Sous la lumière divine de Dimitri Vassiliu

Adam et Eve au jardin des del*

This paper is available in English too

AdamEtEve_Obispo


Donner une seconde chance à l’humanité de vivre en harmonie dans la fraternité et le respect de la nature, c’est l’occasion pour Pascal Obispo de décrire notre monde de contrastes et d’apporter un contenu musical et chorégraphique très riche mariant rock, pop et musique électro à sa comédie musicale. L’amour du riche golden boy aux cheveux blonds Adam pour la jolie métis pauvre Eve sauvera-t’il le monde ? En tous cas ces deux-là, chacun avec son clan, attirent quasiment en permanence vingt-cinq artistes sur scène : chanteurs, danseurs et même voltigeurs. On devine la difficulté pour l’éclairagiste Dimitri Vassiliu, de mettre en valeur tout ce petit monde dans le décor…


Commençons justement par le décor. Réalisé par le célèbre Mark Fisher, il montre, côté cour, le monde d’Eve, un arbre portant une moitié de pomme, et à jardin, le monde d’Adam, les pattes métalliques d’un scorpion support de l’autre moitié de la pomme, les deux rives étant reliées par un pont. On remercie en passant Pascal Obispo de partager la pomme donc la responsabilité du péché originel entre Adam et Eve.

Concilier la modernité et la nature, c’est aussi le choix de Dimitri Vassiliu quand il choisit dans son kit lumière, la toute dernière génération de projecteurs à LED Ayrton, autrement dit la plus écologique des sources de lumière. Il y aurait même paraît-il sur cette scène une, voire deux exclusivités.

C’est à l’occasion d’un des derniers filages du spectacle au Palais des Sports que nous rencontrons Dimitri Vassiliu et son fidèle pupitreur Philippe Marty.

La comédie musicale, entre concert et théâtre

Soundlightup : Dimitri, si j’ai bien suivi ta carrière, c’est la première fois que tu crées la lumière d’une comédie musicale. As-tu rencontré des difficultés particulières qui n’existent pas en concert ?

Dimitri Vassiliu : La difficulté c’est d’être entre le show et le théâtre sans que l’un ou l’autre prenne le dessus. Adam et Eve n’est pas tout à fait un show car il y a beaucoup d’artistes sur scène, partout, et il faut réussir à éclairer tout le monde sans perdre le fil de l’histoire, c’est à dire le chanteur. On ne travaille pas en plein feu. Il faut diriger le regard aux bons endroits, toujours vers l’action qui est importante, sinon on ne sait jamais vraiment où est le chanteur, sans négliger les danseurs.

Je travaille donc chaque scène comme une chanson, sauf qu’en plus j’ai un gros décor et que je ne peux pas prendre trop de place pour ne pas gêner les mouvements des chanteurs et les danseurs.

La complicité avec Ayrton

SLU : j’ai entendu dire que tu as dans ton kit beaucoup de projecteurs à LED Ayrton, et même quelques inédits !

projos Ayrton

Led RGBW de 15 W pour le Wildsun 500, avec un radiateur à gaz caloporteur actif et des optiques à très haut rendement. On comprend pourquoi son flux est aussi élevé. Et en plus elle est jolie cette lyre.

DV : En effet, j’ai une nouvelle petite barre de huit LED , appelée Rollapix, très jolie, ultra plate, avec un double zoom. Quand j’ai rencontré Yvan Peard et qu’il me l’a montrée avec son zoom, je lui ai demandé de la motoriser en tilt et je l’ai ”boosté” afin qu’il me fabrique une présérie pour Adam et Eve.

Je voulais un petit projecteur discret, à placer en devant de scène. Idéalement des rampes.

Pour ne pas boucher le devant de scène, il fallait que cette barre soit très plate et bouge en tilt pour diriger les faisceaux vers la salle ou vers la scène. Parfois on les lève un peu pour prendre les chorégraphies, ou on les baisse pour prendre plus les décors. C’est un super outil. On peut faire clignoter les LED en blanc, c’est bien.

Elle permet de donner des illusions de mouvements. Je lui avais même demandé de développer un pied spécial pour placer le Rollapix à la verticale et me permettre d’aller chercher des chorégraphies un peu dans tous les sens, ce que l’on n’a finalement pas pu appliquer parce que je n’ai pas la place dans les couloirs, il y a trop d’actions.

