Avec d&b, Chantons et du son sous la pluie, 2ème partie

Bienvenus au Grand Palais pour la seconde partie de notre reportage. Une suite et fin où l’on chante sous la water, avec du flutter. Singin’ in the rain en compagnie des équipes du Châtelet, c’est passionnant et c’est maintenant. Suivez le guide avec votre parapluie !

(c)Theatre du Chatelet Marie-Noelle Robert

Après la régie HF, nous repartons avec Cyril en direction de la fosse d’orchestre posée à même la dalle du Grand Palais. Pour l’atteindre, on passe sous le plateau à partir du lointain ce qui permet d’admirer divers points techniques. Le premier est celui de l’interphonie en DECT, du Bolero Riedel qui passe aisément partout malgré la taille de l’endroit et les effets étranges du dôme sur les ondes radio. Tout de suite après on retrouve les amplis D6 et D20 du Châtelet, utilisés pour les retours.

Nous sommes au lointain, tout au bout c’est le nez de scène et la fosse orchestre.

Brillant de mille feux, les Ghost interpellent. Cyril Auclair : J’en ai installé partout. Deux ici juste sous la régie HF, deux en fosse et enfin deux à la régie façade. J’y véhicule le Dante de l’Aviom, le réseau pour le sous-titrage, ça me permet de récupérer la partie Wireless Systems Manager des HF en cas de besoin. Je véhicule aussi le R1 de d&b, l’intercom en AES67 et enfin un réseau data. L’audio lui passe par l’Optocore.

Le point intercom avec les modules DECT Bolero en pleine charge.

Les amplis des retours avec, à gauche et en bleu, deux Ghost.


Les réservoirs de stockage de l’eau de pluie connectés au bac placé sus la scène dont le sol est spécifiquement ajouré pour permettre l’évacuation de l’eau, et les différentes pompes et filtres achetés par le Châtelet pour cette production.

La balade continue par la zone  » humide « , où officie un pisciniste en charge de fournir tous les soirs l’eau sous pression, réchauffée à 35°, filtrée et purifiée. Cette eau est récupérée par le sol à chaque show et subit le même process afin de garantir aux acteurs une totale sécurité.

Nous arrivons enfin à proximité de la fosse de l’orchestre et donc à l’aplomb du système d&b en gauche, centre, droit, ligne de subs et fills en T10. L’endroit idéal pour y placer les amplis.
Juste à côté on retrouve le stage rack qui accueille les micros de l’orchestre et les racks Aviom pour donner au musiciens les flux à mixer individuellement et l’interphonie.
A la vue des Ghost, la question est inévitable. La réponse prévisible. Cyril Auclair : Bien sûr qu’on va avoir des Ghost au futur Châtelet ! D’abord cocorico et surtout, quel produit intelligent, utile, facile d’utilisation et encore plus pratique en POI et 10GB.

Siglés On-Off (vive la politique de groupe ! NDR), les 12 D80 nécessaires à donner vie à 36 Y, 10 V-Sub et quelques side et front fills grâce à 12 T10. Les Y fonctionnent en Array Processing, ceci explique le nombre d’amplis. Un rack de 3 amplis c’est une ligne de 12 têtes passives.

De l’audio à gauche, des retours au centre et de l’interphonie à droite. Ce qui brille le plus, c’est du Ghost et ce qui est écrit en orange…c’est l’Orange Box, avec deux slots occupés par une carte DMI-Opto et DMI-Dante !


Quelques pas en plus et nous arrivons dans la fosse qui est assez rangée, enfin, plus la partie cordes occupée par les filles que celle des cuivres qui l’est par les garçons. Au milieu de la fosse et face au chef d’orchestre, le piano attire notre attention.

SLU : Tu le repiques quasi fermé, pourquoi ?

Cyril Auclair : Complètement ouvert il sonne différemment et je n’aime pas trop et puis, il y a à boire et à manger avec tout ce qui l’entoure. En plus sur la grande béquille on ne voit plus le chef d’orchestre donc, il ne restait que la petite.

Une paire de DPA 4099 pour  » la base  » du son de piano.

Un bon vieux Schoeps pour  » le plus « , placé vers les cordes de grave


Et un M88 Beyer enfin, pour avoir une autre couleur et plusieurs matières à travailler.

SLU : Combien de musiciens as-tu dans la fosse ?

