FOHHN une équipe et des idées qui sonnent

Fruit du regroupement en 2020 d’une multitude de bâtiments et ateliers précédemment disséminés çà et là en fonction du développement de la marque depuis presque 30 ans, le nouveau complexe de FOHHN de Nürtingen est situé en pleine campagne à quelques kilomètres de Stuttgart.
Cet ensemble de bâtiments concentre l’ensemble des ressources nécessaires au fonctionnement actuel et au développement futur de la marque allemande comme nous l’expliquera après une visite complète Jochen Schwarz son PDG et co-fondateur de la marque allemande avec Uli Haug.

Une carte détaillant chacun des bâtiments composant le complexe FOHHN de Nürtingen.

Point névralgique de ce complexe, le show-room ou SoundLab, directement accessible depuis l’accueil et le bar FOHHN, a été équipé avec l’ensemble de la gamme, depuis les petits cubes LX-10 aux Focus Venue, en passant par les enceintes colonne à faisceau contrôlé qui ont fait la réputation de la marque jusqu’aux modèles plus traditionnels. Tout est disponible pour écoute grâce à une matrice.

Une image de la CLT-201, une création spécifiquement destinée à un usage immersif.

Autre agréable surprise, au plafond comme derrière des tissus acoustiques se cachent 60 enceintes coaxiales passives CLT-201, un développement spécifique basé sur un 10” et un moteur 1,4” dans une ébénisterie carrée et peu profonde. Ces enceintes sont parfaitement conçues pour habiller de son le SoundLab via une matrice WFS Iosono de Encircled Audio.

Ralf Freudenberg

Quatre subs 18” placés dans les coins complètent le déploiement et apportent l’assise nécessaire à la très belle démo pilotée par Ralf Freudenberg, un vétéran du mix TV et un amoureux éperdu du son et des produits FOHHN.

Le SoundLab bénéficie enfin d’une solution appelée Vivace par Müller-BBM créant une acoustique active basée sur des générateurs de réverbération à convolution et sur une matrice de captation et de régénération de l’acoustique de la pièce. Précisons que Encircled Audio comme Müller-BBM sont deux sociétés allemandes. On n’est jamais aussi bien servi… ;0)


Le SoundLab, un formidable outil à faire du son avec l’ensemble des commandes et des écran nécessaires pour prendre la main sur l’ensemble des processeurs et d’enceintes apparents ou cachés. Regardez le poussoir placé sur le crash barrière contre la console DiGiCo, il lance la démo immersive…

Après cette entrée en matière plus que réussie, nous avons été conviés à visiter l’ensemble des bâtiments à savoir l’usine d’assemblage, le dépôt logistique des pièces, le dépôt logistique des produits finis, la R&D, la partie administrative, la zone d’accès clients et les salles de formation.

Derrière cette porte coupe-feu, les produits FOHHN gagnent leurs lettres de noblesse et leur certificat de durabilité. Mais la route est longue et semée de cendres…

Ne manquait à l’appel que la salle de torture, une pièce séparée reléguée à l’arrière de la R&D où sont conduits les divers tests destructifs des enceintes et des électroniques et qui fleure bon le circuit imprimé, le vernis et le composant cramé. Ce sera pour la prochaine fois ;0)

Samuel Hartmann et Nico Schwarz qui ont joué les guides, ont insisté à de nombreuses reprises quant au côté durable, économe en matières premières comme en énergie des différents bâtiments et ateliers, nous montrant à de nombreuses reprises les pompes à chaleur récupérant par exemple les calories issues de certains fours, étuves et autres appareils -chauds- et qui sont totalement ré-exploitées afin de préchauffer l’air frais injecté dans les ateliers. Un grand travail et un investissement important ont été menés en ce sens dont la firme allemande est très fière.

Une LX150 en train d’être assemblée et sa protection des transducteurs, un circuit installé sur tous les modèles et ayant fait drastiquement baisser la casse depuis quelques années. Il se trouve derrière la main droite de Nico Schwarz.

La nature même des produits FOHHN, multi-amplifiés pour la plupart, rend la visite des ateliers de fabrication et d’assemblage très différente des habituels facteurs d’enceintes passives.
L’électronique est omniprésente et les bacs de modules ampli, d’alimentations et de DSP s’étalent dans des bacs, rendant l’assemblage final plus complexe et donc un peu plus long.

