MDG CHATmosphere avec Pierre Claude

MDG CHATmosphere est une nouvelle série d’interviews réalisées lors de la rencontre de l’équipe du canadien MDG avec des concepteurs lumière et de techniciens.

Pierre Claude © Matt West.

Dans cette interview, la première de la série, MDG s’entretient avec le concepteur lumières français Pierre Claude, qui a notamment réalisé la conception lumière des tournées mondiales de Gesaffelstein, The Strokes, Phoenix, ainsi que le festival de concerts Arte 2020. Il parle de sa carrière et de ses inspirations.

Pierre Claude : Je travaille principalement avec des groupes indés et je suis donc très impliqué dans leurs scénographies. En tant qu’éclairagiste, scénographe ou directeur technique je participe à toutes les étapes d’une tournée, de la conception à la programmation y compris la synchronisation, la direction artistique, les visuels et la gestion technique et bien sûr, je suis sur la route !


ARTE Concert Festival, Paris © Pierre Lapin

MDG : Quel est votre passé professionnel ?

Pierre : J’ai voulu être concepteur lumières très jeune. À 14 ans, je suis allé dans un magasin de sonorisation avec un ami qui avait du matériel en panne. J’ai visité le showroom dans lequel des scanners étaient pilotés en maître/esclave et j’ai eu le coup de foudre !
J’ai étudié l’automatisation industrielle au lycée et, le week-end je faisais des petits boulots dans l’événementiel. Mon premier emploi d’éclairagiste je l’ai eu à l’âge de 18 ans, dans un club de vacances pendant deux ans. J’ai ensuite travaillé au Queen sur les Champs-Élysées, où je suis resté cinq ans. Le club était incroyablement bien équipé avec les dernières technologies de l’époque.
Neuf heures par jour derrière la console aux côtés des meilleurs DJ de la planète au début des années 2000 fut une excellente formation ! Cependant, travailler de nuit est destructeur à long terme. Je me suis donc tourné vers l’événementiel pendant cinq ans, et j’ai finalement atteint mon objectif de travailler dans la musique live en 2013 après avoir rencontré un duo de designers très talentueux, Franz & Fritz.

MDG : Cette association vous a permis d’éclairer la tournée Requiem de Gesaffelstein, ce qui vous a valu le prix LDI 2020 de la réalisation de design lumière capacité club (équivalent de nos zéniths ou SMAC en France). Quelle est votre approche de conception pour la tournée ?

Pierre : Gesaffelstein est très important pour moi et nos carrières ont suivi des chemins similaires car nous avons commencé ensemble à tourner dans les clubs et des festivals européens. Sa tournée Aleph Tour en 2015 a été ma première « grande » tournée en collaboration avec Franz et Fritz. Cette tournée a atteint son apogée au festival Coachella cette année-là avec une salle pleine à craquer.

La deuxième tournée de Gesaffelstein, Requiem, en 2019, était très attendue. Son style brutal et sombre ainsi que son esthétisme hyper-minimaliste et violent faisaient beaucoup parler. Nous étions 3 pour concevoir la tournée Requiem : Mike Lévy (Gesaffelstein), Matthias Leullier, le producteur du spectacle et très talentueux scénographe, et moi-même. Nous avions un gros budget pour ce nouveau spectacle qui a débuté sur la Outdoor Stage de Coachella, là même qu’en 2015.

Inspiré par Anish Kapoor et conçu pour compléter l’atmosphère sombre de la musique de Gesaffelstein, le décor a été recouvert de Vantablack, une peinture plus noire que noire qui absorbe presque toute la lumière. Le décor n’avait pas de bords bien définis pour réfléchir la lumière et donnait l’illusion d’un trou noir. Je me suis retrouvé à éclairer un décor de telle sorte qu’il semble ne pas exister au lieu de le mettre en valeur, c’était vraiment inhabituel !