Cyril Auclair : Deux pupitres de trois violons, un alto, trois violoncelles, une contrebasse, quatre multi-instrumentistes (sax, flûte, clarinette), trois trompettes, deux trombones, un percussionniste, un pianiste et un batteur. 23 plus le chef d’orchestre.

Une contrebasse de l’Orchestre Pasdeloup, équipée jazz pour l’occasion avec un capteur Schertler et un 4099 DPA.

SLU : Ta fosse sonne comme celle du Châtelet?

Cyril Auclair : Rien à voir, en revanche la taille et les dimensions générales sont les mêmes.
Nous avons choisi avec Stéphane (Oskeritzian, le responsable audio du Châtelet NDR) d’ajouter des panneaux acoustiques pour parfaire l’acoustique de la batterie dont l’habituel cache en plexi nettoie des problèmes mais en créé d’autres.
On a donc dessiné nos panneaux et nos ateliers de décoration nous les ont fabriqués avec une partie basse pleine et absorbante et le haut transparent.

Une consolette Aviom A360 avec la somme de sources que le musicien peut régler à sa guise, 16 en tout. La touche jaune N°1 de chaque unité permet à chaque musicien, d’écouter un direct out de son propre micro, sur lequel éventuellement, prenons le cas de la trompette, le musicien peut ajouter le stem contenant un mélange des trompettes. Il est toujours maitre de son propre niveau individuel. Chaque soir une sauvegarde est faite de chaque consolette via son port USB et une clé qui porte le numéro de cette dernière afin de garantir la conservation du  » mix  » de chaque musicien. Comme ces derniers changent assez souvent, quatre mix sont rappelables instantanément à l’aide d’une touche.

SLU : C’est toi qui gère les envois pour les musiciens ?

Cyril Auclair : Oui, on prépare les stems avec Pierre, mon assistant, qui s’occupe par ailleurs d’envoyer les effets sonores durant le spectacle, et ensuite ce sont les musiciens qui font leur mélange avec le système Aviom que nous avons loué pour cette opération. On a travaillé avec eux durant les 4 jours de la répétition pour leur apprendre à s’en servir. Certains musiciens savaient déjà, mais la plupart étant issue de l’Orchestre Pasdeloup, notamment les cordes, n’avaient jamais été au contact de ce type de technologie.

SLU : Peux-tu écouter ce que chacun se fait comme mélange et peux-tu sauver la vie à distance à un musicien qui aurait trop tripatouillé les niveaux ?

Cyril Auclair : Nous avons un boîtier Aviom à la régie face pour vérifier le bon fonctionnement de ce réseau et le bon envoi de nos sources, mais on ne peut ni écouter ce qu’il fait, ni même intervenir, c’est un peu le point faible du système. En revanche j’ai veillé à distribuer les consolettes sur différents switchs de telle sorte à éviter que si l’un tombe, on se retrouve avec tous les violons ou tous les cuivres en moins. Enfin j’enregistre chaque soir en multipiste pour pouvoir tracer les problèmes techniques très précisément. Comme je prends 90 pistes, mes enregistrements sont en 44KHz et 16 bits. Sinon cela devient énorme (sourires)

Un 4099 DPA qui attend sagement que son violon revienne comme tous les soirs pour s’y accrocher avec délicatesse. Pierre qui assiste Cyril vient aider les musiciens à équiper leur instrument chaque soir et parfois opère quelques retouches ;0)

SLU : Les micros qu’on voit sur les instruments sont tous à vous et si oui, comptez-vous en acheter quelques-uns numériques à l’avenir ?

Cyril Auclair : Oui, ils sont quasiment tous à nous. Pour ce qui est des micros numériques, je trouve ça très intéressant d’un point de vue du son, mais leur déploiement réclame encore pas mal d’interfaces et d’ordinateurs quand l’on n’a pas la console qui parle en AES42. C’est encore trop long et pas assez fluide à mon goût.

SLU : Comme casque ?

Cyril Auclair : Du HD25 Sennheiser ou différentes références de Westone. Durant la résidence, chacun a pu choisir ce qu’il préférait.

A droite le rack vidéo, essentiellement du matériel issu du théâtre, et à gauche un rack contenant la partie médias sonores gérés par Q-Lab, le tout bien entendu redondé et attaquant la console en MADI.