J’ai aussi mis un coup de pouce sur le Versapix, un projecteur à LED , que Yvan n’avait pas l’intention de produire aussi vite. Ce projecteur est modulaire et avec sa forme de quart de couronne, il m’a permis de faire réaliser une grosse boule à facettes dont l’ossature est justement constituée de 16 Versapix. Ca forme un luminaire intéressant car chaque élément RGBW de chaque LED se commande individuellement. Mais nous n’avons pas encore eu le temps de le programmer donc tu ne le verras pas fonctionner ce soir.

SLU : Ca doit être un enfer à programmer un engin de ce type !

Chorégraphies

Les Chorégraphies sont encore plus vivantes et chatoyantes quand les danseurs évoluent dans les faisceaux créés par les gobos des VL 3000 et 3500.

DV : Bien au contraire. Pour Philou (Philippe Marty) c’est un plaisir (rire).

J’ai surtout positionné, dans le décor au sol, des lyres Wildsun 500. L’avantage du Wildsun c’est que son zoom grossit beaucoup pour prendre le décor et il serre assez pour aller chercher un point précis. Il ne serre pas encore assez à mon avis mais c’est pas mal.

On s’appuie aussi avec des petites lyres VariLed A7 zoom car j’ai besoin de petites sources plus serrées à placer dans le décor. Il y en a plein qui sont planquées un peu partout.

SLU : As-tu essayé d’autres marques de projecteurs
à LED ?

DV : J’ai beaucoup utilisé le A7 Zoom, mais il y a finalement peu de temps que j’utilise des LED . J’ai longtemps été réticent parce que c’était moche.

SLU : Alors c’est Ayrton qui t’a réconcilié avec la LED ?

éclairage fouillé

Un éclairage fouillé mixant les faisceaux colorés des VL (des associations de couleurs absolument magnifiques) dans un bain de lumière bleue saturée de Wildsun.

DV : On peut le dire, oui. Avec Ayrton on a de beaux blancs et vraiment de belles couleurs avec du niveau. On peut vraiment travailler des pastels, des vrais rouges, des vrais blancs. Ca devient intéressant. En plus, ce fabricant travaille le design du projecteur en lui même. Car si un projecteur est à vue, j’ai envie qu’il soit beau. Le Rollapix est une jolie petite barre avec une belle finition. Le Wildsun est superbe. L’arrière est aussi très élégant. C’est important de ne pas mettre à vue des gros machins moches. En plus je les ai fait chromer spécialement pour qu’ils se fondent dans le décor. Ca fonctionne bien, on n’a pas ce truc imposant, ces espèces de trous noirs sur scène, surtout quand ils sont éteints. Ils sont ainsi moins visibles.

SLU : C’est un besoin ou une envie d’utiliser les projecteurs à LED ?

DV : Il faut reconnaître qu’ils ont beaucoup évolué donc ça devient vraiment intéressant. Pour éviter les surcharges de poids dans les ponts, les surcharges de consommation, c’est quand même assez pratique

SLU : Quelles sont les autres sources de ton kit ?

DV : Des Wildsun 500 aussi dans les ponts, les incontournables MAC 2000 wash XB, VL 3000 Spot et VL 3500 Spot, des Beam 1500 Clay Paky à contre au sol mais je vais peut-être les bouger. Ca marche vraiment bien. On a aussi beaucoup de projecteurs traditionnels, des découpes et des rampes de PAR 64 et des découpes ETC. Il y a par exemple la passerelle sur laquelle on est vraiment à bout portant quand les acteurs sont dessus et on a placé à cet endroit toute une rampe de PAR en faisceau large. On a aussi quatre grosses lanternes à LED Ayrton Icecolor 500, deux à cour et deux à jardin pour prendre le décor et des CP 400 qui éclairent une toile peinte. Il n’y a que le blanc qui éclaire par transparence et le CP 400 le fait très bien.

SLU : J’imagine que vous devez enchaîner les tableaux avec délicatesse.

DV : Ca c’est un vrai casse-tête pour Philou car il n’y a pas de noir sec entre chaque chanson. La dernière cue des chansons enchaîne directement avec un dialogue.

Adam et Eve

Les médias de Gilles Papain racontent l’istoire de l’humanité sur écran LED placé en fond de scène. Ici la cité perdue Eden.

Widsun et VL 300

Dans une nappe bleue Wildsun 500, Adam et Eve sont révélés par les faisceaux du VL 3000.

Rollapix

Rollapix, la nouvelle petite barre de 8 LED, motorisée en tilt est fixée verticalement sur un élément du décor. Wildsun 500 en version chromée, diffuse de très jolies couleurs chaudes comme des jaunes et des ambres. La lumière sur le décor est riche de nuances.

