Le réseau REAC est configuré à distance par la console M-480.
Parmi les motivations qui mènent à l’acquisition d’un réseau audionumérique, la plus fréquente est la nécessité d’un câblage de multiples canaux entre un petit nombre de destinations immuables. Par exemple, entre la scène et la console. Il n’est donc peut-être pas indispensable, dans la majorité des cas, de faire appel aux systèmes de réseau omnipotents, qui nécessitent expertise pointue et administration lourde. REAC de Roland est une solution à ce cruel dilemme.
La récente console M-480 exploite et pilote le réseau REAC.
L’un des objectifs les plus fréquents poursuivis lors de la mise au point de réseaux audio réside dans la volonté de simplifier le câblage. En effet, on connaît les gros câbles multipaires (« snakes ») qui véhiculent des multitudes de signaux entre les consoles, les scènes, les systèmes de diffusion, les enregistreurs, etc. Ceux-ci sont lourds, encombrants, sujets à des faiblesses de fiabilité, et leur raccordement peut être fastidieux, chaque extrémité étant reliée à une boîte où le câble est « éclaté » en paires simples entre ses différentes origines et destinations. Or en informatique, on dispose de câbles à paires torsadées légers et souples qui véhiculent un débit binaire important (10, 100, 1 000 Mbits/s), théoriquement suffisant pour acheminer un nombre important de canaux audio, même codés sous le format le plus « gourmand », exploitant les protocoles Ethernet et IP. L’envie est grande d’utiliser ce type de câble qui a, par surcroît, l’avantage d’un prix extrêmement modique !
Un autre inconvénient des multipaires traditionnels est le manque de souplesse. Changer le câblage (le routage des signaux) requiert une intervention manuelle, pas toujours facile si l’installation ou le système mobile n’est pas vraiment prévu pour, avec un bon repérage des connexions, ou l’insertion systématique de grilles de commutation aux emplacements stratégiques. A priori, un réseau numérique devrait permettre une grande souplesse, le routage devant se traduire par des processus d’adressage dynamique, nativement pris en compte par les systèmes de réseau.
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Enfin, si on arrive à unifier tout le câblage audio, on pense aussi qu’il devrait être facile de disposer d’un peu de débit supplémentaire pour transmettre diverses informations relatives à l’état du système ou des éléments qui le composent : présence/absence de signal, signalisation de défauts, commandes de gain et divers réglages, etc., voire des commandes d’éclairage.
La plupart des solutions existantes imposent des réseaux dédiés à l’audio, c’est-à-dire qu’ils peuvent utiliser du matériel standard de l’informatique mais le réseau ainsi constitué ne peut ou ne doit véhiculer que les signaux audio et leurs accessoires, à l’exclusion de tout trafic d’une autre nature ou origine. Il est exclu de partager ce type de réseau avec des applications non-audio (par exemple de type intranet).
Du plus spécifique au plus standard…
L’idée étant posée, un des problèmes les plus cruciaux est d’assurer la fonction de transmission audio dans de bonnes conditions, c’est-à-dire d’une part avec une qualité suffisante et d’autre part avec un temps de transmission (latence) suffisamment bref.
Le premier point, qui fut le premier écueil à la réalisation de réseaux audio sur Ethernet, a d’abord connu des solutions propriétaires.
– CobraNet s’appuie sur une structure et une syntaxe de paquets particulière, compatible avec le protocole Ethernet de niveau 2 (mais pas IP). CobraNet utilise quatre types de paquets différents, dont un particulier destiné aux signaux de synchronisation.
– EtherSound se fonde sur une structure de trame particulière, synchronisée avec l’horloge d’échantillonnage, contenant l’ensemble des informations : les échantillons audio et quelques informations annexes, y compris les données nécessaires à la synchronisation, et une topologie en chaîne ou en anneau.
– Dante utilise des paquets IP standards, associés à un système de gestion des trafics prioritaires, plus récemment normalisé par le W3C (consortium chargé de la standardisation des protocoles Internet), et se complète d’un protocole de transmission de signaux de synchronisation de haute précision, lui aussi normalisé. Les réseaux Dante sont théoriquement capables d’accueillir tout type de trafic, la gestion de priorité assurant une transmission correcte du signal audio et de la synchronisation quel que soit le trafic concurrent moins prioritaire.
