Soprano a repris son vol

2022 a vu le retour de Soprano avec son Chasseur d’Étoiles Tour dans 5 stades dont le Matmut à Bordeaux. Nous avons eu le plaisir d’y être accueillis par Aymeric Sorriaux, le Directeur technique de la tournée via sa société Teckoff ainsi que par les équipes de Dushow et Alabama, pour une longue journée où nous avons pu faire le plein d’idées, de compétence et de talent.

Une vue du Matmut Atlantique, le stade de Bordeaux transformé en Arena a ciel ouvert. On devine à gauche les dais couvrant la régie HF et retours et tout au fond ceux du mix face et des lumières/vidéo. Entre autres.

La matière est telle que nous vous proposons 2 reportages à la taille d’un événement impressionnant. Cette première partie parle du son avec la diffusion, le mix face, le mix retours immersif et la HF. Dans quelques jours on vous offrira un second reportage tout aussi dense si ce n’est plus, car il fera la part belle aux éclairages, à la vidéo, au Smode, aux écrans mobiles et aux effets en tous genres.


Notre arrivée au Matmut se fait sous la pluie, froide et insistante, une fois n’est pas coutume en ce mois de juin 2022. Comme toujours avec Soprano, la technique est très présente et grâce au talent de Julien Mairesse, les huit tours et la scène centrale, composent un ensemble utile pour porter l’éclairage, la vidéo et le son, mais aussi pour accompagner l’artiste dans sa proposition artistique.

Un coup de fil pour le sortir de sa tanière qu’on devine derrière lui et un sonore : « mais qu’est-ce que tu fais là » passé, on retrouve l’humour et la gentillesse de Wilfried Mautret. Sa compétence aussi.

Quelques pistes du virtual jouées avec une bonne pression par une partie de la diffusion, laissent apprécier le casse-tête qu’est la sonorisation d’un stade. Les réflexions sont dures et vilaines, mais seront heureusement masquées par la qualité et le nombre des points sonores (seule une partie du système joue), et par des gradins et un parterre combles.

Notre balade en liberté même si humide nous conduit à la régie son d’où l’on extirpe un Wilfried Mautret plus souriant que jamais. Il a conçu le gros système de cette tournée des stades avec son binôme Christophe Chapuis qui connait bien L-Acoustics tourne depuis pas mal d’années avec Soprano et a des relations de confiance avec l’artiste comme avec toute l’équipe.


Sous des trombes d’eau, une des quatre tours portant le système principal et les subs. Comment s’y retrouver ? la présence de K1. Les rappels n’ont « que » K2.

SLU : C’est vivant un stade…

Wilfried Mautret : Ahh oui, et chacun a sa couleur, son TR, ses réflexions. Marseille, Lyon…Ici ce serait bien pour un stade, le toit micro-perforé est utile, s’il n’y avait tout ce verre. (soupir)

SLU : Tu as conçu le système de cette tournée, c’est le même partout ?

Wilfried Mautret : Oui, pour ces 6 dates on déploie la même scène centrale, huit tours qui portent le bois et l’éclairage/vidéo dont 4 principales et 4 délais, et 4 passerelles appelées bras qui relient les tours proches et distantes avec la scène. Au-delà des tours, il y a beaucoup de débouchage qu’on détaillera plus tard.

SLU : Pourquoi plus tard ;0)

Wilfried Mautret : OK ! Chaque bras dispose de six X15 soit 24 en tout. Autour de la scène on a 4 paires de stacks composés d’un gauche/droite de 3 SB18 en montage cardio et 2 Kara.

Les 4 tours encerclant la scène et portant le système principal en K1+K2. Si vous regardez attentivement on devine à l’intérieur des pointillés rouges, les stacks de 3 SB18 et les 2 Kara.

SLU : Pour le système c’est plus compliqué

Wilfried Mautret : Un peu. On a sur les tours 5-6-7 et 8 dites Mains et collées à la scène, quatre gauche / droite / sub.
Sur les tours 1-2-3-4 dites Rappels et placées au bout des bras, quatre gauche / droite. Les systèmes diffèrent légèrement pour les Mains.
Sur les 2 points de diffusion principaux équipées pour le champ proche il y a 8 K1 prolongés par 8 K2 et pour le champ lointain, 10 K1 et 8 K2. A ces têtes et par tour, s’ajoutent 15 KS28 en ligne cardioïde.