La carrière de Dimitri

SLU : Je me suis laissée dire que tu es sollicité pour quasiment tous les projets de design lumière de concert et de tournée en France cette année, avec Adam et Eve, Julien Clerc, Benabar….

DV : C’est exagéré, il y a un milliard de choses qui tournent dans tous les sens et il y a plein de super bons éclairagistes qui travaillent beaucoup.

SLU : Est-ce que tu aimerais travailler avec des artistes ou des groupes étrangers ? Exporter ton travail de designer ?

DV : Ca m’intéresserait mais comme j’ai l’habitude de travailler avec tous mes potes, je ne me vois pas partir sans une garde rapprochée.

SLU : Es-tu intéressé aussi par les shows télé ?

DV : Oui, ça m’intéresse. J’ai d’ailleurs fait les Victoires de la Musique pour la première fois l’année dernière. C’était assez éclatant à faire avec les Sharpy Clay Paky qui débarquaient en France. On était les premiers à les utiliser.

Je refais les Victoires cette année et j’essaie de modifier mon implantation pour apporter quelque chose de différent.

J’ai fait aussi quelques plateaux avec des ingé vision que je ne connaissais pas et comme je ne parle pas la langue de la technique vidéo, j’ai eu des expériences… Maintenant j’impose l’ingénieur de la vision et je travaille avec.

SLU : Aimerais-tu explorer d’autres horizons ?

DV : Je m’intéresse au théâtre et à l’Opéra. j’aimerais bien côtoyer ce monde pour découvrir leurs méthodes de travail. J’aime aussi faire des groupes de rock. J’ai créé un tout petit design pour Arthur H avec huit PAR LED que j’emmène en tournée, deux A7 Zoom et je prends sur place huit PC 2kW. Je me suis régalé. Ce n’est pas si facile de faire un show avec 8 PAR LED quand tu es habitué à de gros kits. Je me suis bien creusé la tête et je suis bien content du résultat. Et musicalement j’aime bien.

J’ai appris à poser la lumière avec Laurent chapot. Il est très fort pour placer la bonne lumière au bon moment et elle peut changer au milieu du refrain si la note, le rythme ou le mot le permet.

Et quand j’arrive là avec une comédie musicale à éclairer pour la première fois, je me régale aussi.

Régie vidéo

La régie vidéo avec les écrans du Catalyst version PM 4.4. A gauche un morceau de la Grand Ma2 de Romain. Au fond, on voit très bien les Rollapix placés à l’avant scène, projeter leur lame de lumière bleue vers la salle.

5300 paramètres actifs de LED.

Philippe Marty est un des pupitreurs attitrés de Dimitri Vassiliu. Il aime toujours autant jouer les béta testeurs et essuyer le plâtres. Sur Adam et Eve, il gère tous les projecteurs, automatiques à lampe, à LED et projecteurs traditionnels sur une seule console Grand Ma 1 et encode donc la totalité du spectacle lumière.

SLU : Philippe tu t’es paraît-il amusé à enchaîner les titres ?

Philippe Marty (allias Philou) : C’est plus compliqué qu’un concert classique traditionnel car il n’y a pas de noir entre les morceaux donc c’est plus long à programmer. A la fin d’un morceau, pendant le dialogue, j’essaye de garder les wash dont on a besoin, et je prépare les autres machines au noir qui viennent se placer. C’est presque deux fois plus de travail mais on a aussi deux fois plus de temps.

On travaille ensemble, tout le temps, avec les danseurs, les voltigeurs, le chorégraphe… c’est plus long techniquement que sur un concert et là c’est vraiment lourd car il y a du monde sur scène, pratiquement partout et tout le temps. C’est trois semaines d’encodage du matin au soir. Mais la scéno-graphie est belle et le show sympa. C’est la première fois que j’encode la lumière d’une comédie musicale et ça me plait.

SLU : Tu as combien de sorties DMX sur ta console ?

PM : 12 univers DM X sur une Grand Ma. Les projecteurs à LED sont particulièrement gourmands en canaux DM X.

SLU : As-tu eu des problèmes avec les nouveaux projecteurs Ayrton ?

PM : Que des problèmes de jeunesse que leur technicien est venu régler en upgradant un certain nombre de machines. C’est normal au démarrage de la vie des produits, rien de grave et c’est comme ça que l’on avance. Sinon je pense du bien de ces projecteurs, les couleurs sont très belles.”

