C-19 Retour vers le Futur. Raphael Maitrat et Les Gens Du Spectacle

Raphaël Maitrat et des confrères et amis de la profession ont monté Les Gens Du Spectacle, un groupe Facebook extrêmement actif et utile. Nous l’avons interrogé pour comprendre leur démarche globale, mais aussi sa vision et ses espoirs pour l’Entertainment d’après.

SLU : Tu n’es plus intermittent ?

Raphaël Maitrat : Non depuis trois ans. J’ai monté une SARL. C’est plus facile et je préfère ce statut. J’en suis à mon 3è bilan. Mais intermittent ou pas, nous avons un combat à mener et pour ça nous avons monté avec 7 autres potes, un groupe sur Facebook appelé « Les Gens du Spectacle ».

Raphaël Maitrat

En ordre alphabétique il s’agit d’Alex Jousseaume, Michel Leprez, moi, Eric Rack, Fred Rimbert, Marco Ruisi, Olivier Simenhaus et Aymeric Sorriaux. Nous sommes tous modérateurs et on a atteint les 10 000 membres. Non, 11 138 mais ça change toutes les minutes… On évite les dérives politiques trop agressives ou les syndicats historiques.

On réfléchit et travaille en groupe et nous avons par exemple produit un courrier que nous avons envoyé aux députés et à la presse pour mener la bataille de l’intermittence, mais pas que. (Et cette action a apporté une pierre à l’édifice puisque Emmanuel Macron s’est engagé à prolonger les droits des intermittents jusqu’à fin août 2021 NDR)

Nous voulons aussi être connus par le biais de nos métiers. L’intermittence c’est un régime, ce n’est pas un métier et au-delà de le défendre, il faut en faire de même avec le futur de notre travail car je pense qu’il est plus en danger que l’intermittence. C’est bien une année blanche pour eux, mais s’il n’y a plus personne pour les embaucher, on fait comment ? Reculer pour mieux sauter, on a déjà donné et quand on écoute les Prods, elles sont d’un défaitisme sans bornes.

Souvenirs d’Insus…

SLU : On navigue à vue…

Raphaël Maitrat : Oui, mais avec le Covid, on est devant de l’inédit. Tout le monde peut critiquer, mais quand par exemple on lève un système de diffusion, et qu’on joue du son pour la première fois, on n’est généralement pas bon, parce que c’est de l’inédit et on découvre. On est quand même les rois du « Yaka Faukon » en France. De mon côté je ne suis spécialiste en rien, donc je le reconnais bien volontiers : je ne sais pas.

SLU : Le but de ce groupe c’est donc de concentrer les bonnes volontés, de recueillir l’information et de la relayer…

Raphaël Maitrat : Oui. Entre nous et aussi vers l’extérieur. Il y a une très grande variété de métiers, du chauffeur de la semi, au cuisinier, de la personne qui vend des posters au rigger. On veut aussi que le travail de tous profite à tout le monde et qu’on ne se contente pas d’œuvrer à obtenir des aides. On réfléchit aussi à nos métiers pour demain, à comment on pourra en vivre.

Et qui dit Insus, dit Aymeric Sorriaux et Bob Coke !

Nous avons compris que les investissements vont être gelés durant un certain temps donc on va devoir travailler différemment en faisant moins la course à la machine et en donnant la priorité à l’humain.
On est bien entendu en train de gérer l’urgence car il faut préserver les emplois le plus possible, mais on veut, au-delà de la crise, que ce groupe continue à exister et à produire des idées.

SLU : Et puis vous voulez faire parler de vous.

Raphaël Maitrat : Oui. Au plus fort de la crise, on a entendu beaucoup parler des difficultés des restaurateurs et des bars et étant fils de cafetier, je les comprends très bien. Mais de nos métiers, rien. On ne se met pas assez en valeur. Les annexes VIII et X, ça ne parle pas à grand monde et l’exception française pas plus. Elle est certes importante pour nous, mais notre savoir-faire, il est aussi bien réel.
Un rigger, un ingé système, un pupitreur, un mixeur, un assistant plateau ne sont pas là par hasard. Défendons nos métiers. J’ai répondu à une interview du Parisien et la rédaction en chef n’a gardé que la partie « bataille des intermittents ». Ce n’est pas le seul combat. Ça en fait partie, mais c’est loin d’être le seul et puis l’intermittence n’est pas toujours bien vue en France. On nous assimile un peu à des privilégiés.

