Lectrosonics, les liaisons secrètes de EVI Audio France

EVI Audio France distribue les produits Lectrosonics à destination du monde du Touring et de l’Intégration, dont les liaisons micro Digital Hybrid, celles 100% numériques DSQD D² System et enfin celles tout aussi numériques pour in-ears Duet IEM, des super produits.

Rendez-vous a donc été pris avec Yann Matté d’EVI et Jim Bakker du support Europe de Lectro, les deux interlocuteurs de la marque aussi compétents que disponibles, pour une journée en immersion radiophonique, analogique et surtout numérique.

La salle de démo et de formation d’EVI Audio se remplit en quelques minutes de configurations complètes, micro et retours et tout le nécessaire pour écouter. Ca tombe bien, on a apporté nos oreilles et les ears qui vont bien.

Yann Matté et à droite Jim Bakker. Le café est avalé, envahissons l’espace de bonnes ondes !

On commence par une explication qui détaille les trois modes de fonctionnement des liaisons micro Lectrosonics: Analogique, Digital Hybrid et Numérique et les possibilités de compatibilité pour les récepteurs entre lesdits procédés.
Passons l’analogique, la période est décidément au numérique et intéressons nous d’abord à la technologie hybride, très astucieuse car offrant l’essentiel des avantages du numérique dans une liaison purement analogique du point de vue de la modulation. Comment ? Jim prend la parole avec son extraordinaire accent qui sent bon la tulipe et les moulins à vent ;0)

Liaison micro Digital Hybrid

Jim Bakker : L’idée consiste à utiliser une transmission de données numériques mais sous forme audio, un peu comme les bons vieux fax ou les modems d’antan dont on reconnaissait facilement le son quand on se trompait de numéro d’appel.
On commence donc par convertir le signal en 88.2 kHz et 24 bit, suite à quoi à l’aide d’un algorithme, on analyse les échantillons et créé un paquet de prédiction auquel on va ajouter un vrai paquet d’échantillons avec le delta entre les deux. On en fait un metadata qu’on véhicule dans une fréquence ton pilote en analogique, avec un débit réduit mais qui garde la qualité d’échantillonnage et la résolution. On transmet ce flux numérique en FM.

Le SSM, le micro émetteur 25 ou 50 mW en Digital Hybrid, programmable par DTMF, sans compandeur, facile à cacher dans tout instrument et…sentant moins mauvais qu’un Zippo !

Dans le récepteur on sait quel paquet est le vrai, on connait le delta, cela permet de reconstruire le signal à l’identique. L’inconvénient de la liaison analogique, le bruit, n’a donc plus aucune raison d’être puisque nous parlons de 0 et de 1 qui seront reconnus même entachés de bruit, et on se débarrasse du compandeur dont on sait l’effet très discutable sur le rendu final.

On véhicule un signal de très haute qualité avec comme avantage immédiat une autonomie et une portée meilleures puisqu’on utilise la FM et qu’on peut utiliser un étage final non linéaire en classe C, moins gourmand. Un vrai rendu de qualité pour les instruments via des émetteurs minuscules et enfin la possibilité d’être reçus par les nouveaux récepteurs numériques D² (dont on parlera plus loin) qui acceptent aussi les liaisons hybrides. On est agréé pour effectuer des mesures acoustiques sans fil, c’est dire si le signal qu’on achemine est de haute qualité.

La latence est de 3 ms dans tous les cas de figure et pour toutes les sorties du récepteur, analogiques comme AES/EBU. Un mode de compatibilité permet aussi à nos émetteurs d’être reçus par exemple par du Sennheiser, bien sûr uniquement en analogique et l’inverse est aussi vrai.

L’application Lectro RM en train de programmer un SSM.

