Quand un album sonne mieux sur scène que sur CD, malgré une salle assez capricieuse et un système loin d’être terrassant, on ne peut que s’incliner devant l’artiste car tout vient de là et de son ingé son car tout passe par là. Oui elle n’est pas faite pour le live. Oui par moments elle fout les jetons. Il n’empêche que la dernière config Pro Tools d’Yves crache un gros son, très gros. Une configuration aussi simple à gérer que Soyouz les yeux bandés…Ehh oui, il a encore frappé !!
Yves Jaget avec les trois musiciens accompagnant Christophe Willem en tournée. A gauche Chris Ketley le multi-instrumentiste privé d’amplis, au milieu Simon Tellier le batteur ayant acheté pas moins d’une douzaine de paires de baguettes pour le concert, prudence est mère de vertu, et enfin Sarah de Courcy, aussi jolie qu’efficace pour mener tout ce petit monde et douée de ses dix doigts sur ses claviers.
Pour celles est ceux qui ne connaitraient pas Yves, attendez j’ouvre une parenthèse : ”combien coûte une baguette ?” Yves : ”un franc cinquante ?” Bon, vu sous cet angle on comprend mieux. Yves Jaget ne peut donc pas faire comme tout le monde. Depuis toujours il défriche, invente et innove, au point d’en être devenu l’exemple à suivre ou à ”sniper”. Continuant sa collaboration avec Christophe Willem pour qui il a travaillé sur Caféine, il l’accompagne pour son tour 2012 des casinos Barrière. Nous le retrouvons à Deauville pour une date sentant bon le varech, et où sur toutes les interviewes on entend crier les mouettes (véridique NDR)
Toute l’équipe technique de la tournée des Casinos Barrière de Christophe Willem. Il ne manque que Sébastien Rouget en charge des retours, absent ce jour, et remplacé par Alex Jousseaume tout à gauche. A sa droite debout Yves Jaget, l’homme qui a réinventé Soyouz sans même parler le russe, Victor Lagiewski qui parle aux Sharpy, Thibault Maestracci en charge du système et assistant d’Yves. Assise, Marion-Trompette Gillet, l’assistante d’Alex aux retours.
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SLU : Christophe et toi ce sont des retrouvailles, en revanche jusqu’à présent vous n’aviez collaboré qu’en studio.
Yves Jaget (YJ) : J’aurais dû l’accompagner sur scène lors de sa tournée précédente, il me l’avait demandé. Mais pour diverses raisons liées à ses musiciens, ça ne s’est pas fait. Christophe étant un artiste extrêmement fidèle, il a repensé à moi pour cette tournée, et a été jusqu’à faire déplacer un showcase de son nouvel album Prismophonic auquel je n’ai absolument pas participé pour tomber pile lors de deux jours off de la tournée de Zazie où j’officiais. C’est rare ! Il est très fidèle et tout autant exigeant, ce qui est normal pour quelqu’un d’aussi bon mais peut se révéler difficile pour certains. Ca galope dans sa tête ! C’est un artiste qui fait totalement confiance, demande la réciproque et est ouvert. Il est très à l’écoute. Si tu lui dis tous les soirs qu’il a été terrible, ça ne va pas le faire surtout les soirs où justement il sait qu’il a été en dedans, et s’attend à ce que tu le lui dises et pointes précisément le problème. Je sors d’une tournée en wedges, et vocalement tu es gagnant car tu obliges l’artiste à se trouver dans une matière et une énergie, et pour cela à donner plus et constamment pour s’entendre. Les ears apportent trop de confort, et te laissent t’enfermer dans ton monde. Souvent je réclame du jus à Christophe, et il suffit qu’il retire une oreillette pour s’en rendre compte et envoyer plus. Les ears ont cela de pervers qu’en plus ils fonctionnent raccordés à une console à mémoire qui est programmée pour redonner du gain sur certains titres, et conforter encore plus l’artiste dans son économie vocale. Il n’a plus aucun effort à faire. Les mots ont du mal à sortir, et du coup on se retrouve parfois à accrocher avec la façade, ce qui paradoxalement arrive moins souvent avec des wedges ! Heureusement Christophe est très à l’écoute et corrige facilement cette tendance.
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SLU : Cela dit, comment aurais-tu pu te passer des ears dans cette tournée ; la latence est trop importante.
YJ : Là j’avoue qu’on n’aurait pas pu. On a fait quelques grandes salles, et les retours, dès qu’on pousse la façade, sont très pénalisants pour les musiciens. Christophe lui-même, qui se balade souvent dans le public, a enlevé une fois une oreillette. Je peux te dire qu’il l’a vite remise. 30 milli c’est l’enfer (rires) ! Parfois quand il passe à côté de moi le micro à la main, j’ai honte…C’est chaud mon truc !
A la base, cette tournée aurait dû partir en Pro Tools HDX, et donc n’avoir quasiment aucun problème de latence.
Une configuration studio en Live
Une vue de la salle depuis la régie son et surtout la « console » d’Yves Jaget due aussi au talent du tour manager Julien Mairesse, un type aussi drôle que doué de ses mains. On aperçoit tout en haut et semblant pendre dans le vide deux UPJ installées et calées par Thibaut Maestracci l’assistant en charge du système, afin d’apporter un peu de fraîcheur et de croustillant au son en régie, rendu bien terne par la casquette crée par le balcon. Une excellente idée.