Allez zou, on monte à la régie face, le line check va avoir lieu et ça nous permettra de découvrir la TRES grosse SD7 et la somme de petits éléments vidéo indispensables dans l’exploitation au quotidien d’un théâtre puisqu’au Châtelet cette mission incombe aux gens du son.
Un exemple intéressant de cette mission vidéo est la fourniture d’un flux vidéo et sonore aux spectateurs retardataires qui ne peuvent rejoindre leurs places assises que lors de l’entracte, et dans cette attente, disposent d’une loge spécifique où ils retrouvent son et images du show.

On continue notre discussion à bâtons rompus quand, dans le doute que cela ne soit pas un panel resté ouvert, j’excite la salle avec ma voix et là, venant de nulle part, le plus remarquable slapback qui soit, claque fort et clair et nous fait exploser de rire. Sacré Grand Palais, heureusement ce soir le son ne sera pas émis depuis la régie, mais plutôt vers elle !

SLU : Combien de signaux reçois-tu dans ta console ?

Cyril Auclair : 50 liaisons plus 43 lignes de la fosse, talks inclus et ici à la régie j’ai les 16 pistes du QLab, 3 retours réverbération (un tout petit peu pour l’orchestre et zéro pour les voix) et 6 micros d’ordre, bref, j’ai 118 entrées et 130 signaux divers. Et j’ai juste une cinquantaine de snapshots.

La SD7T avec son gros side-car en dessous de laquelle prennent place le sonomètre officiel et un panel d’interphonie mais aussi, moins fréquent, une paire de jumelles !

SLU : Les acteurs sont disciplinés avec les micros ?

Cyril Auclair : Oui, mais même s’ils ne l’étaient pas, je suis chaque phrase à la main et entre deux tirades, je ferme toujours la tranche inutile. Mes snaps rappellent des VCA (drôle, on a commencé à dire DCA lors des premières numériques et puis l’habitude a fait que le V est sorti de l’hospice… NDR) des VCA donc, avec les personnes dont j’ai besoin. J’essaie de ne pas dépasser 6 artistes à la fois car cela devient compliqué. En plus des voix, je rappelle aussi des VCA d’instruments. L’ensemble part après dans la matrice de sortie pour router les stems en fonction des besoins.

Il y a des flight cases d’expérience et des semi-remorques de souvenirs, et comme on ne le retrouvera bientôt plus qu’au large de la Pointe du Fier une mitraillette à la main et des maquereaux plein le seau, on s’est posé quelques minutes avec Roland Girard.

Roland Girard

SLU : Tu es arrivé quand au Châtelet ?

Roland Girard : La première fois c’était pour Black and Blue en 1985. J’ai travaillé ensuite pour toutes les comédies musicales américaines qui venaient en France, y compris en tournée en Europe. J’étais intermittent. Je ne le suis plus depuis la fin d’Hello Dolly en 1993 / 94 où j’ai rejoint le Châtelet. Et j’arrête dans quelques jours ( plus précisément il le sera fin février 2018 NDR) A Chorus Line, My Fair Lady, que de souvenirs…

SLU : Pourquoi t’es-tu dédié aux HF ?

Roland Girard : Mais parce que personne ne voulait s’en occuper (rires) Peut être étais-je plus technicien que les autres, mais j’ai pris le bébé, et comme je n’ai pas accroché complètement avec les consoles numériques et que c’est plus sympa d’être derrière avec les artistes, j’y suis resté. Je bricole aussi pas mal avec Benoit et on s’amuse. On a mis au point avec André Chevalier un électricien de scène, le push pull. Les micros terminent tous par cette prise qui permet des connexions rapides et facilite les changements d’émetteurs quand on en a moins que de micros, et qu’il faut les faire voltiger. C’est moi qui soude ces bretelles avec une loupe.

SLU : C’est fiable ?

Roland Girard : Le contact oui, mais potentiellement c’est un point de casse en plus et on en a eu quelques-uns qui ont lâché, mais le gain de temps vaut le petit risque.

SLU : Et après Régiscène, le Chatelet et toutes les autres sociétés et aventures que tu as connues, quel est ton programme…

Roland Girard : Je ne sais pas trop. J’ai un bateau et une petite maison sur l’Ile de Ré, je te raconterai ça sur place en buvant un coup !

Cyril Auclair

Personnalité totalement différente mais gros bagage technique et artistique, nous avons posé quelques questions sur son parcours aussi à Cyril Auclair.

