Amir avec Ivan Herceg. La disto, c’est la vie !

On ne change pas une équipe qui marche, c’est donc à Grégory Esmieu que Ivan Herceg a confié son système KSL d&b pour la tournée d’Amir, avec aux retours Yoann Roussel, au plateau Alice Bachelier et aux machines Maxime Rosette. Reportage à l’Arkea Arena de Bordeaux !
Connaissant Ivan et son envie de raconter la vie les coquillettes des électrons domestiqués afin de sonner pile poil, on commence bien volontiers par lui car il en a des choses à nous raconter.

De gauche à droite et de haut en bas ; Maxime Rosette, Yoann Roussel, Alice Bachelier, Ivan Herceg et Grégory Esmieu.

SLU : Il y a du monde dans ton mix, les séquences sont là Ivan Herceg

Ivan Herceg : Ca dépend vraiment des titres. Certains n’ont que quelques percus et FX ponctuels, d’autres ont un peu plus de matière, et deux titres du show jouent sans séquences, comme quoi !

SLU : Qui a la main sur les séquences ?

Ivan Herceg : Tous les départs séquences sont lancés avec leur décompte par Julien à la batterie, il a même un petit écran pour en suivre le déroulement, et sont surveillés par Max au plateau qui veille à la redondance qui doit être parfaitement synchronisée entre les deux macs. Il peut aussi intervenir à la demande sur la structure des titres pour rallonger ou raccourcir des passages.

La L550 d’Ivan dans la brume matinale bordelaise.

SLU : Combien de musiciens ?

Ivan Herceg : Ils sont 5. Un batteur, un bassiste, un guitariste et un guitariste/clavier. Tous de haute voltige, mais également de véritables bêtes de scène et d’excellents « Tour-Mates ». On rigole bien mine de rien !


Amir et ses Tour Mates ;0).

SLU : Le 6è s’appelle Ableton…

Ivan Herceg : Il faut l’appeler « Monsieur Ableton » sinon il se vexe :0) Coté FOH, il m’arrive sous la forme de 4 paires stéréo ainsi qu’un click que j’utilise parfois pour faire pomper des nappes de clavier. Cela dit, il y a tout un ensemble de clicks différents, de décomptes, de clicks spécifiques pour le side-chaining (du Moog par exemple) qui ne sont destinés qu’aux retours, mais ils sont essentiels pour ce genre de show. Toute la config Ableton est doublée en full-redondance, avec un switch automatique en MADI entre les deux machines si jamais l’une décroche.

Les 12 KSL de jardin. Qui dit grand débattement, dit aussi poussière. Admirez à gauche les absorbeurs, les résonateurs, les diffracteurs bref, le remarquable travail sur l’acoustique de la salle due au talent de Christian Malcurt, le local de l’étape.

SLU : Pour cette tournée tu es parti en KSL…

Ivan Herceg : Oui, j’avais eu l’occasion de mixer sur du KSL et du GSL sur quelques festivals d’été, ça m’avait déjà bien impressionné ! Et là je suis super bluffé, j’ai l’impression de mixer à 4 ou 5 dB de plus que ce qu’affiche le sonomètre.  Cest ultra présent, la définition est dingue et où que tu sois dans les gradins, le ressenti est identique.

Pour les outfills, on a pris du V, et ça sonne aussi très bien. J’avais une légère appréhension sur cette petite boîte passive qui commençait à dater un peu, un souvenir d’un son un peu médium trop punchy, mais depuis que le D80 est arrivé…

SLU : Le D12 n’était pas conçu pour les charges et les transducteurs actuels !

Ivan Herceg : Absolument ! Les D80 ont changé la donne. On est évidemment en Array Processing sur tout le système KSL comme V quand on le sort, et c’est assez incroyable.

SLU : Et suffisant non ?

