Avec Spectera, Sennheiser a fait le choix d’une révolution complète dans l’architecture et l’exploitation de son premier système sans fil intégrant la technologie WMAS. Des performances améliorées sur le plan audio et HF, des transmissions configurables en termes de qualité et de latence sur une large bande de fréquences, une nouvelle gestion des antennes et de nouveaux boîtiers pocket bidirectionnels appairés à une nouvelle station de base créent ainsi un système sans fil ultra performant, configurable dans un écosystème prêt à de futurs développements.
Il est alors nécessaire de repenser totalement la façon d’appréhender une prestation audio sans fil. Avec une commercialisation qui a débuté au printemps de cette année, nous étions impatients d’en savoir plus sur le terrain. Pour cela, nous avons retrouvé l’ingénieur retour Nicolas D’Amato et l’opérateur HF Hugo Pacé, accompagnés de l’équipe Sennheiser, Charly Fourcade, Hadrien Soulimant et Ann Vermont aux Francofolies, pour un concert exceptionnel de M avec Lamomali, où l’intégralité des IEMs plus quelques micros étaient en Spectera.
Pendant que la régie retour s’installe, l’équipe Sennheiser nous accueille dans sa demo room, située au sein du théâtre de la Coursive, afin de nous dévoiler les toutes dernières évolutions du système Spectera.

SLU : Un partenariat a été mis en place entre Sennheiser et les Francofolies ?
Hadrien Soulimant : C’était une envie de notre part d’être présent ici et le Régisseur général du festival, David Prévost, nous a ouvert la porte. Nous voulions apporter du sens à notre partenariat et nous avons proposé de sponsoriser le « Chantier des Franco » en équipant la salle qui accueille les artistes émergents chaque année de janvier à mai.
Les artistes y développent leurs shows et certains d’entre eux feront ensuite leur première scène aux Francofolies. Nous intervenons aussi sur le spectacle hommage à un artiste de la chanson française qui ouvre le festival sur la scène du théâtre La Coursive. Dans le cadre de notre partenariat qui s’étend sur 3 ans, le festival a mis à notre disposition une salle qui nous permet d’accueillir les professionnels présents lors du festival pour leur faire découvrir nos solutions.
Notre système Spectera est aussi présent au plateau de la scène principale avec six boîtiers et deux antennes. Une interface Merging Anubis permet son câblage en analogique sur le PFL des régies retour qui passent sur le festival, pour que chaque ingénieur qui ne dispose pas de MADI ou de Dante, puisse facilement évaluer le système. L’utilisation de notre matériel se fait toujours avec la validation de la direction technique, en bonne intelligence.
SLU : Quelles sont les nouveautés depuis notre dernière présentation de Spectera ? (voir article SLU)
Charly Fourcade : Des améliorations importantes ont été apportées sur le temps de resynchronisation du pack, qui est la plupart du temps en dessous des 6 secondes, contre une dizaine auparavant. Le walktest également, que l’on peut télécharger et charger dans le site web de SoundBase
SLU : Peut-on dire que les packs du système Spectera fonctionnent comme un smartphone ?
Charly Fourcade : Oui, c’est une bonne analogie. A l’allumage le bodypack cherche le canal auquel il appartient, un peu comme lorsqu’on désactive le mode avion de son mobile. Par exemple, quand l’artiste s’éloigne de la scène avec ses ears, son pack peut sortir de la zone de couverture. Quand il reviendra sur scène, il se resynchronisera, même si la fréquence du canal RF a entre-temps changé.
SLU : Et le micro main, quand arrive-t-il ?
Charly Fourcade : C’est en cours. Les premiers résultats sont concluants. Il utilisera les mêmes batteries que les bodypacks SEK (batteries BA70) et sera compatible avec toutes les capsules à interface standard Sennheiser(G4/2000/EW-DX/D6000). Sa commercialisation est prévue pour 2026.