Dans sa démarche durable, FOHHN confie la fabrication de ses modules ampli en CMS conçus et maquettés en interne, à un sous-traitant allemand situé dans le plus petit rayon possible.

Il en va de même pour les ébénisteries bois qui arrivent assemblées et prêtes au montage des transducteurs et à la finition. Avant de lancer une série, toutes les colles, apprêts, absorbants, mousses et autres grilles sont testés à Nürtingen, de même que les produits finis passent dans l’étuve puis dans la salle de torture avant de valider chaque gamme et modèle.

Les amplis en rack subissent, après assemblage, une période de burn-in ou de banc de chauffe où durant 24 heures, on cherche à générer la panne. Cette durée permet de débusquer jusqu’à 98% des composants défectueux.


Un des deux bacs de test et mesure des amplis. La cantine grise apporte les machines pour leur examen final. Regardez sur la table à gauche de la feuille de test individuel se trouve un connecteur de mise en court-circuit conçue pour chaque modèle d’ampli…

S’ensuit une batterie de test complète et semi-automatisée de 8 minutes où toutes les valeurs, puissance incluse, sont contrôlées avec des charges d’une impédance inférieure à celle pour laquelle les amplis sont conçus, puis des essais de court-circuit et enfin une brève écoute d’un contenu musical.

Bien entendu toutes les enceintes sans exception passent au banc une fois fini l’assemblage avec un double test automatique via un micro de mesure afin de contrôler la réponse en fréquence, phase et distorsion, le tout devant tenir dans un gabarit serré et précis par modèle.

L’assemblage d’une paire de Scale 1 où il manque encore le transducteur de grave mais où la membrane passive est maintenue en place par une pièce spécifique le temps que la colle la fixe. Cette enceinte ouvre à 140° x 90° pour couvrir largement une salle de réunion sans trop exciter murs et plafond.

Ensuite par une brève écoute de fréquences basses pour exciter toute pièce lâche au sein de l’ébénisterie ou toute défaillance de l’équipage mobile de la partie grave, puis quelques notes de musique pour conclure. Un nombre important d’adaptateurs permet de connecter tout type d’enceinte.

Un des deux bancs d’essais des enceintes.

Une maquette de guide d’onde, une exclu sortie depuis peu de l’une des deux imprimantes 3D de la R&D. Il s’agit du guide d’onde de la gamme LX et qui aura la capacité de piquer légèrement le faisceau afin de simplifier le déploiement des colonnes le long des murs et en hauteur.

Un second banc de test est en préparation pour permettre une montée des cadences de livraison. L’ensemble des données de chaque produit testé qu’il soit passif, actif, ampli ou autre est stocké dans un serveur afin de rendre possible la traçabilité.

Dans un coin de l’atelier de fabrication, la partie dévolue au SAV, aussi peu fournie en personnel qu’en appareils en attente de réparation. FOHHN a fait le choix de tout remettre en état grâce à un stock important de pièces jusqu’à 15 ans après qu’un modèle ne soit discontinué.

Rappelons que FOHHN produit une moyenne annuelle d’environ 15 000 enceintes toutes gammes confondues.


Le stock des ébénisteries sous-traitées à trois menuiseries industrielles et prêtes à être équipées.

On quitte le bâtiment dit Production & Quality Assurance pour basculer dans le Logistics Center & Stock, à savoir le lieu où se trouvent les 6 500 références et 3 millions de pièces prêtes à être assemblées, mais aussi les stocks de produits construits, testés, emballés et prêts à être expédiés.

Le nombre de cartons empilés et de palettes pelliculées trahissent une grosse commande en cours, celle de MSC Croisières qui achève la construction du MSC Euribia aux chantiers de Saint-Nazaire, un paquebot de nouvelle génération équipé d’une propulsion au GNL.
FOHHN qui dispose d’un catalogue extrêmement complet, est devenu en l’espace de quelques années, un fournisseur privilégié des intégrateurs spécialisés dans le maritime comme Videlio.

Une partie de la commande prête à prendre la direction de Saint-Nazaire.


Nous quittons le bâtiment logistique pour la visite de la R&D avec, un test étant en cours, l’impossibilité de découvrir de l’intérieur le Durability Testing, la pièce où sont conduits les essais destructifs et ceux qualifiants de 100 heures continues de bruit rose.

FOHHN a aussi équipé cette chambre sourde avec deux ingénieurs qui ne le sont pas, mais alors pas du tout : à gauche Boris Kunz, Head of R&D Acoustics and Mechanics et à droite Tobias Hornbacher R&D Acoustics.