Ivan Herceg : Largement. Le premier jour de préprod en Zenith, je me suis rendu compte que pour travailler au niveau auquel j’avais l’habitude sur la SSL, à savoir -5dB sur le master, on était déjà très, très fort, bien qu’il reste énormément de marge.
J’ai atténué en entrée et en sortie sur le Fusion de SSL qui est inséré sur le master, peut être un -4 et un -4, et on a dû faire un bon -6 dB dans l’input AES/EBU du processeur du système pour ramener à un niveau de pression qui me paraissait cohérent.

Le coin de masterisation d’Ivan avec le Fusion tout en haut puis le Bus+ et enfin en Rack 500 les deux Tape Emulator de Neve.

SLU : Tu te contentes du Fusion ?

Ivan Herceg : J’adore le Fusion, mais j’y ai quand même inséré un SSL Bus+ et deux modules 542 Tape Emulator de Rupert Neve Designs, qui sont assez incroyables.
Et pour le coup, j’utilise plus le Fusion comme un « leveler » d’entrée / sortie, quasi pas d’Eq, juste un soupçon de drive et le Transfo.


SLU : Tu avais déjà la version précédente du compresseur de bus SSL…

Ivan Herceg : Oui, le Xlogic G en rack ! Quand le Bus+ est sorti, je me suis laissé un peu prendre par des vidéos de démo. Pour dire vrai, j’ai mis du temps à apprivoiser cette nouvelle mouture car elle propose nombre de nouvelles fonctions comme l’égaliseur dynamique, un mode MS, le drive réglable par steps pour retrouver le son des 4K etc. Au final, j’ai fini par retrouver le Mojo du Xlogic, voire mieux, mais j’ai perdu 1U dans le rack (rires)

Les deux Rupert Neve Design 542. Chassez-moi ce propre que je ne saurais entendre !

SLU : Mais t’en a pas déjà assez avec le « drive » du Fusion et l’émulation de bande des Neve ?

Ivan Herceg : Mais la distorsion c’est la vie ! (sourires) Bon j’avoue, j’ai fini par passer sur le mode LOW THD du BUS+.
Je pense que chaque machine apporte des « drive » différents, celui Rupert Neve 542 par exemple simule parfaitement l’effet dans le bas du défilement à 15 pouces ou 30 pouces par seconde de la bande.
A 15 ips, le « head bump », la bosse a 60 Hz est bluffante et si tu l’enlèves…tu perds une certaine assise dans le grave, que tu aurais envie de rajouter avec un shelv dans le Fusion, ou avec des points d’EQ sur certaines pistes.

Le mode SILK Red du Neve que j’utilise, rajoute un drive d’harmoniques aigues, c’est subtil mais assez magique ! Il y a aussi l’étage de soft clipping qui retient un peu comme se comporterait la vraie bande magnétique demi-pouce de mastering et augmente un peu le niveau RMS. Quant au « drive » du Fusion, il est un peu différent. Celui du Bus+ c’est encore autre chose. Bien dosés, ils sont parfaitement cumulables les uns avec les autres pour une alchimie parfaite.

Le plug propre à l’univers SSL, VHD Saturator. Ivan aime !

SLU : Tu ne pourrais pas y arriver sans tes jouets ?

Ivan Herceg : Peut-être avec une chaine de plugins sur serveur externe, mais à quoi bon ? Avec ma chaine analogique, le grain est assez fou, tout est visuel, et accessible en une fraction de seconde. La seule légère frustration est de ne pouvoir automatiser ces paramètres dans les snapshots, mais j’ai d’autres petites combines pour ça.

SLU : On continue à expliquer qui fait quoi dans ton rack ?

Ivan Herceg : Alors le Distressor est inséré sur la voix d’Amir, avec un taux assez faible de 3:1, en mode peak. Je le combine avec un des nouveaux plugins de la SSL que j’adore, le Blitzer. Le 2500 API travaille sur le groupe batterie. J’envoie les 2 micros de kick sur un stem mono sur lequel est inséré le VOG de Little Labs, un genre filtre résonant qui te permet de « tuner » ta grosse caisse en créant une bosse et en nettoyant un peu en dessous, et juste derrière, j’ai le plug VHD pour ajouter un peu de…

A gauche le Vog pour le pied et à droite le compresseur dû au talent de Brad Avenson, d’où son nom BAC et 500 comme le format du module. Yvan l’insère sur la basse et ça colore, enfin, ça tord un peu quoi !

