Le Grand Bleu plonge dans l’hyperréalisme 1re partie

1988. J’assiste au Grand Rex à Paris à la projection du Grand Bleu, et comme toute la salle, je ressors conquis, habité par l’histoire mais surtout sa musique en relation étroite avec l’image. 30 ans plus tard l’œuvre majeure du tandem Besson & Serra est reproposée en ciné-concert. Rien n’a changé, mais tout est mieux.

Automne 2017, Maxime Menelec, jeune et talentueux sound designer, ingé système et chef d’équipe nous glisse qu’un potentiel coup en L-Isa se prépare et nous conseille de mettre de côté le vendredi 11 mai 2018. Impossible d’en savoir plus, on lâche donc le morceau, soulagé par le : «…je t’appellerai quand on sera en studio, tu comprendras » habilement glissé.
Les semaines passent et fin janvier, rendez-vous est pris dans une petite impasse non loin de Montmartre. On sonne à une porte banale même si blindée. Une fois franchie, le décor, l’odeur d’électronique chaude et plus encore les accords qui y résonnent ne laissent aucune place au doute. Ça sent le Serra à pleines narines.

Romain de dos face à une configuration L-Isa en X8 très ramassée de 5 + 2 extended.

Deux personnages-clef de l’aventure « Le Grand Bleu fête ses 30 ans » viennent à notre rencontre. Maxime qui abandonne quelques minutes sa configuration L-Isa d’encodage basée sur des X8 L-Acoustics et Romain Berguin, un personnage stratégique qui, avec Jean-Philippe Schevingt dont on parlera plus loin, forment le trio qu’Eric Serra remerciera chaudement quelques mois plus tard sur la scène de la Seine Musicale au bout de la projection. A juste titre. Mais chaque chose en son temps.

Le travail auquel nous assistons brièvement cette après-midi d’hiver nous laisse pantois. Oui, tous les éléments musicaux existent, même la session de Performer d’époque, car Eric Serra a méticuleusement tout gardé y compris les MidiVerb, non pardon, les MidiiiiiihhhhhhhVerb, et a pris soin quelques années plus tôt, de faire digitaliser sur ProTools le multipiste d’époque.
Oui Eric connaît exactement les claviers, effets et autres combines qu’il a utilisés pour générer ces réverbérations sans fin qui ont eu raison des écrans trans-sonores et des gros moteurs aux courbes tristement académiques des salles obscures, mais voilà, il va falloir tout retrouver, mettre au propre ou recréer pour pouvoir rejouer la BO sur scène en même temps que le film, et le tout en L-Isa. Dit comme ça cela paraît simple, mais rien que d’en parler on a les paupières qui tombent comme celles de Romain et Jean-Phi qui ont passé des semaines à cette tâche !

Ile Seguin. La Seine Musicale vue par le côté où l’on accède aux RIFFX Studios. Le monsieur sur son monocycle électrique est Eric Serra qui se dégourdit les idées.

Discrétion oblige vis-à-vis du producteur, nous avons très peu d’images de ce studio de pré prod, ce qui n’est pas le cas du second double studio de répétition, le RIFFX sur l’île Seguin, intégré au complexe qui comporte la Grande Seine, où aura lieu la projection.
Nous y retrouvons début mai notre fine équipe pour le travail de mise en place des titres avec les six musiciens en plus d’Eric Serra qui tient la basse et dirige l’ensemble, une étape cruciale puisque ces derniers ne sont entrés dans la danse que deux semaines avant le jour J. De sacrés pros, soit dit en passant.

Servant aussi à stocker des percussions, du « matériel fragile, ne pas toucher » comme le dit la pancarte, Seb Barbato et Max Menelec découvrent titre après titre du film, tel que joué par les 7 musiciens et mixent pour l’un et placent dans l’espace pour l’autre.

Deux salles séparées sont mobilisées, RIFFX1 et ses 350 m² pour les musiciens, la gestion des images, celle des sons avec Romain Berguin et Jean-Phi Schevingt et la console retours de Ben Rico, et RIFFX3 et ses 80 m² pour la console de mélange de Seb Barbato et la partie encodage tenue par Max Menelec. Entre les deux studios séparés de quelques mètres, deux boucles Optocore font le boulot.