Nous passons ensuite à la régie vidéo où Romain Labat pilote les média serveurs pour envoyer les vidéos créées par Gilles Papin. Il dispose de trois surfaces de projection différentes.

Trois écrans pour les images et une synchro

Romain Labat : La surface principale est constituée d’un écran à LED . C’est la première fois qu’un écran de ce type est utilisé en fond de scène sur une comédie musicale. C’est un Lighthouse R7, les LED étant espacées de 7 mm. La deuxième surface est formée d’un tulle qui vient fermer tout le cadre de scène. Deux vidéoprojecteurs Christie 20 K, 20 000 lumens projettent les images dessus en soft edge pour couvrir toute la surface de 25 x 8 m . Il sert aussi en rétro projection. Et enfin, les écrans latéraux du Palais des Sports sont récupérés aussi pour quelques diffusions de journaux télévisés afin d’ouvrir un peu plus la vision du spectacle.

On a un média serveur Catalyst sur mac qui alimente les trois écrans. Les fichiers vidéo que fournit Gilles Papain, le créateur d’images, sont stockés sur disque dur et moi je pilote le Catalyst avec une Grand Ma. Je charge les vidéos, je les déclenche et je fais les fondus. Et les vidéos sont synchronisées par time code généré par le multipiste audionumérique de la régie son. La console lumière elle aussi reçoit le time code et quand les encodages seront terminés, les shows lumière et vidéo seront mergés dans une seule Grand Ma, celle de Philou, qui pilotera la vidéo et la lumière sur time code.

Un spectacle magnifique, généreux et survitaminé.

SLU : Ta console, c’est une Grand Ma 2 et Philippe a une Grand Ma 1. Ca fonctionne ça en réseau ?

Romain Labat : Oui car j’ai une Grand Ma2 qui tourne avec le soft de la Grand Ma 1. On s’est mis d’accord avec Philippe au départ. J’étais plus à l’aise sur Grand Ma, il préférait encoder sur Wholehog. Au final on a fait le choix du réseau MaNet entre les consoles. L’avantage de piloter la vidéo avec une console lumière, c’est de profiter de toute sa puissance et de son ergonomie pour piloter les médias. Tu profites des outils de copie, de palette, de dimensionnement, qui t’assurent une grande vitesse de programmation.


synoptique

Synoptique de contrôle lumière et vidéo.

Les superlatifs ne manquent pas pour apprécier les deux ans de travail de Pascal Obispo et de son équipe, vidéo et lumière étant complices du décor et des artistes à 300 %. Chaque scène, chaque séquence est fouillée dans la créativité et l’émotion. Le spectacle fourmille de suggestions apportées par l’image en fond de scène qui raconte l’histoire avec beaucoup d’originalité et de poésie, la lumière appuyant la solennité et la dramaturgie des scènes de violence, de douceur et de vie.

Je suis impressionnée par le flux en couleur des lyres à LED Wildsun 500. Sollicitées quasiment en permanence par Dimitri Vassiliu, elles apportent des couleurs riches, saturées et denses, des ambres magnifiques, des niveaux de bleu et de rouge saturés jusqu’à ce jour inenvisageables d’une source aussi compacte qui se glisse dans le décor. Toutes ces ”petites” sources peuvent agir en proximité, serrer sur un élément de décor ou laver l’espace en couleur grâce à leur zoom et apportent une nouvelle possibilité de servir le relief. La gestion des LED par couronnes autorise des effets de vibration et la réponse de l’électronique donne des strobes ultrarapides et très forts en niveau.

Les petites rampes Rollapix jouent les stars à l’avant scène, nous offrant un violent clignotement électronique en blanc pendant les JT, ou encore de ravissants effets de chute lente de fumée lourde sur lame bleue vers le public.

sortie Catalyst

En sortie de Catalyst, le signal vidéo est séparé en quatre pour alimenter les différents écrans.

J’adore les tableaux des ombres immenses des danseur portées sur l’écran tulle grâce aux VL 3000 en rouge saturé à contre, la pénombre dans les sous-bois teintée de couleurs chaudes, j’adore la lumière qui rappe, les tableaux violents, contrastés qui strobent, la lumière divine, multifaisceaux en douche, qui entraine doucement Adam et Eve sur leur couche… C’est vraiment magnifique.

Adam et Eve – Dossier technique lumière v1

 

Crédits -

Texte : Monique Cussigh Photographe : David Rivir

Laisser un commentaire