La surprise est jolie, finement courbée et de taille, environ 2,15 mètres de haut pour Syva et Syva Low, la dernière nouveauté de L-Acoustics présentée à l‘ISE d’Amsterdam.
Stéphane Ecalle et Cédric Montrézor ont accepté de nous dévoiler tous les secrets ou presque de cette enceinte initialement conçue par l’équipe L-Acoustics de Christophe Combet pour L-ISA en résidentiel, mais que ses performances, sa facilité de mise en oeuvre et sa belle gueule ont rendue désirable pour un usage professionnel, à tel point qu’Alain Français l’a lancée dans le grand bain de la mode. Exclu SLU en deux parties.
Il faudra s’y faire, la cadence des L-Acousticiens de Marcoussis semble être désormais de trois annonces par an en moyenne. Au PL+S 2016 on a eu le couple KS28 et LA12X, à l’Infocomm 2016 c’est Kiva II qui a été présentée, à l’ISE 2017 sort Syva et pour Francfort cette année c’est le P1, un processeur réseau qui pointe le bout de ses afficheurs. Chouette, par le passé le marron était un peu chiche question nouveautés. Oui mais ça, c’était avant.
Pour cette première, laissons la parole à Stéphane Ecalle, le directeur du markéting d’L-Acoustics et à Fred Montrézor le directeur des applications installations fixes. Dans quelques jours on vous raconte la première sortie de Syva au milieu des œuvres du Louvre et des mannequins de Louis Vuitton.
SLU : Comment décrirais-tu Syva dans le catalogue de L-Acoustics ?
Stéphane Ecalle : Syva est un développement que l’on peut classer comme –conceptuel- et aucun client ne nous a demandé ce modèle. C’est donc un pari. Les premières réactions sont malgré tout positives et on m’a même dit : « woaw, c’est ce que j’aurais voulu faire moi-même ! » « Voilà un système de sonorisation que je n’ai plus à cacher ».
Cédric Montrezor : Pour être encore plus précis, il n’y a eu aucune étude de marché à proprement parler (rires !)
SLU : On est bien d’accord, Syva a été développé initialement pour servir d’enceinte résidentielle de L-ISA…
Stéphane Ecalle : Oui, c’est un développement produit rendu nécessaire par les recherches de Christian Heil sur les applications L-ISA.
Cédric Montrezor : Christian a briefé les équipes de design sur la primauté de l’élégance pour faciliter son intégration en résidentiel, mais en préservant la réserve d’énergie, de dynamique et de SPL pour reproduire chez soi le son et l’expérience d’un concert. Le fait de lui adjoindre un sub et un système de raccord très simple, rend ce système plug and play et extrêmement rapide à mettre en oeuvre.
Souris puisque c’est grave !
SLU : Syva dispose de deux « sources de grave », Low et Sub. Laquelle des deux était prévue en résidentiel et laquelle en sonorisation.
Cédric Montrezor : En résidentiel, le SPL étant moins indispensable que l’extension dans l’infra, c’est Syva Sub qui a été prévu, mais désormais des configurations associant les deux sont tout à fait possibles.
Pour en revenir à ta question, l’association Syva et Syva Sub est acoustiquement remarquable mais nous avons voulu redonner quelques dB SPL en plus, on ne se refait pas, pour un usage professionnel, d’où le développement de Syva Low avec un format double 12’’. Si l’on veut avoir un contour de concert et de l’infra, on recommande un ratio Syva, Syva Low + deux Syva Subs .
SLU : Un SB18 ne ferait pas la même chose que Syva Sub ?
Cédric Montrezor : Ce n’est pas la même enceinte. Son efficacité serait supérieure (5dB de plus NDR), mais elle offrirait moins d’extension de grave. Syva Sub est vraiment très proche de KS28 en rendu et en dynamique. Si tu en places quatre, tu as à peu de chose près un KS28, volume de charge mis à part. Ceci a été confirmé par des écoutes à Marcoussis.
Syva Sub peut devenir un outil précieux dans des « live-bars », ou des lieux qui jouent de l’EDM … et dans tout lieu où la compacité du Syva Sub est utile. La place manque souvent. Enfin et même si ce sub est tout beau, il a une grille en face avant et est peint avec la même peinture granitée très solide du reste de la gamme pro. C’est une enceinte professionnelle.
SLU : Vous êtes un des seuls fabricants à ne pas avoir au catalogue de subs avec des charges autres que du bass reflex à même de vous apporter encore plus d’efficacité. Pourquoi ?
