Unisson Design spatialise le Lido 2 Paris

Inauguré en 1946, le célèbre cabaret parisien Le Lido qui a immortalisé sur les Champs-Élysées les plus beaux spectacles de revue de la capitale, se transforme en salle de spectacles. En septembre 2022, le Lido opère sa transformation et se réinvente en Lido 2 Paris. Une nouvelle programmation inédite et créative de comédies musicales est proposée dans une salle métamorphosée.


Une transformation qui prend une dimension définitive, sous l’expertise technique de Cyril Auclair et de Léonard Françon, à travers leur société Unisson Design qui signe une installation audiovisuelle remarquable de précision, intégrant avec intelligence un impressionnant système de diffusion spatialisée d&b.
Pour son inauguration, nous avons assisté à la première de la comédie musicale ”A funny thing happened on the way to the forum” et vécu l’une des plus belles expériences sonores de Paris.

SLU : Quel a été le rôle d’Unisson Design ?

Unisson Design : Unisson Design est intervenu au Lido pour gérer l’intégralité de sa réhabilitation technique. Nous avons guidé le groupe Accor, nouveau propriétaire de la salle dans les choix technologiques et avons réalisé toute la maîtrise d’ouvrage de sa nouvelle installation audiovisuelle, son intégration et sa mise en service.


Vincent Portier (Opérateur FOH), Isabelle Goulliart (Régie HF), Pierre Bodeux (Opérateur FOH), Léonard Françon (Sound Designer / Unisson Design), Cyril Auclair (Sound Designer / Unisson Design) Capucine Catalan (Régie HF). Tout aussi importants mais absents ce jour-là : Sami Braham (Régie HF) et Margot Lemarie (Régie HF).

SLU : Messieurs les fondateurs d’Unisson, qui êtes-vous ?

Cyril Auclair : Avec un important cursus musical dont un prix de conservatoire et ensuite un DUT informatique et le CFPTS pour appréhender le son, j’ai travaillé au Théâtre du Châtelet pendant 18 ans en tant que technicien, régisseur son et responsable adjoint du service audio vidéo. C’est là où je suis tombé amoureux de la comédie musicale anglo-saxonne, avec le miracle de pouvoir en faire le design sonore et le mixage. C’était une chance incroyable.
Unisson design a été fondée avec Léonard, qui faisait aussi partie de l’équipe du Châtelet. Nous étions les deux opérateurs. Nous avons créé notre société pour répondre à l’esthétique sonore naturelle et au mode de fonctionnement de ces spectacles. Nous proposons un Sound Design pour les comédies musicales et la musique classique.

Léonard Françon : Avec comme cursus l’Institut national de l’audiovisuel et le CNAM en acoustique fondamentale puis la rencontre professionnelle de Cyril au Châtelet, j’ai découvert une méthode, une famille et un plaisir de travailler ensemble. Nous, petits frenchies, avons eu la main sur le sound design des comédies musicales grâce à Jean-Luc Choplin, directeur du Châtelet, qui nous a fait confiance en nous donnant une pleine autonomie d’action.

SLU : Qu’est-ce qui a motivé le choix de d&b ?

Unisson Design : Nous apprécions d&b pour deux raisons. D’abord son côté très plug and play. Tu branches, ça marche et ça sonne naturellement. Dans ce genre de spectacles et avec seulement 10 jours de répétition pour la plupart, nous devons trouver le son rapidement. Ensuite un workflow intégré et fluide.
De la simulation avec ArrayCalc au logiciel R1 qui gère les amplis et intègre la spatialisation, nous ne gérons qu’un seul fichier. Si tout a été bien fait en amont, la marge d’erreur sur le résultat est minime. Nous ajouterons aussi que le catalogue extrêmement large de d&b nous permet de toujours trouver la bonne enceinte pour ce que nous devons faire.

Le Lido 2 dans l’ArrayCalc de d&b, une distribution plus que régulière !

SLU : Comment avez-vous fait le design ?

Unisson Design : Une des particularités du Lido est d’être très bas de plafond. Le but était donc d’arriver à intégrer au maximum la diffusion et de dégager le champ visuel. Du temps de l’ancien Lido, 85 % du show était en playback. Même si l’ancienne diffusion était déjà en multidiffusion, imposée par le nombre de zones à déboucher, il fallait revoir le concept global d’implantation car maintenant, tous les shows y sont donnés en live véritable avec un grand nombre de captations omni à gérer.