SLU : Comment en es-tu arrivé à exercer ce beau métier de sondier…

Cyril Auclair : Je suis issu d’une famille de musiciens et mon père est issu de la filière musique contemporaine avec des personnages comme Pierre Henry.
Mon premier stage je l’ai fait dans un festival de musique électro acoustique avec justement Pierre Henry et des œuvres de Pierre Schaeffer… Pour le reste je suis flutiste, mais arrivé à mon prix, je n’ai pas suivi le chemin logique de l’orchestre et me suis décidé à aller vers le son, mais avec une oreille formée par les études classiques.

SLU : OK, tu es tombé dans la marmite étant petit.

Cyril Auclair : Depuis mes 6 ans je savais et je disais que je voulais travailler dans le son. J’ai donc passé un BAC STI génie électronique et informatique industrielle. Ensuite je suis parti en IUT en électronique et informatique ce qui m’a pas mal appris.

SLU : Dangereux, t’aurais pu bifurquer…

Cyril Auclair : Ahhh noooon, mon chemin était tracé et après l’IUT je suis parti dans une école de son. Tout était clair dans ma tête, mais je voulais comprendre le fonctionnement d’une machine avant de l’employer, d’où mes études.

La SD7, voilà un beau sujet d’étude…

SLU : Et cette école de son ?

Cyril Auclair : C’était e CFPTS, la seule qui en 2004 traitait un peu du live. Et comme pour rentrer dans cette école il fallait en passer par le contrat d’apprentissage, après moult péripéties, j’ai réussi à décrocher le Châtelet où ils étaient trois, Gérard Fernandez dit Frisé, Roland Girard et Stéphane Oskeritzian.
J’ai réussi à gagner rapidement leur confiance et dès la deuxième année d’apprentissage j’ai pu participer aux spectacles avec les balbutiements de la HF.
Je suis ensuite devenu intermittent avec 50% de mon temps au Châtelet et le reste en dehors avec notamment deux spectacles de Savary. Comme le Châtelet me prenait de plus en plus de temps, j’ai été intégré en tant que technicien permanent, puis régisseur et enfin assistant du responsable du service.

Le pupitre du Stage Manager exploité au Grand Palais. Pensé, créé et voulu par les équipes du Châtelet, il a été récupéré sur place.

SLU : Stéphane mixe lui aussi ?

Cyril Auclair : Au tout début oui, on mixait tous les deux, après on s’est rendu compte que d’abord il y avait besoin d’un interlocuteur et d’un filtre pour le metteur en scène et qu’ensuite, la complémentarité entre deux mixeurs ne s’obtenait qu’avec des périodes longues de répétitions, un luxe qu’on n’a pas puisqu’on ne dispose que de 6 à 7 jours en moyenne. Comme les anglais avaient créé ce poste et qu’ils ont un coup d’avance sur nous, on a aussi inventé le poste de sound designer, responsable du son et c’est Stéphane qui par goût et ancienneté l’a pris.

SLU : Mais le mixage des comédies musicales, ses codes, son rendu si particulier, comment l’as-tu appris.

Cyril Auclair : Quand les comédies musicales sont arrivées au Châtelet, différents mixeurs ont été appelés d’œuvre en œuvre pour gérer le son. Un français d’abord s’y est essayé mais il faisait un son musclé, beaucoup trop. Un second français a été appelé, mais une fois encore cela n’a pas plu. A la troisième comédie musicale c’est donc un anglais, et un bon qui a pris les manettes, mais a coûté très cher, ce qui a donné l’envie au Châtelet de pousser les internes vers la console, et c’est comme ça que j’ai pris la relève.

Les années passent, la conduite reste et, quand on sait lire la musique, rien de tel qu’une bonne partoche !

SLU : Et tu en as profité pour apprendre avec ceux qui sont passés avant toi !

Cyril Auclair : Bien sûr. J’ai bu, je me suis imbibé des points forts de chacun. Comme je le dis souvent, je n’ai rien inventé mais j’apprends toujours, à la fois quand je tourne et je suis accueilli ou bien quand je fais l’accueil et je regarde travailler les autres.
Et je reste un fan des comédies musicales que je vais voir à Londres dès que j’ai le temps en scrutant de près les régies et en tissant des liens avec mes collègues d’outre-manche. En 12 ans de pratique on a donc réussi à créer notre propre son du Châtelet, en essayant d’aller dans un sens  » acoustique  » tout en étant amplifié.

SLU : Ça ne doit pas être évident de satisfaire tout type de public.

