Catherine Ringer, Christophe Lou Genix et beaucoup d’Humanité

Christophe Genix, ingé son et fan d’ovalie lyonnaise

L’accueil sur la grande scène qui cadence cette fête née en 1930, est extrêmement chaleureux. On montre notre pass et on échange quelques mots avec le planton : « Ah bon, c’est ta première à l’Huma ? Moi ça fait plus de 20 ans que je suis bénévole ! »
Quelques minutes après on file un coup de main à deux huiles du métier : « Laisse-lès passer. Ce n’est pas du flan, ils sont vraiment les tauliers de la technique ! » Le plateau est cadencé comme il se doit dans l’ordre de passage des artistes, ce ne sont donc pas les régies qui manquent.

Quelques pas et on retrouve celle très sobre de Christophe Genix. Une CL5, quelques liaisons Sennheiser et goodies qu’on laissera le soin à Tophe de nous détailler un peu plus tard. Il ne manque bien entendu pas le ballon du Lou.

Une vue plongeante du nid à retours, prise depuis la régie de NTM qui est toute en hauteur. On aperçoit les consoles de Naâman, Femi Kuti et au premier plan, celle de Catherine Ringer.

Après cette première prise de contact avec la patate qui règne à cour grâce à l’énergie de Femi Kuti et son groupe qui ouvre le festival, nous repartons dans le village des artistes retrouver Christophe et, adorable surprise, Catherine Ringer qui a pris le temps de répondre à nos questions.

SLU : C’est la dernière date de la tournée. Une sacré patronne Catherine non ?

Christophe ‘Lou’ Genix : Une artiste incroyable qui donne beaucoup d’énergie. Et une tournée humaine. Pas plus tard qu’hier on s’est dit qu’on aurait continué encore deux mois ! L’accueil dans les divers festivals a toujours été très chaleureux côté organisateurs comme côté public avec des phrases qui ne trompent pas : « Ça nous a vraiment fait du bien d’avoir Catherine Ringer ce soir ! » C’est une belle signature et une grande artiste.

SLU : Tu es là depuis le début ?

La régie retours avec la CL5 et ses deux racks, un pour les périphériques et les tiroirs de rangement des ears et autres accessoires et le second pour les émetteurs, les combineurs et les stages.

Christophe Genix : Pas du tout. J’ai été appelé en avril par Yann Garnier qui allait partir avec Juliette Armanet.
J’ai regardé le dossier et comme il restait encore pas mal de dates, j’ai proposé à Catherine et au reste du groupe d’abandonner définitivement les wedges pour les ears tout en gardant la même régie avec la CL5 qui tenait dans la remorque. Catherine venait de d’accepter la proposition de Yann de tester les ears.
On a travaillé deux jours à la Coopé de Clermont-Ferrand (inaugurée le 7 mars 2000 par un concert des Rita NDR)

SLU : Tu tractes ta régie derrière le tourbus ?

Christophe Genix : Absolument. On a le backline, les consoles face et retours, un double stage commun et nos micros. On prend sur place les pieds micro, un peu de câbles et bien sûr la diff.

SLU : La transition vers les ears s’est bien passée ?

Deux périphériques portant la signature d’une sommité du son, Rupert Neve. Au-dessus et fabriqué par Amek, le 9098, un préampli disposant d’une section d’égalisation très complète, en dessous un vrai double 1073. Le son. Et c’est tout. En dessous deux PCM70 Lexicon. Comme dit la réclame, «y’a moins bien, mais c’est plus cher».

Christophe Genix : Très bien. J’ai proposé à Catherine de la placer plus dans le mix ce qu’elle a très vite accepté et apprécié. J’ai aussi fait le tour complet de sa discographie pour m’approcher de ce qu’elle voulait entendre en acceptant ses demandes spécifiques autour, par exemple, d’un niveau de charley qui facilite dans certains cas le placement de la voix.
Rappelons qu’on ne fait pas un mix CD, on est là pour accompagner les artistes et leur donner l’énergie et l’envie de monter sur scène. On doit être ouvert, au plus près de la source et garder la dynamique de ce qui rentre dans la console.

SLU : Qu’est-ce que les ears ont changé pour Catherine et ses musiciens ?

Christophe Genix : Typiquement pour Catherine cela lui a apporté beaucoup de liberté. C’est une artiste qui bouge beaucoup sur scène et interprète chaque titre avec une énergie différente. Être toujours bien dans son mix est forcément un plus. Elle n’est pas non plus coupée de son public car j’apporte beaucoup d’ambiance avec mes 4 canons.

