Louise attaque, du rock à la pop magistralement éclairé par Vincent Lérisson

Vue des ponts de contre-jour, avec les pantographes motorisés supportant les MagicPanel-602 entourés de quelaques B-Eye K10 et de Viper.

Vue des ponts de contre-jour, avec les pantographes motorisés supportant les MagicPanel-602 entourés de quelaques B-Eye K10 et de Viper.

Attirés comme une mouche autour d’un pot de miel par le vox-populi qui hissait cette tournée de Louise attaque au rang de diablement intéressante, nous avons voulu voir. En effet !
Nous avons découvert le travail d’un talentueux designer du nom de Vincent Lérisson qui officie à la console et dirige en live (c’est peu dire !) sa création avec une maestria rare.
Un concept d’éclairage à la fois original et subtilement dosé qui colle parfaitement avec le sonore de cette histoire.

Une partie de l'équipe de la tournée avec en arrière plan, de gauche à droite, Nicolas Savigny, Beggs, Vincent Lérisson, Sebastien Sacco. Au premier plan, de gauche à droite : Frederick Mardon, Poussin, Bouchon, Gégé et Michel.

Une partie de l’équipe de la tournée avec en arrière plan, de gauche à droite, Nicolas Savigny, Beggs, Vincent Lérisson, Sebastien Sacco. Au premier plan, de gauche à droite : Frederick Mardon, Poussin, Bouchon, Gégé et Michel.

Un kit sur mesure

Parlons déjà du kit. Il peut être présenté en plusieurs grands ensembles.

Le mur de fond de scène constitué d'échelles motorisées supportant les dalles de Elidy-S et les petits écrans vidéo.

Le mur de fond de scène constitué d’échelles motorisées supportant les dalles de Elidy-S et les petits écrans vidéo.

Le premier, qui occupe quasiment tout le fond de scène sur environ sept mètres de haut, est constitué de dix grandes échelles réalisées sur mesure et motorisées en PAN grâce à un système d’asservissement Robe de type Media-Spinner (une base de lyre conçue au départ pour faire pivoter des téléviseurs ou des éléments de décor en événementiel). Ce système permet de les orienter durant le show.
Ces échelles servent de support à 90 dalles à leds Elidy S et à 90 petites dalles vidéo alignées en alternance sur un plan vertical, et qui viennent former un énorme mur de pixels, à moitié en lumière chaude projetant ses fins pinceaux de lumière, à moitié en vidéo permettant une animation très graphique.
Le deuxième ensemble est un dispositif de machines utilisées à contre-jour en hauteur, sur des ponts comprenant une dizaine de Viper Profile, cinq pantographes asservis supportant chacun d’une paire de MagicPanel 602, quelques wash B-Eye K10 et cinq strobes Atomic 3000 LED. Un pont bardé de neuf Mythos, installé tout au lointain et jouant derrière les colonnes, vient compléter ce dispositif de contre-jour.
Le sol supporte huit Mythos dont six au lointain derrière les musiciens, et deux au nez de scène, à cour et à jardin. Enfin les puissants latéraux utilisent 4 B-Eye K10 disposés sur totem de chaque côté de la scène, aux abords des coulisses.

Les MagicPanels accrochés à des pantographes assurent une infinité de jeux et d'angles.

Les MagicPanels accrochés à des pantographes assurent une infinité de jeux et d’angles.

La scénographie offre un visuel tout à fait surprenant dans lequel les différentes « couches » de projecteurs viennent s’imbriquer, parfois se superposer, souvent se mélanger complètement, mais souvent aussi se distinguer les unes des autres par de subtils dosages et des choix d’angles et de couleurs très réussis.
On est à la fois dans le tableau asymétrique d’un équilibre parfait et d’une sobriété cinglante mais en même temps dans une lumière extrêmement dynamique dont la restitution calée pile-poil (et c’est peu dire, on vous l’assure !) avec le rythme et les pêches de la musique transporte le spectateur dans une ambiance électrisante et percutante.

Les Sunstrip positionnés en bain de pied nous dévoilent la totalité du kit lumière.

Les Sunstrip positionnés en bain de pied nous dévoilent la totalité du kit lumière.