Les 4 tours de rappels sans subs et uniquement constituées de K2.

Pour les Rappels on a 8 fois la même configuration de 16 K2 à raison de 2 lignes par tour, une en Side et une en Virage.

On fait à tête reposée un rapide calcul et on tombe sur des chiffres qui donnent le tournis, n’oubliez pas votre baudrier ! 192 K2, 72 K1, 60 KS28, 24 SB18, 16 Kara et 24 X15. N’oublions pas non plus les 164 LA12X et les 4 x 125T et 4 x 63T pour gaver tout ce petit monde d’électrons à musique !


La puissance de deux lignes du système Main tirant à 90° l’une de l’autre et montrant l’importance d’avoir plus de K1 pour aller taper loin dans les virages derrière les buts et moins pour les grands côtés dits side. Remarquez aussi la vaste zone où viendront s’encastrer pile poil les délais en K2.

SLU : Ça ne doit pas être facile d’être en phase partout, les distances sont grandes…

Wilfried Mautret : C’est le problème des stades, tu as beau faire des mesures, tu es obligé de faire des choix et les zones de compromis sont tellement grandes…
L’autre souci c’est que nous avons un carré au centre avec les tours 5, 6, 7, 8 mais enchâssé dans un rectangle avec les 1, 2, 3 et 4 donc, comme on n’est pas aligné sur deux cercles concentriques, le calage temporel s’avère délicat entre la longueur et la largeur.

La couverture d’un des 4 points de délai identiques et composés de deux lignes de 16 K2 venant parfaitement remplir les virages.

Avec Christophe Chapuis avec qui on a fait le design, on a fait le choix de considérer les délais en K2 comme une source unique et de ne pas délayer différemment entre les lignes.
Ce qu’on aurait gagné sur le K1, on l’aurait perdu entre les K2. Ça reste malgré tout intéressant dans les trois quarts du stade (On confirme NDR) puisqu’avec ces délais on se rapproche des virages qui sont très loin de la scène et ont parfois une visibilité moins bonne.


Une des tours de délai complètement découverte. L’écran vidéo est tout en bas.

SLU : Pas de K1-SB ?

Wilfried Mautret : Non, on fait tout avec les K1 et les K2, plus les KS28 bien sûr. Le bas est suffisant comme ça et porte bien avec les 4 lignes de subs. A Lausanne on a sorti un peu moins de bois vu la configuration du stade sinon, on accroche tout.

SLU : Ils sont longs tes arrays, elles portent lourd les tours…

Wilfried Mautret : On n’a aucun problème avec la charge mais plus avec la prise au vent. On ne pouvait pas en mettre plus sans se compliquer la vie d’un point de vue légal donc on roule comme-ça et c’est très bien.

SLU : Sur les 8 tours un carré formé par 4 écrans ajourés monte et descend en passant devant les lignes…

Wilfried Mautret : Ouai (rires) Je ne vais pas te mentir, il se passe quand même quelque chose. Plus que les divers panneaux reliés entre eux qui forment les écrans et qui sont bien ajourés, ce sont les cadres de ces écrans.

Ils sont plus épais et plus rigides et provoquent une baisse dans l’extrême aigu. Notre chance réside dans la qualité d’une image qui bouge et qui est diffusée dans un écran qui bouge lui aussi et capte l’attention des spectateurs. Du coup je pense que personne ne se rend compte que le son change un petit peu à chaque passage.

Les écrans en position médiane, les boîtes du bas sont masquées.

SLU : Et préparer une égalisation que tu rentres en crossfade à chaque arrivée de l’écran ?

Wilfried Mautret : Il y a 8 écrans qui bougent indépendamment les uns des autres, parfois ils montent jusqu’en haut, parfois s’arrêtent à la moitié, bref, il faudrait un suivi mât par mât et en fonction de la quantité de masquage, non, ce n’est pas faisable. Nos camarades d’Indo ont pu travailler une préaccentuation car il n’y a qu’un point d’émission derrière un écran tubulaire, nous c’est fois 8 et ça bouge sans cesse (rires !)