Chaque enceinte en phase de projet doit passer ce test avant que le modèle ne soit validé et la série lancée. Des caméras thermiques sont aussi employées afin de comprendre quelle partie du produit génère les calories pouvant impacter sa durée de vie et enfin des capteurs de fumée et des extincteurs automatiques veuillent au grain, allant jusqu’à envoyer des SMS pour signaler leur entrée en action.

Nous visitons ensuite les deux chambres sourdes, toutes deux opérationnelles même si l’une d’elles n’est pas encore totalement garnie du traitement anéchoïque. La plus petite donne des mesures jusqu’à 35 Hz.

Le système multi micros permettant en un seul sweep de capturer 16 réponses.

La plus grande permet de mesurer des fréquences jusqu’à 25 Hz mais est surtout employée entre 500 Hz et 20 kHz pour travailler les guides d’onde. A cet effet la chambre dispose d’un moteur de rotation de précision afin de pouvoir sortir des polaires.

Un modèle de LX-150 en phase de mesure, sans doute est-il équipé du nouveau guide d’onde en face du moteur 1”.

Le toit des bâtiments de Nürtingen est équipé pour potentiellement effectuer des mesures en champ libre mais, comme d’autres constructeurs, FOHHN est obligé de se déplacer à quelques kilomètres de distance sur un aérodrome pour pouvoir travailler ses presets et avoir une écoute à pleine puissance sans trop déranger le voisinage.

Le toit du bâtiment Production & Quality Assurance ensemencé (image prise le 1er mars) et surtout disposant d’un chemin dallé et portant des marques de mesures. Hélas et malgré le choix de la campagne, il y est quasiment impossible d’y faire du « bruit ».

FOHHN Optimizer

De retour dans une des très belles salles de formation/réunion/démo, on nous a montré le FOHHN Optimizer en fin de développement mais déjà pleinement fonctionnel. Depuis ce système est disponible et sacrément pratique : www.fohhn.com/en/products/fohhn-optimizer/.

Fohhn Optimizer dans un iPhone avec une paire de vilaines crêtes adoucies avec deux choix possibles, moderate et strict.

L’idée consiste à pouvoir caler une ou plusieurs enceintes du catalogue FOHHN à l’aide d’une page web et le plus simplement du monde via son smartphone avec, si possible, un petit micro calibré pluggé dedans comme un MicW par exemple.
Un coup de bruit rose, quelques points de mesure à différents endroits de la salle, du proche au lointain et le tour est joué. Ces snapshots sont ensuite intégrés dans une seule proposition de correction qui est envoyée au DSP de l’ampli.

Il est bien entendu possible d’atténuer le choix proposé et ne pas trop casser l’énergie de l’enceinte en visant une courbe par trop académique, mais quoi qu’il en soit, le résultat est probant et peut grandement aider les intégrateurs n’ayant pas, sur des chantiers simples, de technicien son capable de faire une analyse et un calage manuel.

Pour en savoir plus, regardez ce film en anglais

Interview Jochen Schwarz

Pour conclure cette visite, nous avons eu le plaisir de pouvoir passer du temps avec Jochen Schwarz, PDG de FOHHN et complice de toujours de Uli Haug. Un grand merci à lui pour son temps, sa franchise et son humour !

SLU : Complice avec Uli depuis quand en fait ?

Jochen Schwarz : 30 ans. J’étais musicien dans un groupe où jouait le frère de Uli et un jour on a eu besoin de quelqu’un pour mixer. Uli a donc débarqué avec son frère pour tenir la console. J’avais 18 ans… A la suite de cette première rencontre on a tourné plus de 10 ans ensemble, moi aux claviers et lui à la face et très souvent il a été confronté à des systèmes son qui ne lui plaisaient pas.

Jochen Schwarz et la génération future en la personne de son fils Nico Schwarz.

On a donc décidé de construire notre diffusion avec l’aide d’un ami, un système simple et plug and play, tout le contraire de ce qui se faisait à l’époque où l’on entassait du bois. C’est à la même époque qu’on a conçu le système EasyPort, transportable, pratique et facile à utiliser.