Les tableaux se succèdent et ne se ressemblent pas car des angles astucieux et improbables sont réinventés à chaque chanson. Des jeux de miroirs entre Viper, Mythos et la face réfléchissante des MagicPanel, qui se balancent au dessus de la tête des artistes, semblent trancher l’espace pour atterrir sur leurs épaules.
Une pluie de fins faisceaux de lumière chaude envahit la scène dans un mur mobile qui paraît par moments gigantesque et s’éclaire parfois lui-même, prenant part au spectacle par sa propre matière de métal et de visserie, tantôt source de lumière, tantôt décor transpercé par le tranchant des faisceaux des Mythos.

Quand les différents éléments du kit se combinent parfaitement pour construire des tableaux splendides : dalles video et Mythos pour des tableaux expressifs.

Quand les différents éléments du kit se combinent parfaitement pour construire des tableaux splendides : dalles video et Mythos pour des tableaux expressifs.

Au milieu de tout ça, on retrouve les artistes, toujours mis en avant et jamais écrasés par une technique, dont la présence éclate à chaque instant même dans un simple contre-jour ou encore des latéraux très travaillés.
La lumière se veut ici un accompagnement total de leur démarche et de leur musique. Ca se ressent à chaque instant. Près de deux heures trente d’un show très rock, et un peu pop (voir même un poil folk) avec une lumière de toute beauté.

Portrait de Vincent Lérisson

Nous avons voulu connaître un peu plus ce garçon qui fait de la si belle lumière, son parcours, son équipe, évidemment son kit, et tout ce qui nous intéresse autour de son métier.

SLU : Bonjour Vincent, quelle est ton histoire perso avec la lumière ?

Vincent Lérisson – Concepteur lumière : J’ai 34 ans et une passion pour la lumière depuis longtemps. J’ai commencé à évoluer dans l’associatif, parallèlement à l’école, et j’ai rencontré Thierry Faury, un monsieur qui est un peu mon « papa » dans ce métier. Il est aujourd’hui directeur technique de l’Espace Carat à Angoulême.

Vincent Lerisson au pupitre GrandMa2 pendant le concert

Vincent Lerisson au pupitre GrandMa2 pendant le concert

Il m’a donné ma chance quand j’avais 16 ans et je ne savais pas trop quoi faire de bien dans la vie, et m’a intégré à différents projets associatifs en lumière auxquels il participait. J’y ai fait du montage, de la lumière, j’y ai appris les bases de mon métier, bref c’est lui qui a déclenché ça en moi, par son regard sur le spectacle, par sa gentillesse et par sa pédagogie.
Ensuite, je suis parti à Paris avec mon petit baluchon pour rejoindre Biscotte qui est malheureusement décédé. Il était régisseur lumière à La Cigale. De là, comme je ne connaissais pas grand chose au métier, il m’a envoyé au Théâtre de Chaillot voir l’un de ses amis qui y était chef électro, me disant qu’ils avaient plus de facilité et de temps pour former des jeunes (c’était une autre époque !). Et je suis resté à Chaillot pendant 7 ans, dans l’équipe électro.
Parallèlement, j’ai suivi des formations aux consoles, et assez vite, j’ai occupé ponctuellement le poste de régisseur lumière remplaçant. J’ai travaillé à Chaillot du mardi au dimanche, et comme je ne connaissais personne à Paris, j’ai bossé les lundis à La Cigale avec Biscotte. Et voilà comment de fil en aiguille j’ai fini par rencontrer des gens avec qui j’ai sympathisé, dont Bouchon, qui est régisseur de cette tournée de Louise attaque. C’est lui qui m’a emmené sur le projet de Justice.
J’ai fait le taf pendant 4 mois, et comme Justice a rapidement rempli les salles, s’est posée la question « est-ce qu’on garde Vincent ou est-ce qu’on prend un éclairagiste reconnu ?»  Les artistes ont décidé de me garder et de me faire confiance. On était potes et ils ont toujours été satisfaits de mon boulot.
Je bosse toujours avec eux, et ce depuis 2007. C’est grâce à eux que j’ai commencé à m’exprimer en lumière. Avant j’étais régisseur lumière, je faisais un peu de console, du montage, mais je n’avais pas de vrai lien avec l’artistique. C’était un vrai départ pour moi.

