Le spectacle au service de son pays. Sacrifié pour la bonne cause ?

Commençons par une question. Qu’est-ce qui a changé depuis le jour où on a découvert le premier cas de contamination au Covid-19 ? Rien ou presque.
On sait désormais que ça ne se soigne pas, que cette merde galope librement dans le monde, qu’on attend une seconde vague et qu’il ne faut surtout pas croire que le chaud, l’humidité, le froid ou un quelconque miracle français puissent stopper l’épidémie.

Bien sûr on traite les clusters, on gère mieux les malades en réa, on fait plus attention dans notre vie, et encore ; mais tant qu’un vaccin n’aura pas été mis au point et une bonne couverture vaccinale atteinte en France, nous resterons sur un fil instable, imprévisible, insupportable et notre belle insouciance, à laquelle on tient tant, prendra la poussière, voire des rides.

Oui la vie a repris, et le travail avec. Les transports maillent à nouveau nos vies, les récrés sonnent, on peut faire un tennis ou s’asseoir en terrasse avec un livre, mais on a coupé un pan de notre culture.
Le spectacle vivant et l’événementiel qui se jouent majoritairement en salle, les clubs et les discothèques, tout ce qui se construit et se nourrit d’un public nombreux, dense et actif est éteint. Sacrifié.

Pour les spectateurs c’est sinistre, pour les techniciens, les artistes et tout l’écosystème du spectacle c’est désastreux, mais ce qui est plus grave encore c’est ce chloroforme politique, cette petite musique du mensonge par omission qui nous tient la tête sous l’eau. « On verra » « En principe » « Un assouplissement est possible » « Sous réserve des conditions sanitaires »

On dirait un mauvais médecin face à un patient qui demande juste la vérité

Nul ne sait comment va évoluer cette pandémie et pour éviter les lendemains difficiles, le gouvernement écrit même noir sur blanc « qu’on prépare le pays à une éventuelle deuxième vague épidémique ». En revanche on sait très bien que sans vaccin, on ne pourra pas passer outre la distanciation et réautoriser les pleines jauges en salle sans faire prendre des risques au public comme aux organisateurs.

Et les solutions de reprise mâtinées de gel, masques et sièges vides ne sont ni attirantes pour des spectateurs à qui on est en train de faire oublier l’idée même de fête, ni encore moins rentables pour un milieu artistique et surtout technique qui s’enfonce depuis 4 mois dans l’oubli et la crise.
Le cinéma a rouvert en jauge réduite ? Hourra. Avec sa rentabilité à 25 % de sièges occupés et un spectateur sagement assis en silence, le grand écran peut se le permettre, mais c’est à l’opposé du spectacle vivant où à moins de 75 % de remplissage, le bouillon est servi et où une salle assise et silencieuse rime avec cauchemar artistique et dates en moins.
On ne veut pas de réalité virtuelle, d’hologrammes dans l’iPhone, de concerts à la maison et de festivals filmés, mais si ça doit être notre quotidien jusqu’à la couverture vaccinale, dites-le une bonne fois pour toutes. Les femmes et les hommes du spectacle et de l’événementiel, leurs fournisseurs, les fabricants de leurs outils, sont tous des adultes.

On veut la vérité, on en a besoin. Le discours du courage politique doit être un et un seul : « Non, le spectacle ne pourra pas redémarrer sans distanciation et à pleine jauge mais oui on va vous aider à tenir bon jusqu’au vaccin et on vous accompagnera après, lors de votre longue convalescence économique. »

Si pour la santé de tous on doit encore attendre, alors mettons-nous au plus vite autour d’une table et bâtissons ensemble un Plan de soutien du spectacle vivant, de la nuit et de l’événement, qui reprenne et amplifie ce qui a déjà été fait et bouche les innombrables trous dans la raquette des aides actuelles.
Sans ça et si un jour on nous rallume, comme une guirlande de noël, d’innombrables ampoules resteront éteintes à jamais.

Signé : des dizaines de milliers de travailleurs et des milliers de sociétés

 

Crédits -

Texte & photos : Ludovic Monchat

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