Leatherwomen, les techniciennes du spectacle sortent de l’ombre

Et si on parlait un peu plus des femmes dans SLU ?
Je vous vois sourire, vous qui maîtrisez les technologies du spectacle et qui pensez que ce sont des métiers d’homme même si vous partagez certaines missions avec quelques homologues féminines, aujourd’hui encore à dose homéopathique.

Combien de femmes techniciennes, ingénieures du son, éclairagistes, scénographes ou vidéastes en France ? Et dans le Monde ?
Très peu, et pourtant, 31 % de nos lecteurs sont des lectrices. Où sont-elles ? Quels postes et quelle place occupent-elles ?


Les fondatrices Latherwomen.

Léa et Maïlys, deux des quatre fondatrices de l’association Leatherwomen nous exposent leurs visions en mettant en valeur de formidables techniciennes du spectacle.

Lea

Léa, suite à des études littéraires, se dirige vers des formations aux arts du spectacle avec pour objectif de devenir scénographe. Son parcours la mène successivement vers un CAP accessoiriste réalisateur suivi d’une MANAA (Mise à niveau en arts appliqués équivalent à un bac STD2A) dispensée au Havre.
Elle est ensuite sélectionnée pour intégrer le BTS Design d’Espace à Roubaix qu’elle complète par un stage de design et de scénographie théâtrale aux beaux-arts de Varsovie.

Finalement c’est par une Licence Professionnelle de Scénographie Théâtrale proposée par Sorbonne Nouvelle, en partenariat avec l’école Boule et Dupperé qu’elle complète son cursus. Grâce à ses connaissances dans les techniques de construction et en dessin, ses expériences professionnelles l’ont amenée à occuper le poste de machiniste au Lido ou d’accessoiriste au Lucernaire entre autres.

Maïlys

Maïlys, après ses études littéraires, a suivi un BTS de Gestion de Production Audiovisuelle à l’école Jacques Prévert de Boulogne qu’elle a complété par une Licence Professionnelle de Gestion de Production délivrée par l’école des Gobelins. Ces deux formations effectuées en alternance lui ont permis d’acquérir une expérience de terrain.

Toujours orienté vers le spectacle, son parcours s’est poursuivi dans le domaine de la technique dédiée au mapping chez ETC Onlyview. Elle a également travaillé pour la télévision, le cinéma et l’événementiel.
Elle revient aujourd’hui à la création de contenus audiovisuels comme en témoigne l’un de ses derniers projets pour les Cérémonies d’Ouverture et de Clôture du Rallye Dakar… Elle apprécie le caractère varié de ses expériences et souhaite continuer dans cette logique.

Toutes deux se sont rencontrées lors d’une mission bénévole à Solidays au cours de laquelle elles ont pu constater un fort intérêt commun en faveur d’une démarche qui mettrait en valeur les femmes impliquées dans le spectacle.
De là est née l’association Leatherwomen, qui rassemble des professionnelles du spectacle. Des personnalités très différentes qui se rejoignent dans l’idée valoriser les femmes et de tendre vers la parité mais toujours avec humour et bienveillance.

SLU : Les Leatherwomen c’est qui, c’est quoi, racontez-nous ?

Léa : Tout a commencé par une rencontre avec Morgane qui m’avait rejointe sur un chantier. Au fil des discussions elle m’a parlé d’un projet de réaliser un calendrier de femmes intermittentes travaillant dans le spectacle afin de les mettre en avant et j’ai trouvé ça super !
Nous avons organisé des shootings photo, ce qui était assez drôle car nous n’avions jamais posé de manière professionnelle auparavant. Le premier calendrier a finalement vu le jour en décembre 2020 pour les fêtes de Noël au prix de 10 € et nous en avons vendu 250 au total.


Chaque fille rapporte un élément qui parle de son métier. Une visseuse pour Léa scénographe, Séverine avec une carte routière et un trousseau de clés poids lourd, etc…

SLU : Qui étaient les acheteurs ?

Léa : Des gens du spectacle comme des boîtes de presta, des théâtres mais aussi nos proches pour nous soutenir. Beaucoup d’hommes ont d’ailleurs trouvé l’idée géniale et nous ont encouragées à poursuivre pour donner envie aux jeunes femmes d’envisager une carrière dans ces métiers.
Les formateurs, qui voient passer la profession en continu, hallucinent toujours autant de former proportionnellement si peu de femmes. Avec l’argent récolté et parce que la dynamique de se rassembler pour discuter nous a plu, nous avons maintenant d’autres projets.

SLU : Quels sont-ils ?

Léa : Via la plateforme de vente que nous avions créée pour les calendriers, des auteurs en recherche de témoignages de femmes travaillant dans le spectacle nous ont contactés et Pôle Emploi intermittents nous a proposé d’apporter notre témoignage lors d’une conférence dédiée à la question du genre dans les métiers du spectacle.
Tout ceci a été une super expérience et nous avons alors décidé de créer une association pour continuer à parler de toutes ces femmes que nous avons rencontrées depuis le début du projet.