SLU : Alors que tu es en Pro Tools HD… Revenons à Pro Tools, pourquoi avoir choisi cette plateforme universelle mais totalement orientée studio ?
YJ : Premièrement la régie correspond parfaitement au côté « all in the box » de ce style de musique. Tout est fait comme ça, les albums sont faits comme ça. L’album de Christophe est hyper produit. Si je ne régénère pas ce type de production, il va me manquer fatalement quelque chose à sa musique. Je ne peux pas m’en éloigner et faire ma sauce. Si j’avais eu un peu plus de place, j’aurais pris plus d’analogique mais le choix du Pro Tools en soi n’est pas nouveau. On peut même dire que je retourne à mes premières amours. Lors de la sortie du Pro Tools HD, j’avais déjà travaillé avec pour Zazie, ce qui avait suscité la controverse avec Digidesign. C’est petit, ça ressemble comme deux gouttes d’eau à ma configuration studio, et surtout c’est un système que j’adore, qui offre des possibilités artistiques infinies, et qui par le biais des plugs va aussi loin que possible dans le traitement numérique.
SLU : Pourquoi un Pro Tools HD alors, et pas HDX…
YJ : C’était prévu en HDX. Dispatch devait investir et équiper chaque Mac avec 2 cartes HDX, mais quand j’ai fait le tour des plugins disponibles, je suis vite revenu en arrière. La nouvelle norme AAX pour les plugs a fait que nombre d’entre eux n’ont pas encore été ré écrits, et donc ne sont pas disponibles, dont Elixir de Flux, un remarquable limiteur auquel je tiens tout particulièrement.
SLU : Tout ça pour un limiteur ?
YJ : La gestion de la dynamique est essentielle en concert. On égalise un système avec des CD qui sont surmasterisés pour, après ça, travailler avec un son dont la dynamique est dix fois supérieure. Donc je pars maintenant du principe qu’il est essentiel de masteriser aussi en sono, et si tu veux le faire, et bien le faire, tu dois en passer par des outils spécifiques comme Elixir qui en est un remarquable.
SLU : C’est Gaël qui a créé ce plug ?
YJ : Oui c’est Gaël. C’est un limiteur qui est juste fantastique, et qui selon moi n’a pas d’équivalent. Je n’ai rien entendu de mieux jusqu’à présent, en tous cas sur les plateformes digitales. Je peux te dire que Gaël en vend ! Problème, ça ne tourne qu’en natif.
Une vue de quatre parmi les plugs préférés d’Yves Jaget. En haut à gauche la réverbération de Flux dans la gamme Ircam, un bijou tant qu’on ne lui demande pas de s’attaquer aux réverbs très courtes et/ou non linéaires. A sa droite l’Elixir de Flux, dont le gros potard avec sa couronne jaune permet d’ajuster finement le seuil. En bas à gauche le PhaseMistress de Soundtoys, la boîte à phaser et enfin à sa droite un Omnipressor Eventide, enfin, la version en plug, un compresseur assez barré mais génial pour faire des effets.
SLU : Il tire sur le processeur du Mac ?
YJ : Oui, il ne l’a jamais développé en TDM parce que le passage du natif au TDM est une passerelle trop onéreuse. Il l’a fait sur son très bel égaliseur Epure mais le prix de ce développement spécifique est incompatible avec des ventes normales. Le gros avantage de l’AAX est sa plateforme de passage du natif vers ce nouveau format très bien pensé et les 18 processeurs Texas Instruments super modernes, et tournant à 350MHz, qui se trouvent sur chaque carte HDX. Gaël devrait être en mesure de livrer dès septembre la totalité de ses plugs sous ce format.
Curieusement, Waves n’a pour le moment fait aucune annonce, pas plus que Soundtoys, ce qui fait que tous les plugs qui m’intéressent sont en stand-by, à l’exception de McDSP (les V5 en AAX sont désormais disponibles NDR).
Pour résumer, et à l’instant où je te parle (le 17 juillet 2012 NDR), je n’ai quasiment rien à me mettre sous la dent.
Les deux mac en charge de faire tourner Pro Tools et surtout de gérer la foultitude d’effets via leurs 8 cœurs, pas une mince affaire. Entre les deux et de haut en bas un CM203, un rack de monitoring très malin de chez Best Audio, une distribution de l’horloge Lucid, un MADI Bridge RME, deux HD MADI Avid servant à interfacer Pro Tools avec cette norme audio et enfin un brave onduleur, on n’est jamais trop prudent !!
SLU : Du coup tu te prives du nouveau mélangeur en 64 bits flottant…
YJ : Oui le mélangeur est top, y’a pas à dire. Après il y avait aussi des questions d’ordre financier derrière le non choix du natif en HDX car ça demande d’avoir des processeurs de course dans le mac pour faire le job donc des 12 cœurs. Dispatch avait en stock des 8 cœurs et racheter des machines neuves et 4 cartes HDX pour une configuration non optimisée n’a pas semblé judicieux. A la rentrée, en revanche, la tournée des casinos se transformera en tournée tout court avec une quarantaine de dates. On reverra à ce moment-là la configuration.
SLU : Revenons-en à la latence. Pour ce show en ears c’est jouable mais à 1317 échantillons ça commence à faire très long. A quoi c’est dû ?