Cyril Auclair : On est pile à la frontière entre les amateurs de classique du Châtelet qui viennent vers le spectacle amplifié et ne jurent que par le son naturel, et les amateurs de comédies musicales et de shows amplifiés qui demandent plus de pression. On mixe dans la tradition anglaise, pas fort et un peu en dessous pour respecter cette moitié de public plus  » classique « . Petit à petit on s’est équipé pour cela et surtout pour faire en sorte que dans un théâtre à l’italienne comme le nôtre, chaque siège bénéficie d’un bon son. On est donc bon sur la matrice avec Stéphane (rires) !

Prêt pour le show, Pierre Bodeux, l’assistant de Cyril à la face est plus spécialement en charge d’envoyer les effets sonores.

SLU : Vous n’êtes que deux, qui te remplace si tu as un pépin physique ?

Cyril Auclair : Sur Singin’ personne, mais je suis un dur à cuire, cela m’es déjà arrivé une fois de mixer dans un état pathétique ! Sur les autres shows, on essaie d’être deux et pour permettre à mon binôme d’être à l’aise, il travaille avec moi et dispose de la conduite et du multipiste du spectacle pour répéter ses ouvertures et fermetures.

SLU : Tu joues le noise gate intelligent en somme…Combien de dB d’atténuation, 6, plus ?

Cyril Auclair : Ce dépend des situations. Par défaut c’est -6 pour ne pas avoir de problèmes, parfois cela peut être plus et d’autres fois le metteur en scène nous demande de laisser tout ouvert pour qu’on entende l’effet de rapprochement entre les deux artistes et leurs deux micros ! Parfois on se trompe et ça plaît !

On aime bien les grosses consoles dans les comédies musicales. Voici une SD7 + ¾, grosse et poussiéreuse à cause des canons à air chaud qui ne brassent pas que des calories. Vive le pinceau Cyril !

SLU : Je vois que tu n’as quasiment aucun périphérique externe, tu fais tout dans la console ?

Cyril Auclair : Presque. De toute manière je ne me sers que de compresseurs multibande et d’EQ dynamiques. J’ai un ou deux artistes qui ont des voix assez étranges qui nécessitent d’être freinées.
Ceci étant, dans le spectacle il y a une femme avec une voix qui doit vriller les tympans, cela fait partie intégrante du rôle, donc elle joue avec cette voix et il y a tout un travail qui a été fait pour l’exploiter ainsi.

SLU : Et l’orchestre ?

Cyril Auclair : J’ai quelques multi bandes sur certains VCA, les cuivres parc exemple, pour mieux les tenir et faire en sorte de ne pas trop subir le changement d’instrument et de musicien. Mais la dynamique est là et je suis opposé aux galettes. On aime la dynamique dans la comédie musicale.

Ca parait gros vu comme ça, mais un  » théâtre  » de 2400 places c’est très gros et le démontage n’a pas dû être une partie de plaisir. Juste 100 tonnes de ferraille et 24 tonnes de décors, plus toute la technique, le câblage, les tissus…

SLU : Pour terminer fais-nous rêver, admettons que la dernière vient d’avoir lieu, en combien de temps vous cassez tout ça ?

Cyril Auclair : Pour le son on a 8 heures. La nuit qui suit la der. Après, toute la scène, la machinerie, les bassins et les pompes ont 48 heures de plus. Comme la remballe n’est pas simple entre ce qui nous appartient et ce qui a été mis à disposition par Silence, tout part dans leur dépôt et on fera le tri après afin de rapatrier notre matos dans nos dépôts de St Ouen.

SLU : Et après qu’est-ce qui va se passer ? Il est long votre chantier…

Cyril Auclair : Oui mais il était nécessaire, la dernière grosse rénovation datait de 1998 et depuis lors, on a assisté à une stratification des câblages et un manque de place pour déployer correctement les nouvelles technologies. Nos passages de câbles étaient pleins au point que l’inutile prenait le pas sur l’utile. Il y a bien eu des investissements avec le passage du C3 au Q pour la diff ou de l’XL3 à la SD5, la première arrivée en Europe et puis la SD7 pour le mixage, mais il était temps de tour curer et remettre à plat.