Le Elidy, vecteur du rock’n’roll

SLU : Comment est arrivée l’idée de cette scénographie ?

Vincent Lérisson : Ca s’est décidé comme souvent en concertation avec Bouchon qui est le régisseur général de la tournée, et avec qui je bosse depuis pas mal de temps sur les projets solo de Gaëtan Roussel. On en parle ensemble et la scénographie est le fruit d’une réflexion collective interne. Tout le monde participe un peu à cette construction parce que, ce que j’aime, c’est qu’on ait un spectacle qui correspond à ce que Louise Attaque a envie de dire à ce moment, sur cet album et sur cette tournée-là. La scénographie doit être un élément du projet global, qui est musical, sonore et visuel, et doit être défendue par toute l’équipe.

Contraste incisif et de toute beauté entre le chaud des Elidy-S...

Contraste incisif et de toute beauté entre le chaud des Elidy-S…

Sur le nouvel album de Gaëtant Roussel on retrouve une sonorité un peu plus pop que ce qu’on a connu de Louise Attaque, et il était important que le visuel colle parfaitement avec les intensions actuelles du groupe, d’où les écrans et le kit déployés ici et qui marchent très bien sur ce concept.
Le choix du Elidy correspond à mon envie d’apporter un côté « rock’n’roll » avec cette lumière chaude et presque « trad. », et pour les écrans vidéo, d’insérer une touche très « pop » et par moments limite électro. Le mélange correspond tout à fait ce qu’on voulait, au même titre que dans le live, le mélange des anciens morceaux et des nouveaux donne un concert très réussi.

SLU : Quelles sont les contraintes qui t’ont été imposées ? As-tu été totalement libre dans tes choix ?

Vincent Lérisson : Oui totalement. J’ai juste eu un souhait des artistes pour que la lumière ne soit pas en permanence aveuglante, ce qui peut s’avérer désagréable pour le public. On est dans un style très rock’n’roll, qui envoie la purée. Qu’il y ait quelques moments un peu surprenants c’est une chose, mais il ne veulent pas que ça devienne désagréable et fatiguant pour les yeux.
Et c’est vrai que sur certains autres projets, mon rôle a été d’envoyer des lumières qui bastonnent un peu, notamment sur Justice où le mot d’ordre est clairement « d’arroser », tant en son qu’en lights, mais je suis capable d’exprimer des intentions très différentes comme sur les tournées de Charlie Winston ou de Lily Wood and The Prick.

... et le froid des Mythos et MagicPannel.

… et le froid des Mythos et MagicPannel.

Sinon, toujours dans le registre du souhait des artistes, ils ont voulu un spectacle qui ait une véritable identité visuelle et pas juste de la lumière « pour les éclairer ». Il fallait que l’on puisse reconnaître au premier coup d’œil qu’il s’agissait de Louise Attaque. Avec les médias et, les réseaux sociaux, le côté visuel devient très important. Cela fait longtemps que je travaille avec Gaëtan Roussel, et dès notre première collaboration, mon intention a été de créer une identité visuelle propre à chaque tournée, et cette démarche lui a également plu. Je pense que c’est aussi pour ça qu’on continue à travailler ensemble.
En tout cas pour Louise Attaque, cela semble convenir puisqu’à priori nous avons énormément de bons retours ce qui fait vraiment plaisir. C’est un travail collectif dont nous sommes tous fiers et je suis enchanté de bosser avec cette équipe. A chaque poste il y a une pointure qui fait que ça marche. Moi j’apporte mes idées et techniquement je m’en sors, mais c’est mon équipe qui va mener ce projet jusqu’à son terme dans chaque domaine afin d’atteindre une osmose globale. C’est cette ambiance collective qui me plait et plait aux gens.

Vincent, artisan de la lumière

SLU : C’est toi qui pupitre ?