Le montage cardioïde d’une des 4 lignes de subs et comme nous l’a dit Will : « Les subs ont beau être très espacés, la directivité étant gérée à la fois verticalement par la ligne et horizontalement par le preset cardio, on obtient une pomme à toutes les fréquences et comme elles sont ouvertes à 45°, on réduit d’autant l’interaction.

SLU : Tu nous expliques tes 4 lignes de subs ?

Wilfried Mautret : Le montage cardioïde déjà évite d’envoyer trop d’énergie sur scène. Il y a 60 subs qui l’entourent… Le ratio est d’un reverse pour trois subs et c’est le montage idéal.
Ensuite on a cherché à être un peu directifs pour aller dans la longueur. Enfin on n’a pas joué sur le lobe en délayant les subs.
Le résultat est bon et c’est pour ça qu’on n’a pas trop chargé au sol. On a juste les 8 stacks en SB18, car moins t’en mets…

SLU : Plus t’en as. (sourire) Combien de semi-remorques pour le son ?

Wilfried Mautret : On en a 5. Une semi-remorque par bras main + délai plus les régies et tout le reste…En tout il y en a 35 sur la route.

La couverture des 4 tours principales en K1 et K2. Sans parler de trous, il y a de la place pour les délais.

Les voici les délais. Will a par ailleurs fait le choix d’inverser le gauche droite entre Mains et Délais. N’oubliez pas les renforts au sol, qui complètent le dispositif et ne sont pas montrés ici.


SLU : Comment gères-tu les liaisons entre la régie son et les points amplis ?

Wilfried Mautret : Avec un réseau AVB doublé en analogique et transporté en Dante avant de repasser en analogique pour attaquer les LA12X.

SLU : Vous avez quoi comme switches AVB ?

Wilfried Mautret : On est en Luminex et ça marche très bien car ce sont des gens vraiment orientés spectacle qui comprennent tout de suite de ce dont on parle et leur soft de management Araneo, c’est juste redoutable.

SLU : Vous partagez la fibre avec les lumières ?

Wilfried Mautret : Oui, on a des MTP-24 qui partent des régies mais on ne mutualise pas. Chacun a ses brins qui sont redispatchés sous la scène. Je ne suis pas trop pour la mutualisation même si sur des shows de plus petite taille cela se fait, en revanche se passer des brins dans une fibre, bien évidemment! Le risque de la mutualisation c’est la perte d’un switch au travers duquel passent trop d’infos. Tu me diras aussi qu’un show où il n’y a plus de son, ou alors plus de lumière et de vidéo…

Le synoptique de la distribution de l’AVB et du Dante / Analogique en spare entre la régie FOH (double switch à gauche) et les 8 points amplis à la verticale de chaque tour et matérialisés par une paire de Gigacore, un pour l’AVB et l’autre pour l’analogique une fois le Dante converti à l’aide d’une carte Avio.

SLU : Toute la partie réseau tu l’as…

Wilfried Mautret : Faite avec Christophe Chapuis ! Je l’ai rencontré l’année dernière sur la tournée d’été de Soprano et comme il est aussi très bon en diff, je lui ai proposé qu’on fasse ça tous les deux. Il y a aussi Marco Saby qui a la main sur le réseau dans son ensemble et qui assure vraiment.
Je peux te dire qu’il n’est pas près de manquer de boulot Marco, car sur des tournées de cette taille avec autant de corps de métier entre son, éclairage, machinerie, vidéo pour ne citer qu’eux, il vaut mieux avoir quelqu’un de 100% dédié à ça. (Marco répondra à nos questions dans le prochain épisode dédié aux lights).

La boucle Optocore comme si vous y étiez et volée sur l’écran de Wilfried !

SLU : La régie retour et HF est placée face à la scène mais loin de ta régie son qui est dans un des virages. Comment véhicules-tu les signaux ?

Wilfried Mautret : On a une boucle Optocore qui passe des SD-Racks aux deux consoles DiGiCo et chacun se sert de ce dont il a besoin et injecte ce qu’il faut dedans. L’idéal pour de grandes distances.

On quitte les tribunes où Wil nous a raconté son bois pour rejoindre la régie son en compagnie d’Olivier Dulion qui mixe la face et Christophe Chapuis qui complète l’équipe, et pas qu’un peu !