YJ : Oui, nous en sommes à 1317 samples donc un peu plus de 27 millisecondes à une fréquence d’échantillonnage de 48kHz, auxquels il faut ajouter la latence liée au processing Lake qui varie entre 6 et 12ms ! L’inconvénient de notre configuration actuelle réside dans le fait que nous travaillons en natif pour certains plugs, et qu’ensuite il faut tout remonter dans les DSP pour attaquer le mixeur. Cette remontée me coûte au moins 600 samples. Si je faisais tout en DSP, ça irait infiniment plus vite même si, au fur et à mesure qu’on ajoute des plugs, les temps de calcul augmentent. Un plug comme Elixir doit sa qualité de traitement à son look-ahead et à son nombre de passes réglable de 1 à 5. J’en ai 12 insérés pour le show. Je suis donc bloqué à 1 passe sur chacun d’entre eux, autrement les temps explosent et je mets à genoux les Mac. Pour la prochaine tournée en HDX, Gaël va essayer de me fournir une version live d’Elixir ne dépassant pas les 200 samples de latence. 4 milli c’est jouable sur scène.
Le vrai rôle des Pro Tools
SLU : Voyons à présent ta configuration dans son ensemble.
YJ : Elle repose sur deux Pro Tools pour avoir une redondance. Ils sont asservis par un Time Code lié à la fonction Satellite propre au Pro Tools qui transite via le deuxième port réseau du Mac, le premier étant dévolu à Eucon pour mes surfaces de contrôle. Ce mode Satellite relie deux Pro Tools à l’échantillon près, et linke un certain nombre de commandes comme le Solo ou les commandes de Play et Stop. Ça marche hyper bien, et en studio c’est génial car tu peux faire de l’enregistrement dans un Mac, et des machines ou de l’image dans l’autre, tout en reliant parfaitement l’ensemble.
SLU : Dans tes Pro Tools, tu joues aussi des pistes ?
YJ : Non, ils sont absolument statiques. Tout ce qui joue vient d’en face. Ce que tu vois là est bien une console. Ce ne sont que des auxiliaires, il n’y a pas une seule track. Comme le système tourne bien, il nous arrive d’utiliser une des deux machines pour enregistrer le show ; on prélève juste à la sortie des préamplis, et on peut faire du virtual sound check via un patch MadiX8 SSL.
SLU : Tu nous détailles ta régie ?
YJ : Les sources arrivent depuis la scène par un multi, des micros et des séquences, le tout en analogique, et alimentent 7 préamplis Aphex 1788A et un préampli quadruple GML, enfin, 6 préamplis car le septième 1788A est en spare. Il vaut mieux quand tu penses aux dégâts causés par la perte de 8 canaux d’un coup ! Deux des Aphex sortent directement en AES, les 5 autres plus le GML en analogique, et tout ce petit monde attaque les deux convertisseurs SSL Xlogic Alpha Link, chacun prenant en compte 24 canaux et sortant en MADI. Comme je ne suis pas fan de la carte numérique qui est dans les Aphex, je ne gère que des séquences dans les deux qui sortent en numérique. En revanche, la partie préampli marche bien ; c’est de la classe A avec un bon transfo Jensen. Une fois que j’ai mes 48 canaux en MADI, je rentre dans le X8 qui, lui, va alimenter les deux Pro Tools de manière identique au travers de deux HD MADI Avid. Pour les sorties des Pro Tools, 16 mono chacun, on utilise les sorties indépendantes de chaque convertisseur, justement pour avoir une sécurité. Le premier Alpha Link gère les sortie du Tools 1, le principal, et le second Alpha Link gère celles du Tools 2, le secours. Ces deux fois 16 canaux ou 8 stéréo aboutissent au Mix Dream SPL qui assure la sommation analogique. En agissant sur les inverseurs de cet appareil, on peut basculer d’une configuration « main », celle qui rentre dans les entrées principales, à celle de « spare » qui se contente des retours d’insert de ce sommateur.
Un rack de la régie façade. De haut en bas deux préamplis Aphex, des 1788A, disposant tous deux de la carte de conversion AD. On les reconnaît à l’afficheur indiquant la fréquence d’échantillonnage commune à toute l’installation et calée à 48kHz. Juste en dessous l’horloge Mutec MC3, puis le patch MADI X8 SSL, un Powerplay Pro, un ampli casque quadruple de Behringer, les deux convertisseurs AD-DA X-Logic Alpha Link SSL prenant tous deux en charge 24 canaux et enfin le sommateur analogique MixDream SPL en charge de récupérer les sorties des stems Pro Tools et n’en faire plus qu’un gauche/droite.
Du préamplificateur comme s’il en pleuvait. Cinq unités Aphex 1788A sortant en analogique leurs signaux à l’attention des convertisseurs SSL. LA cinquième unité est en spare. Tout en bas, un dernier préampli très discret mais tout aussi qualitatif puisqu’il s’agit d’un GML 8304 en charge de la voix de Christophe et des deux micros principaux de Sarah. Peu de boutons, mais gros son.
SLU : 8 stéréos c’est le meilleur compromis pour préserver le signal ?
YJ : Ah c’est certain que je préférerais avoir deux Mix Dream. On y gagnerait encore en qualité, et ça me simplifierait la vie au niveau des stems sur lesquels il faut gamberger à cause des séquences où il se passe beaucoup de choses. Rares en effet sont les musiciens qui t’envoient des séquences prêtes à mixer. A l’exception d’un type comme Jean-Pierre Pilot, je n’ai quasiment jamais reçu des séquences prêtes à faire du live.
SLU : Comment ça se fait ?