Vincent Lérisson : Oui. Toujours. J’ai écrit le spectacle visuel et je le dirige entièrement en live. Je n’ai JAMAIS utilisé de time-code, et je n’en veux pas.
J’aime la musique, j’ai le sens du rythme, et je fais tout  à la main pour tous les groupes avec qui je travaille, Justice y compris. Je le revendique haut et fort et j’en suis particulièrement fier. C’est ma façon de travailler, si bien qu’il est parfois difficile d’envisager des remplacements.

Asymétrie minimaliste à base de Magic Pannels...

Asymétrie minimaliste à base de Magic Pannels…

SLU : Tu n’es apparemment pas un éclairagiste qui a besoin à tout prix de la dernière nouveauté à la mode ?

Vincent Lérisson : Ah non ! Je ne fais pas partie de ces gens là ! J’ai juste besoin du projecteur qui va m’être utile au bon moment, avec des caractéristiques qui me conviennent, et peu importe s’il est récent ou pas, du moment qu’il correspond à mes besoins. Je me fiche du côté mode ou de la nouveauté. Je prends dans tous les produits qui existent ce qu’ils vont m’apporter. Ça peut être une machine qui a plus de 15 ans comme une machine qui vient de sortir.
Là j’ai par exemple du MagicPanel 602 car sur ce projet j’ai trouvé un grand intérêt pour la rotation infinie. J’ai aussi trouvé que la forme de la source, cette matrice carrée avec les pixels un peu espacés, raccordait efficacement avec l’Elidy. Mais je ne l’ai pas choisi ça parce que « tout le monde » l’utilise.

SLU : Quand on parle de « produits à la mode » tu penses tout de suite à Ayrton ?

Vincent Lérisson : Oui bien sûr ! Et je trouve ça bien ! J’aime leur démarche de recherche et de développement permanent. Ils insufflent de nouvelles choses et sont très créatifs. A nous, éclairagistes, de savoir ensuite faire un tri dans toute cette richesse et diversité de produits, et de les utiliser pour ce qu’on a besoin d’en faire. C’est un peu un bureau d’étude permanent dans notre domaine. J’aime beaucoup ces gens là, et c’est toujours très enrichissant de les rencontrer.

... Avec les Elidy-S pixel-mappés, le tableau gagne en profondeur et en chaleur

… Avec les Elidy-S pixel-mappés, le tableau gagne en profondeur et en chaleur

SLU : Comment conçois-tu ton métier ? Tu sembles très impliqué dans la mise en œuvre de ton kit et de sa conception.

Vincent Lérisson : Totalement. Il est très important, quand on imagine le design d’un kit lumière, d’avoir pleinement conscience de ce que ça représente en termes de mise en œuvre. En ce moment il y a de plus en plus de gens qui déboulent d’on ne sait où, et qui sous prétexte de savoir se servir d’ordinateurs ou programmer des machines, conçoivent des designs inmontables, en totale ignorance de ce que va être le déploiement de la technique qu’ils envisagent et sans trop de suivi sur le terrain. On le voit de plus en plus.

La chaleur et la présence des dalles Elidy-S qui "poussent" les artistes dans des contre-jours impressifs

La chaleur et la présence des dalles Elidy-S qui « poussent » les artistes dans des contre-jours impressifs

Les artistes qui travaillent avec moi, ou avec d’autres qui ne sont pas non plus dans ce mode de fonctionnement, savent que l’on va se battre pour défendre l’intégrité artistique d’un show jusqu’au bout et partout, que ça soit à Paris ou au fin fond de je ne sais quelle région, pour que le public ressente la même émotion, et que la démarche des artistes soit défendue sans compromis. C’est ça qui compte pour moi, le respect pour les gens, pour ce métier, pour le public. Je fais partie de ce que j’appelle « les artisans du spectacle » et c’est dans ce milieu là que j’aime travailler.

Les petites dalles vidéo souples et aimantées sur des plaquettes de métal.

Les petites dalles vidéo souples et aimantées sur des plaquettes de métal.