On est parti sur une vision traditionnelle. Si déperdition à tel endroit, alors nouvelle enceinte. Nous avons vite compris que nous aurions besoin d’en gérer beaucoup. Au départ on souhaitait intégrer des enceintes de la série V en première ligne, plus du Y en rappel. Mais après analyse, les V étaient trop volumineuses. Nous avons opté pour les Y sur les deux lignes. Nous avons passé énormément de temps pour rendre les enceintes aussi discrètes que possible.


Installation d&b, 130 boîtes à intégrer ! © Unisson Design

SLU : Qu’est ce qui a motivé le passage au spatialisé ?

Unisson Design : La salle est très panoramique et très basse de plafond. Avec un LCR, ça aurait fonctionné. Mais cela aurait été dommage de passer à côté de l’immersif. Nous avons été ensuite très bien épaulés par l’équipe de d&b France qui, grâce à l’expertise de Mathieu Delquignies et Jérôme Abraham, nous a permis de comprendre que le Soundscape était la bonne solution pour gérer un grand nombre d’enceintes.

Nous avons retrouvé toutes les méthodes qu’on utilise habituellement comme mettre des délais sur les différents points de diffusion. A condition d’utiliser la spatialisation en mode Full. Nous gagnons un temps incroyable. Avant, on passait des nuits entières à poser des enceintes sur le plateau et à bouger des délais avec des tableaux Excel compliqués. Et on était souvent frustré parce que nous ne pouvions pas tout gérer. Avec Soundscape c’est terminé.


Toutes les enceintes du Lido 2 dans le logiciel de prédiction ArrayCalc de d&b © Unisson Design

SLU : La réponse à une demande?

Unisson Design : Lorsque Accor a réintégré les lieux, ils nous ont demandé quelque chose de nouveau. Dans le cahier des charges, il était précisé : “Le temple de la comédie musicale sur les Champs-Elysées à Paris“.

Ici nous sommes dans le music-hall pur. L’idée est de respecter ce qui s’y passe acoustiquement, tout en étant quand même sonorisé. La spatialisation permet au public de localiser immédiatement les chanteurs sur scène, même en fermant les yeux.

SLU : Cela génère-t-il un surcoût ?

Unisson Design : Pas vraiment. On avait besoin de ce nombre d’enceintes. Si on avait voulu rester en traditionnel avec du débouchage partout, cela aurait été pratiquement identique. Désormais nous avons 130 enceintes contre 92 avant, mais nous avons sonorisé plus de zones. Le seul surcoût tangible est dû aux deux matrices DS100.
Le Lido a opté pour une solution de location longue durée du système de sonorisation spatialisé que propose d&b, à travers son prestataire local B-Live, dont notre interlocuteur Alexandre Tramontin nous a offert un service très précieux.

SLU : Partons à la découverte de l’installation ?

Unisson Design : Commençons par la diffusion. Nous avons une première ligne de Main, positionnée au niveau du front de scène, composée de neuf Yi10P, des enceintes de la série installation. Entre chacune d’elles, nous avons logé huit subwoofers XSLi-SUB pour former un subarray.


La première ligne de face qui alterne les têtes Y7P et les subs XSL-SUB.

Les outfills en Yi7P pour le débouchage des côtés de scène.

Pour les outfills en débouchage sur chacun des côtés de la,scène et des balcons latéraux, nous utilisons quatre Yi7P.

Un Main Delay, sorte de deuxième face composée de sept Yi10P, est accroché au tiers de la salle. Utiliser la même enceinte que la face garantit la cohérence sonore sur toute la profondeur du parterre.

En front de scène, une ligne composée d’enceintes 44S permet de gérer les premiers rangs de l’auditoire. Elle paraît particulièrement basse mais elle prend tout son sens quand le parterre qui entoure la scène, descend de 60 cm pour le spectacle. Les enceintes qui restent au niveau du bord de scène se retrouvent alors à la bonne place.


Le Main Delay, raccorde et prolonge la face pour lui redonner vie dans une acoustique assez absorbante.

Une fois le parterre en place, la ligne de front est à la bonne hauteur.


Sur chacun des murs latéraux, six E8 sous le balcon sont accompagnés de quatre 4S sur le mur.


E8 et 4S sous les balcons en latéral.

