L’Initial de la Fletcher Machine

La rentrée sera immersive, aucun doute n’est permis, et pour suivre la marche en avant d’Adamson et sa nouvelle plateforme de gestion des sources audio dans l’espace appelée Fletcher Machine, nous sommes allés faire un saut au Parc Expo de Bordeaux pour la 1ère édition de l’Initial Festival, une avalanche d’Electro en plein air.

Malgré la période estivale et une chaleur extrême, il a attiré une foule importante sur ses deux grandes scènes « traditionnelles » et nombre de participants sont venus découvrir l’immersion à 360° offerte par Des Sons Animés et Adamson, partenaires du festival monté par Fever.
(En savoir plus dans l’article l’immersif arrive chez Adamson avec la Fletcher Machine)


Nous avons retrouvé sur place Arnault Damien qui est à l’origine du processeur d’Adamson et a désormais en charge son développement.

SLU : Qu’est-ce que Des Sons animés ?

Arnault Damien : C’est une agence de création et de mise en œuvre technique de contenus immersifs dirigée par Mathieu Rossier et dont je suis par ailleurs l’associé et directeur technique

SLU : Mathieu est donc gérant et DJ…

Arnault Damien : Oui, il te l’expliquera mieux lui-même après, quoi qu’il en soit, il créé les ambiances et les musiques qui sont jouées en temps réel ici même via un Mac et Ableton Live qui est blindé de pistes. Les sons synthétiques sont issus de synthés modulaires dont il dispose dans le studio de Des Sons Animés où il travaille et prépare ses performances via des tracks en Wav.

De gauche à droite Arnaud Damien et Mathieu Rossier.

Pour exploiter cette matière, il dispose de claviers et de contrôleurs MIDI. Tout est fait en direct en suivant les codes propres à la musique Electro. Il crée aussi ses enchaînements entre les morceaux.

SLU : Il sort ses éléments séparément ?

Arnault Damien : Exactement, ce qui permet d’alimenter le processeur et de presque tous les spatialiser.

SLU : Il gère ça aussi ?

Arnault Damien : Non, il alimente de manière choisie des sorties qui sont spatialisées en suivant un trajet et une vitesse prédéfinis. Il sait que s’il route tel ou tel son d’effet ou d’instrument à une sortie de Live, il bénéficiera d’un mouvement qui lui est attribué dans le processeur.
Il ne veut pas et ne peut pas s’occuper de la spatialisation durant le set, il est trop accaparé par sa propre performance sur Live. Peut-être que cela évoluera, pour le moment il prépare un preset avec des trajectoires ou des oscillations dans la Fletcher et joue avec.

Un rapide coup d’œil sur les non moins rapides mouvements des objets, tels que programmés par Mathieu Rossier :


SLU : Des oscillations…

Arnault Damien : Oui, on appelle cet effet le Jitter sauf que chez nous il est voulu et créatif (rires). Dans le Sonic Emotion ça s’appelait LFO.

SLU : Combien d’objets sont animés ?

Arnault Damien : Une bonne quarantaine. 42 pour être précis.

SLU : J’imagine qu’une sortie spécifique et attribuée aux subs ne bouge pas.

Arnault Damien : Exactement.

SLU : Quel type de processeur est employé ?

Arnault Damien : Nous en avons deux. La Fletcher mise en œuvre sur l’Initial tient en 4U, c’est notre machine d’essai qui passera ensuite en rack 3U officiel tel qu’il a été présenté à l’ISE de Barcelone. Nous avons aussi un Traveler en secours qui lui est déjà dans son format définitif. Le processeur qui est déployé ici tourne depuis plus d’un an avec Des Sons Animés qui nous sert de laboratoire d’essais rêvé.

La Fletcher Machine en rack 4U de développement surplombé par un convertisseur AD-DA Andiamo de Direct Out pour repasser les flux MADI vers des sorties analogiques aptes à alimenter le système Outline.

La transmission des pistes s’opère en MADI. A la sortie du Mac de Mathieu il y a une MadiFace RME qui attaque la Fletcher. En sortie de cette dernière un convertisseur MADI vers analogique délivre les signaux pour le système.

SLU : Puisqu’on parle du système…

Arnault Damien : Il s’agit du kit Outline des Sons Animés. Il est amplifié et dispose d’un double renfort de grave en 15”, de deux subs en deux fois 18” de la même marque et pour l’Initial on a loué deux KS21. C’est un peu hétéroclite mais les basses sont là et Mathieu aime ce type de bas (sourires)

SLU : Quelle est la taille du dispositif scénique ?