SLU : Spectera est un système très ouvert qui verra de nombreux développements futurs ?
Charly Fourcade : Effectivement, le système permet des évolutions assez nombreuses. Afin de pouvoir arbitrer sur le développent de celles-ci, Sennheiser a mis en place plusieurs canaux d’échange avec les utilisateurs Spectera. Sur le site my.sennheiser.com, une interface sous forme de page web permet de suggérer, voter ou commenter de nouvelles features, mais aussi voir ce qui est déjà prévu et confirmé pour l’avenir (Spectera Roadmap). Il y a aussi un canal Discord ou une communauté échange directement avec l’équipe Sennheiser. (Plus d’info sur www.sennheiser.com/spectera-lab) On peut voir par exemple que le mode « engineer » est prévu pour janvier l’an prochain, que l’idée d’une unité pour 8 antennes additionnelles est considérée, etc…
SLU : Des limites de volume d’écoute pour les IEM ont aussi été ajoutées ?
Charly Fourcade : Oui. Cela permet de fixer une fenêtre de volume pour l’IEM de l’artiste. Quoi qu’il fasse sur son boitier, la limite basse et haute de volume le préserveront soit d’un très fort niveau, soit d’une niveau insuffisant. Évidemment on peut régler cette fenêtre à distance et agir sur le volume dans celle-ci.
SLU : D’autres idées sont en développement ?
Charly Fourcade : Beaucoup d’autres, par exemple le mode Ingénieur (Engineer mode) qui permet depuis un pack d’écouter au choix un canal audio parmi ceux présents sur le canal RF. Un pack configuré comme cela permettrait par exemple de directement recevoir et convertir en analogique l’audio d’une source comme une guitare ou une basse afin d’entrer dans un pedal board. Il y a aussi le Push To Talk, la possibilité de nommer les antennes, d’intégrer le Walktest par exemple à Linkdesk.

SLU : Ceci illustre bien la grande évolutivité du système Spectera ?
Ann Vermont : Les fonctionnalités de Spectera vont effectivement évoluer grâce au développement software, ce qui est un grand changement pour un fabricant de hardware comme nous. Nous nous y préparons depuis de nombreuses années. Avec la technologie WMAS, nous avons fait le choix de repartir de zéro.
C’était une opportunité d’innovation que nous n‘avions pas rencontrée depuis des décennies. A l’inverse du développement de produits classiques, ce sont deux développeurs qui sont à l’initiative de cette démarche et qui ont commencé leur travail en 2010 pour créer une véritable plateforme évolutive. Ils sont d’ailleurs toujours impliqués et à l’écoute des demandes.
SLU : Spectera pourrait servir à bien plus que de l’audio sans fil ?
Charly Fourcade : J’en suis certain. Il pourrait intégrer des fonctionnalités pour créer des pédales de talk, ou de la transmission MIDI ou OSC. Cela existe en 2,4 Ghz mais c’est plutôt instable. Spectera pourrait en toute sécurité transmettre de la data sur une fréquence qui est pleinement réservée, contrôlée et surtout synchronisée.
SSLU : Et pourquoi pas du tracking?
Charly Fourcade : En effet, avec ce système qui permet de gérer 4 antennes dans sa version de base, les utilisateurs sentent bien qu’il y a quelque chose à faire en ce sens…et encore une fois, le développement se fera en fonction du nombre de demandes.
SLU : Sur le concert de Santa, Spectera a permis de gérer une demande particulière ?
Charly Fourcade : La tournée de Santa est déjà équipée en Spectera pour les IEM. Sur son concert aux Francofolies, la production a décidé en dernière minute de proposer au public l’arrivée sur scène de l’artiste en tyrolienne depuis la Tour de la Chaîne, survolant ainsi toute l’audience.

L’opérateur HF a alors proposé d’utiliser la capacité bidirectionnelle du boîtier Spectera pour l’IEM et son micro. Un premier soundcheck avec les deux antennes sur scène s’est avéré un petit peu fragile. La liaison a été rapidement sécurisée par l’ajout d’une antenne entre la scène et la tour, sur la structure d’affichage des partenaires située le long du grand mur, reliée à la Base Station par un simple câble RJ45.