Cédric Montrezor : Nous avons un SB18 en double bass reflex conçu pour maximiser le SPL Max. Le reste de la gamme est effectivement en bass reflex pour répondre à des exigences de taille de produit et/ou d’extension de graves. Cela correspond donc à des choix de design.
Le SPL Max, un max de bruit rose
SLU : Comment calculez-vous votre SPL Max ?
Cédric Montrezor : On charge le preset de l’enceinte de grave dans le contrôleur et on la place à puissance maximum avec du bruit rose pendant 2 heures. Il faut qu’elle tienne ces 2 heures en continu. Le bruit rose comporte un facteur de crête de 4 soit 12 dB. Notre SPL max est donc le continu plus ces 12 dB de crête.
SLU : Vous vous contentez de bruit rose ? Vous ne rajoutez pas des vraies crêtes telles qu’un homme pourrait les envoyer ?
Cédric Montrezor : Cela est du ressort de notre cuisine interne. On teste nos enceintes avec de la musique, des bursts … jusqu’à atteindre leurs limites en dynamique et en thermique, Quand on annonce un SPL Max, il a été mesuré en incluant toutes les protections appliquées au sein des presets.
SLU : Quelle est la capacité à générer du grave de Syva sans le Low ou le Sub ?
Stéphane Ecalle : Les six 5’’ permettent d’atteindre 87 Hz. L’octave du dessous est reproduite par le renfort Syva Low. On peut séparer tête et sub et dans ce cas une entrée spécifique et un bornier sont prévus par le haut de l’enceinte.
SLU : Le filtrage entre tête et sub est de quel type ?
Cédric Montrezor : Les pentes sont douces afin de faire quasi disparaître les Notchs dus à la hauteur de l’émission sur les fréquences autour de 200 Hz.
SLU : Les 12’’ des Low et Sub ont quel lien de parenté exact avec K2 et KS28 ?
Stéphane Ecalle : Les 12’’ de Syva Low sont identique à ceux qui équipent la section grave de K2, celui qui est monté dans Syva Sub en revanche est assez original. On a pris le moteur du transducteur 18’’ qui équipe KS28 et on a en quelque sorte monté une membrane de 12’’.
SLU : C’est le même aimant et la même bobine ?
Cédric Montrezor : Tout à fait. C’est exactement le même HP mais dont la surface est divisé par 2. Le 12’’ et le 18’’ résonnent à la même fréquence ce qui nous permet de descendre extrêmement bas. On passe 27 Hz à -10 dB.
SLU : Le raccord se passe bien entre Syva et Syva Sub ? La différence entre les transducteurs est très importante.
Cédric Montrezor : Non, les six 5’’ génèrent un vrai grave dynamique et Syva Sub vient raccorder à plus de 100 Hz et apporte impact et infra. Attention, cette configuration ne convient pas à une application professionnelle où l’on recherche avant tout du SPL. Dans ce cas il faut utiliser le Syva Low..
SLU : D’autres enceintes similaires existent déjà chez d’autres fabricants, appelons ça des colonnes…
Stéphane Ecalle : Oui, mais pas avec la cylindrée d’un K2 ! Le pari est de porter un outil qui n’est pas traditionnellement utilisé par des prestataires qui travaillent dans l’événementiel d’entreprise ou dans l’installation. Il y a aussi des prestataires qui emploient des produits consumer qui offrent des avantages en termes de compacité mais sont longs et plus complexes à mettre en œuvre et n’offrent pas le rendu –spectaculaire- qui sied à l’événement.
Si le ramage se rapporte au plumage
SLU : Les tous premiers retours de la phase pilote sont bons ?
Stéphane Ecalle : Ils sont excellents car justement les prestataires sont séduits par le produit et ses possibilités, et font la démarche d’expliquer et de « vendre » Syva à leurs clients. Ce n’est pas évident car on retrouve dans cette enceinte la technologie L-Acoustics concert en reprenant des éléments des lignes source, mais ça ne se voit pas et c’est beau.
SLU : Où en est-on en termes d’avancement du projet et des presets ?
Stéphane Ecalle : Syva est livrable en phase pilote depuis le 1er mars. Ca marche déjà bien.
SLU : OK c’est un très bel objet, mais qui dit beau dit aussi fragile…
Stéphane Ecalle : Il va y avoir des housses de transport spécifiques qui intègrent les poignées absentes du produit lui-même. Nous tenons à sa forme et à ses arêtes assez fines. Syva est aussi conçu pour être joli, mais pas seulement. Avec sa portée de 35 à 40 mètres et sa couverture horizontale de 140°, il est imbattable en pouvoir couvrant. Il délivre une pression importante et homogène aux alentours de ± 6 dB sur une surface de 500m².
