Le point sur Robe Lighting France. Interview de Bruno Garros

Robe Lighting France, reprise de l’activité après covid, nouvelle politique commerciale, renforcement des équipes, délais de livraison, vision du marché… Interview de Bruno Garros, directeur Général de la filiale Française.

SLU : Comment avez-vous vécu le COVID ?

Bruno Garros : En France comme beaucoup d’autres entreprises, nous avons été très bien accompagnés par les pouvoirs publics avec l’activité partielle et des subventions.
Avec Elie Battah qui gère la filiale avec moi, nous avons pu maintenir l’ensemble de nos effectifs et une bonne profitabilité malgré une perte de 50 % de notre CA.

Elie Battah, directeur administratif et financier et Bruno Garros, DG de Robe Lighting France.

Le marché de l’installation notamment s’est montré très dynamique avec la transition écologique qui implique les projecteurs à leds. Un grand nombre de théâtres et d’opéras ont investi. Nous avons également bénéficié du travail actif des syndicats, l’Alliance et l’UDFM, qui ont œuvré pour que les fabricants et distributeurs de matériel pour le spectacle et l’événementiel soient inscrits dans la liste S1 bis, ce qui nous a permis de bénéficier de subventions.

Nouvelle politique commerciale pour l’installation

Bruno Garros : Cette période COVID, nous a quand même permis de mettre du temps à profit pour la réflexion et nous avons pris la décision de faire évoluer notre politique commerciale. Ça a été un vrai travail de groupe, chaque membre de l’équipe commerciale a apporté son point de vue.
Cette nouvelle politique commerciale repose sur la différenciation des deux marchés phares de notre métier, à savoir la location/prestation d’un côté et la revente/installation de l’autre. Concernant le marché de la prestation, pas de changement puisque les niveaux de remise sont comme depuis toujours annexés sur le volume et l’historique avec nos clients.

Concernant le marché Installation/ revente, par contre ça change ! En fait, l’idée est simple et ne repose finalement que sur du bon sens. A savoir protéger nos clients qui font un vrai travail de prescription avec les produits ROBE bien évidemment et de suivi des affaires.
Concrètement, l’ensemble de nos clients part avec la même remise de base. Le client prescripteur aura lui accès à une remise supplémentaire. Cette clause est d’ailleurs maintenant inscrite dans nos conditions générales de vente.


La cellule de réflexion sur la politique commerciale. De gauche à Droite, Jean-Philippe Fouilleul, Franck Veber, Bruno François, Terry di Isernia.

SLU : Tu as un réseau de revendeurs ?

Bruno Garros : Non, pas de réseau de revendeurs officiel chez ROBE France. Nous sommes par contre forcément très proches de certains clients très impliqués dans la marque et qui travaillent au quotidien à nos côtés. Pour faire simple, il n’existe aucune contrainte géographique, de marché, ni même de chiffre d’affaires.

SLU : Cette politique est-elle déjà appliquée ?

Bruno Garros : Oui depuis la sortie du COVID. Nous avons eu un coup de stress car nous nous remettions pas mal en question. Le marché de l’installation attendait une régulation et nous y pensions depuis 2 à 3 ans mais entre y penser et le faire… Le pas est souvent difficile à franchir. Aujourd’hui, avec un an de recul, nous pouvons dire que cette politique est complètement intégrée par l’ensemble de nos clients.

SLU : Cette politique concerne aussi bien Anolis que Robe ?

Bruno Garros : Non, Anolis est sur un réseau de vente différent. Cette politique ne concerne que les produits Robe.

Les investissements Humains

Vincent Bouquet, directeur technique de Robe Lighting France.

SLU : L’équipe de Robe France a-t-elle évolué ?

Bruno Garros : Oui, avec l’évolution de la filiale, il était important de créer le poste de direction technique car les clients ont évolué en nombre, en exigences et leurs questions techniques sont de plus en plus pointues.
Nous avons promu Vincent Bouquet, qui était chef produit, au poste de directeur technique avec un accès direct à l’usine. Il est compétent, il est jeune et il nous semblait légitime de choisir la carte de la promotion interne.

SLU : Vous êtes combien dans la filiale ?

Bruno Garros : Nous sommes 15 aujourd’hui.

SLU : Y en a-t-il qui ont changé de vie, suite au confinement ?

Bruno Garros : Non nous avons exactement la même équipe, et même renforcé notre activité commerciale dans l’est de la France avec l’arrivée de Romuald. Nous avons aussi renforcé le SAV et l’équipe architecturale. Puisque nous avons eu des aides nous avons pris le parti de les réinvestir dans l’humain en prévision du redémarrage des activités en sortie de COVID.