– Enfin, AVB est la dernière évolution qui est, elle, entièrement normalisée au niveau international. Elle peut aussi recevoir de la vidéo. Dante et AVB sont théoriquement interopérables.
Ces diverses versions ont une véritable prétention de système de réseau, c’est-à-dire qu’elles supportent diverses variantes de topologie, un grand nombre de sources et de destinations, un trafic bidirectionnel, et permettent diverses combinaisons de routage des signaux et d’acheminement de commandes et d’informations d’état, sous le contrôle d’un poste d’administration (ordinateur) connecté à un endroit du réseau au gré de l’utilisateur. Elles peuvent s’avérer délicates à mettre en œuvre eu égard aux caractéristiques particulières qu’elles exigent parfois des éléments d’infrastructure (commutateurs, routeurs…) ou à l’obligation d’observer des procédures parfaitement définies pour la configuration et le routage, qui ne sont pas toujours connues des utilisateurs.
Divers systèmes ont une moindre prétention et, de ce fait, sont moins délicats à mettre en œuvre, bien que capables de rendre des services extrêmement appréciables. Ces systèmes se fondent sur le concept de « snake » numérique et sont propriétaires. C’est dans cet esprit qu’a été conçu le réseau REAC (Roland Ethernet Audio Communication) de Roland.
Qualité audio et simplicité avant tout
Initialement, REAC a été conçu comme un « snake », c’est-à-dire qu’il réunissait un boîtier de scène à une console. Strict remplacement du multipaire analogique, il a été conçu pour une qualité audio optimale (40 canaux sur 24 bits à 96 kHz avec une latence très faible) et une seule topologie était admise : le point à point. Il n’était pas question de réseau (donc rien à voir avec les possibilités immenses des CobraNet, EtherSound et consorts), la cohabitation avec d’autres sortes de trafics n’est même pas à l’ordre du jour, mais la contrepartie est de taille : la configuration est immédiate ! Pas besoin d’ordinateur, de considération complexes et de prise de tête, ça marche tout seul et immédiatement, comme un multipaire analogique qui n’aurait pas de faux contacts.
Ultérieurement la topologie a un peu évolué grâce à des « splitters intelligents » (seul le câble est standard, il n’est pas question d ‘utiliser des commutateurs et routeurs issus directement du monde informatique). Ainsi, la topologie admise est une étoile dont le nœud est la console.
Historique, évolution et produits
Le développement du REAC a été amorcé en 1999, par la création du système incluant le mixage et le boîtier de scène VM7200.
A l’origine du REAC, le système VM 7200 intégrait la console et le boitier de scène
Sur ces acquis, Roland Corp. a commencé le développement d’un nouveau système de réseau, qui s’est étendu sur 4 années.
En 2005, le premier produit incorporant cette technologie était lancé, il s’agissait du système de multipaire numérique S4000. Ce système ne comportait à l’époque que 3 éléments : un boîtier de scène modulaire à cartes (le S4000S-3208, avec 32 entrées micro/ligne et 8 sorties ligne, le tout en XLR), un boîtier console d’entrée/sortie niveau ligne (S4000H, 32 sorties et 8 entrées niveau ligne, connectique sub-d25) et une télécommande (S4000R).
Le S4000S-3208 et le S4000H sont reliés par un câble cat 5 croisé, le niveau des gains d’entrée et le PAD sont fixés grâce à la télécommande connectée à l’un des boîtiers sur le port remote RS232. De plus, chaque boîtier dispose de 10 mémoires de niveau de gain. La configuration du ”réseau” s’effectue automatiquement, sans nécessiter un PC pour administrer quoi que ce soit, la connexion se faisant en point à point. Le réseau permet le transport bidirectionnel de 40 canaux, en 24bits/96kHz. La latence moyenne mesurée est de 0.375ms.
Le boîtier de scène (« stage box ») de génération plus récente, S-1608.