Mais avant de lui donner la parole, écoutons Aymeric Sorriaux qui a emmené un JRI de France Bleu Gironde en haut d’une nacelle pour quelques mots sous le soleil et une vue imprenable sur le Matmut Atlantique


Olivier Dulion : On a deux SD-Rack sous la scène pour tous les signaux analogiques et en général tout ce qui arrive ou aboutit à la scène, il y en a un troisième avec des cartes AES à la régie retours / HF pour récupérer les micros Shure Axient Digital et alimenter les émetteurs ears Wysicom de Pascal Rossi.

Toujours sur la boucle Optocore on a une Orange Box et enfin, revenons sous la scène, on a un DD4 Optocore pour récupérer les flux MADI en provenance des Ableton Live main et spare pour les séquences, et enfin le Time-Code qui fait tout bouger y compris, je crois, dans la maison d’à côté (le dais où se trouve la régie Lumière, Smode etc.) La console face sort en AES que nous passons avec P1 en AVB.

Les trois lanciers de la régie FOH. De gauche à droite Olivier Dulion, Christophe Chapuis et Wilfried qui se demande si on ne s’est pas déjà vu quelque part.

SLU : Et le second P1 ?

Christophe Chapuis : Il nous sert à créer la redondance entre AVB et analogique, une bascule qui se fait automatiquement dans les contrôleurs L-Acoustics. Ce 2ème P1 reçoit un flux analogique de la console d’Oliver mais aussi de celle mixant la première partie. Ce même P1 ressort en analogique vers un Dante Avio.

Il n’était pas question de véhiculer de l’analogique sur de telles distances, c’est donc en Dante que le signal de secours arrive dans chaque point d’amplis et est distribué par un ensemble de switches PoE, en sortie desquels d’autres Dante Avio restituent de l’analogique pour attaquer les contrôleurs.

SLU : Qui clocke l’ensemble ?

Christophe Chapuis : La boucle Optocore. On ne pouvait pas laisser les deux Live le faire. Sous la scène où se trouve la régie Ableton, deux MadiFace servent de cartes son pour les Live Main et Spare, et ce sont ces deux cartes qui alimentent la boucle Optocore via un DD4. Comme cette même boucle « traverse » le SD-Rack, c’est ce dernier qui donne l’horloge aux MadiFace.

La régie FOH avec dans le rack de gauche les effets en rack d’Olivier et dans celui à droite, le drive. Tout à droite et dans le -petit- écran, le LA Network Manager d’un -gros- système.

SLU : Tu n’accompagnes pas Sopra depuis très longtemps…

Olivier Dulion : Non c’est récent mais je suis très content d’être tombé sur cette équipe de gens dont j’en connaissais certains depuis pas mal de temps Cela fait 27 ans que je mixe retours et face et c’est lors d’un passage avec Aya Nakamura aux Francos où mon mix a été entendu par des membres de l’équipe de Soprano et a plu, du coup, me voilà sur les Stades.

SLU : Et des lieux de cette taille c’est nouveau pour toi ?

Olivier Dulion : A la face oui, mais avec Bruel, du moins ses guest, j’ai déjà mixe des retours au Stade Pierre Mauroy à Lille. Pour en revenir à ta question, un stade c’est spécial même si le design de la diffusion permet d’avoir un ratio important de direct et ce, je crois à peu près partout, notamment grâce aux K2. Juste à Lausanne, j’ai mixé avec un slap back très audible et un peu moins de réverbération.

Christophe Chapuis : On vient de Lyon ou le RT60 est de 4 secondes et Marseille où on est proche de 7, de ce point de vue, Bordeaux s’en sort très bien pour sa taille sauf dans le grave où ça traine plus qu’ailleurs.

Une vue du show. Parler d’un stade comble n’est pas un vain mot puisque cette image a été prise depuis le « bureau » bordelais d’Olivier Dulion.

SLU : Du coup vous jouez à combien ?

Wilfried Mautret : Raisonnable, dans les 96 dbA. C’est un spectacle et un public familial, on n’est pas là pour mettre à donf tout le temps. Il faut trouver un niveau acceptable pour passer un peu le champ réverbéré sans faire mal, tout en étant intelligible et surtout sans trop exciter le lieu. Le compromis pas évident à trouver. (sourires)

La version plug sur UAD-2 du célèbre Distressor, pour la peine coupé en deux. En dessous on aperçoit le museau du Precision De-Esser.