Idées noires pendant le confinement : Les naufragées.

SLU : Quand avez-vous officialisé l’association et comment votre démarche a-t-elle été accueillie par le milieu ?

Léa : En septembre 2021 nous avons officiellement créé l’association dont le comité est composé de quatre filles en gouvernance collective : Maïlys, Mel, Moe et moi. Chacune travaille de son côté et nous nous réunissons autour de deux gros événements dans l’année. Le projet Leatherwomen évolue sans vraiment avoir besoin de tenir les rênes. Ce sont les personnes autour de nous qui, grâce à leurs interactions, donnent forme au projet.

Maïlys : Nous sommes une cinquantaine d’adhérents et adhérentes. L’association est également ouverte aux hommes qui participent à beaucoup de nos activités. Il y a parmi nous beaucoup de graphistes et de directeurs/directrices artistiques, et c’est aussi l’opportunité de mettre en valeur ces professions dont les projets n’ont pas toujours de générique. Mais il y a aussi une conductrice poids lourd / sérigraphe, une scénographe et je suis directrice de production.

Les membres d’honneur.

L’association est donc accessible à tout le monde et c’est un projet très organique. C’est aussi ce qui fait sa beauté et son succès.
Par contre, nous tenons à ne pas être étiquetés politiquement et, de la même manière, nous ne revendiquons pas forcément une étiquette féministe. Nous avons surtout à cœur de créer un espace d’échange professionnel qui mette en avant l’actualité du secteur et des collectifs.

SLU : Pouvez-vous nous décrire les deux événements dont vous parlez ?

Maïlys : Il y a le calendrier. Lors des shootings photo, une de nous prend un peu en plus main la direction artistique et l’organisation tout en tenant compte de l’avis des autres. Et les personnes présentes nous aident à monter et faire évoluer le projet comme Tristan Szylobryt qui a donné un coup de main à notre lighteux, en plus de proposer des idées créatives.

Léa : Le deuxième projet est d’enregistrer des témoignages pour inonder les réseaux de toutes ces beautés de filles du spectacle, techniciennes grâce à de courtes vidéos façon Konbini où elles se présenteraient pour parler de leur métier et donner envie à d’autres femmes de se lancer dans ce milieu.

Maïlys : Par le biais de ces témoignages, on veut envoyer le message aux enfants et aux adolescentes que tout est possible. J’ai été extrêmement touchée par des jeunes filles qui considéraient certains métiers comme uniquement réservés aux hommes et qui s’empêchaient de les considérer pour elles-mêmes. On est en 2021, comment peut-on encore s’interdire de pratiquer un métier quel qu’il soit ? En discutant et en échangeant on arrive parfois à débloquer des choses même si ça reste compliqué, notamment quand les parents ne sont pas ouverts.


Longue attente du lever de rideau.

SLU : Du coup vous êtes une association qui met en valeur les femmes du spectacle mais vous n’êtes pas féministes. Que pensez-vous pouvoir apporter à vos adhérentes et adhérents ?

Maïlys : Certaines d’entre nous sont des féministes engagées mais ce n’est absolument pas l’objectif des Leatherwomen de se positionner en tant que tel.
Nous souhaitons offrir un espace d’échange professionnel mais aussi social et déconstruire des idées reçues auxquelles nous avons toutes et tous été confrontés comme le fait qu’il existe des postes plus féminins parce que plus orienté vers l’artistique alors que d’autres ne seraient réservé qu’aux hommes parce que très techniques.
On souhaite aussi promouvoir des personnes qui puissent inspirer la jeunesse et leur ouvrir des horizons de carrière car nous pensons sincèrement que le spectacle est aussi un métier de femme.

Leatherwomen est une association où le féminisme n’est pas une fin en soi, mais qui porte une très forte envie de débloquer les choses et d’ouvrir des horizons. Elles viennent tout juste d’organiser un shooting photo pour l’édition spéciale « Festivals » qui sera publié le 21 juin prochain.
Elles organiseront une prochaine session durant l’été ainsi qu’un café-apéro-rencontre dans un parc parisien courant septembre afin de présenter les prochaines actions de l’association. Vous pouvez également visiter leur site Internet pour plus d’informations avec la possibilité d’adhérer probablement dès la rentrée. A Soundlightup on applaudit ce projet qui comble un vide dans tous les sens du terme.

Si vous souhaitez plus d’information, vous pouvez visiter :

– Le site Leatherwomen
– Facebook Leatherwoman Event
– Insta Leatherwomen Panam
– Linkedin Company Leatherwomen

 

Crédits - Texte par Allison Cussigh – Photos : Leatherwomen , Chang Martin Photographe, Kobayashi Photography

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