Enfin, il est possible de paramétrer tous les émetteurs pocket voire mini, qu’ils soient Hybrid ou numériques, par exemple noyés sous des costumes de scène, via des trains de fréquences envoyés à même les micros qui y sont raccordés.
L’application qui génère ces instructions DTMF qui peuvent même mettre en veille ou réveiller les pockets s’appelle Lectro RM. Bien entendu cette trouvaille est née dans le milieu du long métrage où Lectro est très utilisé.
Comme une batterie dure 6 heures et en veille la conso chute à 20%, avec un minimum de précautions, un acteur dont l’émetteur est inaccessible, peut travailler une journée entière.
Il suffit de l’équiper avant maquillage et habillage et de passer en veille l’émetteur jusqu’au tournage de la première scène. Si cette fonction ne vous intéresse pas et vous avez peur que quelqu’un chante précisément le train d’instructions DTMF et paramètre une autre fréquence d’émission à votre pocket, elle peut être désactivée (rires).

Liaison micro numérique DSQD D² System

SLU : Vous présentez une nouvelle gamme d’émetteurs récepteurs purement numériques…

Yann Matté : Oui, les D² ou D Squared. Le principe des liaisons hybrides chez Lectro existe depuis longtemps, (2002 pour être exact), l’avantage avec cette nouvelle gamme qui comporte un émetteur main DHu, un pack ceinture DBu et un récepteur quadruple qui tient dans un demi rack DSQD, est sa compacité et sa polyvalence.

Le récepteur quadruple Numérique / Digital Hybrid DSQD D². Une densité électronique peu commune.

On peut recevoir 8 liaisons 100% numériques en un rack 1U en associant deux récepteurs et rien n’interdit de panacher canal par canal entre pur digital et liaisons hybrides ! Ce récepteur dispose enfin de sorties analogiques et de deux ports Dante. Les liaisons fonctionnent avec une modulation 8 PSK et un codec propre à Lectrosonics réduit le débit.

Jim Bakker : Chaque marque a sa recette et son propre codec ce qui fait qu’on ne peut plus « parler ensemble » Avec Shure c’est encore moins possible car ils ont choisi une autre modulation. Notre codec permet en tout cas de véhiculer un signal 48 kHz et 24 bit allant de 40 Hz à 20 kHz avec une latence record de 1,4 ms en sortie analogique. Ce qu’on fait à ma connaissance de plus rapide.

Le DBu, l’émetteur numérique 48/24, pleine bande de 470 à 614 MHz, avec trois clés de sécurité jusqu’à l’AES 256 et fonctionnant avec une latence de seulement 1,4 ms…

SLU : On connaît la façon dont fonctionne cette liaison purement numérique ?

Jim Bakker : Moins bien, il y a plus de mystères que dans la version Hybrid. Ce que l’on sait c’est qu’après conversion, le codec réduit les données pour éviter d’occuper une bande trop large.
Le numérique doit tenir dans un masque de 200 kHz. Donc, après la réduction de données on passe par un système de modulation, et le gros travail est fait à l’autre bout, dans le récepteur où le codec et surtout la correction d’erreur est très, très rapide et efficace ce qui nous permet de travailler malgré une puissance d’émission assez faible, avec une portée très importante.

Le DHu avec ses commandes en local, bien sûr programmable en IR. Il peut être équipé de têtes aussi variées que EV, Shure, Heil Sound, Earthworks, Telefunken, DPA etc.

C’est une question de choix et de compromis. On peut comme certains réduire la bande passante, le débit de données, augmenter la latence, la puissance… Mais la bande passante est importante, on ne passe pas que de la voix dans une liaison et il faut que chaque musicien retrouve son instrument (rires).

SLU : Vous avez les deux technologies, numérique et hybride. Qu’est-ce qui les différencie?

Jim Bakker : Essentiellement l’autonomie plus grande en hybride et la taille des émetteurs qui sont bcp plus petits toujours en hybride. Le son et la dynamique sont remarquables dans les deux. Je parle de dynamique car pour du classique, des comédies musicales mais surtout du cinéma, il faut que la liaison la transmette intégralement or un compandeur la réduit drastiquement. 35 dB avec et plus de 60 sans.

Une vue du panneau général de Wireless Designer, l’application de gestion des récepteurs micro et de l’émetteur ears de Lectrosonics, tous disposant d’une paire de prises réseau.