La première impression à l’écoute des enregistrements effectués sur les différents titres qui se mettent en place les uns après les autres, est la quantité peu commune d’effets, essentiellement des réverbérations. Chaque source est réverbérée. Une bascule sur le mix du film, en fait le CD qui a été re-synchronisé avec le film, recale nos oreilles.
Programmation, jeu comme mix sont en réalité très proches de l’original, une exigence d’Eric Serra, et il suffit de regarder l’image qui défile sur un grand écran pour que l’ensemble redevienne totalement cohérent et dans les clous par rapport au souvenir qu’on a du film en salle.

Une BO de film et plus encore celle du Grand Bleu, doit faire corps avec l’image, avec l’histoire, car elle est rentrée dans l’inconscient de toute une génération de spectateurs. Impossible donc de changer quoi que ce soit. On verra plus loin que tout le travail de pré-production et d’équilibrage dans un studio assez sain et mat, à l’aide d’enceintes proches du moniteur studio et soutenues par un sub KS28, devra être repris lors des filages en salle où sera déployée une configuration L-Isa Focus. Seb Barbato n’a pas chômé !

Une configuration de travail L-ISA basée sur la X8, une enceinte coaxiale remarquable, à laquelle ne manque que…un KS28. Ca se tente, mais ce n’est pas évident à la maison ;0) Remarquez en vert sur l’écran la battue, une information capitale distribuée à tout le monde en même temps que le film.

Il n’empêche que le son dans le studio est infiniment plus précis, plus fort ; les sonorités sont plus nettes, les textures plus belles, les attaques du grave tapent tellement bien avec une densité, une épaisseur très appréciables des instruments. Seb mixe comme pour un concert sans pour autant charger un contour de dingue.
On est à des années-lumière du LFE brouillon des salles obscures. Les voix d’époque et les quelques bruitages trouvent leur place, ne serait-ce que par leur faible dynamique, leur couleur très, mais alors très chaude d’une captation de doublage (le film a été tourné en anglais NDR) loin d’être toujours réussie.

SLU : Ton mix et par exemple ton pied ont cette couleur concert qui fait du bien et renouvelle la BO. Comment trouves-tu la place pour les dialogues ?

Seb Barbato : Cela est dû aux sources qui sont toutes issues des nouvelles machines virtuelles, de captures des originaux et des quelques instruments acoustiques qu’on traite différemment. Il ne faut pas oublier que nous préparons un ciné-concert. Notre mix ne peut pas être exactement celui d’un long métrage classique. La musique doit avoir un rôle prépondérant. Enfin on découvre pas à pas le mixage de ce type d’œuvre.

Seb Barbato au premier plan et derrière Max « je te l’ai mis là », le maître de l’espace ;0)

Jusqu’à la semaine dernière on travaillait les morceaux bruts, ce n’est que depuis peu qu’on a le film, les effets et les dialogues, et encore, quand on travaille sur notre Virtual (l’enregistrement des morceaux joués par les musiciens NDR) on n’a pas l’image et on revient à la musique seule. Il ne faut pas se fier aux équilibres des musiques seules car, une fois laissée la place aux voix en plaçant le PBO quelques dB plus bas, les niveaux des réverbérations sont par exemple insuffisants…

On ferme les yeux, un comble pour une musique de film, afin d’encore mieux appréhender l’espace offert par le matriçage L-Isa qui prend ici une importance nouvelle par l’exploitation de la somme de sonorités qu’envoient les 7 musiciens plus quelques rares boucles pré-enregistrées et les nombreux effets. On a beau n’être que dans un studio de 80m², le retour à la stéréo afin de vérifier constamment la conformité des grands équilibres, est pour le moins sinistre. Et dire qu’on écoute ça tous les jours.

Une pause avant un filage nous permet de cuisiner, disons de saisir pif-paf Max et Seb.

SLU : Qui, à l’origine du projet, est venu vous chercher ?

Seb Barbato : J’ai été appelé par Max pour le mixage, mais ils ont énormément travaillé avec Romain en amont.