SLU : Parle-nous un peu de ton kit, et notamment de ce fameux « mur » en colonnes mi-vidéo, mi-Elidy-S

Vincent Lérisson : Alors oui, on est très fier de ce mur. C’est un concept assez sympa à base de 10 colonnes qui bougent en panoramique et que je contrôle individuellement.
Elles sont fabriquées sur mesure, chacune en trois parties, et assemblées avec des clavettes comme celles des systèmes de son. En dehors des platines de métal qui reçoivent les écrans aimantés, elles sont en aluminium pour limiter leur poids, car les Media-Spinner qui les reçoivent ne supportent que 50 kg chacun. Elles sont équipées de dalles Elidy et de petites dalles vidéo de 6 mm de pitch, qui pèsent 300 g. Et comme elles sont aimantées, on les a collées directement sur une plaque de métal en alternance avec les Elidy.
C’est un petit produit sympa que j’avais déjà utilisé sur la création de Breakbot car j’avais besoin de dalles vidéo arrondies. C’est Sébastien Sacco a fait toute la config et le câblage, et on se retrouve avec un mur vidéo plutôt atypique pour faire des choses très sympa.

Viper & K10, un couple équilibré

Le blanc des Viper en différentes températures dans des tableaux limpides et précis.

Le blanc des Viper en différentes températures dans des tableaux limpides et précis.

SLU : Tu as opté pour le binôme Spot Viper et Wash K10…

Vincent Lérisson : Oui nous avons des Viper et du K10 en l’air. J’aime bien le rapport entre le K10 et le Viper. Je trouve que ces deux machines se marient très bien. Ici je n’avais pas besoin de la puissance du K20, donc on a opté pour le K10 et nous sommes très contents. Sinon on a aussi les Atomic LED. Nous avons été parmi les premiers à en avoir en tournée, depuis février.
Il y a aussi de l’Atomic 3000 car si on voyage avec l’essentiel de nos machines spécifiques, il y a une partie du kit qui est louée sur place, et dans ce cas là, il est encore difficile de demander un produit très récent comme l’Atomic 3000 LED car on ne le trouve pas encore partout en parc. Le matériel que nous demandons sur place a été choisi pour ses performances, mais aussi par rapport aux facilités à en trouver chez la plupart des prestataires.

SLU : Et ici au Zénith tu as le même kit que sur le reste de la tournée ?

Vincent Lérisson : Pas tout à fait mais presque. Pour les Zénith, j’ai fait ajouter quelques PAR-LED pour renforcer les latéraux, et le pont de 9 Mythos derrière les colonnes pour ajouter un peu de profondeur.

SLU : Tu as aussi des sources traditionnelles chaudes comme les Sunstrips

Vincent Lérisson : Oui quelques-uns que j’ai placés en bain de pieds. J’adore la couleur de la lumière du Sunstrip. Et puis c’est très sympa pour faire de l’effet sur les artistes. Avec certains chasers, ça permet de donner l’impression que les musiciens « se décalent » alors qu’ils ne bougent pas. J’aime bien ce genre d’effets qui déstabilisent. Et nous avons des blinders de type Molefay à 4 lampes.

Jeu de MagicPanel, en faisceau plein...

Jeu de MagicPanel, en faisceau plein…

SLU : Et alors, un autre élément très spécial de ton kit, ce sont tes pantographes…

Vincent Lérisson : Nos 5 pantographes sont asservis. Ce n’est pas fiable, c’est fragile, assez compliqué à régler. On a eu des galères terribles avec ça et c’est dommage parce que ce sont des accessoires que j’aime beaucoup et avec lesquels je pourrais envisager plein de choses. Mais déjà, depuis la sortie du camion jusqu’à leur retour dedans, il n’y a que moi qui les manipule et qui m’en occupe sur la tournée. C’est moi qui les installe, qui les fait bouger, qui les règle, etc.
Sur chacun des pantos, j’ai deux MagicPanel 602, les premiers modèles, avec l’arrière de la tête en miroir. On a décidé de ne pas les pixel-mapper car on n’en a pas suffisamment pour que ça soit vraiment intéressant, et ça demandait beaucoup de programmation pour finalement pas grand chose visuellement dans ce contexte. Donc on les a utilisés comme des projecteurs à effets et pas comme des écrans vidéo. Les effets internes qui sont dans la machine sont vraiment sympas.

... ou avec les effets internes programmés dans la machine.