SLU : Spectera est aussi actuellement utilisé dans d’autres domaines que les spectacles musicaux ?
Ann Vermont : Aujourd’hui, il est en action sur le 14 juillet à la Tour Eiffel de Paris. La semaine prochaine, nous rejoignons le Festival d’Avignon. Sa direction technique, après avoir découvert le système l’an dernier, a décidé de lui confier toutes les liaisons HF de la Cour d’honneur, soit 32 micros. Pour cela, ils utilisent une seule Base Station avec 32 canaux dans sa bande de 8 MHz. Une antenne en façade et une antenne déportée gèrent sans problème la réception sur toutes les zones de jeu des comédiens.

Après cet échange et cet avant-goût des nouvelles fonctionnalités du système Spectera, il est temps de se rendre à la régie retour de Nico d’Amato et de Hugo Pacé, qui officie sur la tournée de Lamomali, et que nous retrouvons ici aux Francofolies pour le concert de clôture, retransmis sur France Télévision.
SLU : Pourrais-tu nous décrire le système Spectera mis en œuvre pour Lamomali ?
Nicolas D’Amato : Nous avons déployé deux Base Station et 42 boîtiers émetteurs-récepteurs SEK que nous appelons communément les packs. 32 d’entre eux sont utilisés pour l’ensemble des in-ear monitor des artistes, musiciens, invités et techniciens. Les autres pour des liaisons micro sans fil, dont entre autres un clavier, la grosse caisse de Matthieu et le djembé qui intègre deux liaisons top/bottom.

SLU : Le son de ce djembé est particulièrement bien maîtrisé pour du sans-fil…
Nicolas D’Amato : Sur le djembé qui joue un rôle plutôt important pendant ce spectacle car il intervient souvent avec des solos très dynamiques, nous avons placé deux packs Spectera équipés de capsules Neumann MCM KK14 en top et bottom.
Nous récupérons un son très juste, très réel, sans coloration et avec des transitoires vraiment stupéfiants, notamment dans le grave. Le résultat est sans aucun doute meilleur avec Spectera qu’avec notre solution HF d’avant.
SLU : D’autres instruments en sans-fil Spectera ?
Nicolas D’Amato : Curieusement, surtout des percussions graves. Comme le kick de Matthieu, une petite grosse caisse jaune qui entre en scène sur certains titres. Nous avons placé à l’intérieur un pack avec un Neumann MCM KK14 et une pince MC6 que nous avons fixée sur une petite tige fabriquée maison. Le son résultat obtenu avec un micro miniature et un pack HF est juste étonnant pour une grosse caisse. Avec Spectera, les paramètres de transmission de chaque pack peuvent être réglés indépendamment en fonction des besoins des artistes.

SLU : Toutes les liaisons IEM sont configurées de manière identique ?
Nicolas D’Amato : Chaque qualité et mode de transmission sont gérés de manière complètement indépendante. On peut affecter des paramètres adéquats pour chaque liaison IEM, y compris leur mode de transmission, en fonction de leur utilisation.
SLU : Comment gères-tu cela dans le système ?
Hugo Pacé : Les possibilités techniques de nos liaisons dépendent des ressources que le système Spectera peut nous donner. Comme nous avons la chance d’avoir deux Base Station dans notre setup, nous avons 4 canaux large bande 8 Mhz utiles (2 par Base Station, ndlr) pour gérer l’ensemble de nos transmissions.
Nous avons décidé que les musiciens les plus importants disposeraient de la meilleure qualité audio possible en termes de bande passante et de latence, c’est à dire en numérique avec 0,7 ms de latence permis par le mode Ultra Low Latency, et que le reste des musiciens et les techniciens serait dans le mode Low Latency, avec une qualité audio très légèrement moindre et 1,1 ms de latence.