Une des C3 des débuts, toujours vaillante…

On devrait réaccéder à la salle début 2019, mais on aura un temps d’adaptation et quelques shows pour rôder les installations et bien prendre nos marques. D’ici là, comme les responsables de service et leurs assistants sont partie prenante dans l’ingénierie du projet, nous sommes tenus d’être présents et collaborer à ce que sera le futur Châtelet.
C’est une démarche assez rare pour être signalée et pour que nous soyons force de proposition et suivions bien le chantier. Sinon nous allons avoir des opérations extérieures moins longues que Singin’ mais tout aussi prenantes et enfin si l’un d’entre nous a un coup dans une autre salle, nous pouvons le faire en prenant un congé sans solde.

SLU : Au fait, tu dois toucher le fond des ressources de la SD7 avec le bout des orteils. Un beau moteur Quantum 7 s’impose non ? (rires)

Cyril Auclair : Sur les 256 paths de la console il doit m’en rester 2 donc oui, forcément, d’autant qu’on dispose d’une grosse configuration DiGiCo avec en plus du sidecar et des 3 stage racks, les dual engines montés en Optocore. Ce donc serait dommage de se priver de cette possibilité de regonfler et prolonger cette belle console pendant encore de longues années.

SLU : Et peut être quelques cartes 32 bit…

Cyril Auclair : Je ne te le fais pas dire (rires)

Dan Burton, l’interprète de Don Lockwood, au Grand Palais – Théâtre du Châtelet (c) Sylvain Gripoix

Conclusion

Ce lieu est féérique, et tout comme Prince y a donné en 2009 deux concerts mémorables et pourtant improvisés en 3 jours seulement, le Châtelet s’est aussi lancé dans l’aventure du Grand Palais, mais avec de tout autres moyens et une réussite quasi-totale, Grand Palais qui a fini par se laisser apprivoiser car impossible n’est pas français. Quand en plus les allemands filent un coup de main, cela fait une très belle comédie américaine. C’est ce que l’on appelle la mondialisation du talent au service du spectacle avec un grand S.

Une vue des Y8, une boite passive mais puissante et très délicate.

Dès les premières notes on est sous le charme. Le rendu est léger, fin, précis et sous-produit dans le bon sens du terme. Certes on ne peut pas régler la réverbération et l’écho, mais on n’est pas du tout frustré. On sent que captation, mixage et diffusion sont à l’unisson de ce style musical si particulier, et les voix trouvent naturellement leur place dans cette arabesque d’arrangements et d’instruments 100% acoustiques, qu’une pression raisonnable garde justement très acoustiques.
La finesse de l’aigu du Y qui rappelle celui du V, un spécialiste en la matière, apporte sa touche finale et complète le tableau de l’intelligibilité qui, malgré les 6 secondes de RT restantes et des flutter echos dignes d’être modélisés, s’avère suffisante. Les turbines à air ne font pas dans la discrétion mais couvrent aussi pas mal de réflexions en jouant sur l’effet de masque. On se console comme on peut !

Solide, sans doute antidérapant et ne gonflant pas une fois mouillé, ce bois n’a malheureusement pas les caractéristiques et le montage propre à le faire sonner, mais plutôt à bien évacuer l’eau.

Dernier petit regret, le plancher  » ouvert  » indispensable à la tenue du spectacle s’avère moins sonore et surtout claque un peu mou malgré les trouvailles de l’équipe son pour en tirer la quintessence.

©Théâtre du Châtelet

Cyril fait voler ses doigts sur les faders de sa SD7 et apporte un équilibre constant où pas une tête dépasse et le show déroule comme sur des rails. Merci à lui d’avoir subtilement baissé la charley qui scande le rythme et remonté d’autant la contrebasse. Ahh ces journalistes biberonnés au contour !

 

Allez, on peut le dire aussi, le micro plongeur ne sonne pas trop comme le DPA, mais à l’impossible glou…glou…

Quoi qu’il en soit, bravo aux artistes dans la fosse et surtout ceux sur scène. Ca joue, ça chante, ça danse avec un entrain et une qualité remarquable qui justifient tous les efforts consentis pour le montage de cette troisième mouture de Singin’ in the rain.
J’avoue bien volontiers avoir eu le plus grand mal à faire mon métier d’emmerdeur patenté sans devenir l’espace d’une heure et demi, un simple spectateur captivé par tant de talent. Chapeau aux artistes, mais aussi au Châtelet et aux intervenant extérieurs comme d&b qui a fait un super boulot et rendez-vous sous en 2019 dans un théâtre flambant neuf pour un nouveau reportage sentant bon le mastic et la peinture fraîche !

(c)Theatre du Chatelet Marie-Noelle Robert

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