Il n’y a pas que les yeux qui brillent !

SLU : Mais quand tu parles de ton job…

Raphaël Maitrat : Ça fait tout de suite briller les yeux !

SLU : Est-ce que, à ton avis, on peut faire autre chose que déprimer en ce moment. On peut penser à l’après.
Raphaël Maitrat : Clairement c’est ce qu’il faut faire. On voit bien qu’on va se manger le mur et on cherche des solutions dans le joint de ce mur. On peut aussi prendre une échelle et regarder par-dessus. Il faut réfléchir au coup d’après. OK on a les deux jambes cassées, mais on doit déjà penser au moment où on va recourir. Et comment on va le faire.

SLU : Comme vois-tu l’année 2020 d’un point de vue pratique.

Raphaël Maitrat : Dur. A l’heure actuelle, il y a le chômage partiel, mais cela ne va pas durer éternellement car il repose sur l’existence d’une tournée, de dates, d’événements bien précis dans les mois qui ont suivi le début et la fin du confinement, entre mars et mai. Mais je ne crois pas trop que ces mesures pourront toujours être appliquées cet été car l’activité partielle n’est pas entièrement prise en compte par l’état.
Je doute que les boîtes de prod soient devenues philanthropes et offrent très longtemps 20 % de leur poche pour les Congés Spectacles et d’autres caisses privées et puis l’Etat a très vite rappelé que les aides existent uniquement pour les annulations, pas les reports et qu’en pareil cas il faudra les rembourser…

Vivement les Lux, les dB, les artistes et surtout le public…

SLU : Et la réouverture des salles risque d’être très complexe.

Raphaël Maitrat : Ce que l’on nous a montré est clairement injouable. Ce ne sont que des recommandations préliminaires, mais elles sont intenables à la fois pour les organisateurs comme pour le public. Les seuls gagnants sont ceux qui ont monté des boîtes de désinfection ! Du coup on nous parle des spectacles 2.0 sur Internet à la Travis Scott ou bien les concerts virtuels depuis les salons des artistes. Pour moi ce ne sont pas des concerts… Le vrai live ce n’est pas ça.

Et le public dans tout ça…

Raphaël Maitrat : C’est bien de parler de nous, mais il ne faut pas l’oublier. Notre métier est soumis au public, à une billetterie, donc, il faudrait peut-être poser la question : est-ce que toi, spectateur, tu vas revenir dans une salle ? J’ai un exemple tout simple. Ma mère qui a eu quelques soucis cardiaques a vu le concert d’Alain Souchon reporté à l’automne. Estimant être par son âge et son cœur une personne à risques, elle a décidé de ne pas y aller.

Une grande jauge comme on les aime, Black M. les ballons en prime !

Les choses vont peut-être changer en mieux, mais pour le moment l’ambiance est trop anxiogène pour imaginer une grande jauge avant 2021. On a cru pouvoir faire un parallèle entre l’arrêt brutal post-attentats et la crise du C-19. Ce n’est pas très judicieux. D’un côté l’ennemi est visible, de l’autre pas, donc il ne faut pas s’attendre à un redémarrage aussi rapide qu’en 2015.

Au risque de me répéter, on ne sait rien et même si la communauté scientifique va très vite, peut-être trop vite, le flou reste total, et il ne joue pas en notre faveur. C’est pour ça que nous restons mobilisés et que nous continuerons à maintenir la pression.

Deux mots pour conclure cette interview sur une note positive. Des avancés ont été obtenues à la fois du côté prestataires comme de celui des intermittents. Une nouvelle bataille commence par le même groupe des Gens du Spectacle, celle des oubliés des aides. Celle des Artisans du Spectacle.

Cliquez si vous ne l’avez pas déjà fait sur le lien ci-dessous et chapeau bas à toutes et tous administrateurs et contributeurs, vous faites un remarquable travail.

https://www.facebook.com/groups/704031633689183

Crédits - Texte : Ludovic Monchat - Photos : SLU & Raphaël Maitrat

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