SLU : Il n’était pas possible de mettre tous les IEM dans le meilleur des modes ?
Hugo Pacé : Faire cela aurait demandé beaucoup de ressources. La latence de 1,1 ms est parfaitement acceptable pour les autres musiciens, et encore plus pour les techniciens. Avec ce choix nous exploitons 100% de la première Base Station et 90% de la deuxième. Tout ceci dans simplement deux unités de rack pour 42 liaisons dans une qualité numérique irréprochable. C’est unique au monde !
SLU : Le système Spectera propose également des modes moins performants en qualité audio ?
Hugo Pacé : Oui, ce qui libère de la ressource pour faire encore plus de liaisons. Mais ici nous pouvons gérer l’intégralité de nos besoins avec la qualité maximale. Le résultat est impressionnant avec un son remarquable, une absence totale de souffle et un grand respect de l’image sonore.
Hadrien Soulimant : C’est tout l’intérêt d’avoir un système ouvert. Pour le moment, les différents modes de transmission proposés conviennent aux attentes. Mais si, dans le futur, nous ressentons le besoin de faire, par exemple un mode PCM stéréo de très haute résolution encore plus performant et occupant 8 MHz avec une seule transmission stéréo, rien dans la machine ne nous empêche de le faire. Peut-être que dans un an ou deux, en fonction des feedbacks, nous proposerons d’autres modes.
Les modes à latence plus élevée comme celui à 15 ms où tu peux mettre 128 micros dans 8 Mhz serviront surtout quand nous aurons les micros main. Quand 90% de ton canal est utilisé pour des liaisons « nobles », ces modes très peu gourmands en ressources te permettent facilement d’ajouter une dizaine de micros talk supplémentaires.

SLU : Faut-il faire plus attention quand on envoie un signal de cette qualité dans les ears des musiciens ?
Nicolas D’Amato : Déjà, je n’ai jamais entendu un pack aussi puissant. Le double préampli intégré est exceptionnel. Je ne pense pas qu’il soit possible d’écouter au maximum. Nous avons une grande réserve de puissance qui demande un peu plus d’attention, d’autant que la courbe de réglage du volume sur le pack est linéaire. Donc une grande partie du début de la course du bouton de volume paraît inutile, puis d’un coup il y a du son. Le réglage se fait finement par pas de 0,5 dB et cela peut aller très fort.
Nous utilisons donc les limites mini et maxi qui s’avèrent extrêmement utiles. La particularité de Spectera est que si tu n’envoies rien dans l’IEM du musicien, il n’entend strictement rien, même pas de souffle. Il peut alors penser que son niveau est trop faible et pousser son volume vers un niveau extrêmement fort, sans s’en rendre compte. La limite maxi est alors très importante pour sécuriser ce type de réaction. Idem pour la limite basse, permettant de maintenir un niveau d’écoute minimum quoi qu’il fasse.
SLU : Le contrôle à distance du volume est aussi un avantage considérable ?
Nicolas D’Amato : Les musiciens ont souvent besoin d’écouter plus fort que nous car ils sont dans l’action avec le public. Ce qui est vraiment très appréciable, c’est que nous avons le retour d’information du niveau auquel ils écoutent, car il ne faut jamais perdre de vue que ce niveau change la balance tonale et la réponse dynamique, même si cela est un peu moins flagrant sur Spectera. Quoi qu’il arrive, cela ne modifie pas la courbe de Fletcher et Munson (qui démontre la sensibilité de notre oreille, variable par fréquence, en fonction du niveau appliqué. NDR).
Donc, si besoin, nous pouvons intervenir sur le volume et le régler depuis la régie. A noter que nous visualisons aussi le niveau de réception LQI du pack, le niveau de batterie et si les ears sont bien connectés. Nous avons le contrôle total du pack, et celà est unique à Spectera.

SLU : Tout ceci facilite grandement ton travail de mixage ?
Nicolas D’Amato : Ah oui clairement. Quand je mixe, je ne compresse quasiment rien pour que les musiciens entendent leur dynamique. Je sors assez fort de la console et donc très vite à un niveau de crête sur des peaks qui peut chatouiller le rouge. Même si je prends 20 dB de marge au début des répétitions, celle-ci a bien diminué quand on arrive au premier concert.
Dans les cas extrêmes où l’on me demande plus fort, car cela peut arriver, je ne peux plus vraiment le faire à la console et la seule solution est de monter le gain du boîtier IEM et de baisser le reste. Avec Spectera, pas besoin de dire au musicien “monte ton pack”. Je peux le faire à distance soit en montant son volume, soit en libérant quelques dB sur la limite max. C’est transparent et ça nous évite de saturer l’étage d’entrée de l’IEM.