Pour la diff Potar n’a pas été chiche avec par côté 14 K1, 8 K1-SB et 12 KS28 dans un montage cardioïde prolongé au sol par un stack de 4 KS28 aussi cardio. Deux outfills de 12 K1 complètent et élargissent le système. Pour les side accrochés on retrouve deux lignes de 6 Kara et deux SB18.

SLU : Quel choix de ears ?

Christophe Genix : Des EM32 d’Earsonics. Elle a quatre musiciens et tout le monde est équipé. La configuration est assez simple car on attaque les émetteurs 2050 Sennheiser directement depuis la CL5, sans ajout de brillance.

SLU : Tu as quelques goodies dans ton rack.

Christophe Genix : Pas grand-chose. J’ai rendu le préampli Avalon qui servait pour la voix de Catherine, je ne suis pas fan, et j’ai eu par Madje (Malki, grand Gana du son chez Potar ;0) un 1037 Neve auquel j’ai ajouté pour la guitare acoustique mon Amek 9098. Avec son SM58 en filaire pour la voix c’est simple et efficace. J’ai aussi pris deux PCM70 pour la voix de la patronne sur laquelle j’insère un dé-esseur de la Yam.

SLU : Est-ce que tu as compté le nombre d’artistes que tu as accompagné vers les ears ?

Christophe Genix : Non, je ne sais pas, mais j’en parlais il y a juste quelques jours avec Zaz… Les ears c’est une histoire de compréhension de la où l’artiste souhaite aller et ensuite de confiance avec lui. Le premier à les avoir démocratisés en France c’est Xavier (Gendron NDR) avec Vanessa Paradis si je me souviens bien entre 92 et 93.

Une version assez évoluée du fameux rack Garwood, ici brandé Future Sonics. Deux fréquences s’il vous plaît !

Et j’avais de mon côté fait une des premières dates de Renaud qui s’était équipé avec le fameux rack Garwood. Ça valait à l’époque 40 000 Francs… Plus tard avec Sinéad O’Connor en 97 j’ai aussi travaillé avec des Garwood.

Le premier système de monitoring sans fil date de la fin des années 80 et a été conçu au départ par Chrys Lindop pour Stevie Wonder. Pour lire un papier en anglais très intéressant de Richard Frankson de Sensorcom qui raconte les débuts du ear-monitoring, cliquez sur le lien ici.

Christophe Genix : Les ears n’ayant pas encore le son actuel, on utilisait souvent en même temps des wedges et il a fallu attendre que les liaisons et les écouteurs atteignent un bon niveau pour que le nombre d’artistes désirant travailler avec, augmente.

Plus qu’un long discours, Catherine et son SM58 filaire entre une paire de X15 HiQ L-Acoustics

SLU : J’ai vu que t’en a laissé une paire sur scène ce soir.

Christophe Genix : Franchement je ne mets jamais rien dedans d’autant que la patronne se couche entre les deux à un moment donné, mais comme c’est la dernière date et que c’est l’Huma, j’ai préféré les avoir avec un peu de voix dedans, au cas où, et je les couperai au moment du dodo. (rires)

Sur cette tournée j’ai une configuration HF très simple avec 8 liaisons pour les ears et du cuivre pour tous les micros. Une pour le backline, une pour moi, un spare pour toi et les 5 artistes (rire) Ce soir tu vas écouter le mix de Catherine.

SLU : Il paraît que tu donnes des cours ?

Christophe Genix : Ca m’arrive qu’on m’appelle. Dans quelques jours Madje me fera intervenir lors de stages de formation autour des in-ears. Ludo, je te présente Bruno Corsini qui est notre éclairagiste ! (Fricassée de phalanges et tristesse qu’en cet après-midi de septembre, le soleil soit aussi présent…NDR)

Une paire de combineurs, quatre émetteurs et…c’est tout. Ne cherchez pas de Vitalizer, il n’y en a pas et de vous à moi, ça sonne bien même comme ça ! En dessous les deux I/O Rio3224 et 1608.

Pour en revenir à ta question sur les cours, je suis surtout sollicité pour filer des tuyaux et les festivals sont le meilleur endroit pour cela car on y croise beaucoup de confrères et consoeurs. Si j’ai un conseil, un seul à donner c’est d’arrêter de fixer les écrans et de ne travailler qu’en fonction d’une courbe.
Le son ne se fait pas avec les yeux. Quand il est nécessaire de tailler, il faut le faire sans hésiter et avec les oreilles. Pareil avec les ears qui pour moi sont comme des wedges. Je les égalise et ne garde que ce dont j’ai besoin.
Je coupe à 125, 160, 200, 400, 630, un dB à 1k et je termine par deux points à 3,15 et 4k. Le but c’est d’être le plus efficace et musical possible. Tiens Paul, je te présente Ludo. (Encore une lichette de fricassée NDR) Paul Pavillon est notre guitariste.