SLU : Distorsion !

Ivan Herceg : Il ne tord pas, il soft clippe gentiment (rires). Les 2 snares vont chacune dans un stem mono, ce qui me permet de compresser ensemble les Top et Bottom de chacune, et de remettre au besoin un point d’Eq global, après quoi les 2 stems repartent dans le bus Drum.

Les micros overhead sont doublés dans deux stems, dont un me sert en EQ / compression parallèle pour faire vivre un peu les détails du haut du spectre. La batterie entière en parallèle ce n’est pas évident en live, je trouve ça difficilement gérable. Enfin, la batterie en retour de l’API est éclatée sur deux stems identiques, Drum A et B, le second me servant de booster.

SLU : C’est une somme électrique non ?

Ivan Herceg : Pas tout à fait électrique non, j’ai fait des essais et je préfère comme ça. J’avais surtout noté que par moments j’écrêtais un peu sur la sortie de mon bus batterie si je le poussais au-delà du niveau nominal. Maintenant je fais comme-ça et je trouve que ça marche mieux, mais ça reste des boosts légers, peut être 1,5 ou 2 dB tout au plus.

« Dis voir le chat, tu ne serais pas en train de te payer ma tête.. »

SLU : Pour les guitares ?

Ivan Herceg : Acoustiques et électriques partent dans deux stems qui à leur tour se réinjectent dans un Stem « guitare » avec le Fatso en insert. J’adore cette machine, elle sonne super.
C’est important de donner de la personnalité et de la vie au son. On est loin de la distorsion sale, mais ça ajoute une présence et permet plus de liberté sur les boosts de guitares qui restent très tenus dans le mix, donc font moins travailler le reste de la chaine derrière.

Les riffs de guitare n’en sont que plus glorieux :0) Les deux lignes DI de basse (la Class A et la simul HP) vont dans un stem mono sur lequel est inséré le 1176 version BAC500, avec évidemment le drive enclenché. Il tient la baraque, c’est impressionnant. Et je crois que c‘est tout pour les inserts analog.

SLU : C’est quelle référence tes petites écoutes ?

Ivan Herceg : Ce sont des E8 coaxiales, aussi de d&b et bizarrement il y a du grave. Je n’ai pas de sub et ça marche bien comme ça et dans les salles où la régie est un peu loin dans le champ diffus, je les laisse tourner doucement pour me préciser un peu le son. Je garde de la clarté. Tous les jours on mesure et on délaie. Aujourd’hui c’est 112 msec même si ici à Bordeaux je ne vais pas les ouvrir ou alors à -30 dB. C’est même un jeu de les mettre en phase. Je le fais à l’oreille et Greg (Esmieu NDR) me confirme. Ou pas (rires). Tu sais, je vieillis moi aussi…

Les 4 belles avec de haut en bas la Bricasti M7, La Yamaha SPX2000, la TC 4000 et enfin une Lexicon PCM92, les quatre disposant de ports AES/EBU.

SLU : Et tes 4 réverbes?

Ivan Herceg : On a de haut en bas la Bricasti M7 en V2 qui traite les voix, guitares et ponctuellement la snare. C’est un périphérique qui est cher, mais quand tu l’enlèves, tu sais pourquoi. La TC 4000 est sur la batterie car elle apporte une brillance qui la retimbre bien.

Le SPX2000 me sert pour les modulations de type Chorus, ou le fameux effet Symphonic, un peu old-school mais assez inimitable. Les années ont beau passer, cet effet garde des presets très particuliers voire uniques. Enfin la PCM 92 fait dans le feutré et complète bien la Bricasti. Tous ces effets sont en AES/EBU, donc tournent en 96 kHz.

SLU : A quoi sert le MADIface XT en tête de rack ?