On a beau être habitué à ce travail sur la dynamique, retrouver le son du fil sans fil, est un bonheur. Dans le film Les Misérables de Tom Hooper, tous les chants ont été repiqués en live en Digital Hybrid Wireless sans l’habituelle perche filaire ou sans besoin de repasser en post synchro son après le tournage.

SLU : Avec quelle prise d’entrée sont livrés les packs émetteurs ?

Yann Matté : Celle qui permet à tout le monde de se brancher. Comme Lectrosonics ne fabrique pas de micros, nous n’avons pas un format préféré. On a une prise mini XLR 5 broches et un ensemble d’adaptateurs. Pour les émetteurs main, nous offrons une compatibilité directe pour les têtes Shure et une bague pour adapter des têtes Sennheiser et Neumann et un switch pour passer le fantôme de 7 à 15 Volt et récupérer 6 dB de S/B de plus qu’avec d’autres émetteurs.

SLU : Disposes tu d’options appréciables comme la diversité de récepteurs en plus de cette classique de diversité d’antennes et as-tu au catalogue des émetteurs émettant sur deux fréquences simultanément ?

Jim Bakker : Diversité d’antennes oui, bien sûr, cela est suffisant dans 90% des cas et c’est la solution la plus économique. Une bascule alimente le récepteur avec l’antenne la mieux fournie en signal.

La classique diversité antenne.

Diversité de récepteurs aussi, avec la possibilité d’affecter deux récepteurs différents à une même fréquence d’émission. Chaque récepteur a son antenne et un mix numérique est effectué afin de toujours disposer du meilleur son et de la meilleure transition entre les deux.

Ici la diversité via deux récepteurs captant leur émetteur et choisissant en plus librement leur antenne.

Enfin il est possible de recevoir le même signal depuis deux émetteurs travaillant à des fréquences différentes. Chaque récepteur commence par choisir l’antenne A ou B qui lui donne le meilleur signal et ensuite un mélangeur numérique choisit entre deux signaux identiques mais de qualité différentes, lequel est le meilleur. C’est la solution ultime mais aussi la plus onéreuse puisqu’il faut deux émetteurs et deux récepteurs par signal utile, en revanche il compense la perte d’un micro, d’un émetteur, un brouillage ou des réflexions.

Quand tout fil est vraiment impossible mais que vous voulez une solution ultra solide.

Ecoute micro fil et Digital Hybrid

Nous avons écouté et même mieux, comparé une liaison micro filaire et une en Digital Hybrid en utilisant, merci Yann, la même tête EV ND86 en micro main et en tête vissée sur un émetteur main HHa.

Posés à même la console Midas M32, les deux micros.

Nous en avons profité pour tester la compatibilité entre le récepteur quadruple DSQD et des liaisons Digital Hybrid en nous servant de cette électronique ultra compacte et polyvalente pour le comparatif. Inutile de préciser que ça marche parfaitement bien.
Silence total de la liaison, à l’égal du fil, latence très faible mais surtout, au bout de trois allers-retours entre l’un et l’autre, on n’a plus été en mesure de dire qui est qui. Dynamique, réponse en fréquence ; en employant ce capteur dynamique pour voix assez gras d’ElectroVoice des deux côtés, rien ne manque.

Compandeur aux abonnés absents, le rendu est nominal (pour ne pas dire identique) et la possibilité d’accueillir 8 liaisons en un rack 19” et 1U formé de deux récepteurs D2 accolés, rend cette association hybride vers numérique, la bonne solution pour des instruments sur scène et bien sûr des voix.

M2 Duet

Tenant comme le récepteur D Squared dans un demi rack, l’émetteur M2T comporte aussi 4 canaux mais, stéréo oblige, il n’offre que 2 porteuses…mais malignes comme vous allez le voir. Véhiculant le même flux numérique modulé en 8 PSK, il est donc parfaitement compatible avec le récepteur D².

L’émetteur M2T avec bien identifiés les canaux A1 & A2 et B1 & B2. C’est très facile de travailler en 4 voies mono sur 2 fréquences. Seul risque c’est de perdre deux artistes d’un coup en cas de brouillage…Avantage, il est possible de limiter les frais et le spectre occupé quand il faut dégainer des paquets de fréquences dans une zone peu fournie.