SLU : Est-ce que les musiciens ont déjà fait des commentaires sur la qualité des IEMs avec Spectera ?
Nicolas D’Amato : Oui, bien sûr. Tout le monde est plutôt enchanté. Ils apprécient la dynamique, la bande passante, l’absence totale de souffle et surtout la précision des détails comme nous l’a fait remarquer Matthieu Chedid. Le mix ne tolère plus la moindre erreur. Ils sont généralement surpris par l’image stéréo qui est très large car en plus je mixe les ambiances en binaural. Mais ils s’habituent vite et quand ils reviennent sur de l’ancienne technologie, ils se demandent bien ce que nous avons fait.
SLU : La qualité de l’image stéréo est primordiale pour ton approche immersive des ambiances ?
Nicolas D’Amato : La séparation gauche / droite est parfaite et sans aucun déphasage. De ce fait, le centre se trouve porté au premier plan. C’est primordial pour ma façon de mixer les retours qui consiste à mélanger au mix de la musique en stéréo les ambiances en binaural.
La localisation des sources dans les ears est particulièrement précise pour cet usage. Je l’envoie essentiellement dans les retours de Matthieu qui en a besoin pour entendre le public et un peu chez les autres musiciens.
Les ambiances en immersif font maintenant tujours partie de mon setup. C’est pour moi essentiel. Ça rajoute la couleur du son de la façade, du public, de l’ambiance et aussi et surtout le son de la pièce avec précision. Cela me permet de placer un mix de musique stéréo dans une pièce en immersif binaural.

SLU : Un tel confort d’écoute ne perturbe pas le jeu du musicien ?
Nicolas D’Amato : Je ne crois pas, je serais plutôt convaincu du contraire. Meilleur sera le son dans ses ears, plus il prendra de plaisir à jouer. Quand nous sommes passés en Spectera, tous les musiciens ont clairement senti la différence. Cela étant, ils ne sont pas forcément concentrés sur la qualité sonore de leur retour et s’ils n’y pensent pas, c’est que tout va bien.
SLU : Sont-ils beaucoup plus rapidement satisfaits ?
Nicolas D’Amato : Comme les mixes sont mieux perçus, j’ai pu noter en effet beaucoup moins de demandes de la part des musiciens. Ils entendent distinctement tous les instruments, avec précision dans tout le spectre et dans leur placement dans la stéréo. C’est très musical.
SLU : Spectera semble très prometteur pour les guitares, mais ce n’est pas encore le cas sur cette tournée ?
Nicolas D’Amato : En effet ce système n’était pas encore commercialisé quand nous avons commencé à mettre en place le rig de guitares pour la tournée. Quand j’ai pu obtenir un des premiers Spectera sorti d’usine, il m’était impossible de demander au guitar tech de changer tout son système. Tous les calages des gains avaient déjà été faits entre chaque guitare et ses effets propres sur le pedalboard. Avec en plus un rig de guitares ici très important, c’était complexe de lui rajouter un nouvel élément à ce stade. Mais en tout cas, nous ne manquerons pas d’imaginer son intégration sur la prochaine tournée.
SLU : Gagnez-vous du temps à l’installation avec Spectera ?
Hugo Pacé : À l’installation et à propos du plan de fréquence, on ne peut même plus parler de gain de temps tellement la différence est astronomique. Ne serait-ce que de ne pas synchroniser 42 packs tous les matins, c’est déjà facilement une demi-heure de gagnée. Il suffit de chercher l’espace fréquentiel disponible pour notre bande de 8 MHz. Une fois que c’est fait, nos 42 packs fonctionnement en 5 minutes. Nous avons hâte que les micro main sortent.

Nicolas D’Amato : J’ai la chance de travailler avec Hugo qui maîtrise parfaitement le système Spectera et son logiciel. Il garde un œil en permanence sur les écrans de contrôle et peut intervenir en quelques secondes sur n’importe quelle machine. Ça me soulage de cette partie HF pendant le show.

SLU : Que se passe-t-il si la bande de 8 MHz ne peut être allouée libre de perturbations ?
Hugo Pacé : On ne peut pas la restreindre dans la machine. Comme il y aura moins de spectre disponible, le système sera moins performant en termes de portée, et devra réduire peut-être la qualité audio. Jusqu’à présent, aucun souci de ce genre, même dans un cadre de festivals comme ici, qui sont un peu plus complexes parce que plusieurs artistes et plusieurs scènes jouent en même temps.