Ivan Herceg : Elle me permet d’enregistrer via un Mac mini les 57 lignes plus les 4 d’ambiance des retours, ainsi qu’un mix stéréo. Comme ça si on me demande un titre, je le coupe et le glisse tel quel dans WhatsApp. Ça va très vite. Et bien entendu je m’en sers au quotidien comme Virtual pour peaufiner les snapshots, mais travailler également avec les musiciens sur des détails de son et d’interprétation.

SLU : Et ce Deco Strymon qui sent bon la guitare…

Ivan Herceg : Ça fait partie de mes effets « bonus ». C’est effectivement un effet guitare, une sorte de doubleur tape drive qui joue sur la largeur avec un flange génial, et c’est impossible de le répliquer en plug. Une petite guitare sort de là toute ragaillardie. Comme j’aime avoir la possibilité de faire vivre et évoluer le show, j’ai rentré en cours de tournée un Live Professor pour quelques effets un peu spécifiques.

Une vue de Live Prof sur le MacBook Pro d’Ivan.

Avec ce soft on peut gérer des entrées et des sorties un peu comme un DigiGrid, 4 dans mon cas, et y insérer des plugins de n’importe quel fabricant, le tout étant fonction de la puissance de l’ordinateur qui l’héberge. Je le fais tourner sur un petit MacBook Pro de 2017 donc j’y suis allé avec parcimonie, mais ça marche super bien, c’est ultra stable et la latence est très basse.

J’ai utilisé la nouvelle version de la Relab LX480 ainsi que 3 plugins du pack Anthology Eventide. Pour des effets ponctuels simples, c’est parfait. Bien entendu il faut une MadiFace en plus pour interfacer le Mac avec la SSL. Je n’ai pas osé le tenter en Dante mais c’est faisable aussi.

SLU : Tu semblais dire que tu ne voulais pas de serveur…

Ivan Herceg : Le Live Prof dans l’absolu en est un, mais je ne m’en sers que pour quelques effets spéciaux et fins de titres, un peu comme si j’avais quelques pédales de plus autour de moi. Je n’aime pas trop l’idée d’un serveur avec des centaines de plugins disponibles car tu te dis vite : « c’est génial, j’en ai plein sous la main » et tu finis par en mettre partout, les voies, les bus, le master.

Le Golden Reverberator de UA ou comment avoir sous la main un effet très convaincant et à la fois pratique à manipuler en temps réel.

J’ai vu des trucs hallucinants sur certains artistes, pour un résultat pas forcément bluffant. On peut vite s’embourber dans ce genre de config et perdre le fil du show. Et je ne parle pas du désastre en cas de plantage de la machine. Je pense qu’entre tout ce que la L550 propose en interne et mes effets outboard, on est déjà bien !

SLU : Est-ce qu’avec cet ensemble complet d’effets tu essaies de te rapprocher du son de l’album ?

Ivan Herceg : Oui toujours mais sans que ça soit l’unique objectif. Certains effets font partie intégrante des titres d’album, les gens les connaissent sous cette forme avant tout, donc ne pas les répliquer serait contre-productif. Cela dit, vu l’aspect très live de ce show, et la manière dont les musiciens sont mis parfois en avant par l’artiste, je n’hésite pas à exacerber certains riffs ou certains breaks de batterie.

Tu sors évidemment de l’équilibre de l’album, mais le son doit être vivant. Quand le batteur cogne et que tu le vois, tu ne peux pas le laisser en second plan, visuellement ça ne marche pas. Pareil pour un gros riff d’intro de guitare. C’est cinématique, on est sur un écran géant, il faut en jouer et j’ai l’impression que les gens adorent ça !

SLU : On entend un léger souffle dans ton système et pourtant on est en retour de Virtual, aucun préampli micro n’est donc routé sur les généraux. Ce sont tes traitements de sortie ?

Le fameux Vintage Drive du Fusion et ses potars verts, efficace mais…

Ivan Herceg : C’est possible… (il mute leur retour) Bin oui, et surtout c’est le circuit de drive sur le Fusion (il le baisse) Tu vois, c’est de l’analogique pur et dur. Certains disent « le souffle c’est la vie » :0)

SLU : Puisqu’on parle de bruits divers, à combien vous jouez ?