YJ : Parce qu’un musicien n’est pas un technicien. Il a une autre approche du son, et favorise forcément d’autres domaines. Ces séquences sont souvent générées en natif « in the box » dans des Logic Audio, et généralement pissent le grave dans tous les sens. Je retravaille énormément les sons en termes de couleur et de dynamique.
SLU : Tu parlais de stems avant. Comment les gères tu dans Pro Tools ? On a un peu l’impression que tu parles studio plus que live !
YJ : C’est un peu ça. En fait j’utilise le même principe qu’en studio. Si on prend les drums, je fais un groupe de pistes qui va être ramassé par un auxiliaire avec derrière un master, pour la simple raison que comme ça tout est post-fader, et tout le traitement que tu fais, stem par stem, ne bougera pas. Je masterise chaque stem individuellement avec des limiteurs Elixir, et parfois je place avant un compresseur multibande.
SLU : Si tu n’aimes pas l’Elixir on te donnera autre chose !
YJ : Si tu veux faire du mastering sur ton son, il faut le travailler. Pour ça il vaut mieux traiter les stems avant qu’ils n’atteignent le Mix Dream. Sinon il faudrait après une nouvelle chaîne de traitement en analogique récupérant la sommation gauche/droite avant qu’elle n’attaque le Lake ou bien, si je veux insérer du numérique, il faut re numériser ce stéréo et remonter dans une plateforme supportant des plugs. Ça devient infernal. Enfin, je travaille à des niveaux très élevés pour avoir le meilleur son. Je suis donc quasiment full scale sur mes 16 sorties. Je ne connais donc pas de traitements analogiques qui arriveraient à digérer ce que sort le Mix Dream. Il est au taquet !
L’élixir de gros son
SLU : Tu as déclaré plus haut que tu veux désormais masteriser le son des concerts. Tu parles d’artistes comme Christophe dont le son est par essence une galette ou bien celui de tout artiste avec lequel tu collaboreras dans le futur ?
YJ : Je parle en général, quel que soit le style musical, rock compris. Lorsque nous nous sommes rencontrés pour la dernière tournée de Zazie, je t’avais déjà évoqué cette envie mais techniquement je n’avais pas pu et… (Je l’interromps NDR)
SLU : Mais tu plaisantes, le son était énorme, sans doute l’un des meilleurs que j’ai entendus en salle !
YJ : Le problème en sono ce sont les crêtes. C’est ce qui est désagréable à l’oreille, ce qui est fatigant et fait mal. Les systèmes les reproduisent, et quand tu demandes à un ampli Lab Gruppen de te sortir 10 kW, il le fait à l’aise car les alims à découpage modernes débitent du courant à n’en plus finir. Entre un disque ou même un mix en studio et ce qu’on envoie en concert il y a entre 8 et 12 dB de crêtes d’écart. Dans son analyseur, Gaël (de Flux NDR) a intégré une notion de crêtes et de sommation de crêtes sur une durée déterminée. Et tu le vois très bien, avec ou sans limiteur ce n’est pas la même chose. Bien entendu il ne faut pas sombrer dans l’excès et tordre dans tous les sens en faisant du carré mais, bien utilisé, l’Elixir est lunaire et marche infiniment mieux que le très réputé L2 que j’ai aussi bien employé par le passé, même s’il avait tendance à beaucoup modifier la structure du son. L’Elixir n’est pas neutre, loin de là, mais il embellit le son plus qu’il ne se l’approprie comme le L2. Il te garde la dynamique jusqu’au bout, c’en est écœurant ! (rires NDR).
Sur l’écran du Pro Tools principal deux des plugs préférés d’Yves Jaget. A tout seigneur tout honneur débutons par l’Elixir de Flux dont le triple afficheur ultra précis et sur fond bleu donne le niveau d’entrée, la réduction et le niveau de sortie en dBFS. A sa droite le compresseur multibande MC2000 de McDSP. Tout en haut de la session Pro Tools, on aperçoit avec leurs losanges jaunes les marqueurs correspondant aux différents titres du tour de chant.
SLU : Le problème dans ce que tu me dis est que ton LEQ doit grimper d’autant puisque tu modifies la densité du son…
YJ : Je suis d’accord avec toi. Au début on y a été à outrance, on s’est retrouvé à des niveaux assez forts sans que ça me plaise, ce qui fait que j’ai relâché, et désormais le résultat correspond parfaitement à ce style de musique. Mais ça collerait tout aussi bien avec du rock car ça apporte une super cohérence. L’autre gros avantage de travailler par stems c’est de pouvoir parfaitement ajuster la dynamique de tes huit familles : batterie acoustique, pads, basse, guitare, claviers, séquences, voix lead et chœurs. Chacune fait plus ou moins travailler son limiteur, ce qui rend l’action beaucoup plus douce et discrète. Sur la batterie, je suis facilement à -3dB mais cela rend le son beaucoup plus agréable à écouter, et je peux rentrer la voix sans la perdre. Je peux par exemple plus ouvrir les over head sans me faire péter la tête par des crêtes générées par la caisse claire. C’est la première fois qu’à la ré écoute d’un gauche-droite, j’ai l’impression d’avoir un disque. (je confirme NDR)
L’idée de partir en Pro Tools avec beaucoup de plugs et de limiteurs, c’est aussi d’arriver à travailler chaque son le plus possible afin de lui trouver sa place et sa couleur, et pas simplement d’empiler le tout et limiter brutalement après, comme il est communément pratiqué dans les disques d’électro. Beaucoup de disques modernes sont quasiment faits au limiteur, d’abord dans les stations de travail, et puis au mastering. Ne parlons pas aussi de la phase où certaines fois, en déplaçant des pistes de quelques échantillons, j’ai récupéré un max de matière. Quand tu additionnes trois pieds sans bien les aligner, ça ne peut pas sonner. C’est pareil pour les voix qui sont de plus en plus identiques à cause de cette façon de s’adosser aux limiteurs piste par piste, au lieu de les travailler et surtout de les mixer. Les synthés virtuels, sans être aussi bien que les vieux analogiques, sont déjà bien gros, alors quand tu en mets six, les uns sur les autres, ça devient quasi ingérable avec un grave énorme, sans parler de la phase, et donc des délais que Logic gère bien moins bien que Pro Tools. Les outils modernes font le boulot à ta place mais ne sonnent pas. On ne remplace pas un mix et un vrai mixeur par des plugs. On arrive à un amas de sons tordus, et même si c’est en partie voulu, ce n’est pas très agréable à écouter. La forme d’onde ne fait pas tout, il faut aussi avoir un peu d’oreille.
