Formation à l’ArrayProcessing au De Roma d’Anvers avec Amptec

Gros, très gros spécialiste belge, Amptec assure vente et intégration de marques comme d&b, DiGiCo, Universal Audio ou DPA, mais assure aussi de la formation. Nous avons été au De Roma d’Anvers mieux comprendre et écouter l’ArrayProcessing.


Régulièrement en effet, la newsletter d’Amptec nous invite à des formations sur le terrain. Nous sommes donc récemment partis à Anvers dans la salle De Roma, célèbre pour avoir entre autres accueilli des vedettes du calibre de Lou Reed, Cliff Richard ou encore Paul McCartney, pour découvrir, pratiquer et écouter l’algo magique de d&b.

La fameuse salle, équipée de manière permanente d’un système d&b, 12 V12 et 2 V-SUB par côté, plus une toute belle DiGiCo SD10.

Amptec a eu dans ses mains le dossier « de Roma » en 2016 et y a réalisé un travail remarquable, la salle étant loin d’être acoustiquement saine. Suite à une expertise d’Eddy Bøgh Brixen (expert en acoustique), l’accent a été mis sur l’absorption dans le grave.

Eddy Bøgh Brixen

Puis le déploiement en ArrayProcessing du système V de d&b et un travail spécifique au niveau des subs ont redonné des couleurs et un rendu optimisé en termes de cohérence et de niveau.
Beaucoup d’enjeux et de challenges ! De quoi être heureux quand Davide Zuccotti, education et support manager d&b, nous explique le fonctionnement de l’ArrayProcessing.

David Zuccotti en personne. Ne vous fiez pas à son jeune âge. Cet ingénieur du son de formation sait de quoi il parle.

Soyons clairs, la technologie n’est pas neuve et nous en avons déjà parlé dans un précédent article de SLU.
Ce qui nous intéressait lors de cette formation dans le De Roma n’était pas de faire un doublon, mais bien de donner aussi objectivement que possible, un second avis sur l’ArrayProcessing, et suivre l’évolution des algorithmes.

Avant d’aborder la théorie liée à cette nouvelle technologie, faisons un rapide point sur quelques principes acoustiques fondamentaux.

La diffusion Point Source traditionnelle bénéficie d’une décroissance de volume équivalente à -6dB par doublement de distance. Le Ligne Source (qui bénéficie d’un front d’onde homogène) bénéficie d’une décroissance de -3 dB par doublement de distance. Pour cela il doit respecter les 5 critères de la WST (Wavefront Sculpture Technology) édictés par Christian Heil, Marcel Urban et Paul Bauman dont on vous offre le lien pour télécharger le célèbre papier blanc de l’AES de sept.2001

Selon Christian Heil, ce n’est qu’en respectant scrupuleusement ces 5 critères que l’on pourra bénéficier du fameux -3dB/doublement de distance, ou -3db/dd. Ce couplage parfait permet à un système d’obtenir des niveaux plus puissants pour une puissance électrique équivalente. Les développeurs de d&b ont mis au point un algorithme améliorant encore ces performances jusqu’à offrir, sous certaines conditions, une atténuation quasi nulle par doublement de distance. Une sorte de saint Graal.

Pas si vite papillon… (et gaffe à tes ailes, le mur du son n’est pas loin)

Une panoplie d’ingénieurs du son, en train d’écouter un responsable de chez Amptec. Mais néanmoins perplexes car la photo est prise avant l’écoute.

Cette mise en forme du son s’opère dans les amplis dernière génération de la marque (D80, D20 pour le touring et 30D et 10D pour l’installation) et uniquement avec les enceintes d&b. Impossible donc de demander au DSP de votre vieux D12 d’en faire autant.
L’idée qu’un algorithme (aussi bien élaboré qu’il soit) modifie le son du système afin de mieux répartir pression et balance tonale dans la zone de diffusion, va à l’encontre de ce qui a été longtemps enseigné dans les écoles. De là le scepticisme de certains !