SLU : Mais en parallèle de la musique vous avez tous fait des études…

Jochen Schwarz : Bien sûr, de mon côté j’ai étudié la mécanique et suis ingénieur. Comme mon but a toujours été d’associer la musique et la technique, même durant mes études, j’ai continué les concerts (sourires)

EasyPort, l’originale telle qu’elle existe aujourd’hui encore et toujours sous le nom de FP-22.

SLU : Et les débuts de la société ?

Jochen Schwarz : Un jour on a pris un gros bâtiment pour répéter avant d’enregistrer un CD et on a proposé à notre ami qui développait pour nous les enceintes de nous y rejoindre. Non seulement il nous a rejoints mais il a proposé d’exposer nos tout premiers produits au Prolight+Sound. Nous n’avions même pas une brochure, rien (rires) On a eu nos premières commandes qu’on a honorées en 1993.

SLU : Et Uli ?

Jochen Schwarz : Il commençait tout juste ses études mais on s’est fait la promesse que si je montais une boîte, il me rejoindrait. Il l’a fait plus vite que prévu puisque durant ses études on l’a vu tous les jours !

SLU : FOHHN est donc officiellement né il y a presque trente ans. Après le EasyPort quel type de produit est sorti de vos ateliers ?

Jochen Schwarz : Des colonnes polyvalentes qui pouvaient servir pour la musique et la parole. Cette polyvalence a été très appréciée car par exemple dans les églises ce qu’on y trouvait était uniquement destiné aux voix et en cas de concert, il fallait entièrement re-sonoriser les lieux. Nous avons beaucoup joué dans des églises et à chaque fois c’était très compliqué (rires).

30 ans plus tard, les colonnes Linea, Linea Focus, Focus Modular et Focus Venue portent toujours FOHHN.

SLU : Les lieux de culte vous offrent beaucoup de débouchés ?

Jochen Schwarz : Oui et encore aujourd’hui cela représente une part non négligeable de notre activité au niveau mondial.

SLU : Votre nom vient d’où ?

Jochen Schwarz : C’est dérivé de la mesure d’intensité sonore subjective du son, le Phone ou Fon. Un nom extrapolé et imaginaire qui reprend les deux façons de l’écrire en y ajoutant un H en plus. FOHHN.

Le MAXModular construit en OEM par FOHHN pour AKG et discontinué depuis.

SLU : Au tout début de l’aventure, quelle a été la direction prise. Qu’est-ce qui vous motivait…

Jochen Schwarz : Jouer de la musique (rires) Plus sérieusement c’est ce que nous avons fait sur notre stand au PL+S, et comme on n’avait pas de micro, nous sommes allés voir nos collègues de AKG pour qu’ils nous en prêtent un.
Cela nous a rapprochés et peu de temps après nous sommes devenus des sous-traitants pour cette grande marque et avons produit des centaines de MAXModular en apprenant par la même occasion les contraintes de produire en EOM en termes de contrôles qualité et de régularité.
On a grandi et déménagé au moins deux fois durant les dix premières années d’activité pour tenir les cadences.

SLU : L’équipe s’est étoffée aussi…

Jochen Schwarz : On a eu la chance de voir arriver dès les débuts de l’aventure, deux personnes très importantes dans le développement des produits, et deux très bons musiciens aussi !
Bernd Nimmrichter notre responsable R&D électronique et Boris Kunz qui est responsable du développement acoustique et mécanique. Ils ont fait d’excellents produits, de la bonne musique et même des chouettes rampes d’éclairages pour leurs groupes (rires). Ils savent tout faire. C’est ainsi qu’est né notre positionnement : systems for musicians.

SLU : Vous vous êtes lancés à l’assaut d’un marché qui était bien encombré…

Jochen Schwarz : Oh oui, de marques notamment allemandes, américaines et anglaises. Mais on était jeune et notre business plan c’était notre courage et nos idées. Aujourd’hui je ne pense pas que cela pourrait marcher de la même manière !

SLU : Qu’est-ce qui a fait votre notoriété ?

Jochen Schwarz : Quand on demande si on nous connaît la réponse est très souvent : « oui, j’ai un EasyPort dans le stock » Cette petite enceinte Plug & Play a été notre sésame et a été aussi copiée par une marque allemande bien connue !

SLU : Est-ce que FOHHN a été jalousé par d’autres grandes marques ?

Jochen Schwarz : Oui pas mal. On ne les citera pas mais nous n’avons pas toujours été bien accueillis. Nous avons appris à manœuvrer entre les grands noms et leurs catalogues afin de trouver notre place et nos marchés spécifiques.