Arnault Damien : Dix sur dix pour une jauge de 250 personnes. Il ne faut pas oublier que c’est un coup d’essai et que ce Festival organisé par Fever en est à sa 1ère édition. On a déjà du bol qu’il ne fasse que très, très chaud. Quelques degrés de plus et tout risquait d’être annulé.

Sobre et efficace. 12 têtes Outline encadrent un carré de 10 x 10 mètres.

SLU : Par rapport à votre emplacement et votre SPL, vous vous en sortez ?

Arnault Damien : A peu près. Lors de nos breaks on souffre un peu mais n’étant dans la zone de tir d’aucune des deux grosses scènes, c’est très acceptable.
Mathieu laisse exprès une grosse nappe pour ne pas « perdre » sa piste et éviter la fuite des teufeurs. Cela est d’autant nécessaire que passer d’une scène à l’autre est très rapide, festival oblige ! (87 dBA et 105 dBC arrivent tout de même depuis la scène adjacente NDR).
En fin de soirée hier soir on a joué à 100 dBA avec des crêtes entre 118 et 120 en dBC. Ca passe très bien au-dessus de l’émergence et le fait de baigner dans le son nous y aide.


Bien sanglés ensemble, trois façon de construire un bas du spectre avec du 15, 21 et 18 pouces à l’oeuvre.

SLU : Est-ce que vous localisez les sources sonores principales, pied ou caisse pour leur donner plus d’impact et essayez-vous de permettre aux danseurs de localiser l’endroit où se trouve le DJ malgré une diff enveloppante?

Arnault Damien : Ca nous arrive parfois d’orienter un peu la scène, on en parle en tout cas si on a comme ici une régie DJ déportée sur le côté.

On essaie aussi de garder des éléments sonores fondateurs de l’Electro plus statiques pour augmenter la surface au sol de plein impact. Environ un tiers des objets est fixe, les autres ont des trajectoires.

SLU : Jusqu’à quelle taille par côté tu peux étirer ton design de diffusion ?

Arnault Damien : 15 x 15, disons, jusqu’à 20 x 20, au-delà tu es rattrapé par le temps de propagation. On réfléchit à d’autres solutions comme effectivement la scène centrale en arrosage centripète, de l’intérieur vers l’extérieur car la Fletcher est déjà conçue pour travailler ainsi.


La naissance officielle de la 3è scène de l’Initial.

SLU : Comment avez-vous atterri ici ?

Arnault Damien : Mathieu a proposé à Fever une scène à 360° en exploitant son propre matériel plus la Fletcher Machine. On lui a donné l’énergie, la structure, la sécurité et les commodités.
Un partenariat avec une mini prod dans a prod. Si l’expérience est appelée à se répéter, j’espère que l’on pourra avoir plus de place et bénéficier d’un peu de moyens.

SLU : Et d’Adamson aussi en termes de diffusion ?

Arnault Damien : Ce serait logique. On aimerait bien que nos amis canadiens soient de la partie !

SLU : Si un artiste crée sur Fletcher, peut-il exporter ses objets et mouvements vers d’autres matrices immersives ?

Arnault Damien : Oui. La Fletcher peut sortir des messages OSC compatibles avec l’ADM, l’Audio Definition Model, un format normalisé de positionnement d’objets dans l’espace. L-Acoustics ou FLUX l’utilisent et d’autres marques peuvent être accrochées en OSC, il suffit pour cela d’utiliser une remote Fletcher pour le générer.

SLU : Allez-vous sortir une version soft de la Fletcher Machine ?

Arnault Damien : Cela fait partie des projets, comme aussi de piloter le processeur de façon plus directe à l’aide d’interfaces HUI MIDI existantes.

La Fletcher en version Stage et dans sa livrée 3U définitive.


Nous profitons de la fin de l’une de ses scènes sonores pour interroger Mathieu Rossier, à la fois gérant de Des Sons Animés, associé de Damien mais aussi DJ créatif en Electro immersif et donc à même de pleinement tirer parti de son installation à 360°.

SLU : On l’a évoqué avec Arnault, mais comment préserves-tu ce qui fait « bouger » dans ta musique dans un montage 360° ?

Mathieu en plein set, son Mac face à lui et ses packs de faders sous les doigts. A droite posé sur un fly, un ventilateur arrache quelques calories à l’ordinateur mis à rude épreuve par les sessions de Live chargées comme un bagage cabine…Il n’a pas toujours aimé.