SLU : Qu’est-ce qui t’empêche d’utiliser une configuration standard Venue pour cette tournée ?
YJ : Je ne pourrais pas utiliser les plugs que j’aime. Pas de Sountoys, pas d’Elixir… Je pourrais juste avoir les ”Pure” (gamme de plugs de Flux). La seconde raison est en fait multiple. Prend le « propagate ». Quand au fil d’un show tu fais des modifs, tu ne peux pas intégrer dedans les plugins. Globalement, quand tu as une écriture sur un plug, tu es bon pour faire tes modifications sur tous tes snapshots ! Une autre raison est l’absence de contrôle du « safe » en direct dans les tranches. Prends la Memory. Elle avait une fonction géniale qui s’appelait « unload ». Tu pouvais faire un snapshot avec des tranches en unload, à savoir dans le statut où tu les avais laissées à la main, quelle que soit la modif que tu avais faite. Pour tout ce qui est gestion des safes, des retouches et des écritures, à l’heure actuelle il n’y a pas une console qui atteint le niveau du Pro Tools. Si j’ai envie de lui dire que je mets en off une voix, je le fais sur une tranche, elle ne chargera pas et je ferai ce que je veux. Si je veux le faire sur un groupe de tranches, je clique sur le groupe et je fais off.
Prenons maintenant la console en tant que tel. Si j’ai envie de me fabriquer un truc dément avec Pro Tools je le fais, la seule limite sera le DSP qui dira stop, je suis fatigué (rires !). Ce que je n’aime pas dans la Venue aussi, c’est la façon dont sont gérés les plugs sous forme d’accessoires. Ils ne sont pas dans les tranches. Cette table a ses égaliseurs, ses dynamiques…
La « console » d’Yves Jaget telle qu’assemblée dans un rack avec la complicité du tour manager Julien Mairesse qu’on devine derrière tout de blanc vêtu, un type drôle à en rater une interview ! Les écrans sont prévus pour se redresser et offrir un confort visuel supérieur. Les claviers en revanche mériteraient peut être de rejoindre un tiroir afin de les protéger de toute commande involontaire !
Une vue de l’afficheur tactile de l’Artist Control Avid, bien plus grand qu’il n’y parait mais offrant tout de même nombre d’informations utiles et paramétrables. Comme vous le constatez ici, les commandes bleues sont celles des titres, les codeurs sont sur la voix de Christophe et une vilaine touche Delete est placée au beau milieu…
SLU : Avid a souhaité faire une vraie console avec des effets en plus…
YJ : Oui, mais le problème c’est que tu ne peux pas enlever leurs traitements par tranche en récupérant les ressources DSP qui leur sont attribuées. Les plugins c’est une sorte de deuxième page qui te fait perdre du temps à chaque fois, et comme je n’utilise que des plugins…
Enfin il y a un dernier point qui paraît incroyable en 2012. Comment est-ce possible que je puisse construire mes layers en fonction de mes snapshots sur mes petites surfaces Euphonix et mes ProTools, et qu’aucune autre console ne sache le faire ?
Si tu as 28 faders sur 58 entrées, à un moment tu vas être obligé de configurer tes faders d’une manière précise, et par titre, pour avoir sous la main les choses indispensables. Avec Pro Tools, tu le fais les doigts dans le pif et, encore plus pratique, tu peux le faire aussi dans les surfaces Euphonix où cette fonction est prévue par layers.
Tout n’est pas parfait dans cette mini console, beaucoup de fonctions sont planquées derrière d’autres, c’est écrit en tout petit, mais pour le prix, c’est imbattable.
La MC Control Euphonix / Avid, le cœur de la « console » virtuelle d’Yves et disposant en plus de 4 tranches toutes dédiées au patron pour sa voix et ses départs d’effets.
Un détail de l’Artist Mix, un pack de faders très bien conçu et bénéficiant d’un mini afficheur indispensable pour savoir ce que l’on fait. On repère sur cet afficheur des petits cadenas, preuve que les tranches sont figées.
SLU : Console… Appelons-là par son vrai nom, une surface de contrôle intelligente !