SLU : La croissance de FOHHN a été régulière ?

Jochen Schwarz : Oui, une moyenne de 10% par an avec des hauts et des bas. On s’est assez rapidement rendu compte que pour lisser notre activité il fallait être en mesure de fournir des systèmes complets et Plug& Play intégrant ce qui à l’époque était séparé : les enceintes, les amplis et les DSP. Les églises par exemple cherchaient une solution discrète et intégrée.

Le chef d’œuvre de Bernd et de FOHHN, le Beam Steering. Ici Beam On, on est enveloppé dans le son avec une régularité dans l’atténuation et un lissage parfait du faisceau oubliant totalement le haut de la salle…

Et ici Beam Off ou le plafond sonore ! Regardez le SPL dans la fenêtre du bas. Y’a plus de son, fini, parti ! La qualité du traitement DSP offre un son et un guidage parfaits.


SLU : DSP, le mot magique, surtout chez vous…

Jochen Schwarz : Ça date de 2004. Bernd Nimmrichter rentre dans mon bureau et me dit : « J’ai besoin d’un kit de développement pour pouvoir apprendre à dessiner et programmer de l’audio numérique » Nous achetons le kit d’évaluation et il commence à penser au Beam Steering. « On peut contrôler le son, le diriger là où on veut en exploitant de multiples transducteurs. Il me faut aussi des DSP ».
Nous avons développé cette technologie durant quelques années et créé les modules DSP nécessaires à faire marcher les premiers modèles d’enceintes et le logiciel pour prendre la main sur les produits. Assez rapidement nous avons présenté des modèles disposant d’un afficheur ce qui nous a valu pas mal de moqueries.

SLU : Vous avec créé aussi vos amplis ?

Jochen Schwarz : Non, nous avons passé un accord avec Powersoft et avons adopté les cotes et le brochage de leur slot DSP en insérant nos propres cartes DSP dans leurs modules ampli.

Ils en rêvaient pour leurs premiers locaux, voici à quoi ressemble un échangeur entre des calories habituellement rejetées à l’extérieur, et un caisson de renouvellement d’air qui marche en hiver avec des résistances de chauffe. Pourquoi ne pas se servir de ces calories au lieu de les gâcher ? Dont acte.

SLU : Les produits DSP sont un gros succès, j’imagine que vous avez dû déménager une fois encore…

Jochen Schwarz : Avec 10% de progression par an, tous les 7 ans on double donc oui, on a pas mal bougé et dernièrement on a occupé jusqu’à 7 bâtiments simultanés, un enfer logistique. On est donc ravi d’avoir pu presque entièrement autofinancer et construire nos propres nouveaux locaux bâtis ici à Nürtingen à notre image et porteurs de nos valeurs.

C’est un rêve devenu réalité qui a pris en tout 10 ans entre le moment où on a vu le terrain et aujourd’hui où l’ensemble est pleinement opérationnel. Il fallait beaucoup de place, une surface plane pour ne pas avoir de différence de niveaux entre les bâtiments, un lieu calme pour les mesures, verdoyant pour y être bien, créatif pour continuer à avoir de bonnes idées et très proche de Stuttgart.

SLU : Comment avez-vous pris possession de ce formidable outil, est-ce que la livraison n’est pas intervenue durant la pandémie ?

Jochen Schwarz : Les déménagement est intervenu en janvier 2020 dans la partie qui était prête, les bureaux, la logistique et les ateliers d’assemblage, la partie d’accueil du public et le SoundLab ont été finalisés un peu plus tard.

Le SoundLab du côté de la toile acoustiquement transparente constituée de photos de centaines de pochettes d’albums patiemment collectés, aussi jolie que pratique pour cacher nombre de CLT-201. Si vous regardez le plafond, on en aperçoit deux.

On a donc souffert. L’état allemand nous a cela dit bien accompagnés permettant d’éviter les licenciements et d’avoir recours à du temps partiel et à du travail en distanciel mais aussi de disposer d’un prêt de trésorerie auquel nous n’avons pas touché.

SLU : Financièrement la période Covid a été difficile sachant que vous servez quasi uniquement les intégrateurs ?

Jochen Schwarz : En 2020 nous avons perdu 15% de notre CA et en 2021 nous avons réalisé notre chiffre habituel. FOHHN est une société très agile et à l’écoute du marché. Nous avons su nous réorienter et compenser les quelques modèles ou technologies qui ont marqué une pause. On s’en est bien tiré et on a aussi eu un peu de chance. D’autres plus gros que nous ont plus souffert.