Mathieu Rossier : D’abord par un bon design sonore. Damien a coupé les deux KS21 et les deux doubles 18” à 60 Hz. Les 15” montent un peu plus, les têtes qui embarquent des 6” sont coupées à 110 Hz. Ensuite en routant dans une espèce de bus mono le pied, caisse, la basse et des éléments rythmiques forts pour alimenter ces enceintes.

SLU : Ce coup d’essai ou coup Initial (humour de journaliste…) est important pour Des Sons Animés ?

Mathieu Rossier : Bien sûr. Fever qui a produit et mis sur pied ce festival est un acteur majeur et être ici est important pour faire avancer l’immersif au-delà de l’événementiel et prouver notre capacité à produire autour de ce format sur des projets ouverts dont nous parlons actuellement avec eux.

SLU : Qui dit immersif dit pré prod. Si vous voulez être en mesure de proposer d’autres artistes, il faudra les attirer dans votre studio pour monter leurs titres existants ou de nouveaux en éléments séparés et « jouables » en live…

Mathieu Rossier : Complètement, d’autant que préparer le son et jouer 12 heures en deux jours en plus de tout le reste c’est trop pour moi. On va travailler sur un modèle qui permette de recevoir les artistes pour les préparer à ce genre de performance.

Le studio Des Sons Animés, équipé pour faire vivre le son.

Arnault Damien : On a l’infrastructure et le studio pour accueillir la résidence de création, il faut maintenant pouvoir financer en plus du cachet normal d’artiste aussi un cachet de création et des frais techniques. C’est le travail normal d’un producteur ou d’un tourneur.

Mathieu Rossier : Une scène à 360° comme la nôtre peut partir dans un porteur et se balader de festival en festival ou de ville en ville sans problème. On n’en est pas là, mais on a posé une pierre.

La force de l’habitude. Sans même être dans la zone de couverture, Mathieu joue dans les clous.

Certains danseurs de l’Initial le sourire chevillé aux lèvres, ont bien résumé par leurs mots le sentiment que l’on a dans le carré. L’enveloppement c’est magique.
Cette musique se prête parfaitement à une diffusion par objets à 360°. Seul le bas reste directif mais cela est la spécialité de l’Electro où l’on cherche dans un gauche / droite à créer une power alley sensorielle où les aficionados se placent sans même savoir pourquoi.

En 360° c’est plus compliqué dans la mesure où les sources de grave se font face et l’empilement vertical crée un début de directivité avant. Quoi qu’il en soit, cette matière sonore agitée de mille secousses et trajets par la Fletcher, garde une cohérence et une attaque suffisantes pour faire bouger les corps et y ajoute une touche de création intéressante dans des morceaux par nature répétitifs.

Le côté aléatoire des mouvements et les sources changeantes qui transitent dans la matrice valident ce choix immersif. Il sera possible par la suite d’aller encore plus loin et programmer des snapshots de mouvements spécifiques déclenchés en OSC par Live, par une pédale ou bien d’ajouter un tech son créatif sur la matrice pour mimer ce qui se fait par ailleurs en vidéo avec un Smode grâce auquel, une image tournée et réalisée en direct, est routée, traitée, voire maltraitée par une tierce personne avec une forte appétence artistique. Certains DJ ont déjà exploré ce type de travail en tandem avec succès.


Tout à gauche, Mathieu démarrant un nouveau set sur son Live. Derrière lui avec la sangle orange, on aperçoit le tas de bois, l’autre se trouvant pile en face. Entre les deux, de TRES courageux danseurs bravant le thermomètre et découvrant l’immersif 360°.

Une fois encore l’audio par objets prouve sa puissance expressive et, pour m’être baladé sur les autres scènes de l’Initial, le gauche / droite à papa paraît bien étriqué comparé au plongeon dans le son d’un 360° maitrisé.
Ce galop d’essai ne peut pas laisser insensibles les organisateurs et on espère que la prochaine édition saura miser plus sur le son de demain via une scène plus grande permettant aux DJ, subs et qui sait, diffusion tout entière, de jouer en point central pour mieux construire l’expérience Electro avec la patate nécessaire et l’inventivité en plus. Un beau projet pour les équipes d’Adamson. Il faudra malgré tout que les DJ qui souhaitent s’y produire acceptent et soient en mesure de créer leur contenu en amont. Vaste débat et gros chantier, mais la fête mérite bien ça.

D’autres informations sur :

– L’Adamson Fletcher Machine
– L’Initial Festival
– Des Sons Animés

 

Crédits - Texte : Ludo - Photos : SLU, Fever, DSA, Adamson

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