Le succès étant au rendez-vous (notamment aux USA et au Japon mais hélas pas en France), Roland a commencé à développer toute une gamme de produits autour du réseau REAC, début 2007, à commencer par deux nouveaux boîtiers, plus petits et non modulaires, les S1608 et S0816, qui formaient un nouveau petit multipaire numérique meilleur marché (le système S4000 coûte environ 7500 euros pour environ 3500 euros pour le petit). Puis vinrent très rapidement la console numérique M-400 (2007) et les retours de scène personnels M-48 (fin 2008).
Le mélangeur personnel M-48 connecté au réseau REAC permet à chaque musicien/chanteur sur scène de se fabriquer son propre mélange de retour. Il offre ainsi un confort exceptionnel que ne permettrait pas une grosse console de retours contrôlée par un opérateur distant.
En 2009 apparaissent la console M-380, ainsi qu’un nouveau multipaire numérique S08-S08 (autoalimenté par le réseau, et intégrant 2 DI) avec un splitter de réseau intelligent S4000M (qui offre la possibilité de patcher les entrées /sorties des boîtiers entre elles, et/ou de former 4 sous réseaux, et qui alimente en courant les boîtiers S0808). Puis vinrent la passerelle Madi S-MADI, qui ouvre le réseau au protocole MADI et donc à des consoles de constructeurs tiers, ainsi que la troisième console de la gamme, la M-300, en 2010
Fin 2011 arrivaient la console M-480 qui remplacera à terme la M-400, et l’enregistreur multipiste 48 voies, le R-1000 (ces deux produits étant cascadables pour atteindre 96 voies d’entrées ou d’enregistrement).
L’interface REAC-MADI S-MADI, qui ouvre le REAC aux systèmes de constructeurs tiers, et le « snake » numérique S4000D
Tous ces produits se connectent et communiquent entre eux via le protocole REAC. La topologie est en étoile, dont le cœur est la console, s’il n’est pas utilisé en simple multipaire numérique. Une console peut accepter 8 boîtiers d’entrée/sortie via les splitters intelligents S4000-M, qui génèrent chacun 4 sous réseaux, plus jusqu’à 99 mixeurs personnels M-48, sans parler des splitters, qui permettent de répéter des entrées ou des sorties. Les boîtiers de scène et la console communiquent entre eux de façon autonome, sans avoir à gérer d’adressage IP, ou de flux montant ou descendant, ce qui en fait un réseau « plug & play »
Le Roland R1000, enregistreur 48 pistes, basé sur le REAC, se connecte aussi à toute console numérique dotée d’une sortie Madi, via le convertisseur Roland S-Madi.
Conclusion
Comparé à ses concurrents comme le Dante ou EtherSound, qui nécessitent impérativement un minimum d’administration, un PC, et le respect scrupuleux d’une procédure bien définie pour avoir des chances de fonctionner, REAC se révèle puissant car opérationnel immédiatement. Cependant, pour des utilisateurs aguerris, les réseaux EtherSound et Dante ont une souplesse supérieure qui permet de résoudre les problèmes les plus complexes.
Ce qu’a cherché à développer Roland, c’est plutôt une solution répondant avec une grande simplicité à la majeure partie des cas que l’on trouve aujourd’hui sur le terrain. Pas besoin de faire de stage de formation dédié au seul réseau, ni de maitriser un outil informatique supplémentaire pour sa mise en œuvre, ce qui permet aux exploitants de se consacrer pleinement et sans arrière-pensée à leur travail de création. Nombre d’exploitants ou de petites structures redoutent de s’aventurer à des investissements dans les réseaux audionumériques, à cause de leur réputation de complexité, disproportionnée par rapport à leurs tâches quotidiennes.
Roland apporte une solution de boîtiers de scène et d’un système réseau simples, faciles à déployer, sans perte de temps dans sa mise en œuvre et permettant aux exploitants de se consacrer entièrement au mixage, aux balances et à la gestion des artistes ou clients. Aujourd’hui, le système se compose de consoles de mixage, de boîtiers de scène, de retours personnels, d’un enregistreur multipiste, peut piloter ou être piloté par des machines vidéo, et s’est ouvert au reste du monde de l’audio avec la passerelle MADI.
Ces solutions répondent à 90% des besoins du marché, les 10% restant nécessitant un réseau plus structuré, comme EtherSound ou Dante.
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