SLU : le patch est de combien ?

Christophe Chapuis : On tourne à un peu plus de cent avec les ambiances, les mix entre les consoles et d’autres babioles, mais en sources pures on en a 69 dont par exemple 25 lignes pour l’Ableton et des guitares en stéréo, des claviers en stéréo, en fait c’est ce qui fait grimper le nombre. On n’a que 31 sources.

SLU : Il y a des particularités dans le mix de Soprano ?

Olivier Dulion : Il faut suivre les niveaux entre les instruments joués en vrai et ce qui sort du Live, avec parfois des priorités à l’un ou l’autre. La voix de Sopra dispose d’une compression parallèle avec un Distressor sur UAD-2, et comme ça brille souvent un petit peu, on a deux dé-esseurs aussi en plug. Pour les frangins et Florian Rossi (un des deux musiciens) j’ai une plate EMT et puis…

Trois jolis périphériques, deux processeurs Bricasti et tout en haut le désormais classique Fusion de SSL.

SLU : Attends une seconde; elles servent à quoi alors tes deux Bricasti M7 si tu émules tout ?

Olivier Dulion : Pas tout, j’en ai une avec une réverbe longue et une courte en permanence sur la voix de Sopra. Parfois les deux ensemble.

SLU : Mais des belles réverbes comme ça dans des stades…

Olivier Dulion : Bon, c’est vrai qu’ici elles ne sont pas indispensables et qu’au Vélodrome le VCA est resté assez bas (rires) du coup je m’en sers aussi en tant qu’effets sur certains titres où il faut encore prolonger certaines notes comme sur Coeurdonnier.

SLU : Est-ce que le Distressor en plug est l’équivalent du vrai à l’oreille ?

Olivier Dulion : Noooon, mais c’est vachement bien foutu et ça fait deux boulots à la fois. J’ai peu d’effets en hardware et pourtant je viens d’en rentrer un pour redonner du volume à une chanteuse et éviter les accrochages, le Primary Source Enhancer de Neve Portico. Je l’ai vu avec l’ingé de Tears for Fears et ça marche car au-delà de faire reculer l’accrochage, ça nettoie bien la pollution des premiers rangs. En plug dans la CL5 c’est moins bien…Peut être sur Rivage ça marche mieux.

SLU : A propos de consoles, pourquoi DiGiCo ?

Olivier Dulion : Le gars qui bossait avant était sur une SSL et Pascal aux retours aussi. Pour simplifier j’ai continué avec. Quand plus tard j’ai pu choisir, j’ai demandé DiGiCo car la SSL est bien, mais plus difficile à bosser. Comme Pascal souhaitait avoir une Quantum, on en a profité pour mettre en œuvre une boucle Optocore. Avec les consoles il y a toujours moins bien et mieux, mais c’est tellement subjectif. Toutes marchent avec les Midas peut être un peu plus typées que les autres ce qui n’est pas un défaut !

SLU : Pourquoi deux consoles à la face ?

Olivier Dulion : J’ai préféré que la console de la première partie soit complément autonome d’autant qu’elle fait aussi les retours depuis la face et les Berywam qui sont champions du monde de beatboxing nécessitent des traitements spécifiques qui auraient demandé que je câble et décâble des trucs. On n’est jamais trop prudent !

SLU : Virtual ?

Olivier Dulion : Bien sûr. Le montage me permet d’abord de vérifier que tout marche et je peux recaler notamment mes dé-esseurs et mes réverbes. Je fais ça avec une paire de 108P et un sub que je démonte avant le show. Bien entendu certains réglages sont à confirmer le soir sur le gros système (sourires) car on ne détache pas les éléments les uns des autres en finesse dans un stade par rapport à une écoute de proximité !


Julien Mairesse, l’homme qui parle à l’oreille des artistes, et parfois aussi aux dictaphones des journalistes…

Et là, Julien Mairesse arrive tel Zorro, sans se presser mais avec un sourire éclairant son visage et trahissant le plaisir d’enfin retrouver son boulot et servir encore mieux Soprano, sans limitations de jauge, sans masques et sans tubas !