Pour le fond de la salle, en dessous du balcon, nous avons dix enceintes 44S pour le rappel accompagnées de deux E8 en latéral et d’autres E8 pour le surround arrière.


Les E8 en surround arrière, dos à un miroir.

SLU : Vous utilisez beaucoup l’enceinte 44S ?

Unisson Design : Oui, c’est un coup de cœur. Sous les balcons, nous avons toujours besoin du rappel pour redéfinir l’aigu. La 44S étant équipée de 2 tweeters montés sur un pavillon, celui-ci fournit un rendement excellent qui permet une pression cohérente sur toute la profondeur de l’audience.


Les 44S en rappel sous le balcon.

SLU : Et si nous allions voir ce qui se passe au balcon ?

Unisson Design : Le balcon qui est extrêmement bas de plafond est entièrement sonorisé en 44S avec dix enceintes devant, dix à l’arrière et deux sur les latéraux. Pour terminer, à ses extrémités, des coursives ont été rendues publiques sous la forme de petites loges. Elles sont couvertes par une enceinte Yi7P.


Toujours des 44S en rappel du balcon.

SLU : Et tout ceci en spatialisé ?

Unisson Design : Oui, pour un total de 130 enceintes. Même si certaines zones comme les espaces VIP sont juste débouchés en sortie mono, toutes les enceintes sont gérées dans la matrice de spatialisation d&b.

SLU : ArrayCalc permet de voir si la spatialisation fonctionne bien ?

Unisson Design : Oui parfaitement. Pour cela, il faut bien sûr simuler correctement la salle. C’est d&b qui s’en est chargé avec l’intégration du plan de la salle et des relevés de position pour chaque point de diffusion pendant deux jours.


Au tout début du spectacle, aucun comédien n’est sur scène et l’orchestre joue. Celui-ci est séparé en deux groupes, un à cour et l’autre à jardin. Au bout de quelques secondes d’introduction, un xylophone positionné à cour se met à jouer. Il est très étonnant de voir toutes les têtes se tourner vers cet instrument, pourtant caché au milieu des musiciens. La spatialisation fonctionne.
Idem pour les comédiens et chanteurs. Un bonheur total et une écoute non fatigante car les yeux se posent tout au long du spectacle au bon endroit. C’est impressionnant. Nous pouvons très bien le voir ci-dessous avec la prédiction de la spatialisation dans ArrayCalc.


Vue de la prédiction de la spatialisation avec l’orchestre côté cour – toutes les flèches pointent vers l’orchestre, la spatialisation fonctionne. Toute l’audience localisera parfaitement l’instrument côté cour.

SLU : Comment s’opère le calage ?

Unisson Design : Nous ne calons pas par enceinte mais par function groups. Ce travail requiert une grande précision sur la position des enceintes.
Nous mettons un micro pour vérifier si la déclaration de l’enceinte dans le logiciel fonctionne bien, sa position xyz et son axe, et on l’améliore si nécessaire.
En tout, un mois et demi pour l’installation complète des enceintes et un calage en cinq fois six heures. Celui-ci a été encadré par d&b et principalement par Pierre Scalco que nous remercions aussi.

SLU : Une correction tonale générale a été effectuée ?

Unisson Design : Nous en avons un peu, mais c’est très léger. Sur les subs et pour cette comédie musicale, nous avons par exemple décidé de travailler sans infra. Nous avons des presets pour cela. Nous utilisons beaucoup les sub comme un canal LFE.

SLU : Et pour les retours

Unisson Design : Les retours sur scène sont délivrés par des enceintes E8, utilisées classiquement sur deux plans pour permettre de garder une image sonore cohérente avec les déplacements de décor du plateau. Dans une programmation de comédie musicale à d’anglo-saxonne comme ici, il n’y pas de ears. Les chanteurs travaillent sans retours voix, uniquement avec celui de l’orchestre.


Les retours E8 se cachent parfaitement dans le plafond au-dessus de la scène. Saurez-vous les trouver ?

Ce sont vraiment des retours d’appoint car les artistes bénéficient beaucoup du champ direct de l’orchestre qui est séparé en deux groupes, disposés en proximité de chaque côté de la scène. Cette absence de retour voix oblige les artistes sur scène à donner suffisamment pour qu’ils puissent bien s’entendre entre eux. Cela crée un équilibre naturel qui évite tout rattrapage au mixage. Nous avons aussi des retours en backstage avec sept enceintes 5S qui diffusent le mix général.