SLU : Et pour des demandes ponctuelles de dernière minute ?
Hugo Pacé : C’est encore plus simple. À partir du moment où les packs sont appairés à la Base Station, et ils le sont tous, en une seconde je décide quel mix va dedans et avec quel volume. Un autre détail important pour le confort des musiciens est le maintien, à la réactivation du pack, du volume qu’il avait quand il a été éteint.
C‘est encore un plus du système Spectera. Le matin de chaque date, j’allume tous les packs et les niveaux d’écoute sont ainsi tous directement opérationnels. Le musicien ne se pose plus de question quand il remet ses ears, il retrouve ce qu’il entend d’habitude. Encore une chose de moins à faire.
SLU : La grande évolution de Spectera est aussi de proposer des packs bidirectionnels ?
Nicolas D’Amato : C’est en effet une grosse révolution. Nous en avons utilisé un pour gérer techniquement l’intervention d’un vocoder. Ce pack faisait donc à la fois le retour IEM et l’entrée du micro pour le vocoder. Ça fonctionnait parfaitement. Cette intervention n’a pas été retenue artistiquement pour le show, mais avec un seul pack pour les deux, c’est encore une fois un confort sans précédent pour l’opérateur HF et le musicien.
À partir du moment où un artiste décide de mettre un micro casque, c’est vrai que c’est la solution idéale. Je pense toutefois que ce type d’application est plus destiné à la comédie musicale qu’à ce format de concert.

SLU : Et pour les guitaristes, ce serait envisageable ?
Nicolas D’Amato : Le problème du guitariste c’est qu’il change souvent d’instruments. Avoir son IEM et son émetteur HF guitare sur le même pack bidirectionnel est impossible à gérer, sauf s’il n’utilise qu’une seule guitare, ce qui est rarement le cas, d’autant qu’il faut envisager celui d’une corde cassée. La bonne solution, ici pour lui, est d’avoir un pack de ears et un pack par guitare.
En revanche nous pourrions très bien envisager d’utiliser une Base Station dédiée uniquement à ses guitares. Comme elle sort en Dante et MADI, nous devrions lui adjoindre une solution de conversion analogique de qualité pour que ses guitares entrent dans son pédalier au bon niveau et avec la bonne impédance pour garder un gain staging cohérent. On sera alors en numérique avec une latence très faible, de qualité équivalente au filaire.
Je pense que les guitaristes vont l’apprécier. Les bassistes aussi, car en HF, ils perdent souvent une partie importante de leur signal dans le grave et subissent les méfaits des companders analogiques. Spectera devrait gommer tous ces problèmes.
SLU : Comment sont connectés vos Base Station à la régie ?
Nicolas D’Amato :Deux signaux MADI sortent de la console retour pour alimenter les IEMs via les deux Base Station. Pour les huit micros sans fil gérés par Spectera, on sort un signal MADI d’une des deux Base Station qui est ensuite splitté entre les consoles face et retour via un MADI bridge.

SLU : Et bien sûr, un point important, l’évolution des antennes avec Spectera ?
Nicolas D’Amato : Pour tout dire, ça porte loin. Nous avons six antennes. Deux pour le plateau et deux pour la régie et comme nous avons un chanteur guitariste qui a pour habitude de partir loin dans le public, nous avons ajouté deux antennes supplémentaires face public. La connexion est en RJ45 ce qui nous permet de les éloigner jusqu’à 100 m de la Base Station si nécessaire. Ici, elles sont toutes sur la scène.