Ivan Herceg : On essaie de jouer à des niveaux raisonnables et le système d&b te donne une impression terrible. On rentre doucement dedans et ça sort tout seul. A 92 dBA on est déjà bien. Il y a une énorme définition et le son répond aux variations quand tu prends une couleur particulière. On n’est plus à l’époque du J et des vieux amplis D12 !


Après ce tour plus qu’exhaustif de la régie face, nous décidons d’aller visiter le plateau pour une visite commentée et un passage à cour par la régie retours de Yoann Roussel et l’Abletonnerie de Max. Mais avant d’attaquer la descente, on jette un coup d’œil à l’arrière de la L550. Et plus complet, ce n’est pas possible.

L’arrière de la L550, un bac 500 très « pimpé » avec 32 entrées et autant de sorties à même le châssis. Entre autres !

Ivan Herceg : Oui celle-là dispose de deux cartes pour offrir en régie 32 entrées et sorties analogiques, mais aussi 16 entrées et sorties AES/EBU. Je suis loin d’utiliser le tout, mais une seule carte aurait été un peu juste.

SLU : Tu parlais de fibre pour le Dante. Pas de Black Light donc…

Ivan Herceg : Non, du X-Light Dante cette fois ci. 256 canaux en aller/retour dans le Main avec sa redondance et dans le Backup, aussi avec sa redondance, le tout à même une fibre Quad. On a trouvé une combine pour convertir le flux MADI des séquences en Dante dans la D-LIVE, donc on a éliminé le besoin de Black Light.

La partie numérique de la console qui se passe de commentaires tant elle offre des possibilités. Le Black Light à gauche est bouchonné, le MADI coax snobé, en revanche les deux ports X-Light sont utilisés pour le Dante et 3 ports MADI en fibre dont deux pour le Virtual le FX Loop pour les effets générés par le Live Prof.


Puisqu’on parle de Maxime, le voilà avec Yoann et Alice. De gauche à droite!

Une fois arrivés à la régie retours de Yoann, et machines de Max, Ivan reprend de plus belle, et nous aussi !

SLU : Ahh il a un serveur UA Yoann !

Ivan Herceg : Oui, mais c’est juste pour traiter les départs des ears avec des Vitalizer MK2-T en plug, et là c’est la régie de Maxime Rosette d’où il contrôle le bon fonctionnement des séquences Ableton et surtout le parfait synchronisme des deux machines.

SLU : Tu nous a parlé d’un bridge X-Light…

Ivan Herceg : Bien sûr, le concentrateur est là avec les deux fibres qui partent vers ma régie FOH. De ce rack on va vers les deux LAN primaire et secondaire.

Le bridge X-Light NET I/O SSL.

L’immense avantage d’avoir ce bridge est celui de ne pas être bloqué par la distance et de pouvoir véhiculer beaucoup de canaux très facilement, sans oublier que nous travaillons à 96 kHz ce qui aurait réduit d’autant le nombre de canaux puisque la carte Dante locale de la SSL accepte 64 canaux mais en 48 kHz. Du coup tout le monde ici est relié aux deux switches, les stage racks du plateau, les récepteurs AD4D…

La grande force des stages SB32.24 Dante est d’être équipés de deux cartes Brooklyn en interne, l’une travaillant en compensation de gain de l’autre. En gros je suis maître des gains des préamplificateurs de la carte « main », Yoann prend ceux de la carte compensée, et si je bouge un gain sur l’étage d’entrée chez moi, ça ne change rien pour lui, c’est compensé d’une façon totalement invisible ! Évidemment, ça demande un peu de pratique, il faut se coordonner. Il n’y a à ma connaissance que les stage racks SSL qui proposent ça !


La gare de triage du Dante avec les deux switches Cisco

SLU : Où vient se servir la console retours Allen & Heath ?

Ivan Herceg : Sur les switches Cisco. Le stage rack de la D-Live a des double cartes Dante et c’est dans ce même stage que Maxime délivre les flux MADI de ses séquences Ableton et c’est enfin là que je viens récupérer ces séquences dans mon réseau Dante après qu’une conversion ait été effectuée. C’est aussi avec le Dante que passent les communications entre le monitor et la face.