Avé DPA ! Que des omnis, ici collé sur le bord du casque, à hauteur du front.

SLU : Comme nous sommes backstage, nous pourrions parler des micros et de la HF ?

Unisson Design : Les micros utilisés sont tous des DPA 6061 en HF avec des liaisons Sennheiser 6000. Ils sont soit dissimulés dans les accessoires comme les casques, positionnés dans les cheveux ou enfin sur le front des comédiens. Pour les rôles principaux qui jouent pendant plus de 70% de la représentation ce qui empêche toute intervention en cas de panne, ils sont doublés.

Une baie HF en Sennheiser Digital 6000. Remarquez les plaques ajourées BLIVE. La classe !

SLU : Vous suivez tous les comédiens en spatialisé ?

Unisson Design : Avec leur grand nombre, ce serait difficile de le faire manuellement. II était indispensable de préconiser un système de tracking pour automatiser leur déplacement dans la matrice.


Enceinte 5S en retour backstage et antenne pour le tracking Zactrack.

SLU : Comment avez-vous choisi votre système de tracking ?

Unisson Design : Nous avons cherché un système capable de diriger du son et de la lumière. Nous voulions éviter toute boîte de conversion, donc il fallait déjà du natif.

Les changements de costumes très fréquents et le mode de répétition et de montage des spectacles ne nous permettent pas l’apprentissage et l’exploitation de systèmes avec des capteurs vidéo.


Chaque émetteur (beacon) du tracker est logé avec le pack Sennheiser dans des ceintures URSA adaptées sur mesure pour chaque comédien.

Nous nous sommes donc tournés vers Zactrack qui, en plus d’utiliser un système d’émetteur HF (beacon), remplit tous les critères.
Nous avons 10 antennes au total autour de la scène pour gérer toutes les contraintes de l’avant-scène et les différents murs qui la divisent.
Chaque comédien est équipé d’un système de tracking HF, 27 au total sur ce spectacle.

SLU : Cela paraît simple à mettre en oeuvre

Unisson Design : La HF étant absorbée par le corps humain. Elle peut être perturbée si la densité d’artistes est importante sur scène et si le comédien pivote beaucoup sur lui-même, ce qui est souvent le cas dans une comédie musicale.
Pour les comédiens principaux, nous doublons l’émetteur, un devant et un derrière. Ceci permet de se prémunir de toute perte de signal. Si jamais nous avons un défaut de tracking, ce n’est pas trop problématique sur le son, nous avons des solutions que nous verrons plus tard.


WaveTool à gauche, et Zactrack à droite, les comédiens sont suivis en permanence.

SLU : Comment surveille-t-on tout ça ?

Unisson Design : HF, audio, chat avec la régie et enregistrement, c’est le logiciel WaveTool qui s’en charge. On peut enregistrer les cinq dernières minutes, ce qui permet d’écouter pour comprendre une problématique sur un des comédiens. Il est connecté en réseau aux WSM des Sennheiser et il reçoit les informations système. Malgré son rachat par Shure, le logiciel reste multimarque et pensé pour la comédie musicale. Le logiciel Zactrack permet de monitorer l’ensemble des capteurs de tracking.


Le logiciel Zactrack et le trajet des comédiens © Unisson Design

SLU : La localisation des trackers est précise ?

Unisson Design : Oui, cela peut être très précis. Mais ce n’est pas le but recherché. D’ailleurs le système offre un paramètre de tolérance que nous utilisons. En dessous d’un seuil de déplacement, la position n’est pas modifiée. Cela évite d’interpréter les petits déplacements des comédiens.

Nous transférons les données en provenance de Zactrack aux processeurs DS100 qui gèrent la spatialisation via le logiciel En-Snap. Il permet de créer un cercle de tolérance autour du beacon où tout mouvement ne sera pas obligatoirement interprété. Nous le fixons à 30 cm. Si une perte de tracking est observée, nous pouvons configurer une position par défaut où le comédien est repositionné jusqu’à la reprise de son signal de tracking.

SLU : Le tracking doit être calibré ?