Si besoin d’aller encore plus loin, on passera simplement sur de la fibre pour une distance jusqu’à 4 km avec les convertisseurs adaptés. C’est ce que nous ferons à la rentrée sur la tournée des Zénith. Nous mettrons deux antennes supplémentaires en régie face. Chaque Base Station permet de gérer quatre antennes avec le choix de les combiner à volonté, quatre antennes sur un canal RF, deux antennes sur deux canaux ou une antenne par canal, en émission comme en réception.
Hugo Pacé : La gestion des antennes est extrêmement flexible ce qui permet d’adapter facilement le système en fonction des situations. Lors d’un festival, nous jouions en dernier et notre régie était très loin des antennes scène. Nous avons simplement et facilement ajouté une antenne en régie façade pour garantir notre réception. Les antennes sont de plus très directives, ce qui permet de régler rapidement des problématiques qui ne peuvent être prédites par les outils de scan.
SLU : Avez-vous rencontré des décrochages ou d’autres problèmes de transmission ?
Nicolas D’Amato : Nous n’avons pas été à l’abri de décrochages HF au cours de notre recherche de couverture avec le Spectera. Le seul vrai test c’est un concert, car un artiste au milieu du public entouré de gens qui le serrent de près, ça n’est pas reproductible en répétition. Hier soir, nous avons eu un décrochage audio quand le public s’est massé autour de lui. La liaison HF et Data était toujours effective. Nous avons juste perdu l’audio. La reconnexion a eu lieu rapidement mais pas aussi vite qu’un IEM traditionnel analogique, c’est un point à noter.
Une autre fois, nous étions très proches d’un pont lumière dont les appareils émettent un rayonnement particulier qui a été susceptible de perturber nos transmissions, l’éloignement des antennes a solutionné le problème, mais nous sommes face à des inconnues que la réalité des shows met en évidence chaque jour.
Nous découvrons avec ce système WMAS de nouveaux types d’altération du signal comme une saturation inopinée ou de très courtes coupures. Nous avons résolu rapidement le problème en installant une antenne supplémentaire et aussi en changeant la qualité du mode de transmission. A part cela, nous sommes à plus de 15 dates avec le système et ça semble se profiler comme un outil d’avenir concret.

SLU : Cette nouvelle technologie d’antenne participe sûrement au gain de temps à l’installation ?
Hugo Pacé : Avant Spectera, je devais prendre tous les packs de ears et faire le tour de la scène pour vérifier que tout fonctionnait sans bruit ni altération. Avec Spectera, je gagne presque deux heures de travail, très utile dans les festivals où nous n’avons juste le temps des changements de plateau pour vérifier. Nous réécoutons évidemment tout le système par sécurité, mais les drops analogiques classiques par effet de masque et autres interférences, ont disparu du paysage.
SLU : Sans compter la simplicité de mise en œuvre ?
Hugo Pacé : Avec nos deux Base Station, nous prenons juste quatre bandes de 8 MHz, avec un filtre raide de chaque côté, et c’est tout. Cela permet de nous affranchir totalement des problèmes d’intermodulation qui croissent avec le nombre de canaux de transmission utilisés en bande étroite. Nous faisons vraiment de l’économie spectrale. Les premiers coordinateurs HF que nous avons croisés sur les festivals étaient un peu apeurés par nos quatre canaux de 8 MHz, ils trouvaient cela énorme. Nous leur avons expliqué qu’il n’y avait pas d’intermodulation. Ils ont vite compris que c’était beaucoup plus simple et sans mauvaise surprise.
SLU : Est-ce toujours facile de trouver la place pour vos quatre bandes de 8 MHz ?
Hugo Pacé : En réalité, une bande de Spectera prend la même place qu’un canal TNT. C’est plutôt simple à gérer, même dans les zones frontalières comme Nice ou la Belgique qui cumulent des canaux TNT de plusieurs pays. Jusqu’à présent, nous avons toujours pu loger nos 4 canaux.
SLU : Spectera est donc beaucoup moins polluant spectralement que nous pouvions le croire ?
Hugo Pacé : La puissance de sortie de l’émetteur est de 50 mW, répartie sur la globalité de sa bande de 8 Mhz. Si par malheur, tu émets sur le canal d’un confrère, ses récepteurs à bande étroite qui ne regardent que 200 kHz percevront une perturbation de moins de 2 mW. Nous sommes donc beaucoup moins polluants dans l’environnement spectral.