Quand on sait qu’on peut mettre aisément trois personnes par mètre carré, cela commence à faire du monde, et même si l’on s’en tient à 500 personnes assises, cela reste une très bonne performance. Le couplage vertical des trois moteurs dans des guides DOSC fonctionne très bien et offre une couverture verticale qui plonge volontairement à 40 mètres.
Parlons technique
SLU : Le système Syva s’alimente apparemment via le LA4X, mais qui peut le plus peut le moins non ?
Cédric Montrezor : Oui bien sûr, Syva peut être amplifié par LA4X, LA8 et LA12X. Il est conçu pour donner sa pleine puissance avec LA4X ; un Syva, un Syva Low ou un Syva sub par canal.
SLU : Ce qui prouve bien que le HP du Syva Sub tiré de celui qui équipe KS28 n’est pas tout à fait le même…
Cédric Montrezor : Il est logique que 2 HP en parallèle dans KS28 nécessitent plus de puissance d’amplification, d’où l’utilisation du LA12X. Un canal de LA4X est donc largement suffisant pour amplifier Syva sub.
SLU : Revenons à la tête, Syva, comment l’emploie-t-on. Elle ne peut d’aucune manière être couplée de par sa polaire et le fait que c’est une sorte de colonne ?
Cédric Montrezor : Syva ne peut pas être couplée à l’instar des lignes sources à courbure constante et variable. L’enceinte est optimisée pour des applications multicanales, et doit être employée en configuration distribuée. Soundvision nous permet d’optimiser la couverture sonore de Syva afin d’obtenir la distribution du SPL souhaitée.
SLU : Il faut donc la considérer comme une enceinte point source mais avec une projection cohérente et allant loin…
Cédric Montrezor : C’est ce qui nous a amené à définir la technologie segment source. Pour les applications multicanales elle se doit d’avoir une valeur de directivité horizontale importante ce qui est le cas puisqu’elle affiche 140° à -6 dB sur toute la bande passante des trois moteurs et jusqu’à 500 Hz.
SLU : Comment font les petits 5’’ à ouvrir à 140° Ils n’ont pas du tout le même comportement.
Cédric Montrezor : Nous avons effectivement une directivité plus large dans la bande médium et cela jusque 500Hz. Quand on regarde plus précisément les courbes, on est très bien en vertical grâce au décalage physique des 5’’. Pour l’horizontal on est stable dans la bande médium et cela devient parfait grâce aux L-Fins à partir de 1 kHz.
SLU : N’aurait-il pas été intéressant de faire travailler Syva en actif ?
Cédric Montrezor : Non, il n’y aurait eu aucun réel avantage. On a voulu optimiser la transition entre membranes et moteurs avec un filtre passif et on est plus connu pour parvenir à réaliser physiquement ce que d’autres font d’ailleurs très bien avec de l’électronique.
Dans le V-Dosc par exemple, on règle la directivité verticale physiquement sans besoin de DSP. On s’y prend de la même manière avec Syva, on a ajusté acoustiquement l’enceinte et grâce à ça, on évite de consommer des canaux d’amplification pour, par exemple, prendre séparément en charge les 5’’ situés en haut et en bas.
Il faut aussi savoir que travailler avec des délais fait qu’en fonction de l’endroit où l’on se trouve par rapport à la source, le décalage temporel ne sera pas le même. Si ce retard est créé mécaniquement, on n’a pas ce problème et il fallait de toute façon rattraper à la fois la courbure du segment des trois moteurs donc cela nous a permis de créer le beam qu’on voulait. On a préféré la simplicité et un coût d’amplification maîtrisé.
SLU : Tu arrives à garder de la cohérence dans portée entre les 6 HP de 5’’ et les trois moteurs ?
Cédric Montrezor : Oui, jusqu’à 35 m et ceci grâce à la taille de ligne qui est différente dans chacune des parties du spectre sonore. On a un comportement qui est uniforme avec un niveau SPL de 95 dBA qui nous sert de référence pour indiquer la portée de nos systèmes points sources, segment sources et lignes sources à courbure constante.
SLU : Est-ce que Syva est conçu pour marcher assemblé tête sur sub ?
Cédric Montrezor : Idéalement c’est le mode d’exploitation le plus simple qui convient très bien à une audience assise, des applications convention, défilé de modes. Nous avons prévus des accessoires et des accroches permettant de séparer Syva et Syva Low. Ils nous permettent, dans un théâtre, de couvrir orchestre et balcons séparément par exemple.