La scénographie comprenait également un système de vidéo et d’automations, mais nous avons voulu garder leurs utilisations aussi simples que possible en utilisant uniquement des aplats de couleurs ou des dégradés sur les écrans LED ainsi qu’une lumière presque entièrement blanche pour éclairer le show.
L’effet souhaité était de faire « disparaître » la technologie et le décor en attirant l’attention du public surtout sur la musique. Nous voulions que le public perde la tête. Les mouvements de décors n’étaient pas visibles et de nouveaux tableaux se révélaient au fur et à mesure du concert… Ce qui était un sacré pari !
Je tiens à remercier LDI, les juges, les électeurs et le métier d’avoir reconnu ce défi. J’en suis extrêmement honoré !

The Strokes © Jessica Saval.

MDG : Quelles sont les signatures de votre style ?

Pierre : Less is more ! Le minimalisme est important pour moi, mais aussi la synchronisation de la musique. Je ne suis pas là pour prouver quelque chose et montrer des technologies en vogue. Je suis ici pour mettre en valeur un groupe qui présente sa musique, c’est le plus important !

De plus, et mon équipe peut en témoigner, je suis intransigeant sur la précision pendant le montage. Nous ajustons et installons chaque projecteur pour nous assurer un positionnement et une symétrie parfaite respectant le design. Mes plans de feux sont d’une extrême simplicité, je programme les shows sans mouvements inutiles, sans gobos, utilisant des couleurs monochromatiques. Toute l’énergie est concentrée sur la musique et déclenchée par des intensités soigneusement prises en compte dans la programmation.

En revanche, il y aura toujours un moment au milieu du set qui sera tout à fait à l’opposé du reste du show. Pendant quelques instants, des mouvements ou des couleurs exagérés feront contraste au minimalisme choisi pour le reste du spectacle.
Je suis heureux que les jeunes qui se sont éclatés toute la journée lors d’un festival EDM, plein de lumière et d’effets spéciaux, puissent apprécier un style de spectacle différent et peut-être se concentrer davantage sur la musique.

MDG : Vous utilisez beaucoup de brouillard dans vos conceptions, tant sur scène que dans le public. Quelles différences y a-t-il dans la conception pour différents genres d’artistes, et types de lieux/festivals ?

Pierre : Je travaille principalement avec deux types d’artistes qui sont totalement opposés l’un à l’autre. Avec les groupes de rock indépendant, je sais que le public veut les voir jouer, donc ça sera plus un travail de fond, l’éclairage d’ambiance qui ne prend pas le lead mais qui reste assez présent pour apporter un univers et appuyer la musique.

Dans cet environnement, la scène est très occupée par les musiciens, leurs mouvements et le matériel. Le brouillard et la fumée doivent donc être homogènes et présents sur scène en quantité juste suffisante pour donner de la profondeur.
Pour les artistes de musique électronique, je travaille de manière plus volumétrique où l’artiste est la pièce maîtresse, entouré d’un univers beaucoup plus élaboré. Le brouillard est l’élément essentiel dans la création de cet univers épais ou fin, sur scène, mais aussi en salle pour prolonger l’aspect volumétrique des faisceaux vers le public.

Dans les salles, je peux utiliser aussi du brouillard provenant de la régie pour obtenir une parfaite homogénéité. Mais dans les festivals, il s’agit plutôt de lutter contre les éléments, tant sur la scène que dans le public, où nous devons faire de notre mieux en fonction du vent. C’est une lutte constante, mais c’est le jeu !

MDG : Comment MDG s’inscrit-il dans ce scénario, et pourquoi aimez-vous travailler avec les générateurs de brume et de brouillard MDG ?