Maxime Menelec : Nous sommes effectivement avec Romain à l’origine. Romain est l’assistant d’Eric Serra et moi je suis allé un jour dans son studio analyser et recaler ses écoutes. On est devenu en quelque sorte potes.
Quand Cyrille Sebbon son manager et Eric nous ont présenté le projet, on a proposé de prendre en charge toute la technique et le montage de l’équipe à savoir Seb à la face, Ben Rico aux retours et Jean-Philippe Schevingt pour recréer les sons, le tout produit par Gérard Drouot pour qui c’est aussi une première. Et forcément j’ai pensé à un montage en L-Isa. Le prestataire est Dushow avec l’apport d’un certain nombre d’ordinateurs et de petites enceintes appartenant à notre société Upoint.

Max ventilant façon puzzle, les sources dans l’espace L-Isa en parfaite intelligence avec Seb. On voit bien sur l’écran la répartition en trois centrales (plus tard en K2) deux extérieurs (en Kara) deux extended (aussi en Kara) et à l’arrière les deux surrounds (en Kiva II)

SLU : J’imagine que L-Acoustics est de la partie…

Maxime Menelec : Tout à fait. La partie encodage qui s’est déroulée cet hiver à savoir les X8 sauf les deux qui nous appartiennent, les subs, les amplis et le processeur L-Isa ont été prêtés par L-Acoustics. Quand on leur a présenté le projet, ils ont été enthousiastes. Florent Bernard, Fred Bailly qui s’est beaucoup occupé de nous et même Guillaume le Nost (Responsable du développement de L-Isa à Londres NDR). Il n’a pas pu encore venir mais on s’envoie dix textos par jour ! Je l’ai bien soûlé pour faire avancer certains détails.

SLU : Au fait, je vois un KS28, où est le second sub ?

Maxime Menelec : Dans le grand studio avec les musiciens. Un SB28 qui est certainement dans les limiteurs. Comme ils travaillent avec des ears, j’ai préféré leur ajouter de la pression dans le bas, comme ce sera le cas quand ils seront au pied de la toile de 23 m x 10 m avec les enceintes, dont les subs, accrochés derrière eux.

Seb : Ben leur ajoute un dB chaque jour et comme cela fait deux semaines que nous sommes en résidence, cela doit commencer à être bien fort.

Le grand studio de RIFFX avec les 7 musiciens, dont Eric Serra. Face à eux et non visible sur cette photo, Romain Berguin, Jean-Phi Schevingt et Ben Rico les alimentent.

SLU : Seb, quand es-tu rentré dans l’aventure ?

Seb Barbato : En janvier où j’ai appris que cela allait être une opération en L-Isa. Comme je n’avais jamais mixé avec, je suis allé à Marcoussis pour me familiariser et comprendre la philosophie de travail en multivoie et plus simplement en stéréo. Je suis arrivé avec des multis de mes concerts et j’ai passé une journée entière à jouer dans l’auditorium.

Maxime Menelec : Désormais ce studio a troqué ses Kara contre des Syva et Syva Low.

Seb : Cela a été très utile car il faut penser son mix différemment pour tirer la quintessence des ressources placées devant toi.

SLU : Et pourquoi DiGiCo et la SD7 ?

Seb Barbato : C’était inévitable vu les ressources nécessaires, l’utilisation de la boucle Optocore, le fait que Ben aux retours a la même et qu’on a tous les deux des serveurs Waves préprogrammés par Romain. Ce dernier a fait un travail de fou puisqu’il nous a recréé des copies à l’identique des fameuses réverbérations du Grand Bleu, sans avoir besoin de ressortir les vieilles Midiverb. On n’aurait jamais eu le temps de chercher et programmer par nous-même tous ces algorithmes. Il nous a créé 10 réverbes sur 60 snapshots, toutes différentes et correspondant pile poil à l’ambiance de la musique. Cela représente pas loin de 600 presets !

SLU : Apparemment tu as fait toi aussi le choix de déléguer la partie matriçage et spatialisation à une tierce personne…

Le tandem Seb et Max en plein boulot.

Seb Barbato : C’est plus simple et le plug de DiGiCo & L-Acoustics est arrivé la semaine dernière. L’installer implique de sortir les réverbérations Waves de la console alors qu’elles sont parfaitement encodées. On n’a pas pris le risque.

