Amadeus imagine le système son du Théâtre Le Préau

Le Préau, Centre Dramatique National de Normandie-Vire a pour mission la création artistique, la diffusion de ses œuvres sur le territoire régional et national, et l’accueil en résidence d’équipes artistiques. Il est dirigé par Lucie Berelowitsch depuis le 1er janvier 2019.

Lucie Berelowitsch, directrice et metteuse en scène.

« Le Préau est un lieu de fabrique et de partage, à la permanence artistique forte, pour assurer une création contemporaine articulée autour de la sensibilisation et de la transmission, capable d’irriguer son territoire et de s’ouvrir au niveau national et à terme au niveau européen et international, » évoque Lucie Berelowitsch.
La jauge du Préau est de 590 places, réparties sur une profondeur de 22 mètres, pour une ouverture de 18 mètres.

Le système de diffusion électro-acoustique imaginé pour Le Préau par la société Amadeus en concertation avec le Directeur Technique Alexandre de Monte et la Directrice Lucie Berelowitsch favorise une parfaite cohérence spatiale pour la quasi-totalité des auditeurs.

Le système est articulé autour du processeur de son spatial HOLOPHONIX, conçu par Amadeus, en collaboration avec l’Institut de Recherche et Coordination Acoustique/Musique. Le dispositif mis en œuvre fait appel aux lois de la Wave Field Synthesis (WFS) ; algorithme de spatialisation du son embarqué au sein du processeur HOLOPHONIX. Ce procédé de reproduction permet, par analogie avec les hologrammes visuels, de capter ou de synthétiser une scène sonore en simulant les ondes acoustiques produites par des sources sonores virtuelles.

« J’ai beaucoup de plaisir à travailler sur ce système. Il répond bien. Il est très ‘clair’, sans agressivité, » évoque Mikael Kandelman, ingénieur du son et sonorisateur. « Je peux travailler à de très bas et très forts niveaux sans le moindre problème. Le mixage objet en WFS est assez étonnant, notamment avec des fonctions liées à la réverbération ou à la largeur des sources.
On a en effet la sensation de pouvoir ‘épaissir’ assez finement les masses sonores au plateau. Cela en fait un outil de création très prometteur que j’ai hâte d’expérimenter de nouveau, » conclut Mikael Kandelman. Cette technique permet de créer un champ sonore cohérent sur une zone étendue, préservant ainsi la fidélité de l’image spatiale même pour un auditeur excentré ou se déplaçant dans la zone d’écoute.

La ligne principale et ses huit C15.

Le dispositif frontal est composé de trois ‘antennes’ ou lignes de haut-parleurs.

La ligne principale est composée de huit enceintes triaxiales Amadeus C15 (1 x 15’’ LF ; 1 x 3.5’’ MF, 1 x 1.75” HF) suspendues au cadre de scène et uniformément réparties sur une ouverture de 15 mètres, induisant un écartement régulier entre les centres acoustiques.

La section moyennes/hautes fréquences de la C15 est articulée autour de deux transducteurs coaxiaux, chargés par un large pavillon unique, optimisé pour une dispersion de 60° dans le plan vertical et de 90° dans le plan horizontal.

Le premier moteur à chambre de compression couvre la bande 6 kHz – 22 kHz. Le second moteur concentrique à surface émissive plus importante, couvre la bande 900 Hz – 6 kHz. La section basses fréquences est assurée par un haut-parleur de 15” à large bobine.

Une deuxième antenne constituée de 24 transducteurs coaxiaux est installée au niveau du nez de scène. Ces enceintes sont intégrées au sein de douze modules de ‘rampe sonore’ grand format développés spécifiquement par Amadeus pour le Centre Dramatique National de Normandie-Vire.
Chaque module accueille deux enceintes PMX 5 (1 x 5.25’’ LF ; 1 x 1.75’’ HF), soit un total de 24 boîtes. La face avant de chaque module reprend la courbure du gradin. Elle est naturellement inclinée de 19° afin que le centre acoustique de chaque enceinte vise la dernière rangée de spectateurs.

La rampe sonore dont on aperçoit les éléments en nez de scène.

Fixé en applique au-devant du proscenium courbe, ce système de front-fill ‘grand format’ à encombrement très limité offre trois fonctions, essentielles :

Il permet naturellement la couverture sonore fine et parfaite de la moitié inférieure du gradin.
Il permet par ailleurs de redescendre l’image sonore, de ramener du son venant du plateau et ainsi de maximiser la cohérence entre image sonore et image visuelle.
Enfin, cette importante densité de haut-parleurs favorise une très haute résolution spatiale, rendant quasi-imperceptible leur localisation et donc la présence de renforcement sonore.
Ce système est totalement démontable en quelques minutes, dès lors que ce même proscenium doit être manœuvré.

Une troisième antenne, constituée des toutes nouvelles enceintes coaxiales Amadeus C6 (1 x 6’’ LF ; 1 x 1’’ HF) est suspendue en rappel au-dessus du public, entre la deuxième et troisième passerelle. Ces enceintes apportent principalement un fin renfort de bas-médium/haut-grave, nécessaire en fond de salle.