Davide de chez d&b nous présente les manettes avec lesquelles on peut contrôler l’ArrayProcessing :

Simulation sur l’Array Calc d’un système comprenant 12 V12. En bas à droite vous voyez la réponse en fréquence de votre système pour 2 fréquences de votre choix, ici : 4000 Hz et 250 Hz. Un système parfait nous montrerait deux courbes parallèles relativement proches.

  • 9 presets différents peuvent être rappelés très facilement et en moins d’une seconde. Attention cependant, ce rappel est audible, il faut basculer entre deux morceaux.
  • 3 zones distinctes peuvent être découpées et bénéficier de paramètres modifiables séparément. Cela est idéal si par exemple vous voulez travailler différemment la fosse, le sous balcon et le balcon.
  • Dans chacune des zones, on peut préciser la chute de volume souhaitée (-3db/dd, ou -1db/dd par exemple), la température, l’humidité, le type d’auditeur (listening pour des auditeurs ou réflecting pour des zones à idéalement ne pas sonoriser).
  • On dispose ensuite d’une commande type crossfader « Emphasis » permettant de naviguer entre le mode Power où la pression est la priorité de l’algorithme, et Glory qui au contraire travaille la balance tonale mais consomme du SPL et peut, sous certaines conditions extrêmes, rendre le process audible.
  • Tout à droite, un afficheur à 20 segments appelé Realizer indique la quantité de processing demandée par votre sélection de paramètres. Si vous atteignez le rouge : impossible de valider votre preset qui en demande trop et à coup sûr impacterait trop le rendu sonore.

La salle des machines du De Roma. 10 amplis 30D soit 40 canaux de 1 kW et autant de ressources DSP.

Bien entendu, si l’algorithme est gratuit dans ArrayCalc, son exploitation ne l’est pas tout à fait.

  • Ce processing nécessite que chaque enceinte soit processée séparément. Cela revient à dire qu’il faut un ou deux canaux d’ampli par boîte suivant le modèle.
  • L’algorithme ajoute 5,9ms de délai au système (en plus des 0,3ms initiales). Considérez donc que votre line-array recule acoustiquement de 2m.
  • L’algorithme ne fonctionne pas de la même manière sur tous les line-array d&b. Par exemple, il est compatible avec la série T mais n’est pas initialement prévu pour ce système (qui, à la base, est conçu pour mettre beaucoup de boîtes par ampli).
  • Pour tirer au mieux parti de l’algorithme, celui-ci demande des mesures rigoureuses et précises à 10 cm près.

Essais Off-Line

Après ce bref rappel théorique, nous n’avons pas pu nous empêcher de sortir notre ArrayCalc pour simuler quelques essais d’ArrayProcessing.

Premier slot : Bypass. Celui-ci est fixe et imposé par d&b, il permet d’écouter facilement votre système sans ArrayProcessing pour effectuer des comparaisons rapides.

Second slot : premier essai de l’équipe SLU. Nous avons appelé ce preset, useless.
L’ArrayProcessing est employé très, très raisonnablement et laisse une décroissance et une balance tonale sage. On constate du coup que le Realizer ne grimpe pas aux rideaux.


Troisième slot : SLU joue avec les commandes et crée du -0 dB par doublement de distance sur les premiers 45 mètres en recherchant essentiellement le SPL. On l’a nommé Power.
Pas de doute, les DSP vont chauffer ! Nous sommes à la limite du rouge et cela se voit dans les graphiques. Le niveau est élevé mais il y a de forts écarts fréquentiels … pas top point de vue balance tonale.


Quatrième slot : on commence à faire un preset qui pourrait être utile ; -2 db/doublement de distance, sur 85m ! On l’appelle Glory car on y a été cher du slider.
Une fois encore, nous avons joué avec les limites de l’algorithme et le dernier segment du Realizer n’est pas loin ! Pas étonnant vu ce que l’on demande à nos DSP. Le résultat dans le second schéma est quant à lui bluffant d’efficacité. De 200 Hz à 10 kHz, les courbes sont parallèles et proches. Tout indique que la balance tonale sera très équilibrée.