SLU : Le passage vers les ears a fait diminuer la pression sur scène ?

Christophe Genix : Non pas vraiment. On a gardé nos amplis car j’adore la pollution qui est le propre d’une scène rock et il est difficile de jouer d’une guitare ou d’une basse sans la dimension physique qu’elles apportent. Et pour un guitariste il faut l’ampli pour jouer avec l’interaction entre la pression et le son. Tiens Ludo, je te présente Bruno Viricel.

Bruno Viricel : T’as vu, on m’a sorti de la glace ! Et je mixe NTM ce soir ! Ehhh ouai (rires)

Christophe Genix : On a commencé avec Bruno en 1992 et on a fait des centaines de Transbordeur ensemble. (Ca sent le bouchon lyonnais d’un coup NDR)

Catherine Ringer et ses musiciens en plein show. Les régies de Naâman et de Femi Kuti ont été retirées.

SLU : Les EM32 ont assez de bas ?

Christophe Genix : Oui et puis dans les petites salles où nous avons beaucoup joué, les systèmes en donnent aussi derrière. Ça complète bien mon son. Notre batteur a aussi un poil de Buttkiker. Quand je parle de pollution, il faut comprendre la vie qui va avec. Mes ambiances sont très ouvertes, les over-head aussi.
Quand un objet tombe sur scène, tout le monde l’entend. Personne n’est isolé dans son monde, c’est tout l’opposé. Bien sûr tous les artistes de cette tournée ont commencé avec une oreille, mais très vite ils ont mis les deux et sont très heureux comme ça d’autant que les moulages ont été très bien faits et on a tout de suite eu le son et l’isolation optimum. Ce n’est pas toujours le cas et ça complique les choses.
Cela dit et pas plus tard qu’hier on a eu notre bassiste qui a perdu une oreille. Il va jouer ce soir avec un Velvet. Je pars toujours avec un spare universel et des câbles d’avance. (Le Velvet est un modèle de casque à hautes performances mais sans moulage aussi de chez Earsonics NDR)

Tiss Rodriguez et son butt bien shaké

SLU : Ton 2019 s’annonce comment ?

Christophe Genix : Beaucoup avec ma fille (sourires) et professionnellement très Zaz. Isa est énorme. Son album sort en novembre (il est sorti NDR) et après les pré prods en janvier on attaquera une grosse tournée en passant par la Russie où elle est adorée, d’autres pays de l’Est, puis la branche française, ensuite les festivals d’été et enfin l’Amérique du Sud où elle cartonne.

Jeff Léon et Catherine Ringer entrent en scène

Et là, arrive Jeff Léon qui tient les retours de NTM. Ma main droite…elle n’en peut plus ;0) Mais l’envie est trop forte. Paf, la photo avec ‘Lou’ Génix ! Deux beaux gosses, beau son, bosseurs !

Un barbu c’est un barbu, deux barbus c’est des sondiers. Sans oublier que Jeff a été l’assistant de Christophe et que l’ex petit scarabée commence à avoir des poils blancs dans sa barbe. Tophe lui cherche les noirs !

SLU : Attention, émotion. La séquence des remerciements de Christophe.

Christophe Genix : Grave ! Toute l’équipe artistique sur scène, Yann Garnier, Madje, toute l’équipe technique, je pense à Bruno au backline avec Olivier Legrand dit Mordicus qui fait cordes et peaux, Pierre-Alexandre Marie le Tour Manager et bien entendu Catherine !

Et là, elle apparaît. Dans un film vous n’y croiriez pas. Et pourtant…

SLU : Bonjour Catherine. Christophe vous a permis d’avoir des ears…

Catherine Ringer : Comment ça permis, j’avais déjà essayé il y a longtemps et je n’avais pas aimé, j’avais eu le sentiment d’être enfermée dans un petit endroit, un peu comme si on était dans un studio mat et étriqué.
En plus avec la transpiration les écouteurs bougeaient et sortaient de l’oreille, bref, avec Fred (Chichin qu’on salue car SLU est disponible au paradis des gratteux NDR) on a sagement décidé de revenir aux wedges.
Comme je n’aimais pas le son de ma voix lors de cette tournée, et ça ne me donnait pas envie de continuer, je me suis dit que peut être avec un casque extérieur d’un seul côté, un peu comme un DJ, cela aurait pu marcher. J’aurais même créé une coiffure pour ça.
Ou bien avoir des petites enceintes partout pour disposer d’un son plus agréable. Yann Garnier m’a alors proposé d’essayer à nouveau les ears juste avant de partir mixer la face de Juliette Armanet et j’ai accepté. Quand Christophe est arrivé on a vite été super bien ensemble (rires). Ils n’ont pas la même manière de travailler, ni le même son.

