Jenifer à la Seine Musicale avec Rico, Bobo et Soundscape

Petit à petit l’immersif gagne du terrain y compris en France et nombre de tournées s’y essaient avec l’aide et la complicité de leurs prestataires et des deux marques française et allemande qui ont pris une certaine avance dans ce domaine.

Nous avons été à la rencontre des techniciens de Jenifer pour B Live lors de la date à la Seine Musicale, Rico Berrard au mix et Boris Jacquier-Laforge au Soundscape. Mais là où c’est interessant, c’est que nos deux compères ont décidé de se lancer en prenant quelques libertés avec les préconisations de d&b. Récit.

Bobo et Rico.

Boris Jacquier-Laforge, Bobo pour les intimes…: D’un côté il y a ce que les fabricants préconisent comme montage garantissant un résultat immersif optimum via des règles à respecter scrupuleusement, de l’autre la possibilité de parvenir à partir d’une implantation quasi standard, à bénéficier des effets du Soundscape.
Nous avons voulu voir jusqu’où on peu aller, quelles sont les limites en dessous desquelles ça ne marche pas.

SLU : Quelle est la configuration du système ?

Bobo : Un gauche/droite, un central et des outfields, avec un central rallongé pour porter plus loin. On sait qu’on n’est pas dans les clous car il faudrait cinq lignes identiques et ouvrant large dont l’écart ne dépasse pas 70% de la distance vis-à-vis des premiers spectateurs couverts par le système. Dans notre cas nous disposons d’un kit quasiment standard et donc…

Vu comme ça, on dirait un kit standard pour Zénith, 5 SL-SUB, 12 KSL et 9 V, mais la ligne centrale et la DS100 changent la donne…

SLU : Composé de beaucoup de 8 et quelques 12 !

Bobo : C’est ça. Le KSL du main comporte en standard dix boîtes de 8 et deux de 12. Nous avons réussi à panacher en huit KSL8 et quatre KSL12. Là où on s’en sort beaucoup mieux c’est avec la centrale en V où nous avons deux V8 en tête qui portent loin et huit V12 pour bien couvrir le reste de la salle.

Le truc qui change tout, la ligne de 10 V dont huit V12 et dans lesquels aboutissent beaucoup d’objets. Idéalement il faudrait du KSL, mais même en V, ça commence à bien démasquer.

Pour les outfields nous sommes passés de 6 à 9, toujours du V, et nous aurions voulu les employer en complément du système principal pour élargir l’image de certaines sources dont les effets ce qui marche très bien.
L’inconvénient réside dans la voix principale qui placée dans la matrice DS100, sort avec le maximum d’énergie par les V du centre, avec un complément dans le G/D et une dernière lichette dans les outfields.

Pour l’architecture Soundscape c’est parfait, mais comme on n’a pas exactement les boîtes et le nombre dans la centrale, on perd trop de voix sur les côtés, ce qui n’est pas possible vis-à-vis de l’artiste et du public.
Même avec une configuration optimum de 5 lignes identiques, on aurait dû placer des outfields pour déboucher les côtés et renforcer surtout la voix. Du coup on a exploité nos deux lignes externes en somme mono. Ce que l’on perd en spatialisation, on le gagne en qualité et intelligibilité sur les côtés.

SLU : Il n’y a pas moyen de «gonfler» disons à la mano la voix ailleurs que sur la centrale?

Bobo : Je crois que d&b travaille sur la question, un peu comme avec une matrice telle qu’on la connaît, mais avec le délai qui va bien.

La matrice DS100 prise en sandwich entre DS10 et Ghost

SLU : Dans l’attente que les fabricants nous sortent des enceintes spécial immersif qui ouvrent encore plus.

Bobo : C’est ça !

SLU : Votre approche un peu expérimentale avec Rico est bien vue par l’artiste au sens large comme par B Live ?

Bobo : Oui, dans la mesure où on garantit toujours le rendu d’un gauche/droite de qualité. B Live nous suit dans la mesure de ses possibilités en nous mettant à disposition une matrice et en nous permettant de panacher le système pour disposer du maximum de têtes en 120° !

SLU : Quelles sont les découvertes que vous avez faites en allant au-delà du G/D ?