Unisson Design : Une fois les antennes placées, nous devons les calibrer par rapport au design. Nous avons trois capteurs, un qui déclare le point zéro, l’autre l’axe x et le dernier l’axe y. Les antennes se voient entre elles et sont ainsi capables de produire une position fiable. Nous devons ensuite réadapter les dimensions du plateau au design du logiciel R1.


3 racks de scène, HF, orchestre cour et orchestre jardin.

Un des boîtiers ME1 d’Allen & Heath avec lesquels les musiciens créent leur mix retour à partir de sources individuelles et stems fournis par la console FOH.


SLU : Avant de repartir à la régie, un coup d’œil sur les racks de scène ?

Unisson Design : Nous avons trois rack de scène, un qui reçoit en AES les sorties audio des systèmes HF, un pour l’orchestre à cour et un pour l’orchestre à jardin. Ils sont fibrés et reliés en AutoRouter Optocore directement au nodal, pour ensuite être redirigés vers la console.

L’intégralité de l’installation audio du Lido2 © Unisson Design

SLU : Comment la régie technique est-elle organisée ?

Unisson Design : Pour le show, on a un seul opérateur au mix et deux opératrices à la HF. Nous devons donc faciliter beaucoup d’opérations. Les musiciens de l’orchestre gèrent leur propre retour avec des boîtiers personnels ME1 d’Allen & Heath. Cela permet à l’ingénieur du son de se concentrer sur le mixage.
Il utilise une console DiGiCo Quantum SD7 Théâtre, une version qui a été développée pour les mixeurs de Broadway. Il permet de rendre beaucoup plus rapide la partie d’encodage pour le mix à l’anglaise des comédies musicales.


La régie, très ramassée pour permettre une exploitation par un seul opérateur.

SLU : Le mix à l’anglaise d’une comédie musicale ?

Unisson Design : Le mixage à l’anglaise aussi appelé mix line-to-line impose de suivre en permanence aux faders les répliques des comédiens en isolant chaque réplique active par l’atténuation des autres micros. C’est un exercice assez difficile que nous maîtrisons parfaitement. En diminuant ainsi toutes les sources non actives, nous évitons beaucoup d’effets de déphasage, de doublage et de diaphonie entre les capteurs. Le résultat s’entend énormément dans la qualité finale obtenue, avec un son extrêmement précis et intelligible.

SLU : Je confirme !

Unisson Design : Pour cela la console doit permettre un encodage précis nécessaire à l’ingé son pour affronter chaque scène en réaffectant l’ordre des faders des voix à gérer. Nous avons plus de 200 snapshots qui s’enchaînent. La SD7 Théâtre est faite pour cela. Elle peut aussi gérer un changement de musicien ou de comédien en rappelant ses propres paramètres dans chaque mémoire.

SLU : Elle gère aussi les effets sonores ?

Unisson Design : Les effets sont générés par un QLab piloté en MIDI par la console. Il fait aussi passerelle pour envoyer des informations vers d’autres logiciels dont En-Snap qui gère la spatialisation.


Le logiciel QLab pour les automations d’effets, et de trajectoire de spatialisation © Unisson Design

Le logiciel Riedel qui permet de gérer l’intercom en accédant à tous les boîtiers © Unisson Design

Le logiciel R1 pour la gestion de la diffusion © Unisson Design


SLU : Pourquoi utiliser le logiciel En-Snap pour la spatialisation ?

Unisson Design : C’est rendu nécessaire par le nombre de canaux à gérer dans la spatialisation, il ne faut pas oublier que nous utilisons deux processeurs DS100. En-Snap est capable de les gérer pour le mixage objet. Il reçoit aussi les informations de tracking et permet leur interprétation.


Le logiciel En-Snap et ses objets : l’orchestre à cour et à jardin, et les comédiens pour l’instant au centre face. © Unisson Design

Les objets des comédiens reçoivent les informations des trackers © Unisson Design


SLU : C’est-à- dire ?

Unisson Design : Il y a certains cas où nous devons agir d’une façon prédéterminée suivant l’activité d’un tracker. Par exemple nous avons la position d’emergency, très pratique en cas de perte de l’un d’eux.

Les paramètres d’interprétation de trackers propres à En-Snap sont indispensables © Unisson Design

Il fixe une position par défaut à l’objet, par exemple au centre, à laquelle il retournera s’il ne reçoit pas d’information de son tracker pendant plus de 20 secondes.

Nous utilisons aussi le principe de tolérance en déterminant un radius autour de la position du tracker où la position de l’objet restera inchangée.