Pierre : J’aime comparer l’éclairage à la peinture, la toile blanche à la fumée. La toile blanche finira par être remplie de peinture, mais si la toile est de mauvaise qualité ou si elle est trouée, le résultat sera mauvais. Pour la lumière, une belle fumée est notre toile blanche ; si elle est de bonne qualité que nous l’oublions, alors elle est parfaite. Le brouillard est là pour sublimer la lumière, pas pour prendre le lead. MDG nous donne cette qualité parfaite, un brouillard homogène fin et contrôlable, pas trop lourd, qui nous permet de nous exprimer notre toile blanche parfaite !

Phoenix at Shaky Knees, Atlanta © Alive coverage.

MDG : Quelles tournées et quels spectacles avez-vous conçus en utilisant les produits MDG ?

Pierre : Avant la pandémie, j’étais en tournée avec Gesaffelstein et The Strokes, et je venais de terminer la tournée de Phoenix quelques mois avant que la pandémie ne frappe. Le spectacle de Gesaffelstein à Ultra Miami a été annulé, tout comme la tournée d’été aux États-Unis et une date à l’AccorHotels Arena de Paris en septembre.

J’aurais dû commencer les tournées de Boys Noize et SebastiAn en 2020. La tournée de SebastiAn était déjà programmée, mais les fermetures dues au COVID m’ont amené, comme beaucoup d’entre nous, à travailler plutôt sur des livestreams. J’ai découvert que j’aimais beaucoup ce nouvel aspect ! J’ai travaillé à distance sur le livestream de Future Islands, j’ai fait la conception lumière du festival ARTE à Paris avec en tête d’affiche, Sébastien Tellier, Yelle et Lous et The Yakuza, et je travaille actuellement sur un livestream spécial pour Brodinski.
MDG m’a accompagné sur tous ces projets. Bien que je sois très flexible en ce qui concerne le matériel proposé par les fournisseurs je comprends la difficulté d’investir constamment dans des produits haut de gamme sous la pression des concepteurs je demande quand même toujours autant que possible des générateurs MDG pour le brouillard ! C’est le meilleur brouillard du marché et il est facile à utiliser et à entretenir par nos techniciens en tournée.

Phoenix © Fujifilmgirl

MDG : Quels étaient vos spectacles préférés et pourquoi ?

Pierre : Mon projet préféré était la tournée mondiale de Phoenix de 2017 à 2019. C’était un défi technique incroyable, impliquant un miroir de plusieurs tonnes suspendu au-dessus de leurs têtes, incliné à 45 degrés.
C’était une expérience visuelle incroyable, tout en posant d’énormes contraintes logistiques pour la reproduire partout dans le monde allant des petits clubs américains aux plus grands festivals mondiaux. C’était aussi un coup de cœur car pour moi, Phoenix est le meilleur groupe qui soit, incroyablement gentil et passionné, tout comme leur équipe.

Les spectacles récents que j’ai trouvés magnifiques sont The 1975 de Tobias Rylander, The XX de Michael Straun, Tame Impala de Rob Sinclair et Marilyn Manson de Nico Riot. Tous sont parfaits, de la musique à la lumière jusqu’à la scénographie. Dans tous ces spectacles le brouillard est extrêmement important et bien géré. D’accord, toutes ces tournées ont de gros budgets, mais cela n’enlève rien au talent !

MDG : Que vous réserve l’avenir ?

Pierre : Cela dépend bien sûr de ce qui se passera avec le Covid, mais je suis assez optimiste, et nous voulons tous retrouver les concerts ! Je vais peut-être travailler sur plus de livestreams car j’ai vraiment aimé ce nouveau défi, les conditions de travail sont meilleures qu’en festival en termes de temps et de préparation !
Mais il n’y a rien de mieux que l’énergie de la foule pendant un concert. Il ne m’est jamais venu à l’esprit de changer de travail. La lumière est ma passion et j’espère que les groupes seront toujours là pour me donner la possibilité de continuer à m’exprimer. Il y a encore tant à faire !

Plus d’infos sur le site MDG et sur le site de son distributeur Axente

 

Crédits - Texte : MDG

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