Un des deux SB 32.24 SSL.

SLU : Où sont les deux stage racks SSL ?

Ivan Herceg : Les SB 32.24 sont au plus près des micros sur scène, un derrière la batterie et le second derrière les claviers, et ils sont bien sûr connectés aux deux LAN.
Les seules sources qui n’y sont pas connectées sont les micros des premières parties qui vont vers le DM64, le stage de la D-Live, que Yoann convertit en Dante et que je récupère via le génial système des Tie-Lines des Allen&Heath.


SLU : Il y a beaucoup de sorties branchées sur les sorties de ta stage…

Ivan Herceg : On a trois subs 18” sur scène pour le batteur, le bassiste et le clavier. Ça complète bien les ears et surtout, comme nos deux fois six SL-GSUB et les KSL sont cardioïdes, c’est propre mais un peu sec sur scène, les musiciens n’ont pas assez de ressenti. On a aussi des sorties ligne qui attaquent les Reamper (5 au total) dans les différents pédaliers pour les guitares électriques, acoustiques ou les basses.

C’est un ingénieux système qu’on a mis au point pour éviter d’avoir des switchers d’entrées pour les instruments à cordes. Les HF guitare entrent en Dante dans la D-Live, qui les renvoie en niveau ligne dans les Reamper depuis les Stage Racks SB32.24.

Le Reamp de Radial fixé au pédalier du bassiste. Ne cherchez pas, c’est la main d’Ivan !

C’est simple et en plus d’optimiser l’adaptation d’impédance avant de retourner vers la chaine pédales/amplis, ça permet d’ajuster les niveaux de chaque guitare d’un snapshot à l’autre. Plus de switchers, plus de galères !
Notre choix s’est porté sur le système Cuniberti à transfo passif de Radial, pour transformer un niveau ligne symétrique en signal asymétrique à haute impédance. C’est un peu cher comme Reamper mais le rendu est bluffant.
On a fait des A/B, la différence était quasi imperceptible entre le « straight to amp » et la version « reampée ». C’est la trouvaille de la tournée !


Greg Esmieu est en charge du système d’Amir, cette fois-ci en d&b et ça ne semble pas bousculer son flegme légendaire.

Greg, la force tranquille mais sonore.

SLU : Plus que les systèmes, il faut connaître la partie soft non ?

Greg Esmieu : Le principe reste le même et comme j’ai déjà travaillé avec du L-Acoustics, du Meyer, un peu d’Adamson et maintenant du d&b, ça va. Je suis d’ailleurs formé officiellement par Meyer et L-Acoustics.
Un truc intéressant sur d&b c’est l’Array Processing. J’ai divisé la salle en 3 parties avec une décroissance de 1,5 dB et avec 3 diodes vertes, je suis très loin des requêtes et des rendus extrêmes.

On écoute avec et sans Array Processing un titre du concert. Le son est plus homogène, plus dense et semble mieux remplir l’espace avec une uniformité supérieure une fois l’algorithme enclenché. La voix d’Amir gagne en clarté, en netteté et l’AP de retour sur off, on a l’impression que son niveau a perdu quelques dB et que l’EQ a été en partie relâché. Il ne fait aucun doute que le mix a été encodé avec.

Ivan Herceg : On peut aussi travailler le rendu des systèmes avec les outils de certaines marques, mais c’est long et complexe. Là au contraire c’est simple et le résultat bluffant. Autre avantage, la précision de la directivité cardioïde fait que je peux avoir sur scène trois guitares nylon sans rosace, ça passe tranquillement et avec du SPL, même quand les musiciens s’avancent en bord de scène.

L’Arkea Arena en format réduit et avec le public tenant pile dans la zone typiquement couverte par le système principal.

SLU : Pour en revenir à la partie logicielle des systèmes…

Greg Esmieu : J’aime bien tout d&b y compris le shooter ArrayCalc, mais le soft de commande R1 date un peu et n’est pas plug & Play. Si tu veux avoir des fonctions cool, il faut te créer tes boutons. La base est là et tu peux tout faire, mais il faut y passer du temps.