SLU : Il y a une spatialisation de base ?

Unisson Design : Oui. Les positions des instruments de l’orchestre ne bougent pas. Ils sont placés comme en visuel, à cour et à jardin.

SLU : Et ensuite vous intervenez manuellement ?

Unisson Design : Tous les comédiens étant trackés, nous n’intervenons pas. Les trackers commandent chaque objet pendant tout le show. Seule exception, certaines scènes qui doivent être gérées manuellement. Nous avons à un moment un comédien qui se trouve à l’aplomb de la première ligne de diffusion. Dans le principe de la spatialisation, quand un comédien est devant une enceinte, il n’y a plus de son dans cette enceinte.

Là, nous voulons garder de l’incidence sonore à cet endroit. Nous créons donc pour ces cas très particulier un snapshot dans En–Snap. Nous le rappelons au bon moment par l’envoi depuis la console de cues MIDI à QLab qui envoie des commandes à En-Snap en OSC. Nous l’utilisons aussi pour gérer des trajectoires d’objets. Tout est écrit et programmé pour éviter à l’opérateur le moins d’actions possible, car il est très accaparé par le mixage line-to-line.

SLU : Les DS100 reçoivent les sorties directes de la console ?

Unisson Design : Pour plusieurs raisons, nous n’utilisons pas des direct out mais des groupes. Nous avons par exemple des comédiens qui ont plusieurs micros au fil de la représentation. En revanche, c’est toujours le même tracker et donc le même objet dans la spatialisation. Nous utilisons donc un groupe nourri par ses différents micros. Idem pour les musiciens qui jouent plusieurs instruments au même endroit. Donc le groupe a tout son sens et avec la SD7, nous avons assez de ressources pour les fournir tous.


La spatialisation est gérée à travers 14 function groups, des groupes de spatialisation qui correspondent à chacune des lignes d’enceintes © Unisson Design

SLU : Combien de function groups ?

Unisson Design : Nous utilisons 14 function groups dans les DS100 pour gérer la spatialisation. Ils sont tous en mode full, délai et amplitude. Sur les tracking nous avons un taux de rafraîchissement de 6 Hz, conditionné par le serveur utilisé et le nombre de trackers utilisés simultanément.
Honnêtement pour tracker Usain Bolt, ça ne marcherait pas (rires) mais ici c’est parfait. Les déplacements sont très fluides et restent raisonnables en vitesse. Nous n’avons donc pas de perturbations audibles dues à des déplacements rapides sur de grandes distances.

SLU : Et quel type d’algorithme ?

Unisson Design : Nous sommes en WFS interprété par d&b et son propre algorithme. En termes de rendu sonore, c’est ce qui est le plus proche de la vérité, sans compromis. La variable dans les function groups que nous utilisons le plus est la valeur de spread. C’est l’étalement d‘un objet dans la diffusion.
Suivant le type de zone et la perception des enceintes par son audience, nous pouvons choisir de “spreader” plus ou moins les objets. Ceci permet de contrôler la présence de l’objet dans une majorité d’enceintes de cette zone ou à l’inverse d’obtenir un placement beaucoup plus localisé. Nous pouvons ainsi optimiser la spatialisation à chaque format de zone d’audience.

En-Space, la réverbération intégrée au DS-100, dans toute sa simplicité et qualité © Unisson Design

SLU : Vous utilisez la réverbération En-Space ?

Léonard Françon : Je n’ai jamais entendu une réverbe comme ça. Nous arrivons pratiquement à changer la réverbération de la salle.

Cyril Auclair : C’est la plus belle ! Un vrai coup de cœur. Avec une décroissance sans aucun artefact, elle est parfaite. Nous ne l’utilisons que pour les voix chantées et pour créer certains effets. Sa balance avant arrière est parfaite pour régler son équilibre. Pour les musiciens nous trichons un peu en gardant nos habitudes avec une M6000 nourrie depuis la console. Elle est routée dans un objet stéréo dans le DS100.


Le synoptique réseau pour l’audio, tout en Luminex © Unisson Design

SLU : Quel système de distribution utilisez-vous ?

Unisson Design : Toutes les lignes et les réseaux de la salle transitent par le nodal. Nous avons une distribution totale en fibre monomode, multimode, RJ45, AES, XLR, SDI , etc…. Essentiellement en Dante pour l’audio. Tous les switches sont des Luminex GigaCore 30i.