… ou avec les effets internes programmés dans la machine.

SLU : Tu gères comment tes faces ? C’est quelque chose d’important pour toi ?

Vincent Lérisson : Oui et non. Ce qui est important c’est de voir le groupe. Et il y a mille façons d’éclairer les artistes. Il y a des moments où la face est importante, et des fois où elle l’est moins. Parfois les visages disparaissent, ça va dépendre des ambiances. J’ai rarement des faces surexposées. Elles sont parfois sous exposées, notamment par rapport à la puissance que j’ai derrière, mais le déséquilibre est voulu. Je ne sais pas si je le fais bien ou pas, mais en tout cas je n’ai jamais eu de retours me disant qu’on ne voyait pas bien les artistes ou qu’on ne les voyait pas suffisamment.

SLU : Tu utilises beaucoup de fumée, ça n’est pas gênant pour tes écrans vidéo ?

Vincent Lérisson : J’en utilise pas mal, mais dans mon système j’ai un équilibre qui convient. J’ai des besoins contradictoires ne serait-ce que pour le mur du fond. Les Elidy ont besoin de beaucoup de fumée pour marquer l’espace avec leurs faisceaux, et les écrans vidéo dans l’absolu n’en ont pas besoin. Mais ils sont suffisamment puissants pour que ça ne pose aucun problème. C’est très chargé en fumée mais l’effet et le rendu lumière est tel qu’on le souhaite. Ici j’aime une fumée dense et la plus homogène possible. Mais je ne suis pas du genre à prendre la tête à mon chef électro si on n’a pas une fumée au top. On bosse en équipe et en confiance. Je sais que si la fumée n’est pas au top, c’est parce qu’on ne peut pas avoir mieux, ça dépend des lieux, des conditions… Là où l’on galère souvent c’est en festival…

Quand l'équipement lumière se fait décor, à la fois source de lumière (les écrans video) et élément éclairé par les Viper.

Quand l’équipement lumière se fait décor, à la fois source de lumière (les écrans video) et élément éclairé par les Viper.

Si j’ai un regret sur cette tournée, c’est qu’on n’ait pas emmené avec nous nos machines à fumée sur les festivals, car c’est souvent là où ça pêche. On est souvent très bien accueilli en lumière, mais très souvent, pour la fumée, ce n’est pas ça… C’est dommage, ça gâche un peu tout. Pour avoir tourné pas mal à l’étranger, un peu partout sur des scènes en plein air dans toutes conditions, je sais que bien souvent, sauf si bien sûr on a un violent vent de face, en s’organisant un peu, on peut très bien faire une belle fumée, même en extérieur. C’est une question de volonté, plus encore que de moyens mis en œuvre.

SLU : Tu me disais que tu aimais bien les projecteurs Clay Paky, et notamment le Mythos…

Vincent Lérisson : A la base je n’ai pas spécialement de préférence pour telle ou telle marque, mais comme je travaille depuis longtemps avec Régie Lumière qui a beaucoup de Clay Paky, j’ai beaucoup travaillé avec. Je n’aime pas systématiquement tout, mais il y a des projecteurs qui sont vraiment sympas. J’ai même eu l’occasion de leur donner mon avis sur certains produits et c’est toujours plaisant d’être en rapport avec les fabricants qui sont à l’écoute des retours d’utilisateurs.
Pour ce qui est du Mythos, j’en ai dans mon kit, et je les considère comme des effets, voilà. C’est de l’effet « plus-plus », ils peuvent être très puissants, ils ont une ouverture de malade, et on a la possibilité de jouer avec cette machine même en petite salle grâce à leur ouverture gigantesque et à cette réserve de puissance qui fait que même très ouverte, il reste de la lumière.

Louise attaque par Vincent Lérisson

C’est une machine qui chauffe, donc je fais toujours attention, même si ça peut réduire un peu la durée de vie des lampes, de les couper quand je ne m’en sers pas, que ça soit pour une première partie ou autre, sinon la machine peut en pâtir. Je préfère stresser au moment de rallumer mes lampes pendant un changement de plateau, que de subir le stress d’une avarie en plein show.