Trois des huit C6 de la troisième antenne.

Le système de renfort de basses fréquences est articulé autour de la nouvelle référence Amadeus ABB 18, dans la proportion de quatre (4) unités au total.
Ce nouveau modèle à profondeur réduite et à hauteur allongée a été initialement décliné de la référence standard Amadeus ML 18 pour le Théâtre de le Ville (Théâtre des Abbesses). Cette série compte également les références ABB 12 et 15.
Deux caissons sont installés au cadre, dont un à cour et un à jardin. Deux autres sont installés au grill, au-dessus du public.

Le Préau a par ailleurs acquis un conséquent parc mobile de haut-parleurs, notamment constitué de références point source Amadeus PMX 5, PMX 8, PMX 12 et PMX 15. Ces enceintes sont destinées à une utilisation en retour de scène, ou mobile lors de créations sonores immersives.
Celles-ci pourront naturellement être insérées et pilotées au travers du processeur de spatialisation HOLOPHONIX offrant un total de 128 entrées/sorties et un nombre quasi-illimité de bus (ou spatialisateurs), chacun pouvant exécuter un algorithme de spatialisation embarqué et notamment Higher-Order Ambisonics (2D, 3D) Vector-Base Intensity Panning (2D, 3D), Vector-Base Amplitude Panning (2D, 3D), Wave Field Synthesis, Angular 2D, k-Nearest Neighbor, Stereo Panning, Stereo AB, Stereo XY, Native A- Format Ambisonics, Native-B Format Ambisonics, Binaural.

Nous avons enfin eu la possibilité de poser quelques questions aux équipes fixes et intermittentes du Préau pour mieux comprendre comment on apprivoise un tel outil et comment on construit un programme sonore résolument différent.

Comment envisagez-vous d’utiliser votre système au quotidien. Est-ce possible de s’en servir avec un gauche/droite offrant un SPL et une homogénéité suffisante ?

Maxime Chenel (régisseur son intermittent) : Nous avons pris livraison de ce nouveau système à la fin du mois de décembre 2020. Nous avons donc encore trop peu de recul pour évoquer toutes les potentialités et fonctionnalités offertes par cet outil. Nous avons au cours des derniers mois accueilli plusieurs résidences de création, en configuration ‘stéréo virtuelle’.
Ce mode de fonctionnement est le plus transparent pour les utilisateurs accueillis. Ils envoient en effet leur master gauche/droite de console dans le processeur, qui celui-ci synthétise le signal stéréophonique via une source virtuelle sur les lignes de haut-parleurs, selon les lois de la WFS.
Comparativement à un système traditionnel de type line-array, nous ressentons moins de sensation d’impact ou de SPL (le résultat est néanmoins largement suffisant pour notre lieu). En revanche, le système est beaucoup plus précis, notamment dans le panoramique. La couverture est par ailleurs très cohérente et homogène dans toute la salle.

Le directeur technique du théâtre Le Préau Alexandre De Monte

Prévoyez-vous de faire des résidences avec vos spectacles afin d’encoder voire créer un contenu audio digne de votre système ?

Alexandre De Monte (directeur technique Le Préau) : Tout dépend ce que l’on entend par là… S’il s’agit de recréer la partie son des productions ‘Maison’ encore au répertoire, je dirais que ce n’est pas d’actualité pour le moment.
S’il s’agit de nos productions à venir, alors oui bien sûr, c’est l’objet même de ce choix d’investissement. Nous avons d’ailleurs pu lancer les bases de cette nouvelle approche dernièrement lors de notre dernier Labo de création. Une nouvelle porte s’ouvre donc…

Mikael Kandelman (ingé son et sonorisateur) : L’encodage en WFS du son des spectacles au répertoire de la compagnie dépendra du temps et des possibilités techniques lors des reprises à venir. J’avais prévu de mettre cela à l’ordre du jour des exploitations de la saison 20-21 mais le Covid ne nous a pas permis de jouer…
Je suis cela dit enthousiaste à l’idée de pouvoir utiliser les nouvelles possibilités du système sur les prochaines créations du Préau. La partie « surround » sera traitée classiquement sur départs d’Aux mais la façade frontal WFS me permettra de travailler notamment les sources live en holophonie. Cela ouvre des possibilités nouvelles et nourrissantes.

Une des C6 de rappel de fond de salle.

Avez-vous communiqué avec vos auteurs et metteurs en scène afin de leur donner les clés de cette nouvelle façon d’exprimer du son dans des spectacles ?

Alexandre De Monte : Les productions ‘Maison’ qui se créent intégralement sur notre plateau pourront bien entendu exploiter cet outil de création. Se pose alors la question de la diffusion de la création dans les salles qui ne sont pas équipées de la même technologie… Il faudrait, idéalement, durant tout le processus de création, travailler simultanément deux configurations de diffusion sonore. Cela nous permettrait d’exporter la création de façon optimale dans tous les lieux.