SLU : Mais dans ce cas tu ne peux pas couper tête et sub de la même manière.
Cédric Montrezor : Non en effet. En extension de grave on le coupe à 100 Hz, en couplage avec Syva Low on le coupe beaucoup plus haut, au-delà de 200 Hz. Les deux possibilités sont optimisées et ça nous permet également d’avoir le premier lobe, la première annulation au sol en dehors de la bande utile de Syva, c’est pour ça qu’on a réglé la coupure plus haute. Le fait de découpler tête et renfort de grave fait que l’on exploite toute la capacité à générer du grave de Syva..
SLU : Et du coup vous perdez du SPL ! Est-ce que le fait de descendre plus bas fait augmenter la distorsion ne serait-ce que d’intermodulation des 5’’ ?
Cédric Montrezor : Pour ce qui est du SPL, on en perd effectivement un peu (2 dB). En ce qui concerne la distorsion, les 5’’ et l’enceinte ont été conçus pour reproduire du 90 Hz sans problèmes. Le rendu est acoustiquement comparable si on coupe à 100 Hz ou au-delà, à 200 Hz.
SLU : La charge des 5’’ est individuelle ?
Cédric Montrezor : C’est un volume commun par deux haut-parleurs. Les 4 du bas disposent par deux d’un volume de charge séparé. Ces volumes sont petits mais nécessaires pour atteindre les 100 Hz. Tout est vraiment optimisé. On a trois évents L-Vents.
SLU : Les trois moteurs, sont trois pour quelle raison ?
Cédric Montrezor : Pour avoir une meilleure directivité et pour optimiser le SPL. En associant Syva et Syva Low, on se retrouve à peu près comme avec un K2. Si on prend les deux 12’’, les six 5’’ et les trois moteurs, on est dans cet ordre d’idée.
SLU : Les 5’’ sont ceux de la 5 XT ou bien ils sont proches des médiums de K2 ?
Cédric Montrezor : Ce ne sont pas ceux de la 5 XT mais ils s’en rapprochent. Dans le K2 ce sont des 6,5’’ mais assez différents. Les 5’’ de Syva ont l’avantage de pouvoir descendre par le biais de leur débattement assez important ramené à leur taille.
SLU : On a bien compris que Syva n’est pas une ligne source tout en reprenant une partie de ce qui les caractérise, mais qu’est-ce que précisément un segment source.
Cédric Montrezor : Le segment source est l’association des médiums, de la partie des moteurs d’aigus et des guides d’ondes. Cet arrangement de transducteurs nous permet d’avoir un contrôle très précis de la directivité et d’obtenir une portée importante pour un système en source unique.
SLU : Est-ce que les petits 5’’ séparés par les trois moteurs, couplent malgré tout bien ?
Cédric Montrezor : Les médiums se couplent parfaitement dans la beamwidth définie par la J-shape des aigus. On utilise également un filtre passif du 1er ordre car c’est le plus optimisé d’un point de vue audio. Nous avons une transition plus douce entre le médium et l’aigu.
SLU : Comment se positionne, pour un concepteur ou un prescripteur, le combo Syva & Syva Low dans la gamme L-Acoustics, par quoi peut-il être par exemple remplacé pour couvrir 35 mètres ?
Stéphane Ecalle : Syva a son marché à lui dans un univers luxueux où qualité sonore et beauté, rapidité de mise en œuvre et simplicité d’emploi sont recherchés.
Cédric Montrezor : Une solution peut être un ARCS Wide posé sur un SB18m, ou alors 2 Kiva II posés sur un SB15m. Grâce à l’architecture médium des segments sources, Syva sera plus directif et aura une directivité horizontale plus large. Par contre, il n’est pas couplable.
Stéphane Ecalle : En audience plate, le prix à la couverture est ce qui se fait de mieux.
SLU : Syva est fait en bois. Si maintenant vous recevez une commande énorme, vous gardez ce matériau ou vous faites mouler du composite ?
Stéphane Ecalle : C’est vrai que c’est une ébénisterie complexe qui requiert du temps et du savoir-faire, mais on a fait ce choix en fonction de propriétés acoustiques précises donc on s’y tiendra.
Sur le papier Syva a les cartes en règle pour devenir un produit recherché auprès des prestataires d’événementiel. La preuve en son dans quelques jours avec la première sortie de 22 enceintes au Louvre aux mains d’Alain Français et son équipe pour donner le la au défilé de Louis Vuitton.
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