La Reprise exponentielle !

SLU : Peut-on parler de la façon dont le marché redémarre

Bruno Garros : L’activité redémarre de façon exponentielle, je dirais même historique. A titre personnel je n’ai jamais connu une telle effervescence et un tel afflux de commandes en un temps si court. En moins de quatre mois, nous avons été littéralement submergés de commandes, sur une référence notamment, l’ESPRITE.
Aujourd’hui il y a un manque évident de projecteurs chez tous les prestataires en Europe.
Ils sont à la recherche de machines aussi bien en sous-location qu’en acquisition. La demande est énorme sur l’ensemble des marchés : tournées, bateaux de croisières, événementiel, festivals, télé, parcs à thème, théâtres, opéras pour ne citer qu’eux.

SLU : La demande est plus forte que l’offre

Bruno Garros : Oui c’est le cas. Le challenge aujourd’hui, pour les fabricants comme nous, est de livrer les machines dans les délais souhaités par nos clients.
Il y a pénurie de pièces oui, mais l’afflux de commande est tel que même sans les challenges d’approvisionnement de composants, les délais s’allongeraient et ça, sur l’ensemble des produits puisque nous travaillons sur tous les segments.
Malgré les délais qui peuvent atteindre 6 ou 7 mois, nous enregistrons toujours des commandes massives sur l’ESPRITE et le FORTE en France comme au niveau mondial.


Une ligne de montage de l’usine Robe en République Thèque.

La crise mondiale des composants commençait à se calmer en janvier, la situation s’améliorait et nous pouvions indiquer des délais un peu plus optimistes aux clients. Mais ça n’a pas duré. En peu de temps, le confinement en Chine qui imposait la fermeture des usines, a tout remis en question. En l’espace de 15 jours, les délais ont augmenté. La guerre en Ukraine n’arrange rien évidemment. Quand tu planifies des lignes de production par rapport à l’arrivée prévue de pièces, tout est remis en question au moment de leur livraison.
Tu t’attends à recevoir par exemple 10 000 alimentations et tu en réceptionnes 600. Les délais s’allongent inévitablement. C’est un casse-tête quotidien pour l’usine qui néanmoins tourne à plein régime. On privilégie forcément les commandes par ancienneté et nous devons jongler pour les installations car les clients sont engagés sur une date limite avec pénalités de retard. Au niveau de la filiale française, nous travaillons au cas par cas pour trouver des solutions sur mesures dans les cas les plus critiques.

SLU : Et tous les produits sont concernés ?

Bruno Garros : Non, toute notre gamme théâtre comme les T1, T2 et T11 ou le MegaPointe, le Pointe et la gamme Anolis sont livrables dans des délais plus raisonnables.

SLU : Comment expliques-tu un tel afflux de commandes

Bruno Garros : D’abord, il y a évidemment le fait que l’activité des prestataires s’est retrouvée quasi à l’arrêt pendant 1 an. Pendant cette période, ils ont bien évidemment gelé leur investissement. En septembre dernier, tout s’est débloqué et en quelques semaines nous avons vécu un effet entonnoir ce qui a engendré une demande trop forte par rapport à nos capacités de production.
Ensuite, je constate que des prestataires sont de plus en plus acteurs sur des marchés européens et même au niveau international pour certains. Le niveau d’investissement de ces prestataires est massif. Ils s’équipent en parc à l’échelle de leur terrain d’activités. C’est positif pour le marché Français.
Je l’entends de mes collègues en Allemagne, en Grande-Bretagne, en Italie qui commencent à perdre certaines parts de marché au profit de sociétés françaises.
Je vois aussi des concepteurs lumière français de plus en plus présents sur de grands projets internationaux. Ça c’est vraiment nouveau et significatif. Et oui, ça fait plaisir.


Robe Lighting, affiche une présence systématique dans les salons internationaux où il produit des shows fabuleux . Ici à Prolight+Sound 22 sur le thème de La Belle et la Bête.


Analyse du marché français

Bruno Garros : J’aimerais ajouter par comparaison avec nos autres filiales, qu’en France, il y a une professionnalisation du métier plus avancée que dans les autres pays. Les prestataires ont leur syndicat, ça n’existe nulle part ailleurs.
J’obtiens des données très précises, du Synpase par exemple, sur les statistiques du métier, les nouvelles réglementations, etc. Et je constate que je suis l’un des seuls à avoir de telles informations lors de nos échanges avec mes collègues internationaux.
Au moment où je parle, le marché français est peut-être le plus dynamique au monde et porteur, En Europe en tout cas j’en suis certain.