SLU : Toutes tes washs sont à leds, même tes faces sont réalisées avec du wash à leds ?

Vincent Lérisson : Oui tout à fait. Pour la face ne voulais pas de focus donc il me fallait des projecteurs pilotables. Ensuite, je voulais éviter au maximum les blocs de puissance et minimiser le câblage. Donc il me fallait de la led. Dans mon kit originel, j’avais des PC 2kW pour me faire une face globale et 5 PAR64 pointés en douche sur les musiciens. Ça m’ennuyait de perdre un temps pas possible pour envoyer un gars dans le pont juste pour ça. Alors, dès qu’on a fini les festivals, j’ai remplacé par des wash à leds. Ça ne consomme pas, ça évite du câblage, et bien sûr ça n’utilise aucun bloc de puissance. On a du K10 qui fait très bien le travail. Au départ c’est un choix pratique et pas artistique mais ici, ça ne change rien pour moi si ce n’est que c’est beaucoup plus souple, et encore une fois le mariage entre les K10 avec les Viper se fait très bien.

Le réseau et l’image, gérés et optimisés par Sébastien Sacco

SLU : Sébastien, tu nous racontes ton parcours ?

Sébastien Sacco et son ordi portable relié au réseau via une borne WiFi pour régler les écrans de n'importe où dans la salle.

Sébastien Sacco et son ordi portable relié au réseau via une borne WiFi pour régler les écrans de n’importe où dans la salle.

Sébastien Sacco – Responsable réseau et vidéo : A la base j’ai une formation de programmation informatique et j’ai fait une école supérieure en infographie. Etant d’Annecy où il y avait peu de débouchés dans ce domaine, j’ai fait un peu de spectacle en dehors de mes études, et finalement j’ai suivi cette route. Au début d’ailleurs, mes études en informatique et infographie ne m’étaient pas spécialement utiles et elles le sont devenues car je me retrouve souvent à la gestion vidéo, réseau et image.
Pour en venir à ce système, j’ai dessiné les plans sur Solid-Works, et c’est FL-Structure qui a réalisé le hardware. Nous avons ensuite intégré les éléments dessus. Pour gérer le mur, on est sur une quarantaine d’univers. Il y a en tout 128 Elidy (90 sur le mur et quelques autres sur la partie avant des praticables des musiciens surélevés). Chaque LED est contrôlée individuellement car on envoie de la vidéo générée principalement par le serveur. La console de Vincent pilote la lumière, les layers du serveur (un Avolites AI), et en DMX certains paramètres des Elidy. En fait, on peut piloter les Elidy en ArtNet et en DMX. En DMX on gère quelque chose comme 6 paramètres (dont l’intensité et différents effets intégrés) et en ArtNet, on lui envoie tout ce qui est « médias », sur 25 paramètres par dalle.
Parallèlement, les petits écrans sont gérés par le serveur de manière très classique avec des layers dédiés, et sortie DVI. Le signal passe par un contrôleur Novastar qui part avec des petites nappes vers les dalles. Le serveur Avolites gère donc à la fois les Elidy en ArtNet / DMX et les dalles vidéo en DVI. Et donc il y a 8 layers qui sont pilotés par Vincent depuis sa Grand MA2 pour ce serveur.

En haut du rack, le Gigaswitch 8, puis un node Ethenet-DMX8 Luminex et les alimentation PSX9, chacune capable de servir 9 dalles Elidy-S.

En haut du rack, le Gigaswitch 8, puis un node Ethenet-DMX8 Luminex et les alimentation PSX9, chacune capable de servir 9 dalles Elidy-S.

SLU : La régie est reliée en réseau par fibre optique ?