SLU : Comment rentre-t-on dans l’émetteur ?

Jim Bakker : Le M2T accepte l’analogique ou le Dante. Nous sommes d’ailleurs les seuls à offrir à la fois la transmission numérique et le Dante dans une liaison pour ears ! La latence entre l’entrée Dante et la sortie casque ne dépasse pas 1,0 ms plus le temps du réseau Dante. En analogique elle n’est que de 1,4 ms.

Le scan est en cours sur le récepteur numérique M2R. Depuis la dernière mise à jour, les liaisons des retours peuvent aussi être cryptées.

On peut panacher comme on veut entre analogique et Dante sur les 4 canaux audio qui composent les deux liaisons stéréo ou les 4 mono. Une stéréo complète parfaite pour les mix binauraux qui ont besoin d’une restitution extrêmement fidèle, pas celle analogique qui ressemble à ce qu’offre un émetteur FM ! Comme notre émetteur numérique tient en un demi rack, on peut alimenter 4 paires d’oreilles en stéréo et en 1 U.

Yann Matté : Le récepteur fonctionne en diversité d’antenne et dispose de nombreux réglages agissant sur le DSP de bord facilitant les retouches en fréquence, dynamique, volume max, mais aussi et surtout un réglage de largeur stéréo pour resserrer l’image en cas de besoin, de mélange 1+2 en mono, et enfin de choix du canal 1 ou 2 dans les deux oreilles. Cela permet en plaçant deux M2T dans un rack 1U et via 4 fréquences, de fournir 8 mix différents mono, à charge pour chaque pocket de choisir le sien par paires.

A propos de fréquences, on dispose d’une largeur de bande de 144 MHz allant de 470 à 614 MHz et bien entendu cet émetteur comme tous les récepteurs micros dispose d’une prise réseau pour communiquer et répondre aux ordres de l’application Lectro qui s’appelle Wireless Designer. Ajoutons aussi que le même codage numérique entre les gammes Duet et D² permet de constituer des ponts HF numériques de haute qualité et à entrée et sortie Dante, entre autres, le catalogue Lectro fourmille de trouvailles !

Le scan est fait, la fréquence transférée dans l’émetteur, écoutons des ears en numérique !

Ecoute Duet

Nous avons écouté attentivement le système Duet à l’aide de ear-monitors moulés de chez Earsonics. En comparant le pack relié à l’émetteur alimenté en analogique et le second alimenté en Dante, on constate une très légère différence de couleur ce qui est normal. Le choix en reviendra aux mixeurs retours.

Le récepteur dont on devine les deux antennes de réception, aussi solides que possible et offrant un gain en immunité face au multipath. Le menu est facilement accessible. Le volume en revanche est volontairement durci.

Un grand bravo quoi qu’il en soit à Lectrosonics pour le travail effectué sur le son. On n’en est pas encore au fil mais l’analogique prend une claque. L’amélioration est nette avec un haut du spectre stable, très large et sans les subterfuges habituels pour offrir un bon rendu. Le grave est assez sec et aucune distorsion notable n’entache le signal.
Pas ou très peu de bruits parasites ou de colorations diverses et variées, habituelles en FM. Ca ne ressemble clairement pas au rendu auquel on est habitué et le Vitalizer risque d’en faire les frais ! Le volume de sortie est enfin plus que suffisant compte tenu du rendement démentiel des ear-monitors à armatures oscillant entre 110 et 120 dB par milliwatt et des 250 mW de l’ampli du pack.

Let’s go radio !

La surprise est belle, les produits aussi et le son plus que convaincant. Inutile de vous faire le coup de A Star Is Born, Lectrosonics existe depuis presque 50 ans et les liaisons Hybrid depuis 2002. Ce qui manquait à cette marque c’est une distribution qui mette en valeur et en lumière les produits destinés au spectacle vivant et plein de démos pour écouter et comprendre l’infinité de possibilités offertes.C’est désormais chose faite. Au boulot Yann & Jim ;0)

D’autres informations sur le site EVI Audio et sur le site Lectrosonics

Crédits - Texte Ludovic Monchat - Photos Ludovic Monchat et Lectro

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