Pan-Tilt, prestataire de ce concert one shot du groupe métal Alcest au Bataclan, aura fourni à l’éclairagiste Thomas Desrosiers un superbe kit emmené par les Ayrton Ghibli et Karif. Avec, il crée une ambiance étoilée et aérienne s’éloignant souvent des codes du métal.

Quand j’entre dans le Bataclan, ce 17 décembre 2022, il est 15 heures et tout le monde s’active à la scéno. Thomas quant à lui est en train de finaliser ses positions. Des petits wash Oxo Colorbeam 150 BFX montés sur pieds sont répartis sur scène et dans les ponts de manière irrégulière pour représenter un ciel étoilé cher au groupe Alcest complétés par une sculpture de croissant de lune conçu par Romain Dronne de chez Chirac Design, collectif dont Thomas Desrosiers fait également partie.
Le kit, principalement à leds, prévoit un contre particulièrement puissant créé par 8 x Ayrton Ghibli installés en V sur les cinq ponts du grill. Ils sont accompagnés de 4 x Claypaky B-Eye K15 qui répondent aux deux autres posés au sol derrière le batteur. Une belle ligne de contres au sol, assurée par 4 x Karif Ayrton, est ponctuée par 6 x StormLite HD Starway pour détacher les silhouettes avec panache.
A la face, 8 x Mac Aura Martin du kit du Bataclan ont été réquisitionnés. Reconnus pour leur polyvalence, ce job leur va comme un gant. Pour éblouir le public, en plus du groupe et de leur mystérieuse énergie, Thomas utilise 2 x Martin Atomic 3000, projecteur difficilement détrônable même si, la révolution Leds, les pousse vers la sortie.

Ce One shot sans résidence « Ce qui est un peu ambitieux » me confie Thomas, est issu d’un processus de création un peu particulier. Ici on communique principalement par l’image. Cette méthode de travail est issu d’une collaboration qui a démarré en 2017 au Hellfest.
Thomas Desrosiers : Ce show a été prévu pour fêter l’anniversaire de l’album « Écailles de Lune » sorti il y a 12 ans. Le groupe voulait une scéno qui le représente et Neige, le leader d’Alceste, dont les créations sont très poétiques, m’envoie des tableaux à utiliser comme référence pour créer le design de chaque titre.

SLU : Quel type de tableau t’a-t-il envoyé ?
Thomas Desrosiers : Il y a beaucoup d’art japonais et d’art abstrait. Ensemble on remplit des tableaux Pinterest et au fil des années, c’est la meilleure méthode qu’on ait trouvée pour se comprendre. Je trouve cela très intéressant car une œuvre est toujours composée d’un fond avec une touche de couleur un peu à part qui vient casser une certaine uniformité.
En fonction des titres, on va essayer de réutiliser ces ambiances dans le design. Je lui envoie ensuite des images de rendus grâce au logiciel Depence où on obtient une simulation très réaliste.
SLU : Et du point de vue de l’évolution des tableaux ?
Thomas Desrosiers : Pour l’encodage du titre en entier en revanche, Neige me fait confiance. Cela dit, c’est très théâtral avec très peu de mouvement. On a souvent choisi de les éclairer en douches mais sous une certaine direction.
Alceste les inspirations et le travail de recherche avec Thomas
Pour communiquer, Le chanteur et son éclairagiste échangent autour de tableaux et via des collections de photos sur Pinterest. Une originalité mais aussi une démarche qui reste logique pour le chanteur Stéphane « Neige » Paut passionné d’illustrations avant d’entamer une carrière professionnelle de chanteur-compositeur.