En plus on a un patch en 130 dans la table et on réduit à 96 pour attaquer le processeur qui ne prend pas plus de canaux. On s’est accordé sur le fait que Max fait un pré-placement des sources et moi je fais ma sauce dans la console. On se connaît très bien et on entend la même chose. Tout seul et sur une SD7 full, tu ne peux pas prendre en plus la gestion de L-Isa.

SLU : Même si un jour on imbrique parfaitement L-Isa dans toutes les consoles ?

Maxime Menelec : La complexité de la configuration que nous avons mise en place rend impossible le travail seul. On n’est pas en direct out post-fader, on a dû passer par la solution des 96 auxiliaires, ce qui signifie qu’à chaque titre nous devons y router les 130 pistes dedans, ou plus…

Seb Barbato : L-Isa t’oblige, dans le bon sens du terme, à chercher comment exploiter cet espace, cette immersion à ta disposition, et cela à chaque titre, tout en gardant les sources principales au même endroit.

SLU : Mais il est fort possible que tu doives reprendre tout ou partie quand tu écouteras avec un écran, un système K2/Kara/Kiva II beaucoup plus écarté et dans une grande salle…

Seb Barbato : Ahh c’est clair que tout va changer. J’ai laissé débrayées pas mal de choses pour aller vite. On sait ce qui se passe entre une résidence et une tournée en stéréo. On va le découvrir ici avec un déploiement L-Isa placé derrière un écran, même micro-perforé !

Maxime Menelec : Je me demande même si les KS28 placés à un mètre et demi de la toile ne vont pas la faire vibrer (rires, mais heureusement elle ne vibrera pas NDR)

Romain Berguin, le spéléologue musical

On ne répètera jamais assez l’importance du travail effectué par Romain Berguin, ou plutôt si, on va vous l’expliquer dans quelques lignes mais d’abord…

SLU : Comment as-tu commencé à travailler pour Eric Serra ?

Romain Berguin

Romain Berguin : C’était en 2015 à l’occasion d’un projet qui se préparait pour le Grand Rex, un best of de ses musiques de films jouées par son groupe avec les extraits vidéo des différents films. J’ai été contacté par Eric pour l’aider à retrouver, compiler et d’une certaine manière contribuer à organiser cette date.

Pendant deux mois on a fouillé dans ses archives, très bien tenues, afin de sortir ce qu’il fallait, film par film et j’ai travaillé dans son studio pour fournir aux musiciens ce dont ils avaient besoin. J’ai aussi remixé tous les titres depuis les multitracks, géré l’Ableton, le time-code et, cerise sur le gâteau, j’ai joué sur scène.
Après cette date du Rex, la tournée n’a pas eu lieu pour des problèmes de prod, mais je suis officiellement devenu son assistant, et j’ai eu le plaisir depuis de travailler avec lui sur une nouvelle bande originale de film pendant 18 mois. Il faut dire que son studio est une énorme configuration.

Ce que nous avons ce soir doit représenter 10 % de ce dont il dispose là-bas en termes de complexité numérique. Il y a à la fois du matos très ancien et très moderne et il faut parvenir à tout faire marcher. Il y en a autant que dans un studio pro, mais c’est architecturé comme un home studio avec tout à portée de main. On peut tout faire dans tous les sens, d’où la complexité.

SLU : Et avant Eric ?

Romain Berguin : J’ai commencé à venir à Paris assez jeune pour jouer dans les clubs et faire mon réseau en tant que musicien, plutôt jazz sur basse et piano. J’ai abandonné la basse et je me suis installé à Paris.

SLU : Et Max ?

Romain Berguin : On s’est rencontré chez Eric Tourneur (encore lui !! NDR) car nous sommes tous les deux de Périgueux. On est potes depuis longtemps et on est venu à la technique de la même manière.

Jean-Phi Schevingt et en arrière-plan Romain Berguin surpris dans le grand audi RIFFX, chacun devant ses écrans.

SLU : Venons-en au Grand Bleu. C’est toi qui as fouillé, trouvé les sources et qui es le maître du proTools et des effets essentiels à cette BO (sourire). C’est sur ta session qu’on retrouve les pistes séparées de la bande originale studio. Combien de pistes ?

