté et, pour ceux existant, un an à compter de la publication du même arrêté et au plus tard le 1er octobre 2018.
Pour bien analyser les changements induits par ce décret, cliquez sur les deux liens ci-dessous pour télécharger le 105 et le 102 et on se retrouve dans quelques semaines pour un article plus complet autour de cette nouvelle réglementation à venir.

 

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