SLU : Quel est le DNA de FOHHN, les valeurs de l’entreprise…

Jochen Schwarz : Tout d’abord son équipe qui forme encore et toujours une famille et puis la technique, les idées, les bonnes vibrations. Nous ne sommes pas une industrie de plus mais une société basée sur des femmes, des hommes et des idées qui produisent des solutions audio toujours innovantes et simples à mettre en œuvre pour le marché de l’intégration.

Il y a les gros subs et puis les petits tout plats qu’on peut glisser, fixer aux murs, pendra au plafond… Voici l’IGS-4, quatre 4” à longue excursion chargés par 4 membranes passives, 112 dB SPL, une fréquence de coupure basse de 45 Hz et la possibilité de tourner en deux fois 4 ohms ou une fois 8. Daniel n’en croyant pas ses oreilles a mis les doigts !

SLU : Vous proposez dernièrement des produits qui semblent s’adresser aussi au Touring, je pense à Focus Venue ou aux derniers subs passifs PS-800 et PS-850

Jochen Schwarz : Dans les bateaux de croisière de MSC, dans les studios de la ZDF et ailleurs, ce type de gros produit est intégré sans problème. Nous ne sommes pas une société produisant spécifiquement pour le marché de la tournée mais nous avons besoin de proposer des gros systèmes. Nous équipons des clubs en Chine qui sont immenses et où par exemple des doubles 18” sont indispensables.

Les amplis DI et MA avec un visiteur Lagoonesque en la personne de Denis Fenninger.

SLU : Il y a quelques années vous aviez au catalogue le PS-9, un sub équipé d’un transducteur Ipal de 21” et d’un ampli à très basse impédance Powersoft. Pourquoi l’avoir arrêté ?

Jochen Schwarz : Nous avons étudié et mis au point durant 6 ans nos propres amplis, les DI, cela nous a permis de produire nos propres subs et d’arrêter le deal avec Powersoft.

Nous existons depuis une trentaine d’années et voulons être maitres de notre propre technologie. Nous avons les concepteurs et les moyens de presque tout faire ici à Nürtingen. Cela nous apporte aussi une flexibilité qui nous a été très utile durant la pandémie.

SLU : FOHHN dispose d’un catalogue très important de produits comparé à d’autres marques. Est-ce voulu et utile?

Jochen Schwarz : Bien sûr. Quand on compare les marchés de l’intégration et du touring, le premier nécessite une grande variété de solutions et de modèles pour coller à chaque projet là où dans le touring ils ont besoin d’une boîte pour le plus grand nombre d’applications, et si possible la même pour que des prestataires puissent répondre à des grosses demandes en couplant leurs parcs.

La meilleure façon de satisfaire un client reste de lui vendre un produit sur mesure. Dans cet atelier, on coupe sur mesure les parties « creuses » des Scale.

Chez FOHHN nous allons jusqu’à couper les enceintes à la bonne taille et nous offrons toutes les couleurs et toutes les finitions…C’est ainsi que nous avons démarré, en faisant ce que les autres marques ne voulaient pas faire.
Certains grands fabricants à l’époque répondaient : « …bien sûr, vous pouvez avoir ce modèle de toutes les couleurs. Surtout le noir ! » Si MSC Croisières nous demande de développer une enceinte spécifique pour un prochain navire, nous le ferons. Cette aptitude à travailler sur mesure est une force que d’autres n’ont pas.

SLU : Combien de navires disposent de la signature acoustique FOHHN ?

Jochen Schwarz : Au moins huit navires plus un certain nombre d’autres qui ont été rénovés. Ce marché spécifique nous a conduit à concevoir des enceintes très plates car l’espace est un luxe à bord.

Une vue d’artiste du futur MSC Euribia tout de FOHHN vêtu (image MSC).

SLU : Vous abordez aussi depuis deux ans le marché florissant du Business Communications.

Les architectes et autres designers adorent…

Jochen Schwarz : On avait commencé à s’y intéresser même avant la pandémie car il y avait un vrai problème de qualité sonore lors des visioconférences et en général dans la reproduction du son dans les salles de réunion mais aussi les amphithéâtres et tous les lieux accueillant du public.
L’équipement qualitatif de ces endroits est un marché d’avenir.


