Une porte s’ouvre sur la devanture de l’Escoure, le centre culturel de Lacanau et Cédric Macke son régisseur nous accueille, ou plutôt nous soustrait au coup de vent et fort crachin bien horizontal et typique de l’Océan Atlantique.
Nous pénétrons dans la salle principale, 300 assis et 500 debout à gradin rétractable où va jouer le soir même Sanseverino. Cédric, ch’ti d’origine et aquitain d’adoption depuis dix ans, n’est pas gêné par la météo mais, on en parlera plus tard, le matériel un peu plus !
SLU : Comment es-tu arrivé ici et au son en particulier ?
Cédric Macke : J’ai commencé par être pilote militaire, puis pilote de jets d’affaires, 27 ans durant. Quand j’en ai eu marre d’être aux quatre coins de la planète sans jamais me poser, je me suis réorienté vers le son en devenant intermittent, en travaillant pour des petits festivals de Jazz, des salles de spectacle puis des prestataires. La mairie de Lacanau m’a donné l’opportunité de me fixer ici.
SLU : Combien êtes-vous pour gérer cette salle et le son de Lacanau ?
Cédric Macke : Au début j’étais seul mais face au programme culturel en hausse en qualité et en nombre, nous en sommes à 90 événements par an, j’ai obtenu l’embauche de Jérémie Roux, un technicien que j’ai formé pour le son et qui est désormais tout aussi capable en lumière. Je lui ai financé par le biais de la mairie les formations adéquates (son, lumières, élec, travail en hauteur, PSC1, SSIAP1, ETC) Je n’ai pas la prétention de le former moi même !
On a aussi maintenant une secrétaire qui nous aide pour l’administratif, notamment les contrats des artistes et la billetterie et depuis quelques mois, un chargé de production et programmation nous a rejoints. Deux stagiaires issus de 3iS Bordeaux, Alice Prevot et Duncan White complètent les forces en présence. Je rémunère ces derniers en Guso.
J’ai réussi à obtenir trois licences d’entrepreneur du spectacle pour le compte de la mairie en faisant notamment la formation de sécurité des spectacles pour les exploitants d’ERP, ainsi on peut les rémunérer en Guso à chaque fois que j’ai besoin d’intermittents. On fait par ailleurs ponctuellement appel à des intermittents. Pour compléter ta question précédente, je ne suis pas venu dans la région pour le surf, mais Jérémie oui, aussi (rires).
SLU : Est-ce que l’acoustique change beaucoup quand les gradins sont tirés ?
Cédric Macke : Beaucoup oui. Quand on les rétracte comme ce soir, la salle est plus réverbérante mais ça fait partie de la nature polyvalente des lieux. On a aussi une variabilité dans le bas du spectre dû à la présence d’une fosse mais là encore, cela dépend d’où on place le plateau et les subs.
SLU : A propos de polyvalence, Lacanau est connue pour ses spectacles d’été hors les murs…
Cédric Macke : Sur le front de mer ! Une bonne trentaine et utilisant le matériel de la salle, d’où les 4 subs un peu surdimensionnés en indoor !
SLU : Au-delà de la salle, c’est pour le front de mer que tu as fait le choix du Torus de Martin Audio ?
Cédric Macke : C’est exact. Ce que tu vois est tout récent, le système nous est prêté par Algam Entreprises avec l’intégrateur Arcanes. Trois boîtes par côté, 4 subs, et quelques compléments. Ma salle est plus large que longue ! Les wedges sont aussi en Martin, mais je les avais déjà.
SLU : Pourquoi du Torus ?
Cédric Macke : C’est le système qu’il nous faut ! Il n’est pas trop lourd, facile à mettre en œuvre par deux personnes et comme c’est un array à courbure constante, on ne peut pas se tromper.
Il doit pouvoir se tomber rapidement quand il n’est pas nécessaire en salle, il doit pouvoir être facilement mis en œuvre en front de mer en limitant la prise au vent. Il ne faut pas oublier qu’à Lacanau ça souffle toujours un peu et parfois beaucoup. On exploite notre scène Samia d’une cinquantaine de mètres carrés.
SLU : Tu remplaces un système…
Cédric Macke : Qui manquait de puissance et un peu de portée. En salle ça pouvait encore aller mais en extérieur, on a des jauges qui peuvent aller de 500 à 1500 personnes et là, il était trop court. Un soir il y a deux ans, on a accueilli Philippe Etchebest. Les réseaux sociaux ont chauffé et on s’est retrouvé avec 2500 personnes, autant dire que les spectateurs au lointain n’ont pas tout compris (sourires). C’est à partir de là que nous avons décidé d’investir. L’année dernière nous avons loué et essayé ce système et cette année nous avons eu, après un vote du conseil municipal, le budget pour nous équiper. Les retours, des LE200, ont aussi été achetés récemment.