La partie câblage a été réalisée par Tech Audio Yousense, une filiale de Eiffage. La partie installation, intégration, câblage et programmation des machines a été totalement gérée par nos soins.

SLU : Ce nodal est plutôt impressionnant ?

Unisson Design : En fait, c’est assez simple. Les deux premiers racks de gauche concernent la diffusion sonore avec l’ensemble des amplificateurs d&b dont vingt-quatre 5D, qui intègrent du Dante en natif et qui permettent d’obtenir huit canaux d’amplification sur 1U.


L’impressionnant nodal exprime indéniablement l’excellence de l’installation.


Ils alimentent toutes les enceintes E8 et 44S. Neuf amplis 40D pour les deux mains et les subwoofers de la diffusion, plus deux autres pour les retours. Les DS10 gèrent la conversion Dante AES pour les 40D. Nous retrouvons bien sur les deux processeurs DS100 pour la spatialisation. Un patch speakON gère la mobilité d’enceintes sur scène.


Les deux processeurs DS100 pour 128 sorties vers le système de sonorisation spatialisé.

SLU : Pourquoi deux DS100 ?

Unisson Design : Comme le DS100 ne propose que 64 sorties, il nous en fallait deux pour prendre en compte l’ensemble des 130 enceintes de l’installation.
Au milieu de la baie audio, nous trouvons la matrice Allen & Heath AHM64 utilisée pour la distribution audio généraliste dans les différentes zones de l’établissement ainsi que pour les retours personnels des musiciens.

Ensuite le système pour les malentendants, avec un Sennheiser SR2020. Une matrice WisyCom MAT288 pour gérer toutes les antennes HF, très pratique pour le pilotage de leurs gains à distance. Le serveur du système de tracking Zactrack SMART avec une double connexion RJ45 pour les antennes et les informations OSC.


La baie audio accueille les autres périphériques audio du bâtiment.

Deux Orange Box DiGiCo font la passerelle de l’Optocore des consoles vers le Dante, une pour gérer les moniteurs personnels des musiciens et la deuxième pour alimenter les matrices DS100.

En dessous, un patch audio sur lequel nous accédons à toutes les entrées et sorties de tous les boitiers audio du bâtiment.


Unisson Design : La quatrième baie est dédiée à la gestion des réseaux. Nos configurations de racks de scène peuvent changer suivant les spectacles et l’AutoRouter est là pour gérer automatiquement le routage de la fibre entre les racks et la console.
C’est indispensable dans notre configuration pour garder de la souplesse. En dessous nous avons notre patch Fibre et le patch RJ45. Et dans la dernière baie, nous retrouvons l’interphonie Artist 1024 de Riedel et toutes les matrices vidéo accompagnées de leurs patchs.

En revenant dans la salle de spectacles et à quelques minutes de la représentation, nous avons encore un peu de temps pour aborder la spatialisation de manière plus générale.

SLU : Avez-vous une approche particulière de la spatialisation ?

Unisson Design : Pour nous c’est très récent. Nous avons déjà employé la spatialisation, mais en revenant au traditionnel LCR sur une autre prestation, on a ressenti de la frustration. Le mixage est plus tolérant car tous les problèmes que nous avons typiquement en comédie musicale avec les micros omni, les face to face, les déphasages, sont beaucoup moins sensibles ; c’est plus confortable.

La spatialisation est basée sur une démarche scientifique et respecte une acoustique naturelle. Nous avons une salle. Elle a son acoustique. Si je place mon objet à un endroit précis, il doit sonner comme s’il n’y avait pas de repiquage, simplement plus fort. C‘est ce que nous faisons depuis des années dans les théâtres mais avec des méthodes complexes de gestion de délais dans les systèmes traditionnels.

SLU : Et pour le tracking ?

Unisson Design : Le tracking, c’est énorme. Une comédie musicale sans tracking cela veut dire un travail important de positionnement pendant l’encodage, qui en plus doit être mis à jour si la mise en scène change.

SLU : Le mixage est moins sensible à l’erreur ?

Unisson Design : A chaque endroit de la salle, nous avons une représentation visuelle cohérente de l’image sonore. Nous avons aussi un impressionnant rendu du phénomène de profondeur.

SLU : Donc moins de corrections ?