SLU : Quel est le CA moyen de FOHHN et comment se profile 2022 ?

Jochen Schwarz : Il est de 14 millions d’euros. 2022 commence très bien. Nos prévisions pour cette année sont les meilleures dans l’absolu. Ce que nous devons parvenir à faire maintenant c’est produire et livrer. Nous connaissons une grosse pénurie sur certains composants de nos amplis.
Jusqu’au premier trimestre 2022 nous avons pu nous en sortir mais cela risque de changer car le nombre de pièces non disponibles augmente sans cesse. La tension sur le marché du Dante enfin est très importante et on parle d’un retard de livraison de plus d’un an pour ces composants…C’est dangereux pour notre industrie car on a aussi des commandes pour des enceintes qui se voient retardées par nos clients dans l’attente de recevoir leur console !

SLU : Est-ce que la guerre en Ukraine peut avoir aussi des effets sur FOHHN ?

Jochen Schwarz : C’est possible dans la mesure où l’Allemagne est très dépendante du gaz russe et les coûts de l’électricité ont déjà fait un bond. Pour 2022 nous paierons notre courant 50 000€ plus cher. Les fondeurs ont besoin eux aussi de gaz spéciaux donc cela ne fait que complexifier encore notre approvisionnement.

SLU : Pour finir notre longue interview, une question sur le binôme que vous formez avec Uli. Quelles sont vos qualités respectives et comment fonctionnez-vous ensemble au quotidien ?

Jochen Schwarz : Tout d’abord nous sommes amis. Nous partageons au quotidien nos idées, souvent les mêmes, et nos ressentis, y compris parfois les WE ! On travaille comme sur un tandem dans la mesure où le monde qui nous entoure est si complexe qu’il serait fou de ne pas le faire ensemble.

Jochen, Uli, Theresa et Samuel, il en manque beaucoup, qu’ils nous excusent !

Uli excelle dans l’univers des ventes et du marketing là où je préfère m’occuper plus de la conduite administrative et stratégique de la société ou par exemple la construction de nos locaux de Nürtingen.

On est uni dans nos différences. Il est à 100% sur les ventes et les clients et moi sur la société et nos moyens de production humains comme techniques. On ne se marche pas sur les pieds mais au contraire on se complète parfaitement. Une vraie bonne équipe où on se pousse l’un l’autre les jours où l’on manque un peu de patate !


La communication de FOHHN lors du dernier ISE à Barcelone. Le respect environnemental et la durabilité ne sont pas des mots en l’air (pur). On a pu le voir à Nürtingen.

SLU : Vous êtes combien en tout chez FOHHN et comment vous répartissez vous ?

Jochen Schwarz : Nous sommes environ 75 et pour te donner une idée plus précise, il y a 25 personnes en plus qui travaillent pour nous chez nos sous-traitants. Sur cette centaine de personnes, 25% oeuvre dans l’administratif, le marketing et les ventes, 25% est à la R&D et les 50% restants fabrique les produits. Enfin nous avons 8 collaborateurs qui travaillent pour FOHHN dans divers pays en dehors de l’Allemagne.

SLU : Le mot de la fin ?

Jochen Schwarz : Je pense que nos nouveaux locaux nous donnent une puissance et des capacités inédites. On a tout à écrire ici d’autant que le Covid nous a ralenti durant deux ans.

Et quand on parle de contact humain, un nom et une image nous viennent à l’esprit, pas vrai Daniel Borreau, Fohhn Designer de l’année 2021 avec Rock-Audio Distribution ?

Quand Uli demande à nos clients pourquoi ils achètent du FOHHN, la réponse est souvent : la qualité et les gens. On sait tous que d’autres marques savent produire d’aussi bons produits que nous, la différence se fait donc sur ce qu’on donne en plus, le contact humain ce que d’autres ont un peu perdu.

J’espère que nous le garderons le plus longtemps possible en se méfiant d’une croissance trop rapide ou d’investissements trop contraignants.
On peut copier un produit, mais pas une équipe et son état d’esprit. Nous n’avons pas de machines, juste des femmes et des hommes qui sont notre vraie et seule richesse et la garantie de l’avenir de FOHHN.

Un de ces hommes et très communicant de son état, Chris Bollinger, vous propose une visite en vidéo des locaux ici


Et pour plus d’infos et en français sur le site Fohhn

Crédits -

Texte : Ludovic Monchat - Photos : Ludovic Monchat & Fohhn

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