SLU : Pour les lumières
Cédric Macke : On a 90% de ce dont on a besoin avec du trad et du motorisé Chauvet et Cameo, le reste se négocie sur les fiches des artistes, parfois avec l’IDDAC en support et le moins possible avec de la location. Je fais attention à mes budgets.
SLU : Et pour l’été ?
Cédric Macke : Comme pour le son, je prends ce dont j’ai besoin et j’équipe ma scène en front de mer. Du coup l’été, il n’y a plus d’automatiques dans la salle, juste une face en trad nécessaire pour un festival de musique classique.
SLU : Pas facile pour les automatiques le front de mer
Cédric Macke : On a investi dans des lyres IP65 avec les Chauvet Rogue Outcast car il n’est pas question de descendre après chaque événement ce qui est au gril ; elles restent donc accrochées 2 mois face à l’océan. Malgré leur rating et au bout d’un an, la peinture extérieure commence à souffrir. Le projo marche très bien, mais on sent que l’air marin est fidèle à sa réputation.
SLU : Les consoles son et lumière ?
Cédric Macke : Elles souffrent aussi. A mon arrivée j’ai fait en sorte d’ajouter à la console son numérique existante, toute rouillée et bien mal en point, une Allen & Heath Avantis dPack ainsi qu’une console lumière GrandMa2 que j’ai pu avoir d’occasion en parfait état et qui m’a sauvé la vie car la petite table précédente, complètement oxydée, a cramé juste avant la saison d’été.
SLU : Les retours ont leur console ?
Cédric Macke : Non, ils restent mixés depuis la façade, je n’ai pas le budget humain et matériel de les séparer sauf cas exceptionnel en location et avec un intermittent. On a déjà beaucoup investi pour les 7 LE200 et les deux iKON iK42, et la console de face dispose d’assez de sorties et de ressources. On se met un wedge et des ears à la face et on garde la tablette sous la main pour intervenir en remote sur l’Avantis, la même tablette qui nous a permis durant les balances de caler les wedges sur scène. La mienne (rires !)
SLU : Tu es en Dante ?
Cédric Macke : Non, pas entièrement, je me sers du protocole Slink d’Allen & Heath, mais c’est en projet pour mieux exploiter tout le potentiel de cette console qui est juste sous la dLive et, en version dPack, permet de travailler très confortablement en termes d’effets.
L’Avantis est très accessible, rapide à mettre en œuvre, facilement transportable et donne pleine satisfaction. Il faudra pour ça ajouter des cartes Dante aux amplis,faire évoluer les stages et donc investir un peu, mais on sera gagnant.
SLU : Revenons sur le front de mer, quelle est ta stratégie d’emploi de tes consoles l’été pour lutter contre l’humidité ?
Cédric Macke : On charge à l’Escoure entre 13 et 14 h le matériel nécessaire pour le spectacle qui ne commence qu’à 21h30, exposition plein ouest oblige. On amène, câble, lève, met sous tension tout, en laissant les capots. Quand les artistes arrivent on teste, balance puis on exploite.
A la fin on démonte le plateau, on roule tout au camion et à la dernière seconde on coupe les électroniques chaudes pour éviter le plus possible la condensation. Rentrés dans la salle on ouvre les fly, consoles, amplis, stages et on place le matériel face aux bouches de la climatisation de la salle qui est puissante et assèche bien l’air.
SLU : Les enceintes Torus ne craignent pas l’eau ?
Cédric Macke : Tout le bois est traité et les membranes des enceintes définitives que nous allons avoir cet été, seront tropicalisées.
Les bumpers seront tiltés pour éviter que l’eau ne pénètre par l’avant et enfin la scène est dos au vent dominant. Les amplis, stages et éléments susceptibles de prendre de la pluie sont en fly et sur la scène.
Présent lors de notre visite à Lacanau, Stéphane « John » Torlois gérant d’Arcanes SLC, distributeur et grand utilisateur de Martin Audio, prend la suite de Cédric pour remplir la RAM de notre dictaphone.
SLU : Quelle est la spécialité d’Arcanes ?
John : Le concert. On en sonorise environ 300 par an. Des concerts et des festivals de petite taille ou disons, à taille humaine, le plus grand étant le SunSka Festival à Vertheuil début août pour lequel je vide le dépôt. On a une répartition entre prestation et intégration de 70/30.
SLU : Tu distribues Martin et tu en as en parc…
John : Bien sûr. Arcanes a commencé avec de l’Electro-Voice avant d’investir dans du WPC Martin qui est un 2 x 10” plus une section médium aigu en 2 x 5” et 4 x 0,7”, une boîte petite par la taille mais très puissante et capable de porter loin grâce à ses 4 moteurs d’aigu.
