Suite de notre reportage au cœur du dispositif technique du défilé du 14 juillet. Avec 200 liaisons RF simultanées et des portées atteignant les 250 m, il est temps de s’attaquer à un gros morceau, Julien Périlleux, l’homme qui veut vous fait croire que la HF c’est simple, enfin, il essaie ! Il y avait les dresseurs de puces, découvrez celui des ondes.
Jérôme Hardy et à droite son client Julien Périlleux, shootés dans la régie HF soigneusement camouflée !!
SLU : C’est la première fois que tu as autant de liaisons RF ? (Question bateau mais quand vous voyez des racks verticaux aussi pleins de récepteurs, vous ne pouvez pas vous en empêcher NDR)
Julien Périlleux : Autant simultanément non.
SLU : Mais on a là tout ton parc…
Julien Périlleux : Ahh non, il n’y a là qu’une seule marque, Shure, mais j’ai aussi beaucoup de liaisons Sennheiser qui sont louées sur des opéras jusqu’au 16 juillet, et j’ai beaucoup d’ears monitors qui sont au dépôt. J’en ai quand même sur les Champs pour des descentes d’intercom où il y a deux personnes qui les parcourent pour donner l’ordre ouvrir les enceintes les unes après les autres. Ces personnes sont sur un système Overline et je les prends à partir du Fouquet’s (angle Champs Elysées et Avenue Georges V NDR) pour les ramener jusqu’ici à la Concorde grâce à des antennes avec liaison fibre Wisycom.
SLU : Précisément il y a combien de liaisons ?
Julien Périlleux : J’en compte 220 opérationnelles et uniquement deux canaux en spare en cas de problème HS sur un pack.
Ce ne sont que 6 racks dans le fond, dont deux doubles tout de même avec des récepteurs à deux canaux, mais parfois aussi à quatre…bref, de mémoire de journaliste je n’en avais jamais vu autant… Peut-être Shure non plus !!
SLU : J’ai déjà posé la question à Eric L’Herminier mais autant le faire à l’intéressé. Tu es en mono marque pour des questions de facilité, de prix avec ladite marque ?
Julien Périlleux : (serein), Non, je le suis car en ce moment il y a une course à l’ultra large bande sauf chez les constructeurs américains qui ont gardé la philosophie d'une bande de programmation de 60 à 80 MHz de large, ce qui nous permet de filtrer à l’émission comme à la réception sur des bandes de 60 à 80 MHz en fonction des fréquences utilisées. C’est très intéressant car cela nous crée des intermédiaires. Le filtre d'entrée des ultra large bande n’est pas assez costaud par rapport au filtre de tête de chaque appareil. J’avais déjà constaté ça l’année dernière où j’avais des large-bande de 470 à 640 MHz et j’avais trouvé ça assez moyen.
La chasse aux interférences est ouverte !
SLU : Qu’est-ce qui te pose problème précisément ?
Julien Périlleux : Ce sont les interférences, l’énergie qui arrive aux antennes qui sont à 17 ou 18 mètres de haut. J’ai déjà des niveaux de TNT qui sont très forts puisque j’arrive à -60, -55 dBm. Comme nous sommes limités maintenant à 700 MHz et que les large-bande sont grosso modo entre 470 et 700 MHz, on a beaucoup d’énergie qui rentre dans les systèmes et c’est ce qui me bloquait. J’utilise donc en amont des filtrages par bande, des filtres de 60 MHz par les appareils eux-mêmes et au-dessus des appareils pour vraiment casser en réception toutes les énergies qui rentrent.
Le but c’est de faire le plus possible chuter le bruit de fond pour qu’on soit le mieux possible en réception. Il faut savoir que le premier micro qu’on capte est à 100 m. On reste sur des puissances standard de 50 mW pour les analogiques et 20 mW pour les numériques, or pour l’animation finale il y aura 650 personnes massées sur la Concorde avec 178 micros émettant simultanément, donc il y aura un phénomène de masquage rien que par les gens, même si on est quasiment à vue des antennes.
Une image de la moitié du bas des Champs Elysées que la Légion Etrangère va descendre « plein RF » mais à son tempo à elle à 88 pas par minute, là où le reste des troupes défile à 116
SLU : Et pour la Légion Etrangère ?
Julien Périlleux : C’est tout aussi difficile car on doit les capter jusqu’à la rue Royale en standard, et je les prends à hauteur du Pavillon Ledoyen avec des antennes à liaison fibre. Elles sont positionnées le long des Champs, dans l’autre sens (directivité de 90°) que celles qui captent l’intercom Overline, et je les ouvre juste pour la Légion.
SLU : Quelle est la portée typique entre émetteur et récepteur ?
Julien Périlleux : 100 à 200 m. Le mieux que nous ayons réalisé il y a quelques jours tourne autour des 250 mètres puisque nous avions encore du signal, alors que les émetteurs accrochés à la Légion étaient rue Royale en sortie de défilé.
SLU : Tes antennes sur fibre, tu les actives à la demande ?
Julien Périlleux : C’est ça, et c’est grâce à elles que je parviens à capter la Légion aussi loin; on parle de 400 à 500 mètres de distance avec la régie. Je les « allume » en fonction des zones que je veux avoir grâce à une matrice et je les « éteins » quand je ne veux plus les avoir. La transition se fait grâce à la matrice Wisycom avec laquelle je peux router 8 diversity vers deux appareils différents, donc deux sorties.
J’ai configuré 4 antennes vers 2 appareils différents. On a une sortie qui alimente la totalité des récepteurs HF via un distributeur et l’autre qui est routée vers l’Overline qui gère l’interphonie avec les deux assistants qui suivent le défilé pour permettre de sélectionner quelles enceintes seront actives. Grâce à cette matrice, je sépare mes réceptions.
Un rack stratégique de l’arsenal HF de Fréquence, celui comportant les récepteurs des antennes fibrées et le matriçage de sortie, tout en WisyCom. De haut en bas, la matrice recevant 6 paires d’antennes, deux paires locales et placées en haut d’une nacelle au pied de la régie HF et 4 paires fibrées sur les Champs. En dessous on trouve un spliteur classique un vers huit, bien entendu en deux canaux qui alimente les huit racks de récepteurs. Les quatre racks identiques sont les récepteurs des antennes fibrées des Champs avec possibilité de monitorer et de faire les gains. Encore en dessous on trouve un ampli pour booster le signal de l’Overline qui part dans toutes les fibres et encore en dessous avec sa couleur bleue caractéristique, le rack émetteur récepteur Overline UHF Essential.
SLU : Et comment tu passes d’une antenne à l’autre ?
Julien Périlleux : En appuyant sur un bouton. Aucun bruit, aucun décrochage. Si on met deux zones en même temps on a en revanche 3 dB de bruit de fond en plus mais ça marche et les antennes sont équilibrées.
SLU : Tu pourrais donc suivre un HF jusqu’en haut des Champs.
Julien Périlleux : Oui bien sûr, techniquement c’est possible, mais cela fait beaucoup de fibres à tirer et d’antennes à placer. Mes antennes pour l’intercom par exemple sont espacées de 600 à 700 mètres du fait de la puissance importante des émetteurs. Avec des micros HF, il faudrait que je resserre le maillage autour des 200 mètres. Comme les Champs s’étirent sur 1800 mètres, cela conduirait à installer 9 antennes …
SLU : Si c’est possible, un jour on te le demandera !
Julien Périlleux : Pour le moment je n'en vois pas l’intérêt mais ce n’est pas moi qui décide et s’il faut le faire, on le fera !
Le gardien du plan et de ses fréquences