Bobo : Déjà que dans Soundscape, le sub est prévu pour être un point central ou un arc sub et donc n’a aucun délai. Ton pied sort au centre à temps 0 et avec un délai sur les côtés, mais le sub reste à temps 0.

La page du R1 de visualisation des objets tels que positionnés grâce à la matrice DS100

Comme nos SL-SUB sont en G/D et qu’on ne peut pas accrocher de subs au centre dans toutes les salles, on a fait le choix de sortir pied, snare, basse et tout ce qui a énergie et impact en mode OFF pour ne pas déclencher les délais dans la matrice et être certain d’être calé.

Tout ce qui est guitares et claviers est en mode Tight et enfin pour les sources plus dures à traiter comme les pads et les effets, on a choisi le mode Full où l’objet est le plus spatialisé et démasqué.


SLU : Comment se passe ce choix entre les algorithmes ?

Bobo : Il n’est pas évident dans la mesure où au début tu paramètres l’ensemble sur Full et que pour certains objets, le résultat n’est pas probant, sans doute à cause de notre configuration qui n’est pas optimisée. On en profite quoi qu’il en soit pour décortiquer tous les paramétrages pour en saisir l’impact réel dans les divers éléments du système.

SLU : Comment fais-tu à avoir assez d’énergie dans la ligne centrale en V…

Bobo : Pour le pied j’ouvre un peu vers les deux KSL en reculant l’objet, ce qui en route une petite partie en dehors du V. Les subs font le reste. Pour la snare en revanche qui est aussi sur Off, je joue à fond sur le recul de l’objet et, le résultat est très probant. On retrouve du gras et la balance tonale du KSL.
Ouvrir le mix ne serait-ce que sur trois lignes, démasque nettement le bas médium. On perd à peine de côté frontal mais on gagne de l’air et de la précision sur chaque objet traité. On avait déjà agi de la sorte avec Rico en 2015 sur la tournée de M Pokora où grâce à un Sonic Emotion, on a trouvé de la place pour des tas d’effets qui ne sortaient pas dans le bas médium.

La régie SSL de Rico, du son anglais pur jus qui se transforme par la magie de la DS100 en son anglo-allemand puisque nombre de fonctions et de réglages se font en dehors de la console.

SLU : Comment vous gérez le passage entre les dates en G/D et celles avec Soundscape ?

Bobo : Il faut d’abord que nous ayons un beau mix en stéréo et que le passage via Soundscape se fasse en plaçant les sources et en retouchant les niveaux au travers des objets et pas de la console.

SLU : Pas évident, la gestion dynamique et le rendu fréquentiel en salle d’une source jouée dans un G/D ou dans un système de spatialisation n’est pas du tout la même chose. On n’en est qu’au début…

Bobo : Je suis d’accord, on défriche et c’est pour ça qu’on a cette démarche avec Rico et Arnaud Bonhomme qui tient le système sur la tournée de Jenifer. On est tous les trois dans la même mouvance. Il y a les principes, la réalité économique et le résultat final.

Deux Realtime Rack en plus des effets internes de la SSL et ces quelques goodies. Le son de Rico est fat de chez gros… tout s’explique.

On échange énormément avec Pierrot (Scalco) et Matthieu (Delquignies) de d&b France et on apprend beaucoup, tout en bénéficiant d’une relative liberté de mouvement de la part de la marque, ce qui ne serait sans doute pas le cas chez d’autres fabricants (rires).
Tous les soirs on doit envoyer un joli show et avancer pas à pas en apprenant à déconstruire notre habitude d’écoute. Quand la première fois tu passes d’un mode à l’autre, c’est plus que changeant (rires).

SLU : Quel est le gros plus pour le public selon toi ?

Bobo : La portion beaucoup plus importante de gens qui baignent dans un son où l’on puisse localiser précisément une source.

La page Function Groups de la matrice avec spécifiées, les groupes d’enceintes et les délais. Le point 0 et donc le plus reculé, ce sont les deux lignes de 5 subs placées derrière celles des KSL. Tout le reste de la diffusion est donc délayé pour « attendre » le grave.