Neige : J’ai toujours été attiré par le style fantasy et je fais de la musique par rapport à des images, des paysages, des tableaux ou des choses que j’imagine. Quand je vais chercher à partager une idée de scéno avec Thomas, je lui envoie des références qui ne sont pas forcément réalisables avec nos moyens mais qui peuvent l’inspirer.
Souvent il s’agit de peinture symboliste, Art nouveau ou préraphaélite. On essaye aussi souvent de donner une touche végétale ou liée à la nature comme avec la Lune que l’on a modélisée. L’objectif est de transporter les gens le plus loin possible.
« Je pense qu’il y a beaucoup de choses à faire notamment dans l’évocation de la nature. J’envisage vraiment la lumière comme une expérience poétique. » Neige
SLU : Vous avez une manière très complète de voir la musique.
Neige : Pour moi la musique est une sorte d’art global entre les images, les paroles et la musique. On fait d’ailleurs un gros travail sur les pochettes de nos albums.


SLU : Un gros travail a été fait sur cette scéno, comment envisagez-vous la suite ?
Neige : Pour moi ce n’est que le début de notre collaboration. Je pense qu’il y a beaucoup de choses à faire notamment dans l’évocation de la nature. J’envisage vraiment la lumière comme une expérience poétique.
SLU : Thomas me disait que finalement les couleurs s’éloignaient des codes du métal avec l’utilisation de tons pastel.
Neige : On est dans des univers très oniriques et très doux qui pour moi sont cohérents avec le métal.
Le mur de fond de scène
Une nuit étoilée habille le mur de fond de scène de ce concert anniversaire de l’Album « Écailles de Lune » sorti en 2010. Les Colorbeam 150 BFX qui le composent sont complétés par une modélisation de croissant de lune particulièrement graphique et esthétique.

Ce petit projecteur Wash à Leds RGBW 150 W, particulièrement compact (L 170 x l 265 x H 210 mm pour 6,10 kg ndlr) est doté d’une cerce intérieure autour de sa lentille centrale de 40°. Il peut être utilisé au sol ou en suspension grâce à une poignée de serrage. Son petit prix en fait un compagnon de création très utile.

Thomas Desrosiers : La base de la scéno c’est le mur d’Oxo Colorbeam 150 BFX, qui est une réutilisation d’une tournée précédente. Je me sers de leur lentille pour créer des points de lumière un peu partout et répondre à la demande du groupe.
Ils sont assez fiables et personnellement je n’ai jamais eu de problèmes avec. En revanche, ils demandent un travail de réglage de colorimétrie et d’intensité quand on en utilise plusieurs ensembles.
SLU : Comment as-tu disposé ces différents éléments ?
Thomas Desrosiers : Neige adore l’asymétrie et donc rien n’est à la même hauteur. En plus il y a la Lune bien centrée en fond de scène. L’objectif était de s’éloigner d’une solution de backdrop pour obtenir une composition un peu plus abstraite.
La face et le contre

A la face, on retrouve les iconiques projecteurs wash Martin Mac Aura. Pour les accompagner, Thomas a prévu un éclairage de contre particulièrement puissant pour jouer en douche et en silhouette sur le groupe Alcest.
SLU : Tu me disais qu’Alcest ne reprenaient pas forcément les codes du Métal. Pourrais-tu m’en dire plus sur ton approche ?
Thomas Desrosiers : C’est très théâtral et il y a beaucoup de directions mais peu de mouvement pour privilégier les douches notamment. Les faces sont souvent en deux tons grâce aux deux Mac Aura que nous avons prévus par musicien et que j’ai trouvés très pratiques d’utilisation.
Les 13 lentilles du spot/profile Ayrton Ghibli projettent un faisceau remarquablement homogène, avec un flux de 23 000 lumens. L’amplitude de leur zoom extra-large s’étend de 7°à 56°.
Thomas Desrosiers : Les Ghibli sont tous installés en V pour créer de la profondeur vers le milieu du fond de scène où nous avons installé la Lune. Ils servent plus à réaliser de l’habillage et du graphisme qu’à éclairer les musiciens.
En revanche, les Karif posés au sol sont beaucoup utilisés en prisme car le fait de pouvoir superposer plusieurs prismes en plus de la roue d’animation donne un rendu qui répond parfaitement à une volonté du groupe de créer des effets aquatiques.
« Les Ayrton Karif posés au sol sont souvent utilisés en prisme car la superposition des prismes et de la roue d’animation donne un rendu incroyable que j’aime beaucoup. » Thomas Desrosiers