Romain Berguin : 32 pistes digitales (Mitsubishi ou 3M, il y a eu pas mal de ces derniers à Paris à la fin des années 80 NDR).
Le problème est que cette bande a été transférée il y a 15 ans sur un ProTools 24 forcément en deux passes, et que malheureusement quelque chose a bougé lors de cette digitalisation, ce qui fait qu’on a dû galérer pour tout réaligner. Il manquait de la matière ! On a tout remis à l’heure.

SLU : Je sens l’embrouille avec le nombre d’images par seconde…

Romain Berguin : Et tu as raison. L’audio a été composé en 25 et le film tourné en 25 images par seconde, en revanche lors de la première projection, Eric a été assez surpris parce que les projos en salle ne tournaient qu’en 24 !

Une partie de la fine équipe lors d’une pause dans les répétitions. De gauche à droite Seb, Romain et Max.

SLU : Donc le film a duré plus longtemps et la tonalité a été plus basse en salle…

Romain Berguin : Oui, mais lorsque le DVD a été fait en frame based, l’image a été passée en 25, mais le son est resté sur la tonalité du 24 tel qu’il a été entendu en salle et pas dans la tonalité originale. Cela paraît évident dit comme ça, mais il m’a fallu un moment pour comprendre. (Baladez-vous sur YouTube et écoutez le générique du début tel que posté par diverses personnes, c’est assez net NDR).
On a donc stretché toute la session pour la passer en 24 car la décision a été prise de travailler en 24. Le plus dur a ensuite été de la « clicker » pour pouvoir la jouer en live de façon aussi synchrone qu’elle l’est dans le film. Il faut rappeler que cette bande originale a été composée à l’image près par Eric, mais il n’avait pas prévu qu’un jour elle puisse être jouée en direct sur scène par des musiciens…

SLU : Le nombre de rendez-vous entre son et image est impressionnant. Comment est le son sur le multipiste, travaillé ou sec.

Romain Berguin : Non, flat, sans rien, et la première fois ça choque car ça ne marche pas. Je pense que le mixage a été fait avec 8 chaines de réverbe.

Ahh les vieux racks Dispatch… Les deux serveurs Waves de la face, le principal et le secours.

SLU : Comment as-tu alors fait pour retrouver les sonorités et programmer tes algorithmes…

Romain Berguin : J’ai écouté le mix du film, et j’ai cru que j’allais pouvoir bosser sur quelques presets, mais j’ai vite déchanté. J’ai alors inséré le Multirack Waves dans mon ProTools en MADI et j’ai fait de l’automation d’envoi comme avec une vraie console.
Cela m’a permis par la suite de livrer deux serveurs pour face et retours avec les instructions pour savoir quelle source est à envoyer dans quel algorithme et à quel niveau.

SLU : Et les Midiverb d’époque ?

Romain Berguin : On ne s’en est pas servi (rires).

Un serveur pas toujours serviable

Lors d’un titre, un vilain clic se fait sentir, ce n’est pas la première fois et il est assez moche pour déclencher une battue pour le débusquer. Pas de bol pour lui, il y a dans le studio Ben, Seb, Max et Romain, il n’a donc aucune chance. Après avoir éliminé un à un les horloges, les sources et le mélange, les regards se posent sur le serveur Waves.
Bingo c’est lui. Lors de la création des effets et leur automation, Romain a programmé un changement de pré-délai à l’une des innombrables réverbérations, mais en cours de titre. Ce qui passait à la maison, est désormais indigeste pour un serveur très sollicité. Quelques manipulations et il passe de clic à trépas.

SLU : L’importation de la session d’effets dans les consoles s’est bien passée ?

Ben Rico : Cela n’a pas été simple. Romain a travaillé en studio sur son ProTools HD et un mac dédié au Multirack, et la SD7 a sa façon de fonctionner qui lui est propre, là où le serveur est exactement le même.

Ben Rico, le livreur de bons retours et de bonnes vannes et l’homme en blanc… à tête de mort !