SLU : Revenir au wedge maintenant…

Catherine Ringer : Je ne sais pas. Ça dépend des lieux et des situations. J’adore par exemple jouer en acoustique en chantant sans micro dans des endroits qui ont une acoustique propre, un peu ce que l’on faisait à l’époque où il n’y avait pas d’amplification, mais pour une grosse tournée comme celle qu’on va terminer, je pense que je continuerai avec des ears.

SLU : Merci Catherine. Le style Genix dans les oreilles est comment ?

Les récepteurs et les écouteurs de la tournée, une partie du moins.

Christophe Genix : Plus spatial, plus musical. L’important c’est de bien comprendre l’artiste. Qu’importe l’outil, il faut que quand il monte sur scène et qu’il chante dans son micro, il ait quelque chose de mu-si-cal !
Ça m’arrive de faire des remplacements et en pareil cas, tu ne touches à rien. Pourtant lors des deux dernières dates d’un artiste français connu, j’ai retravaillé, ouvert, aéré, précisé le mix et égalisé les ears. Dès le premier soir les musiciens et le chanteur ont apprécié et la seconde et dernière date, l’artiste m’a dit s’être senti vraiment mieux et avoir eu le son qu’il aurait voulu entendre chaque soir.

C’est vrai que les artistes sont moins demandeurs, moins précis quant à leurs souhaits qu’à une époque et on a aussi moins de temps pour la pré prod. Il me semble aussi que le numérique pervertit un peu le travail. Ça m’arrive parfois lors de remplacements de tout relâcher tellement il y a des dynamiques insérés.
Ce n’est pas parce que la ressource est abondante qu’il faut se laisser aller (rires). Il y a aussi des consoles qui demandent du temps et de l’expérience pour bien s’en servir et quand on passe trop de temps à les comprendre et que parfois on se perd un peu, c’est du temps et de l’attention en moins pour le mix.

SLU : Mais la batterie tu ne la travailles pas du tout en dynamique ?

Christophe Genix : Bien sûr qu’il faut compresser un peu le pied et les over, un peu, mais jamais la voix. Catherine a toute sa dynamique avec juste un limiteur tout en haut sur son départ, un garde-fou pour ses oreilles. Je la suis en niveau pour qu’elle soit toujours dans le mix mais quand elle pousse, elle le ressent.
Il ne faut pas confondre scène et studio d’autant qu’on passe au travers d’une liaison HF qui n’arrange pas le son. Il faut que ce qui arrive dans les ears garde le plus de vie possible et si ton batteur joue ses cymbales au balai et balance un gros coup de grosse caisse, il doit s’en rendre compte !

C’est l’heure de Catherine

Naâman vient de finir son set, un sacré loulou qui avec son groupe a fait lever une infinité de terre et de bras. C’est l’heure de Catherine. Comme promis, je bénéficie d’un pack pour savourer le concert. Première impression, quand on enlève une oreille, on n’a pas l’impression de respirer d’un côté et d’étouffer de l’autre. Il y a vraiment de l’air dans le mix de Christophe.

La batterie est sèche, carrée, et bien large. Une très belle basse bien ronde, les claviers assez retenus et la guitare construisent l’image sans aucun artifice où Catherine trouve naturellement sa place, assez en dedans. L’ensemble est efficace et sonne effectivement comme des wedges, la proximité en plus, même si ce surplus de précision est bien emballé dans une grosse ambiance live.
La voix de Catherine est belle et ne mord absolument pas, même à fort niveau. Les chœurs un poil en avant retrouvent rapidement leur niveau, l’effet grands espaces pousse peut-être les musiciens à chanter un peu plus fort que dans des petites salles. La dynamique est importante et, revers de la médaille, il faut monter un peu le volume du pack pour ne pas être à court lors des passages plus tranquilles.

Malgré le poids de sa basse, Noël Assolo illustre parfaitement  l’état d’esprit où vos pieds ne touchent plus le sol…

Petit à petit la nuit tombe et on en profite pour claquer quelques images aux lumières de Bruno Corsini et immortaliser ce dernier show avec du joli son dans les oreilles. On fait définitivement un chouette métier…

Les équipes

Prestataire : Potar Hurlant

Mix Retours : Christophe Genix, Yann Garnier
Mix Face : Madje Malki, Olivier Lude et Franck Richard
Backliner : Olivier ‘Mordicus’ Legrand
Lumières : Bruno Corsini
Bus driver : Fabrice Vallée
Prod Manager : Pierre-Alexandre Marie, Jean-Marc Poignot

Basse : Noël Assolo
Batterie : Tiss Rodriguez
Guitare : Paul Pavillon
Claviers : Nicolas Liesnard

Crédits - Texte et Photos : Ludovic Monchat  

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