YJ : Oui je suis d’accord et encore, elle n’est pas du tout faite pour le live donc elle a forcément des défauts. Il n’empêche que, par bien des côtés, elle offre plus de fonctions que les grosses tables de concert. Prenons les layers. Au travers du Eucon, qui est un soft super malin, tu peux faire des layers par titres, autant que tu veux, et après via, les touch screens programmables, tu peux appeler plusieurs fonctions comme par exemple aller chercher un cue dans Pro Tools et aller charger un des layers que j’ai précédemment programmés. J’ai par exemple figé les tranches en les assignant toutes. Une configuration idéale par titres et… (je l’interromps NDR)
SLU : Je veux bien, mais quid si d’un coup tu dois remettre 10 dB de gain ou changer un EQ à la volée sur une des tranches qui ne sont pas ”apparentes” ?
YJ : Je pars de la constatation que sur 57 entrées, y’en a rarement plus de 28 qui jouent. J’exagère un peu mais je ne doit pas être loin. Pour Sarah, j’ai par exemple 3 micros différents en fonction du clavier sur lequel elle joue, et elle ne chante que sur un ou deux maximum par titre. Ils sont programmés. Pareil pour la batterie acoustique qui ne joue que 10% du show. Le reste du temps je la zappe. Quand elle joue, je ne garde sous la main que les deux micros du pied, les deux de la caisse et les over head. Les toms sont masqués (hidés en franglais NDR) car une fois que le sound check a été fait, il ne sert à rien de les avoir.
Une des trois Artist Mix, un pack de 8 faders extensible à volonté et très léger. Yves a choisi de n’en avoir que trois, et ne dispose donc que de 28 tranches en tout en comptant les 4 de la MC Control.
SLU : Au pire tu rajoutes des blocs de faders…
YJ : Bien sûr, mais je suis dans une configuration serrée, d’où mon choix de n’avoir que 28 voies. Au pire je peux me faire un montage avec deux rangs de faders, les uns au-dessus des autres. Je dois aussi garder de la place pour deux écrans car non seulement c’est super beau mais aussi très pratique.
SLU : J’imagine que la voix de Christophe est toujours à portée de main sur la table.
YJ : Tout à fait. Elle est figée sous la forme de 4 faders. Le premier commande le niveau, et les trois autres ne sont que des départs d’effets pré-fader. Sur la voix j’ai un EQ, un Trim, un MC2000, un déesseur et un Smack. Il est possible d’avoir accès à chaque plug en quelques touches…
SLU : Ta configuration paraît quand même étudiée pour un show produit et assez figé…
YJ : Produit et « snapshotté » (Yves est AUSSI le roi des néologismes NDR)
SLU : Revenons sur ta chaîne pour la voix de Christophe. Pourquoi un Trim…
YJ : On utilise des gains relativement faibles pour éviter de saturer, et on ne touche jamais les préamplis, ce qui fait que je prends 8 dB de gain à la sortie de l’égaliseur… Il est aussi vrai que je désépaissis pas mal le son du SM58 en fonction de la voix de Christophe. Le déesseur, en sortie du compresseur multibande, travaille à peine, et finit le travail déjà en partie effectué par la dernière bande du MC2000. Il est calé à 8 kHz. Le Smack apporte une dernière touche de compression, et en sortie, juste avant de quitter le domaine numérique, un Elixir. Bien entendu ce dernier travaille à peine, et à un niveau de seuil très bas car sur la voix je n’ai pas beaucoup de crêtes.
SLU : Si, tu peux en générer avec des compresseurs avec une attaque assez douce.
YJ : C’est sûr, je régénère quelques pics mais comparé à une batterie ce n’est pas grand-chose, et malgré un seuil très bas, il me faut une grosse plosive pour qu’il s’anime vraiment.
SLU : Pourquoi ne pas faire une version plus élaborée de ta « console » et de sa redondance en ne conservant la main que sur l’unité active et en plaçant la seconde derrière un switch qui commuterait les écrans, les bocs faders, les claviers…
YJ : On y pense pour la prochaine tournée de Christophe. On va tout laisser sur scène. On ne gardera à portée de main que la console. On aura une liaison par fibre avec des systèmes de déport de clavier/écran/souris et un switch pour basculer de l’un à l’autre Pro Tools. Pour le moment on bascule facilement l’audio d’une machine à l’autre. En revanche, pour la console c’est un peu plus long dans la mesure où le protocole Eucon ne fige pas une adresse IP par éléments de la table. C’est prévu mais pour le moment ça ne marche pas, ce qui fait qu’avec deux Mac on se retrouve avec des éléments reconnus sur l’un et sur l’autre…Bref, si on a un problème on joue avec les câbles réseau !
SLU : Ta configuration dans son meuble est super belle mais les claviers à portée de coude, le jog pas très utile… Il y a pas mal de sources d’erreurs non ?
YJ : Ahh je crois qu’on les a toutes faites (rires !!) Par exemple, pour avoir les PFL sans couper la façade, t’es obligé d’utiliser le surround mixer dans Pro Tools, et comme je ne veux pas l’activer car ça mange trop de ressources, il faut éviter d’appuyer sur le bouton. Sur le Jog, il y a la touche Shift du Pro Tools qui peut rester appuyée, ce qui fait qu’à chaque clic de souris tu fais des bêtises. Par exemple, si tu cliques sur un fader, tu le remets à 0. Tu as aussi la barre d’espace. Si tu appuies dessus, tu créés une microcoupure car tu mets en play.
SLU : Cet amour que tu portes à Pro Tools, et les défauts que tu trouves à la Venue, ne pourraient-ils pas se compenser lors de la sortie de la prochaine gamme Avid pour la scène ?