On a donc dû changer tous les noms des snapshots pour qu’ils soient rigoureusement identiques, il a fallu ajouter le numéro du snapshot dans la session et inversement, faute de quoi on se retrouvait avec la même réverbe partout.
On a aussi eu des problèmes de caractères car dans la console ce sont des virgules et dans le MultiRack ce sont des points. Du coup on a appelé à la rescousse Claude Rigollier de DV2 qui lui-même a pris l’attache de Waves. On n’a pas fait les malins pendant une semaine. (rires !)

Les deux DD4 de la régie face, dans le studio de répétition.

Seb Barbato : Claude nous a aussi bien aidés avec l’Optocore car là encore, nous sommes à la limite.

Maxime Menelec : Cette boucle Optocore nous a permis de véhiculer très simplement le signal entre les deux consoles DiGiCo face et retours et le SD rack, mais aussi via trois DD4, de donner vie au ProTools de Romain, aux MainStages de J-Phi et à la matrice L-Isa.

Quand on fait le total des canaux véhiculant dans la boucle, on dépasse les 504 admissibles. Il a donc fallu downgrader, reconfigurer tous les DD4 un par un, afin que chacun ne fasse que ce dont on avait besoin. Par défaut ils offrent autant de voies dans les deux sens, ce qui ne nous sert à rien.

Ben Rico : Quand on a branché la boucle on a eu une alerte du style « vous avez branché 1500 canaux ! » (rires !)


SLU : Romain, ton Tools fait quoi exactement sur la boucle ?

Romain Berguin : Beaucoup de choses (sourires) J’enregistre et je joue du son. Il faut savoir qu’interpréter sur scène Le Grand Bleu à 7 c’est une prouesse car il y a un grand nombre de sons à envoyer et forcément, pile au bon moment.
Les deux batteurs Loïc et David par exemple jouent de tout en plus de quelques sons de batterie, et peuvent parfois envoyer des pouet-pouet ou des cymbales avec le kick (rires). Pour s’aider, ils enregistrent leur propre voix se donnant des instructions, des ordres qui seront routés dans leurs ears par Ben.

Une partition sur tablette prête à défiler. Elle est ici sur le premier titre, le Big Blue Ouverture.

En plus de cela j’envoie le son du film (5.1 et dialogues), les décomptes de chaque musicien, adaptés à leur instrument, et quelques pistes de sound design qu’il aurait été inutile d’ajouter à ce que les musiciens (Eric a aussi un clavier outre sa basse NDR) doivent envoyer.
La répartition entre la somme de sons à jouer nous l’avons faite en studio, avec une certaine logique, mais sans demander leur avis aux musiciens qui, une fois devant les partitions, se les sont refilés. (rires) Les partitions tiennent compte de la dernière répartition et sont quelque part dynamiques grâce à un serveur web.

SLU : Ta configuration est redondée ?

Romain Berguin : Bien sûr, il y a deux Protools HD qui tournent en parallèle avec deux HD MADI et une bascule automatique en cas de plantage.

SLU : Et quel sera ton rôle le grand soir ?

Romain Berguin : Je surveillerai surtout la synchro avec le média serveur qui délivre l’image pour les 4 vidéoprojecteurs, 2 principaux et deux en spare. Le fichier du film pèse 900 Go. Le serveur délivre aussi une image à chaque musicien dans laquelle est incrusté le compteur de mesures généré depuis le ProTools HD.

SLU : Compteur grâce auquel l’on découvre qu’Eric s’est régalé en changeant de temps à la volée.

Romain Berguin : Ahh c’est sûr qu’il vaut mieux suivre. On passe de 5 à 4 et de 4 à 3 temps très facilement.

Les premières images du film, 24e mesure, 1er temps

Le moment est venu de remonter à la surface, quelques jours avant de replonger à nouveau à la Seine Musicale pour l’interview de Jean-Philippe Schevingt, l’ébéniste du son, puis pour découvrir la Grande Seine, sa toile, le déploiement L-Isa et…savourer cet instant à nul autre pareil où, comme avec un fichier sonore HR, vous redécouvrez un vieux morceau avec une émotion nouvelle et des poils qui se croient le 14 juillet !

Crédits - Texte : Ludovic Monchat - Photos : Ludovic Monchat - Upoint

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