SLU : La transition écologique commence-t-elle à rentrer dans les pratiques d’achat ?

Bruno Garros : En effet, il y a une nouvelle génération de dirigeants de sociétés, de concepteurs lumière, de scénographes, de directeurs techniques, qui est très sensible aux critères environnementaux. En l’espace de 2 à 3 ans, j’ai observé une bascule importante vers les nouvelles générations qui prennent des responsabilités dans des salles emblématiques et ce phénomène est porteur. Ils ont une démarche, une éthique différente, des connaissances techniques pointues. Ils vont très loin dans l’analyse des produits.

SLU : Le made in Europe est-il aussi apporteur d’affaires ?

Bruno Garros : Les marchés publics intègrent de plus en plus des critères environnementaux, c’est certain. Il y a aussi des questions des jeunes générations quant à notre politique en matière d’éco conception des produits y compris les étapes de la fabrication jusqu’au transport, et les parties recyclables. Ca devient de plus en plus codifié. Nous avons quelques réponses dont notre moteur de leds recyclable et une fabrication 100 % tchèque, même si évidemment on source partout dans le monde mais de plus en plus en Europe.

Le module de leds TE (Transferable Engine) recyclable chez Robe


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Le développement de l’usine Robe

SLU : L’usine a-t-elle reçu des aides du gouvernement tchèque pendant le Covid

Bruno Garros : Aucune aide mais Robe est un groupe indépendant, autonome et solide dont les 2 propriétaires sont impliqués dans l’entreprise au quotidien. La R&D a pu continuer à développer de nouvelles machines. Pour la plupart, nos filiales ont reçu des aides, donc n’ont pas sollicité le groupe qui en a même profité pour réaliser des investissements dans l’usine.

Ladislav Petrek (à gauche) et Josef Valchar, les deux CEO de Robe Lighting.

Nous avons un nouveau laboratoire ultra moderne avec une sphère d’intégration, des appareils de mesures colorimétriques, de mesures sonores, de tests IP, de résistance aux vibrations. Avant, ces mesures étaient externalisées donc ce nouveau laboratoire représente un sérieux gain de temps dans le process de développement des produits.

Il y a aussi de nouveaux robots dans notre usine de production de cartes électroniques. Le traitement des lentilles est dorénavant réalisé en interne par des machines de conception Française. Enfin, les Transferable Engines (moteurs de leds interchangeables) sont fabriqués aussi chez Robe.


L’architectural avec Anolis

SLU : Comment évolue Anolis sur le marché architectural français ?

Bruno Garros : La marque Anolis représente aujourd’hui plus de 15 % de notre chiffre d’affaires ce qui est une remarquable performance. C’est un marché très stratégique pour la filiale ou avec Elie Battah nous avons fait des choix forts d’investissements significatifs en termes de ressources humaines, support technique, SAV et marketing depuis quasiment l’ouverture de Robe France.
Sous la responsabilité de Bruno François nous allons poursuivre dans ce sens pour accompagner le développement prévu pour les années à venir. Le réseau de vente est très spécifique à ce marché et très différent de celui de Robe, des interlocuteurs différents également dans les bureaux d’études et des éclairagistes issus du marché de l’architecture.

Anolis a aussi du succès auprès de nos clients traditionnels prestataires et installateurs avec la gamme Ambiane, complément parfait de notre gamme Théâtre. Récemment ont été équipés le grand théâtre de Lorient et l’auditorium du musée du Louvre.


L’éclairage de la salle du Théâtre des Bergeries fourni par Alterlite, où les projecteurs Anolis Ambiane sont complémentaires des machines Robe de l’éclairage scénique.

A ce jour nous avons des références particulièrement prestigieuses comme l’éclairage de la Basilique de notre dame de Lourdes, la Tour Des Archives à Rouen (plus de 650 luminaires Anolis), le casino de Biarritz ou encore l’hôtel de ville de Pantin.


Mairie de Pantin éclairée en Anolis. © Olivier Hannauer – La Chouette Photo.

Très important de préciser que la mue et le développement de la gamme Anolis continuent avec l’objectif de positionner la marque sur le marché de l’architectural au même niveau que Robe pour l’Entertainment.


La Tour des Archives à Rouen. © Vincent Laganier-Light-ZOOM-Lumière.

Plus d’infos sur le site Robe Lighting France

 

Crédits - Texte : Monique Cussigh

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