Julien assure la scénographie, la mise en scène du show et aussi la direction artistique. Il nous propose une visite de la scène telle qu’il l’a conçue et qui commence à sécher, la pluie ayant cessé d’arroser le Matmut Atlantique.

Julien Mairesse : La mise en scène est généreuse et à la mesure des stades. Au centre on a une tournette, un lift et 8 écrans qui n’ont de cesse de monter et descendre. Les artistes, Soprano en particulier, peuvent arpenter les 4 bras et se balader sur scène à 360°.

L’objectif de départ est que personne ne soit oublié où qu’il soit et Sopra est l’un des rares artistes capables d’accueillir la proposition et de la nourrir par le mouvement, la générosité et le talent, sans jamais pouvoir s’adosser à un décor.

Le haut du plateau. On devine à gauche la tournette ainsi que la fosse bâchée où… (chuut, on ne spoile pas) A droite une des trois fosses où opèrent les musiciens, chacune disposant d’une trappe menant aux « coulisses » au niveau du sol.

J’ai comptabilisé chaque mouvement de l’équipe artistique pour faire en sorte que chaque zone du stade ait le même nombre de rendez-vous avec les artistes.
Des escaliers et des trappes permettent à toute l’équipe artistique de se déplacer sur et sous la scène plus facilement.

SLU : Est-ce que dans un stade les arbitrages sur la nature et le nombre d’effets visuels est plus complexe ?

Julien Mairesse : Forcément. Quand on a cinq effets sur scène et qu’on veut les déporter au plus près des gradins, il n’y en aura plus qu’un pour le même prix, car cela va démultiplier le câblage et la manutention à cause des distances qui sont gigantesques. Cela va se révéler en plus chronophage. En stade encore plus qu’ailleurs, tu mesures toutes tes décisions et tu apprends à prioriser en favorisant l’efficacité du show dans son ensemble quitte à sacrifier un effet ponctuel qui va assécher ton budget.

Le show vient de débuter et, lumière du jour oblige, tout ce qui peut fumer fume, éclairer éclaire, sonner sonne, danser danse et chanter chante…

Dans ce type de lieu il faut y aller en puissance et générosité à la fois pour capter l’attention d’un très grand nombre de spectateurs et les servir de ton mieux tant qu’il ne fait pas nuit. Ce n’est qu’à ce moment-là que tu peux te reposer un peu sur l’aspect onirique du show.

SLU : Les flammes en tête de mât…

Julien Mairesse : Ça marche bien et on peut y aller sans danger contrairement à celles sous les catwalk où pour chaque tir, les étapes de sécurité sont nombreuses et le risque toujours possible malgré la somme de précautions que nous prenons. Les Grenoblois de Live Fx ont été sélectionnés parmi trois boîtes en vertu de la qualité de leurs idées et de leurs propositions sur des scenarii précis.
Ce sont eux aussi qui ont fourni les machines à fumée qui animent les écrans mobiles pour donner corps à l’histoire de l’atterrissage de la fusée en début de spectacle et aussi pour me permettre des changements à vue et quasiment en plein jour.

La puissance évocatrice des torches complétées dans leur effet par les écrans vidéo, y compris les 4 ceinturant la scène.

SLU : Tes débuts en pro dans les équipes du Stade de France te servent…

Julien Mairesse : Bien sûr, je connais un peu l’exercice et j’ai pris comme gabarit le terrain de football qui est le fil rouge de chaque stade, qu’il soit olympique ou pas, et qui est le même partout. J’ai une tendresse pour le SDF car venant de ma province, c’est là-bas que j’ai débuté dans le métier.

Julien Mairesse et Aymeric Sorriaux. Vous avez demandé la technique, ne quittez pas…

J’ai quoi qu’il en soit intérêt à être performant dans cet exercice puisque la semaine dernière on jouait au Vélodrome et Dadju passait au Parc des Princes et ce soir où l’on va jouer à Bordeaux, j’ai Vitaa et Slimane qui se produisent au Stade Pierre Mauroy de Lille. Un problème de riche (rires !)