YJ : Ils devraient baser leur nouvelle table sur l’architecture HDX. C’est tout ce que je demande. A quoi bon avoir deux équipes en train de développer la même chose, et comment est-ce possible qu’on ne puisse pas prendre une session Venue et l’importer dans Pro Tools en y retrouvant tous les plugs et les niveaux de fader ! Pourquoi n’y a-t-il pas une parfaite compatibilité entre les deux, même en imposant des règles ?
SLU : Mais au fait, comme tu sors tes 8 groupes stéréo vers le Mix Dream, tu n’as absolument aucune visualisation de ton niveau de sortie !
YJ : Ah ça c’est le boulot de Thibault ! (Maestracci, assistant FOH et en charge du système NDR) De toute façon, le show est produit, calé et tenu par les dynamiques. Il ne bouge donc pas trop. Cela dit tu as raison, je n’ai pas une paire de Vumètres pris en sortie du Mix Dream mais franchement je m’en fous, je n’ai qu’à regarder à l’analyseur ! Enfin le Mix Dream est au taquet, on ne peut pas mettre plus fort. Thibault m’a supprimé 4 dB…
Thibault Maestracci (TM) : Presque six ! Le Lake faisait la tête.
YJ : Mine de rien, le Mix Dream est l’un des rares produits analogiques qui sort +32 dB. Un rail à ± 60V ça envoie !!
Deux bons vieux Dolby Lake faisant partie de la dotation technique de la tournée et utilisés à Deauville simplement en tant qu’égaliseurs et convertisseurs.
SLU : La conversion finale est effectuée par le Dolby Lake. Toujours rien de mieux à l’horizon ou bien c’est plus simple comme ça ?
YJ : Non, ça sonne bien. Ils ont beau avoir un peu de bouteille, c’est loin d’être des mauvais convertisseurs. Maintenant si on avait un Lavry Gold, on attaquerait le Lake en AES !
Gaël de Flux nous prépare encore quelque chose de passionnant, et qui pourrait remplacer à terme un Lake ou en tout cas faire du drive et bien plus. Il a conçu un support hardware dans lequel on entre et on sort par le biais d’une carte son PCI qui servira pour ses plugs et tout autre plug au format VST. Imagine, une carte MADI ça fait une puissance de 64 in et 64 out. Quand tu sais qu’il développe en parallèle des filtres à phase linéaire et des égaliseurs à phase linéaire, tu vois la puissance de l’outil ? Ca va s’appeler Faust. C’est un magicien Gaël.
Détails de prise de son
La batterie Mapex de Simon Tellier («blahhhh, je déteste cette marque.. » ®™© Yves Jaget 2012) entourée d’une foultitude de pads ce qui n’empêche pas ce dernier d’y placer 12 micros rien que pour deux ou trois titres. Pour les plus observateurs, on distingue sur la droite…Sarah de Courcy en train de se dégourdir les doigts et s’approprier la salle.
Le pratos de Chris Ketley le multi instrumentiste de la tournée. Tout à droite sa basse et juste devant la planche en bois rouge solidaire du shaker, la manière la plus simple de lui permettre de ressentir les notes en plus des ears.
SLU : Y’a pas grand monde sur scène !
YJ : L’orchestre n’est composé que de trois membres. Aux claviers et chef d’orchestre nous avons Sarah De Courcy. Elle est elle-même assistée de Tim Speight qui gère les playbacks sur deux machines et dispose d’un Logic pour faire tout type de retouche. Le show est entièrement basé sur Logic. A la batterie c’est Simon Tellier. Il est jeune et vit à Londres depuis des années. Il a un gros talent, et je ne dis pas ça parce qu’il est français ! A la basse, guitare et claviers il y a enfin Chris Ketley, notre multi instrumentiste. Les trois en plus chantent et sont adorables (Je confirme NDR)
SLU : Pour deux titres joués en acoustique sur un show de deux heures, tu as été placer deux capteurs sur la grosse caisse…
YJ : Ahh oui, tu obtiens quand même un plus joli son de pied avec deux micros. Mine de rien, repiquer la peau avec un statique à large diaphragme c’est important. Je n’arrive pas avec le simple Beta dans le fût à avoir le beau bas-mid avec l’infra. On peut y parvenir avec un SubKick mais je préfère la solution du micro dont tu fais ce que tu veux, même le tordre un peu. Ça a une autre âme. Avec Time Adjuster, je corrige les retards entre micros. J’ai aussi une caisse claire reprise dessus et dessous.
Deux valent mieux qu’un ou comment avoir le beurre et l’argent du beurre d’une grosse-caisse avec le couple Beta 52 et AT4033.
SLU : Chris, le multi-instrumentiste, a pléthore de pédales, en revanche pas la queue d’un ampli…
YJ : Il faisait trop de bruit avec ses deux amplis Fender et son SVT, et c’était aussi trop encombrant. Il a donc troqué le tout contre de bons retours et un shaker. Quand on a un peu plus de place, on lui monte son kit parce qu’il a de la gueule, mais il est muet. Le shaker compense un peu les retours de la salle, surtout les subs. Le pauvre, quand il joue une note, il a l’impression que ça dure (rires !)
Voyager léger
La diffusion de l’orchestre à jardin avec, au premier plan, deux subs JBL4880 et, à l’arrière-plan posés sur leurs amplis, des 4887, le petit modèle de la gamme Vertec.