Le WPC est exactement le format qui convient à nos applications et à nos contraintes de charge, sans parler de notre stockage ; on plafonne à 400 m² et ça se remplit très, très vite (sourires).
Pour ce qui est de la distribution de Martin Audio, on rayonne assez large puisqu’on a un collègue à Périgueux et l’autre est à Béziers. A part à Bordeaux et périphérie, Martin équipe beaucoup de SMAC et les wedges de la marque sont irremplaçables et très bien placés.
SLU : Et en lumière ?
John : On distribue ce qui me plaît puisque je suis aussi utilisateur. Chauvet par exemple me plaît puisque ce sont de jolis produits avec un rapport qualité prix imbattable.
J’ai aussi du Quantum Martin et on fait des essais avec Ayrton dont j’ai installé quelques machines dans une salle à Bordeaux. Ça marche particulièrement bien et les petites dernières Rivale, sont de super bécanes. Et MA Lighting, bien sûr. Dans la lumière aussi je ne tape pas dans certaines marques et modèles trop gros et qui ne correspondent pas à notre positionnement.
SLU : Vous travaillez bien entre quand et quand et combien êtes-vous ?
John : Avril à septembre, voire octobre grâce au climat qui change et qui pousse certains festivals hors saison. Le reste de l’année on est proche de certaines salles de la région comme le Krakatoa. Nous sommes 4 permanents plus des intermittents à raison de 600 cachets par an en moyenne.
SLU : Tu connaissais le Torus ?
John : Oui, grâce à Serge, mon collègue à Béziers qui en a acheté, on a pu l’écouter et être bluffé avant même que Algam nous fasse avoir son kit de démo. C’est un très chouette système qui correspond exactement à la jauge et la surface de l’Escoure et avec 4 subs, ce sera très bien aussi en extérieur.
Nous avons ici la version 12” de Torus avec deux boîtes en ouverture verticale de 15° pour la portée appelées T1215 et une en 30° pour le bas de ligne appelé T1230.
Sur les deux variantes, le guide d’onde offre un réglage accessible sans outils en face avant faisant varier la dispersion horizontale entre 90°, 60° et 75° asymétrique. Ça s’appelle le Dynamic Horn Flare.
Le 12” dispose d’une pièce de mise en phase rehaussant la sensibilité et facilitant le couplage avec les moteurs d’aigus de 1,4” et qui sont, comme souvent chez Martin au nombre de trois, ce qui donne un haut exempt de distorsion, énergique et très précis. Jusqu’à 25 mètres de distance c’est impeccable.
Enfin une paire de Torus T820 est aussi spécifiée en tant que front fills plus que musclée. Pour info c’est un bébé Torus avec un 8” et une paire de moteurs 1,4”, 130 dB de SPL Max avec une dispersion fixe de 100° x 20°.
Torus or not Torus, that is the question
Gros avantage de Sanseverino, de ses musiciens et de son mixeur, le tout sonne vraiment bien, or si « shit in shit out », l’inverse est tout aussi vrai. C’est donc l’esprit tranquille qu’on s’est penché sur le système à courbure constante de Martin Audio et le moins qu’on puisse dire est que ça marche. C’est sec, viril, ultra détaillé dans le haut, la voix est belle et le trio basse, batt et gratte de Sanseverino déroule avec du punch et un petit côté British bien plaisant si on ne pousse pas trop les niveaux.
Une balade durant la balance m’a laissé un peu perplexe quant à la polaire de Torus pincée en milieu de salle. Questionné à ce sujet, Cédric a confirmé un choix qui ne sera pas retenu pour l’installation finale de placer la boîte du centre à 60° pour éviter des réflexions. Nul doute que les trois têtes à 90° offriront une couverture plus homogène et chapeau à Martin pour l’efficacité de son système de guide coulissant.
Rien à redire enfin sur les quatre SX 218, des subs en double 18” qu’il a fallu brider pour garder un bon contour. Le choix définitif se portera sur des SXCF118, des simples 18” nativement cardioïdes via l’emploi d’un 14” à l’arrière et à l’utilisation de deux pattes d’iKON 42. 140 dB plus propres et des accroches et une taille qui permettront de lever l’ensemble du système si nécessaire.
On se fera d’ailleurs un plaisir d’aller cet été à Lacanau écouter Torus en extérieur dont le petit T820 en front pour compléter ce reportage !
Le titre que vous n’aurez pas eu : Lacanau prend le Torus par les horns
D’autres informations sur les sites :
– Arcanes SLC
– Algam Entreprise
– Martin Audio
Texte : Ludovic Monchat - Photos : SLU, Martin Audio, L’Escoure