Un gros plan de la page principale du R1 de Greg avec son voyant AES/EBU et tout à droite, les afficheurs d’une tête KSL et d’un GL-SUB pour connaître le headroom. La température et hygrométrie sont reprises en haut d’une des lignes.

J’aurais par exemple aimé avoir un indicateur du flux AES qui rentre dans les amplis. Idem pour un indicateur de Headroom d’un ampli, pour mieux savoir où l’on en est et ce qui reste. Je me suis créé la page pour les avoir.

Ce serait bien par exemple que les amplis arrivent tous seuls dans le projet et que lorsque tu veux en ajouter, cela soit plus rapide car c’est un scenario qui peut se produire.


L’EQ sur la face. La salle est bonne et le système aussi…

SLU : Puisqu’on parle d’amplis, trouves-tu ton bonheur dans les D80 ? Par exemple as-tu assez de points d’EQ ?

Greg Esmieu : Pfff, largement assez, il y en a 16. Le rendu du KSL ne demande pas de grosses corrections. Sur mon gauche/droite j’ai trois points. Deux très proches entre 190 et 250 Hz pour calmer un peu le bas mid et un troisième à 1,85 kHz pour creuser à peine la voix du chanteur. Tout le reste est très bien tel quel.

Pour le reste dans les sub il n’y a aucun point d’EQ, dans les front fill non plus, dans les outfills pas plus (à plus forte raison qu’ils sont restés dans le camion à Bordeaux). Les quatre V12 de ma douche centrale n’en ont aucun. Il n’y a que les deux stacks de trois V12 posés sur un sub pour les côtés de la fosse qui ont dû être un peu taillés à cause de leur proximité avec le public.

12 dB de contour et un extrême aigu sage à la mesure mais présent durant le show.

SLU : Pour les mesures ?

Greg Esmieu : Je prends ce qu’on me donne avec une petite préférence pour Flux ou Smaart mais si tu bosses bien dans l’ArrayCalc, trois mesures pour te rassurer et c’est bon !

SLU : Comment véhicules-tu le signal de haut en bas ?

Greg Esmieu : Dans trois DS10, reliés en fibre avec un primaire et un secondaire. On rentre et on sort en AES/EBU. On en a un à cour, à jardin et à la console.

SLU : Y’a des ports pour de la fibre ?

Greg Esmieu : Non, on convertit avec des switches. Je ne connais pas de processeurs qui sortent directement en fibre, ce serait pourtant une bonne idée.

SLU : Résumons. Pour cette date tu n’as pas sorti les outfills en V, on a donc…

Greg Esmieu : Douze KSL par côté, 12 SL-GSUB en arc sub et en 6 piles de 2, un cluster central de quatre V12 et deux infills de 3 V12 posés sur leur V-GSUB.

Le KSL en mode compression.

SLU : Tu n’as pas pris tes quatre TG1000 pour le calage?

Greg Esmieu : Non, pas cette fois-ci, on m’a fourni un micro de mesure et un émetteur. Pour vérifier les prédictions et mettre en phase, je n’ai pas besoin d’une liaison aussi linéaire que la Beyer que j’adore.

SLU : Facile l’accroche du KSL ?

Greg Esmieu : Ah oui, on peut travailler en mode standard ou en compression. J’ai choisi ce mode, il y a donc une chaîne qui compresse la banane pour qu’elle prenne ses angles, sans quoi elle est droite, ce qui est pratique pour la manutention quand tu tombes le système.

SLU : C’est ta première avec le KSL ?

Greg Esmieu : Absolument. J’ai utilisé du J, du V et d’autres références en one shot mais c’est ma première tournée avec du KSL.


KSL en rose, les SL-GSUB en bleu et la somme des deux en rouge. L’octave 30-60 bénéficie donc d’un apport à la fois des têtes et des subs au sol, et le KSL délivre du 50 Hz sans aucune atténuation.