SLU : Le système Spectera intègre des filtres réjecteurs sur la HF ?
Hugo Pacé : Si une fréquence perturbatrice apparaît dans la bande, ces filtres s’activent pour la rejeter. Nous visualisons leur activité. Ils nous permettent de conserver la même qualité de transmission même s’il y a des événements non prévus qui apparaissent sur le spectre, comme un technicien qui change les piles d’un émetteur sans l’avoir éteint auparavant.
Comme je visualise la fréquence de ces filtres, je peux l’activer dans un WinRadio et écouter ce que c’est, du moment que c’est de l’analogique. Et après, avec une bonne sarbacane, je vais traquer le fautif ;0)

SLU : Et la consommation ?
Nicolas D’Amato : Les batteries tiennent très longtemps et nous avons un retour d’information de charge, ce qui est nouveau également pour nous et surtout une information cruciale et inédite. Cela nous donne évidemment beaucoup d’idées sur le développement software quant aux informations qu’on pourra transmettre et les possibilités multiples de l’utilisation du système.
SLU : Vous travaillez sans redondance ?
Nicolas D’Amato : Pour le moment la redondance n’est pas encore disponible. J’ai confiance dans le système pour l’avoir éprouvé sans échec de synchronisation audio jusqu’à ce jour. Nous avons une troisième Base Station de secours au cas où, car nous n’avons pas de recul dans la vie réelle. Mais la stabilité du système est pour le moment sans faille. C’est aussi pour cette raison que ce choix s’est imposé.

SLU : Est-il possible d’enregistrer des fichiers de log ?
Hugo Pacé : Le logiciel de Spectera peut enregistrer toutes les infos des packs pendant le spectacle, les niveaux de réception, des batteries, etc… et ceci par antenne. Il est ainsi possible de relire ces données après le spectacle et s’il y a un problème, permettre d’en comprendre l’origine.
Je m’en sers beaucoup quand Matthieu va dans le public pour savoir où il a décroché, pourquoi et comment. Cet outil ne fonctionne pas en permanence. C’est à l’opérateur de le mettre en service.
SLU : Utilisez-vous le logiciel Soundbase ?
Hugo Pacé : Je l’utilise justement pour les Walk Tests de Spectera. Je n’ai pas exploité le logiciel plus loin. Je travaille actuellement avec EazyRF et en festival, je n’ai pas le temps d’élaborer une logique de travail avec SoundBase. Ce logiciel semble très puissant et ouvre de nouveaux horizons. Le côté multimarque est bien-sûr son point fort et c’est aussi un moyen d’échanger avec l’équipe de développement du système.

SLU : Est-ce que cette nouvelle référence de qualité remet en cause le choix des écouteurs ?
Nicolas D’Amato : En ce qui me concerne, pas dans l’immédiat. Les Earsonics que j’utilise sont assez bien adaptés, même si dans l’absolu de nouvelles évolutions technologiques et autres avancées, seraient profitables à tous. Peut-être existe-t-il d’autres solutions plus performantes chez des fabricants américains, mais ici, il est important d’avoir la proximité d’un fabricant français d’écouteurs qui gère rapidement la maintenance et qui se place parmi les meilleurs.
SLU : En conclusion, vous êtes satisfait ?
Nicolas D’Amato : Jusqu’ici tout le monde l’est. Pendant cette période de festivals et comme le système est nouveau, nous avons croisé beaucoup de personnes curieuses qui souhaitaient l’écouter. Nous prévoyons toujours des packs à discrétion pour cet usage. C’est assez chouette de pouvoir échanger avec chacun et de connaitre leur avis sur ce système, tout univers confondu. Dans l’ensemble les gens sont plutôt bluffés par le nouveau paradigme que propose Sennheiser, y compris les musiciens les plus exigeants. C’est aussi votre cas, je crois…

C’est vrai qu’avec Spectera, tout est nouveau. Il faut repartir de zéro. Oublier la compatibilité avec les anciens systèmes. Oublier les anciennes méthodes. Apprendre de nouveaux logiciels, être confronté à de nouvelles problématiques, acquérir de nouveaux réflexes.
Le choix fort de Sennheiser de réinventer l’audio sans fil est-il bien accepté ? Il semble que oui. Les premiers pas avec Spectera en exploitation sont faciles et plus que convaincants. Il y a des moments importants dans l’évolution technique qu’il ne faut pas manquer. Nicolas d’Amato semble en être très conscient et ne regrette pas d’être parmi les premiers à avoir embarqué cette nouvelle vision de l’audio sans fil dans ses régies retours.
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