Malgré le volume de son récepteur HF au minimum et le mobile sur vibreur, on comprend qu’il faut rendre Julien à ses équipes.
On en profite pour aller rendre visite aux retours où officie Pascal Rossi avec la complicité d’Eddy Lavillunière et d’Anthony Joppien.
C’est sous leur dais que se trouve aussi la HFferie au grand complet et une surprise qui botte manifestement Pascal, une matrice immersive Klang.

SLU : Pourquoi et comment en es-tu venu à choisir d’utiliser une matrice immersive Klang pour cette tournée ?

De gauche à droite Eddy Lavillunière en charge de la HF, Pascal Rossi ingé son retours et Anthony Joppien assistant retours.

Pascal Rossi : Ça fait un petit moment que je mixe pour des ears et quand dans les musiques nouvelles tu te retrouves avec beaucoup de pistes et d’informations simultanées, avoir la possibilité de les gérer autrement et mieux, c’est très agréable. Je connaissais l’existence de ce système via leur démo qui est très bien faite.
J’ai donc profité de la tournée des festivals qui a précédé celle des stades pour prendre une matrice chez Dushow et l’essayer sans pour autant donner son mix aux artistes.

La DMI-Klang ou comment pouvoir alimenter 16 paires d’oreilles avec un mix issu de 64 signaux a 48 ou 96 kHz avec une latence d’un quart de milliseconde.

Comme je trouvais ça intéressant, pour lancer les stades j’ai troqué ma SSL pour une DiGiCo afin de bénéficier de la commande avec l’écosystème Klang et j’ai travaillé sur des virtuals pour bien l’avoir en main.
Lorsque j’ai montré le principe à Sopra, il a écouté et il a immédiatement adopté le système. L’avantage évident est de trouver de la place pour l’ensemble des sources et de dégager la voix.

L’intégration entre la matrice et la console est parfaite depuis l’entrée de Klang dans le groupe Audiotonix.

SLU : La voix justement, elle garde son impact et sa précision ?

Pascal Rossi : Il trouve qu’elle sonne très bien. J’ai dû à un moment revenir au mix stéréo à cause d’un bug réglé depuis, Sopra m’a tout de suite demandé de remonter sa voix. C’est donc vrai qu’on mixe moins fort quand on entend mieux.
C’est super et selon moi, c’est l’avenir des ears. La voix par exemple tu peux la placer pile au centre et spatialiser les autres sources tout autour en jouant en plus sur l’élévation. Bien sûr que la hauteur est un « truc » mais ça marche.

SLU : Pas d’artefacts ou d’étrangetés dans le rendu ?

Pascal Rossi : Non et de toute façon les avantages dépassent largement les inconvénients. Même la latence n’atteint que 0,25 msec.

SLU : De quelle version de moteur disposes-tu ?

Pascal Rossi : La carte DMI-Klang dans une OrangeBox.

SLU : Comment cela se fait-il que vous soyez devant la scène et pas en dessous ?

Pascal Rossi : Il n’y a pas assez de place et de hauteur, ce n’est pas très étanche et il y a déjà plein de monde qui a besoin d’être au plus près du plateau. On est bien ici.

Les dix émetteurs ears MTK952 Wisycom et les deux combineurs CSI16T/W en mode 4×4 vers 1. Il faut donc 5 antennes pour récupérer le signal en sortie des combineurs. Qui dit 4 émetteurs dit une atténuation de 6 dB, soit une puissance de sortie de 1 watt par MTK952.

SLU : Tes ears sont en Wisycom…

Eddy Lavillunière : Oui, j’ai besoin de puissance car les bras et donc les artistes vont loin et les antennes d’émission sont au-dessus de nos têtes. Pour ne courir aucun risque, j’émets à 200 mW, cette puissance étant celle à la sortie de l’antenne via le combineur Wisycom et pas ce que sort l’émetteur double MTK952.
En plus la qualité audio de ces liaisons ears est très bonne. On rentre en AES dans les émetteurs et le système DDS numérique donne une séparation stéréo de 70 dB avec un multi-compandeur sur DSP.

Toujours pour garantir des transmissions robustes, on a des liaisons micro Axient Digital en exploitant le mode Quadversity, à savoir d’utiliser deux paires d’antennes séparées sur les 4 entrées HF des récepteurs quadruples AD4Q de Shure, et cela pour avoir plus de sécurité qu’en simple Diversity qui n’en exploite que deux. (Cela réduit de moitié le nombre de liaisons utilisables avec un récepteur AD4Q NDR) Une paire d’antennes est au-dessus de nous et la seconde déportée par de la fibre en Wisycom, est placée de l’autre côté de la scène.