SLU : Comment places-tu tes objets, par lignes de boites ou dans l’espace ?

Bobo : Non, dans l’espace. Les lignes ne sont pas matérialisées. Tu places ton objet là où tu veux qu’il soit et la matrice DS100 s’en débrouille.
En revanche tu dois spécifier à l’avance les délais entre les différents groupes d’enceintes qui composent ta diffusion puisque tu joues avec 3 algorithmes différents.
Soundscape t’offre plein de possibilités, mais comme ce n’est pas un système fermé, il nécessite de bien travailler le calage et ensuite le choix des algorithmes.

SLU : Comment alimentes-tu ta matrice ?

Bobo : Je sors 32 canaux de la SSL pour aller vers la DS100 qui en accepte 64 en 48 kHz. Comme la SSL marche en 96 kHz et que notre session est à cette fréquence, on n’a que 32 sorties de disponibles, même si on insère le SRC en sortie, donc on a crée des stems. Si on avait pu utiliser les 64 on l’aurait fait, on se serait amusé encore plus !

Noir salle

Une balade dans la salle valide les choix. La couverture comme la mise en phase sont parfaits et à part une inévitable perte de présence et de mordant dans le bas-mid en passant de KSL à V dans les outfields, tout fonctionne. Le seul petit problème, mais indépendant du système et de la nature de son déploiement, concerne le grave, manquant un peu d’attaque et de précision. Malgré des enceintes cardioïdes, têtes KSL comme subs GSL-SUB, la Seine Musicale prolonge et brouille un peu le bas en le rendant moins net, un phénomène que nous avons déjà constaté lors d’autres reportages.

Le mix de Rico est mastok et profite à plein du rendu d&b et de l’efficacité des KSL. La batterie notamment sonne gros, très gros et colle au coté pop très frais et adorable de l’artiste et de ses titres. La voix de Jenifer est bien rendue malgré la charge de travail à laquelle est confrontée la ligne centrale de de 9 x V.
Le fait de cantonner la spatialisation entre trois lignes seulement ne permet pas de bénéficier d’un effet d’ouverture complet que le public puisse facilement apprécier et citer spontanément, même s’il ne fait aucun doute que le son gagne en fluidité et est mieux placé et discriminé.

Ahh mais ouaaaaii, c’est donc ces trucs accrochés qui font du son…;0)

Ces essais ont malgré tout le mérite de démontrer l’utilité de « l’immersif » mais aussi le besoin de mettre au moins trois points centraux égaux et puissants pour avoir de l’énergie et deux autres peut être moins gros pour couvrir l’espace scénique et bien écarter le front sonore.
Cela oblige aussi à disposer d’enceintes de type 120° en grand nombre, un phénomène peu usité chez d&b dont les kits standard 80-120 rendent cette race de boîte assez rare…

Mais surtout cela met en exergue le besoin de produire des shows immersifs dès leur conception et ensuite d’investir pour cette technologie afin que les prestataires s’équipent et déploient des systèmes qui fassent que le public puisse enfin s’extasier aussi sur le bois et dire un jour : « le show était génial, la guitariste s’est baladée en salle et le son ne l’a jamais quittée et quand l’artiste allait d’un côté, sa voix la suivait.., comme les lumières ! »

De gauche à droite Nirina Rakotomavo claviers, Audrey Tesson guitare, Jenifer, Laurène Vatier basse et Camille Bigeault batterie.

Bravo en tout cas aux trois complices Bobo, Rico, Arnaud et à B Live qui joue le jeu car, comme le chante si bien Véro Sanson, celui qui n’essaie pas, ne se trompe qu’une seule fois. Ils ouvrent aussi la porte à un usage moins contraint, moins onéreux et plus créatif de la matrice DS100, la clé à molette de d&b. Merci et bravo enfin à Jenifer et au groupe de musiciennes qui l’accompagne. Ca tourne, ça bouge et ça pétille. Grave !

D’autres informations sur le site B Live et sur le site d&b audiotechnik

Rico Berrard : mix face
Yann Garnier : mix retours
Arnaud Bonhomme : système
Boris « Bobo » Jacquier-Laforge : gros son

 

Crédits -

Texte et Photos Ludovic Monchat

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