Cinquième slot : mise en situation ; une zone Presse est installée sur le balcon et on souhaite limiter au maximum le niveau sonore dans cette zone sans pour autant affaiblir les deux zones plus proches de la scène.
11 dB séparent la zone rouge de la verte. Idéal pour ce genre de situation. Ce preset a été réalisé grâce au « plane offset » que vous voyez sur la gauche de l’image de gauche.

Écoute réelle

Tout ça sur le papier c’est très bien, et un peu flippant. On joue avec notre ordinateur avec des images. Le moment est venu d’écouter la réalité de l’Array Processing.

David Zuccotti nous informe de comment aborder cette écoute comparative.

Davide nous invite à effectuer plusieurs écoutes du système de la salle De Roma avec et sans ArrayProcessing. Un test A/B, comme on les aime : même musique de référence, même volume d’écoute. d&b ne cherche pas à nous cacher quoi que ce soit. Davide nous met en garde et préconise que nous bougions dans la salle car c’est l’image globale de la balance tonale qui est modifiée. Difficile donc de se faire un avis sans se déplacer.

La première écoute nous fait comparer le système flat sans processing par rapport au preset « full » de l’ArrayProcessing. Comprenez par full : balcon compris. Soyons honnêtes, le système sonne bien dans les deux configurations. Les 12 V12 par côté sont efficaces pour une salle comme le De Roma. Difficile de se rendre compte, sans se déplacer, de l’utilité du processing.
Après plusieurs écoutes nous ressentons globalement un mieux, sans qu’il soit flagrant. Le medium semble mieux réparti notamment au balcon où l’on ressent moins de résonnance après l’activation de l’ArrayProcessing. D’un autre côté il est vrai qu’une diffusion bien conçue, installée et calée, peut n’avoir besoin que d’un petit coup de main pour en finaliser le rendu, c’est donc rassurant de constater que la mise en marche de l’algorithme n’apporte pas d’effets secondaires.

La seconde écoute en revanche nous a totalement conquis. La salle étant souvent occupée sans public au balcon, les gérants ont souhaité avoir un preset « parterre seul » où l’énergie inutilisée au balcon puisse l’être ailleurs, une récupération toujours salutaire en termes de moindre excitation de la salle. A l’étage, nous avons la sensation que les boîtes du haut sont coupées. A l’orchestre en revanche, la mise en marche du preset non seulement n’apporte aucune perte dans le bas médium, mais la précision de la restitution augmente et l’absence des réflexions du balcon fait grimper la définition. On est clairement bluffé.

C’est cette dernière écoute vraiment concluante, qui nous a convaincus de l’intérêt de ce système. L’ArrayProcessing est sans aucun doute une évolution très importante dans le monde de l’audio. C’est un outil remarquable avec lequel la distribution de l’énergie et la balance tonale peuvent être lissés et complétés bien au-delà du calage mécanique et des plateaux FIR. Le slogan de d&b qui parle de démocratisation du son est en grande partie vrai, tout comme l’est aussi le risque d’en faire trop et de jouer aux apprentis sondiers en oubliant d’utiliser ses oreilles…

Une vue du balcon prise depuis la scène.

L’option « -0db par doublement de distance » risque d’attirer des foules, mais il faut garder à l’esprit que ce genre de processing extrême crée des petits dégâts collatéraux qui ne sont pas forcément compris/entendus pas tous les techniciens y ayant accès. Il faut aussi veiller à ne pas sous dimensionner ses systèmes pensant que l’ArrayProcessing va recréer les dB manquants ou encore placer des boîtes nettement moins puissantes en side en espérant rattraper une balance et un SPL identique au système de face par exemple dans le grave.

Il faut « nourrir » l’algorithme en bois afin de lui donner les réserves nécessaires pour transformer vos rêves les plus fous en son et à ce prix, vous obtiendrez des résultats remarquables, comme l’a fait Amptec au De Roma. Un dernier clin d’œil. On pense que l’ArrayProcessing est plus orienté ingé système que mixeur. A méditer…

Les hommes de l’ombre comme on aime les appeler, toujours prêts à nous faire des tests AB comme on les aime.

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Crédits - Texte : Brice Coulombier - Photos : Brice Coulombier, Amptec, Eddy Bøgh Brixen, d&b

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