Unisson Design : Le rapport entre le sonorisé et l’acoustique étant en lien, cela entraîne moins de travail de correction en fréquence. Nous corrigeons uniquement des défauts de placement ou de position de micros. Avant, sur des systèmes traditionnels, on disait de ne surtout pas regarder la courbe de l’EQ. Avec ce système, ce n’est plus le cas.

SLU : Et au niveau dynamique ?

Unisson Design : L’énergie est là, il n’y a aucun problème, Cela retranscrit ce qui se passe sur scène. Si dans le traditionnel, nous avions cette tendance d’aimer être dans le système, en spatialisé, c’est une autre sensation qui respecte le naturel. Cela change le ressenti dynamique. Le travail de la compression sur les voix est juste là pour gérer les sauts de dynamiques et offrir au mixeur une bonne base pour son suivi.


La scène face à la régie; ça donne envie.

SLU : Le public se rend-il compte de votre travail et de vos outils ?

Cyril Auclair : Nous avons des spectateurs qui nous disent avoir l’impression que le son est naturel et que le show n’est pas sonorisé…

Léonard Françon : Le retour le plus fréquent et qui à notre niveau signifie que le contrat est bien rempli, c’est quand des spectateurs viennent nous demander s’il y avait des micros. Eh oui ! il y a des micros et une importante ingénierie, mais cela ne s’entend pas.

SLU : Le metteur en scène remarque la différence ?

Unisson Design : Le metteur en scène est venu écouter ce qu’on a fait en spatialisé et son retour a été très bon, dithyrambique. Cela correspond à ses attentes. Il voulait un côté théâtral et avec la spatialisation, il ne se pose plus de questions.

SLU : Et pour le chef d’orchestre ?

Unisson Design : C’est compliqué pour lui avec un orchestre coupé en deux. À un moment il est venu en salle et nous a demandé si la diffusion était en service, car il trouvait que c’était juste acoustique. On a fermé et…“Ah oui !”. C’est la seule réaction qu’on a eue de sa part. Nous avons ouvert à nouveau, il a dit : “c’est super” et il est parti.

SLU : Est ce que les systèmes spatialisés vont devenir la norme dans vos sound designs ?

Unisson Design : Nous sommes encore à une frontière. Tout ne va pas passer en son spatialisé. Il faut s’adapter en fonction du lieu. Je pense que sur une échelle de quelques années, on va doucement basculer. Pour les acteurs de notre métier, c’est un nouvel apprentissage, une vraie remise en question qu’il faut accepter.
Nous voyons des salles qui commencent à s’ouvrir au spatialisé. J’apprécie cette démarche. Cela doit être compliqué pour l’accueil et ça ne doit pas être facile tous les jours. Pas que ce soit compliqué à utiliser, mais il faut apprendre et accepter ce nouveau gap. Si nécessaire, nous pouvons utiliser des mémoires et des snapshots pour simuler des espaces traditionnels LR et LCR.

SLU : Avez-vous observé des limites avec ce système ?

Unisson Design : Nous avons un recul assez restreint en termes de types de spectacles que nous avons gérés dans cette salle. Pour la comédie musicale, non. Nous avons pu faire tout ce que nous voulions sans jamais être bloqués dans le processus créatif.
La question va se poser lors d’un prochain spectacle qui comportera beaucoup de séquences enregistrées. Cela va être une nouvelle phase d’expérimentation. Ce sera pour la période des JO. Avec aucun instrument acoustique, cela va sûrement être un atout d’être spatialisé.

Comme vous avez pu le constater, le travail d’intégration pour cette nouvelle installation de référence a été énorme. Sa réalisation sans aucun compromis est au niveau des enjeux techniques qui y ont été déployés. En sortant du spectacle, il reste une vraie sensation de plaisir et de confort pour le spectateur et de perfection pour le technicien.

Le tout est très habilement équilibré par Unisson Design qui donne, par la maîtrise de sa spécialité, ses lettres de noblesse à la comédie musicale sur la plus belle avenue de Paris. Et quand toute une salle tourne la tête vers les sources actives sans jamais se tromper, nous pouvons dire que le pari de la spatialisation a bien été gagné.

D’autres informations sur le site Unisson Design et sur le site Lido2 Paris

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Crédits -

Texte : C. Masson - Photos : Unisson Design, SLU (C. Masson)

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