La rampe de petites PMX5. Un petit coup de délai et l’image quitte les C15 pour redescendre en gagner en cohérence pour les premiers rangs de sièges.

Le processeur offre néanmoins la possibilité de ‘down-mixer’ (toujours en objet) vers des algorithmes beaucoup plus simples et notamment vers des dispositifs stéréophoniques ou L/C/R. Ces outils embarqués seront peut-être une réponse à notre problématique.

En ce qui concerne les compagnies qui n’effectuent chez nous qu’un temps de résidence donné (deux à trois semaines en général) et qui n’est pas nécessairement la finalisation de création, la problématique est inverse. Dans un contexte ou le temps et les budgets de création sont très contraints, il est difficile pour elle de se projeter sur une double configuration de diffusion sonore, d’autant plus si les perspectives de tournées ne présentent pas de lieux équipés de la sorte.

Enfin, concernant le fait de communiquer sur cet outil, Il nous faut d’abord en acquérir la maitrise complète. Depuis sa mise en service et dans le contexte particulier de cette saison à l’activité chamboulée, nous n’avons pas eu les opportunités de nous plonger pleinement dedans. C’est en répondant à des demandes concrètes et variées, dans le cadre d’une activité normale au plateau, que nous atteindrons cet objectif.

Qui a eu l’idée, l’envie et s’est donné les moyens de doter votre salle d’un système moderne et digne de votre parc lumière. Avez-vous été inspiré par une autre salle ?

Alexandre De Monte : Le système son de la Grande Salle datait de l’installation du Préau dans le bâtiment actuel, en 1996. Il était plus que temps de procéder à un gros investissement en renouvellement de ce secteur technique ; projet qui a été initié en 2018.

Un micro de mesure au milieu des sièges du Préau. Ca sent bon le calage…

La nouvelle directrice et metteuse en scène du Préau, Lucie Berelowitsch et les créateurs son qui l’accompagnent dans ses productions ayant déjà une approche très ‘spatiale’ de la création sonore, le choix s’est naturellement porté vers ce type de technologie, par ailleurs en plein essor.
Les expériences heureuses et éprouvées, initiées par différents confrères, principalement le Théâtre National de Chaillot, mais également la Comédie Française, La Scala, Les Champs Libres, Thélème ou Radio France nous ont évidemment encouragés dans ce choix.

Nous avons également beaucoup échangé avec Marc Piera, Responsable Son au Théâtre National de Chaillot, précurseur en la matière, ayant par ailleurs accueilli plusieurs dizaines de compagnies internationales au cours des dernières années sur un système similaire. Son retour d’expérience nous a conforté.

Comment avez-vous été formés à la mise en œuvre d’une reproduction immersive ?

Mikael Kandelman : J’ai travaillé longtemps au théâtre au côté du musicien Sylvain Jaques sur des systèmes de multidiffusion avec surround. J’y avais d’ailleurs été initié par mon autre métier, celui de mixeur pour le cinéma. Pour moi, cependant, l’approche du mixage objet et la WFS étaient réservés à l’expérimental et aux démonstrations.
Lors de l’écriture du cahier des charges du projet, les discussions que j’ai pu avoir avec les utilisateurs actuels de ces outils m’ont permis de comprendre que la WFS était déjà bel et bien présente dans le Théâtre contemporain. J’ai également pu entrevoir les nombreuses possibilités d’écriture sonore qu’elle permettait. Même si l’interface est encore perfectible, les premiers essais que j’ai pu faire en conditions réelles ont largement confirmé cela.

D’autres informations sur le site Amadeus Audio et sur le site Le Preau


Liste des références installées en fixe au Théâtre Le Préau Centre Dramatique National de Normandie-Vire :

Matrice HOLOPHONIX : 1
Rampe sonore sur-mesure intégrant deux transducteurs PMX5 : 12

Amadeus C6 : 8
Amadeus C12 : 8
Amadeus C15 : 8

Amadeus ABB 18 : 4

Powersoft Ottocanali 4K4 DSP+DANTE : 4
Powersoft Ottocanali 8K4 DSP+DANTE : 4

Liste des références constituant le parc mobile du Centre Dramatique National de Normandie-Vire :

Amadeus PMX 5 (1 x 5.25’’ LF ; 1 x 1.75’’ HF) : 12
Amadeus PMX 8 (1 x 8’’ LF ; 1 x 1.7’’ HF) : 4
Amadeus PMX 12 (1 x 12’’ LF ; 1 x 3’’ HF) : 4
Amadeus PMX 15 (1 x 15’’ LF ; 1 x 3’’ HF) : 6

Amadeus ABB 18 (1 x 18’’ LF) : 2

Powersoft Ottocanali 4K4 DSP+DANTE : 2
Powersoft Ottocanali 8K4 DSP+DANTE : 2

 

Crédits - Texte et Photos : Amadeus

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