SLU : Vous êtes tous dans un tourbus. C’est un choix formidable pour la cohésion mais moins pour la capacité à transporter du matos…
YJ : C’est Christophe qui l’a souhaité, et il a eu raison. On est ainsi tous ensemble dans le même bateau au cours de cette tournée des casinos. C’est 10 fois plus agréable. Christophe a juste une chambre en day-use pour lui permettre de se reposer et pouvoir donner le meilleur de lui-même chaque soir. Pour le matériel, ce n’est pas plus mal car ainsi on apprend à voyager léger au niveau des régies. Pense que pour emmener les lumières, le son, les instruments et le décor nous n’avons qu’un 50m3.
Thibaut a voulu qu’on parte avec un minimum de diffusion, et il a raison. On a 12 Kara, et je regrette de ne pas les avoir montées aujourd’hui. Le festival de Deauville qui nous accueille a prévu du 4887 Vertec JBL et je n’en suis pas satisfait.
SLU : Tu lui reproches quoi ?
YJ : On l’a mis en route, et il n’a pas un pet de bas-mid. Le Kara a de bien pour sa taille qu’il sonne comme un gros système ce qui est écœurant. Tu tires un jus de ces petites boîtes absolument phénoménal.
SLU : Tu as quoi précisément dans le bahut Thibault ?
YJ : On a 12 Kara, 4 SB28, 4 UPA et 4 UPJ. Quand on fait des jauges plus grandes que 1000 personnes, on reçoit un complément de Kara. Lors d’un extérieur à Nice, on a doublé le nombre de Kara et ajouté deux SB28.
Un des racks d’amplis fournis par Décibel Services en charge de la sonorisation au Casino de Deauville. Il s’agit d’amplis Crown i-Tech de la gamme 6000 et 8000.
SLU : Quelques précisions sur le système ?
Guillaume Beaudet de Décibel Services : Les amplis des Vertec 4887 sont des Crown I.T6000 et 8000 et un VRack, ce dernier prêté par SCV ainsi qu’une Vi4 pour les autres dates du festival. Le processing est géré par le Performance Manager JBL à même les amplis. Les subs au sol sont des 4880, des deux fois 18 pouces. Ce sont les subs prévus pour le gros système Vertec mais qui s’adaptent aussi aux 4887 en remplissant bien le bas, qui du fait des deux 8 ” de chaque tête, ne descend pas trop. Pour les premiers rangs en lip fill nous avons des E3 d&b.
Conclusion
La première impression est « woaw, quelle maitrise, quel son, quelle finesse » avant aussi de se rendre compte que le son en question a tendance à plutôt rester dans les boîtes ou en tout cas à ne pas avoir cette spatialité et cette aptitude à venir lécher les visages, une caractéristique des systèmes modernes. Autre souci, en dessous de 200Hz il n’y a pas de patate, juste une grosse quantité d’infra générée par les 4880. Il y a un trou dans le raccord entre tête et sub qui devient gros trou dès qu’on sort de l’axe central, là où le niveau de l’infra est naturellement plus fort. Au balcon cet effet est encore magnifié avec un raccord très difficile entre les 8” des têtes et les 18” des subs qui seuls donnent de l’énergie dans le bas. Le rendu global n’est pas à jeter, loin de là, mais définitivement il manque de la membrane et du coffre, et espérer l’obtenir avec des gros ventilateurs ne paraît pas très judicieux. Le positionnement et le calage de la diffusion semblent bons, c’est peut être du côté du choix des boîtes et de leur association qu’il faut regarder. Cela dit, il reste un délicieux sentiment de main de fer dans un gant de velours à l’écoute de ce concert. Yves Jaget a parlé de « paquet cadeau », on ne peut qu’adhérer à cette définition. Si on n’avait pas devant soi des musiciens et un artiste en train de chanter, on croirait entendre un disque, mais en mieux. La dynamique est certes contenue mais bien présente, les attaques claquent, les sons sont bien étagés. Certes pas un cheveu ne dépasse mais on ne ressent aucune impression de tassement ou de mollesse. Connaissant bien les disques de Christophe Willem, on apprécie le rendu plus naturel et vivant, moins tordu et sale de titres qui gardent malgré tout la couleur et la personnalité propre à cette musique et à l’album. La voix lead brille de mille feux façonnée par la tripotée de plugs insérés et semble même naturelle et légère, ce qui est un comble tant Yves a la main lourde et pourrait la détimbrer. Le chant très particulier de Christophe est rendu dans toute sa finesse quasi cristalline et s’insère comme la bonne pièce dans un puzzle très, très chargé. Qu’il s’encanaille dans sa gorge ou qu’il lâche les chevaux, qu’il joue avec sa respiration ou qu’il poppe avec force, il est toujours à sa place avec notamment une intelligibilité exemplaire. Tel un parfait traitement de son de radio (et il n’y en a pas des tonnes NDR) ou de mastering disque. La densité du show est magnifiée sans qu’on ne ressente de lourdeur ou de confusion. La distorsion aussi est contenue, les attaques nettes, le front sonore large et la patate préservée. On réserve notre jugement définitif à la prochaine tournée car la diffusion n’a pas permis de totalement capter l’aspect dynamique et l’impact de cette régie new-look. Je ne sais pas si un autre style musical se prêterait à une telle canalisation dynamique et quasi artistique mais la pop électro de Christophe Willem en sort grande gagnante. Bravo Monsieur Jaget d’avoir inventé l’Elixir de gros son ;0)
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