C’est un projecteur remarquable en termes de possibilités d’effets. J’ai juste un problème de décomposition de couleurs en superposition de prismes et donc parfois c’est compliqué d’obtenir les mêmes que celles des Ghibli ou des B-Eye.
L’Ayrton Karif-LT est un projecteur de 300 W de led blanches à 7.500K, pour 15 000 lumens de flux au travers d’une lentille de 168 mm et dont la plage de zoom s’étend de 3° à 45°. Projecteur typé Beam, son puissant faisceau condensé joue avec une incroyable roue spiralée de 39 gobos et 4 prismes différents.
Valeur sûre, le wash multisource B-Eye K15 avec sa matrice de 19 leds RGBW de 40 W, pour un flux étale au rendement maximal, assure une belle précision des couleurs et dispose d’un canal dédié pour contrôler la température de couleur de 2500 à 8000K et des simulations diverses dont l’halogène. La plage extra-large de son zoom mécanique s’étend de 4 à 60°.

SLU : Que penses-tu du Claypaky B-Eye K15 ?
Thomas Desrosiers : Il est plus puissant que le K10 et plus fiable. Son zoom est moins capricieux. Ici je ne m’en sers qu’en wash standard c’est-à-dire que je n’utilise pas les Shape. Je trouve que pour un Wash, il fait bien la balance en termes de puissance par rapport aux Ghibli.
SLU : Comment gères-tu les effets de fumée et le brouillard ?
Thomas Desrosiers : J’utilise une MDG pour le brouillard et deux machines Smoke Factory pour créer un effet de nuage lourd en fin de show. A ce moment toute la scène se remplit et le brouillard se dissipe rapidement.
L’effet est vraiment sympa et permet de basculer d’une image à une autre facilement. On les a positionnés derrière le batteur qui avait déjà un ventilateur pour se rafraîchir (rire). Ça permet de pousser toute la fumée vers l’avant et de la dissiper encore plus vite.

Le Bataclan aujourd’hui

Des arches et des sièges à visibilité réduite ont été retirés pour laisser place à une salle très modulable. La jauge passe maintenant facilement d’une configuration debout à une configuration assise grâce à une table élévatrice qui fait sortir les sièges de la fosse depuis le bar.
Ils glissent ensuite sur des rails jusqu’à la scène. D’autres rangées de sièges installés sur les côtés cette fois, sortent des corbeilles. Un avantage pour une date comme celle-ci où le public était venu très nombreux.
Un très beau design avec une lumière fine et aérienne pour répondre à l’inspiration créative d’un groupe en réflexion profonde de son œuvre, c’est ce qu’a su apporter Thomas Desrosiers lors de ce One Shot d’Alcest au Bataclan.
Le public est présent, bien présent même car on circule difficilement dans les allées parmi les silhouettes de métalleux hypnotisés par leurs artistes. Laissez-les apprécier les belles mélodies mises en valeur par les lumières des Ghibli et Karif, des B-Eye K15, Oxo Colorbeam 150 BFX et StormLite HD Starway qui, avec finesse et puissance, retranscrivent les riffs de guitares et de basse envoyés par les musiciens.
Les tableaux de Thomas s’enchaînent et laissent percevoir les inspirations de peintures symbolistes, d’art nouveau et préraphaélite partagé par Neige, le chanteur et leader du groupe. Avec son assistant lumière Peri Machado, l’éclairage de Thomas prend une autre dimension pour porter les spectateurs le plus loin possible.
L’équipe du Bataclan a bien évolué en adoptant une démarche de modernisation de cette salle historique de la ville de Paris. Ses techniciens sont aux aguets afin de fournir la meilleure expérience possible en accueil. Un professionnalisme à la française que l’Europe nous envie 😉
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