SLU : Comment trouves-tu le grave de cette boîte. Elle bénéficie d’un apport d’énergie par les deux 8” servant à nettoyer l’arrière.

Greg Esmieu : Il y a un vrai grave et ça descend très bas. Avec les SL-GSUB je rajoute de l’énergie et la dernière octave, mais une grande partie du boulot est faite par les têtes.
Je ne les coupe pas, elles restent en full range d’autant plus qu’au niveau auquel on joue, on est très loin des limiteurs. L’arc sub est à -18 dB et ne sert qu’à faire vibrer le pantalon et à apporter des sensations dans la fosse.

Noir salle

Les premières notes confirment nos impressions des balances. Ivan mixe toujours aussi bien disto ou pas, avec précision, définition de chaque instrument (super batterie comme d’hab) et une gestion méticuleuse de la dynamique sans que le dBC ne tombe en léthargie. C’est gros et sec à la fois, et le KSL apporte son écot à ce rendu nerveux avec un raccord entre les 10” des têtes et les 21” des subs qui restitue chaque inflexion, qu’il faille taper ou baver.

L’Arkea Arena sonne bien, même limite trop mate une fois garnie de public et réduite en moyenne jauge par des pendards aussi épais qu’un matelas de grand hôtel, mais elle offre une toile blanche sur laquelle Ivan se régale avec ses périphériques studio, tendance mastering. La pression tourne autour des 96 dBA et 110 dBC, largement assez quand on connaît le « paquet cadeau (© Yves Jaget) » du king of disto.


Vincent Haffemayer

Un grand bravo enfin à Greg Esmieu pour son calage et sa disponibilité et un grand merci au reste de l’équipe son pour sa gentillesse et son accueil avec, dulcis in fundo, ce bravo allant aussi à l’équipe lumière et scéno avec Vincent Haffemayer au pupitre!

Last but not least, trois acteurs français bien connus ont équipé cette tournée : B LIVE, ALABAMA et MPM



Equipe technique tournée Amir

– Alex JAUSSEAUME : Regisseur plateau
– Vincent HAFFEMAYER : LD/ Pupitreur
– Vincent AERTZ : Lumière / blockeur
– Enrique ELIXANDER : Technicien lumière
– Éric DELAGE : Technicien lumière
– Ivan HERCEG : Ingénieur du son FOH
– Yoann ROUSSEL : Ingénieur du son Retour
– Grégory ESMIEU : Technicien son / Caleur système
– Alice BACHELIER : Technicienne son retour
– Maxime ROSETTE : Technicien son / Séquences
– Olivier HEURTZBIZE : Backliner
– Thomas LE ROUX : Backliner
– Louis RONGIER : Technicien Vidéo – Alabama
– Lucien BALIVET : Technicien Vidéo – Alabama
– Christophe HUND : Machiniste
– Dominique GERMAIN : Machiniste
– Grégory BERTINO : Machiniste
– Georges ABELÉ : Chef rigger
– Lou ABELÉ : Rigger
– Marc ROUMEAS : Catering – Zen Eat
– Cyril LEGRAS : Catering – Zen Eat
– Stella SZWARC : Catering – Zen Eat
– Hervé MARTIN : Chauffeur Camion
– Benjamin CUNIN : Chauffeur Camion
– Mathieu PICHON : Chauffeur Camion
– Sébastien ALIX : Chauffeur Camion
– Antonin LEDRU : Chauffeur Bus artiste
– Nicolas PERSIGNAT : Chauffeur bus technique


D’autres informations sur :

– Le site d&b audiotechnik
– Le site Alabama Media
– Le site Blive Group
– Le site MPM Group

Et pour les rares professionnels qui ne connaissent pas ce grand monsieur de l’acoustique studio et des grandes salles avec en plus de l’Arkea de Bordeaux, les Zénith de Toulouse, Clermont, Pau ou Nice (liste non exhaustive) réécoutez cette interview de Christian Malcurt par Rodolphe Martinez de France Bleu Gironde en cliquant ici

 

Crédits - Texte et Photos : Ludovic Monchat

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