Sébastien Sacco : Oui, avec des Gigacore Luminex sur deux fibres optiques. On utilise trois nodes Gigacore. Il y en a un pour les liaisons spectacle, un pour la technique en interne, le travail au plateau ou autre, et un pour les groupes que l’on accueille en local, et qui permet de récupérer tous les signaux directement dans le réseau sans avoir besoin de tirer des câbles additionnels dans tous les sens. J’aime bien ces systèmes.
On a d’ailleurs enregistré des mémoires de test dans les Gigacore, pour checker le système, les projecteurs, avant même que la console ne soit connectée. On peut les piloter directement même avec nos smartphones pour envoyer des tests depuis n’importe où sur le plateau. C’est la fonction « snapshot » du soft Luminex. C’est en quelque sorte une capture de la trame DMX en cours qui est enregistrée sous forme de mémoire et que l’on peut rappeler : une astuce bien pratique. Et on peut la modifier. Il suffit que Vincent m’envoie un état lumineux, depuis sa console, et moi je l’enregistre dans une mémoire du Gigacore. Et elle peut être updatée instantanément.
On peut aussi dire à chaque node d’envoyer la première mémoire sur chaque sortie tant qu’il ne reçoit pas le signal ArtNet. C’est à dire que dès que je démarre mon armoire, les node envoient une mémoire de test, ce qui peut être utile encore une fois pour checker l’installation avant la mise en place de la régie ou le passage des fibres en salle. On peut donc monter tout le système sans console.
Ensuite, il y a aussi un node spécialement dédié à la vidéo pour permettre de garder les Elidy allumées, car le serveur envoie des valeurs en DMX, mais si ce sont des images fixes, il ne régénère pas le signal automatiquement. S’il n’y a aucun changement d’information dans le signal, le serveur arrête d’envoyer des valeurs et l’Elidy s’arrête au bout de quelques secondes car il ne reçoit plus rien. Donc j’utilise un node pour faire un « re-rout » en interne. Je prends 8 univers en ArtNet, je les redirige sur 8 autres et ça les renvoie constamment.

Le petit ordi qui permet de gérer la configuration des écrans via le réseau.

Le petit ordi qui permet de gérer la configuration des écrans via le réseau.

SLU : Et l’espèce de petit machin avec un écran dans ton rack, mais qu’est-ce donc ? On dirait un tout petit ordi.

Sébastien Sacco : Oui c ‘est ça. C’est un petit système Raspberry USB Network Server qui tourne sous Linux et qui me permet de gérer la config de mes écrans via du réseau. Les électroniques Novastar qui gèrent les petits écrans vidéo ne se connectent qu’en USB, donc évidemment c’est du câblage qui peut difficilement dépasser deux mètres de longueur, et c’est très contraignant. Donc j’utilise cette bidouille, avec un petit soft qui transforme l’USB en réseau, et qui me permet ensuite de gérer mes configurations de partout depuis mon ordinateur via une borne wifi et régler tranquillement mes écrans avec une bonne visibilité. Je peux me balader où je veux et régler tout ça en toute facilité sans avoir besoin d’être branché sur les électroniques.

J’adore !

Une fois de plus, l’une des clefs de la réussite visuelle d’un projet de concert ou de spectacle réside dans la confiance de la production ou de l’artiste dans son concepteur lumière, son « lighteux », et la latitude qu’on lui laisse pour exprimer les concepts scénographiques qu’il imagine avec son équipe et au cœur d’une vraie réflexion artistique. Moins il y a d’interférences dans ce processus, et mieux c’est. C’est là qu’on arrive à obtenir des choses totalement merveilleuses.

Jeux de miroirs entre les Mythos et les MagicPanel à découvrir au travers une pluie de gobos.

Jeux de miroirs entre les Mythos et les MagicPanel à découvrir au travers une pluie de gobos.

La lumière que j’ai vue sur ce concert est probablement l’une des plus belles qu’il m’ait été donné de voir. Tant par la finesse et la justesse de la mise en lumière, que par l’impressivité des effets et leur capacité à prolonger avec une profonde exactitude le jeu des musiciens. Le public ne s’y est d’ailleurs pas trompé sur toute la tournée.
Le talent de Vincent Lérisson et de son équipe n’y est pas pour rien ! Et il n’était tout simplement pas question qu’on passe à côté sans en parler et rendre hommage à ce travail exceptionnel. Total respect.

Pour plus d’infos sur Vincent Lérisson visitez son site web ici

Louise attaque par Vincent Lérisson

Plans tournée Louise Attaque

Louise Attaque Light Sol

Louise Attaque Light Top

 

Crédits -

Texte : jocelyn Morel

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