Portées par des pieds télescopiques, l’ensemble des antennes Wisycom d’émission et de réception placées au-dessus des dais face à la scène. Ne manquent que celles déportées par la fibre et placées à l’opposé dans le stade.

L’ensemble des récepteurs. Sept AD4Q Shure, ce qui en Quadversity correspond à 14 liaisons et en dessous trois EM3732 Sennheiser bénéficiant de la matrice MAT288 placée au-dessus et dédiés à 6 liaisons « techniques et prod » dont les micros d’Aymeric Sorriaux ou de Julien Mairesse pour n’en citer que deux. Dans ce même rack on trouve un combineur/splitteur SPL2216, un splitteur large bande SPL218AW et le transmetteur/récepteur fibre MFL RRTT équipé afin de recevoir et transmettre.

SLU : Il y a aussi des récepteurs Sennheiser, ils passent par tes aériens Wisycom ?

Eddy Lavillunière : Oui, il s’agit de six micros de com qui sont aussi très importants et qu’il n’est pas question de perdre quand les émetteurs passent par exemple sous la scène.

Grâce à une matrice MAT288, je récupère les deux paires d’antennes AB et CD et je les somme pour alimenter les récepteurs EM3732 après une adaptation du plan qui n’est pas le même.
C’est cette même matrice qui me permet de faire des scans à partir des antennes locales, ou de celles placées de l’autre côté du stade.

Et le show fut

La pluie ayant définitivement quitté la ville de Bordeaux, les dais protégeant les régies sont repliés et le spectacle peut démarrer sous un ciel assagi mais où les étoiles ont du mal à se montrer. C’est qu’il fait encore sacrément jour au Matmut, fin juin oblige.

Comme toujours avec Soprano, des familles entières attendent que le show démarre.

Ce qui s’annonce comme un show total, est fidèle à sa réputation, c’est gros, un peu bavard, très bon enfant et ça emporte tout sur son passage, surtout la morosité. C’est vrai, la masse du public absorbe le son et après quelques titres, on en oublie les réflexions, les petites interférences entre Main et Delay dues au carré dans un rectangle et le TR du stade.

Soprano arpentant les bras de l’immense dispositif créé pour lui permettre d’aller au plus près de son public. Pour ceux qui ne le voient pas, un cadreur et une paluche sur une longue perche alimentent Roman Fortune, le réalisateur en direct des images projetées sur les écrans. Pas l’once d’un accrochage durant ces longues balades au plus près des boites les plus basses.

Ça sonne bien avec du grave qui tape et qui porte, merci les 15’’ et 12’’des K1 et K2, sans parler des 4 lignes cardio de KS28 qui délivrent un extrême grave très précis et beaucoup plus ferme que ce qu’offrait le couple SB28 et LA-8.

Pour les avoir entendus plus tôt dans la journée, les rappels en K2 ne sont pas un luxe et donnent un son full range qui fait la joie des moins bien placés, du coup on peut être loin, dans un virage ou tout là-haut, on en a pour son argent.

Enfin bravo et merci à Olivier Dulion de tenir ses niveaux et de laisser s’exprimer Soprano et ses frères sans jamais passer en force. Son mix est très bien construit et tire idéalement parti des 16 lignes de diff et de l’acoustique si particulière des lieux.

On reviendra dans peu de temps sur ce show pour parler du travail sur les lumières de Victorien Cayzeele, mais aussi sur la vidéo réalisée par Roman Fortune et masterisée au Smode, capable à la fois d’être belle, utile et entrainante grâce aux écrans mobiles.
Enfin sachez que Soprano repart en 2023 sur les routes pour 44 grosses dates dont un Stade de France le 6 mai.

Pour plus d’infos encore sur :

– Le Facebook Teckoff
– Le site Dushow
– Le site Alabama media

 

Crédits - Texte : Ludovic Monchat - Photos : Ludo, W. Mautret, L-Acoustics, A. Sorriaux, E.Lavillunière

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