Voyage au Cœur de l’Eté dans l’écrin de lumière de JC Ménard

A Amiens, un festival atypique à ambiance très intimiste autour des « musiques du monde » existe depuis 17 ans non sans un certain succès. Son but est d’ouvrir les gens aux différentes cultures et musiques en provenance du monde entier.

L’ambiance « fête de village » avec sa convivialité, son ambiance chaleureuse, au cœur de laquelle la scène vient prendre sa place et joue avec les arbres.

Voyage au cœur de l’été est organisé dans un lieu magnifique, un ancien cloître en plein cœur d’Amiens permettant de recevoir un petit 500 personnes. Ces spectateurs (presque des convives en fait) se trouvent en partie assis devant la scène, ou à table pour profiter des concerts en dégustant la cuisine exotique de différents restaurateurs des stands alentour. Car ce festival est bien plus qu’un lieu de représentation pour une trentaine de concerts sur un mois (parfois plusieurs groupes par jour).

A mi-chemin entre la fête sur la place du village dans un petit patelin du sud, et les festivités traditionnelles d’Amérique centrale ou d’orient, l’organisateur a su y créer une atmosphère très particulière. Le soir de notre visite, nous étions en Andalousie, et le festival recevait un groupe de musiciens et danseuses de Flamenco.

Depuis 6 ans, la technique du festival, son et lumière, est assurée par la société MDS Audio, basée à Coulommiers en Seine et Marne. Et c’est Jean-Christophe Ménard (dit « JC ») qui officie aux lumières, en tant que designer pour la scène mais aussi pour l’ensemble du site, avec l’éclairage architectural des bâtiments, des arbres, etc.

JC a pu bénéficier d’un kit de matériel de premier ordre, venu du parc de MDS Audio. Des profiles Ayrton Diablo, Martin Quantum Profile et Wash… Le tout piloté par une console Chamsys MQ500M, la toute nouvelle version avec les faders motorisés. Les liaisons régie/plateau son et lumière sont assurées par un réseau fibre managé par des switches Luminex.

Benjamin Bouché (ingé-son), Ugo Knaff (Sonoss), Jean-Christophe Ménard (Light Design).

SLU : Bonjour JC. Comment es-tu arrivé sur ce projet ?

Jean-Christophe Ménard : Je travaillais déjà en tant qu’éclairagiste avec le prestataire MDS Audio assez régulièrement quand il a récupéré la gestion du projet. Il m’a demandé de prendre en charge la partie lumière, en envisageant la chose sous deux aspects : la mise en lumière de la scène pour les concerts, mais aussi la mise en ambiance du site.
Car au-delà de la scène, on a un espace particulièrement beau à mettre en lumière, le cloître lui-même avec ses coursives, ses voûtes, mais aussi la cour arborée. C’est un ensemble qui devait être traité dans sa globalité, un peu comme un écrin à créer pour recevoir l’ambiance de ces concerts atypiques.

SLU : Peux-tu nous parler de ton kit lumière sur ce festival ? Tu as eu des contraintes ou des demandes particulières ?

Jean-Christophe Ménard : L’organisateur du festival nous fait entièrement confiance. Nous avons toujours su visiblement coller à ses attentes et il semble très content de notre travail.

MDG Atmosphère

Le kit de matériel a été envisagé à partir des contraintes que nous avions par rapport au site, dont celui de l’alimentation électrique qui devait rester assez modeste car nous devons pouvoir alimenter également les stands de restauration (avec les fours, rice-cookers, et autres étuves…).

Nous avons un kit constitué d’un peu de trad (quelques PC à la face, quelques horiziodes et blinders, un peu de PAR64…) du PARLED Rush PAR-2, des lyres spot (Ayrton Diablo et Martin Quantum Profile) des lyres Wash (Martin Quantum Wash), et une MDG Atmosphère pour le brouillard. Ce kit me donne toute satisfaction. Il est parfaitement adapté au lieu, tant par l’équilibre des puissances, que par les capacités des projecteurs à offrir beaucoup de possibilités.

Pour ce qui est de la console, nous travaillons depuis un certain temps avec des Chamsys (je suis moi-même formateur Chamsys) et MDS en est équipé. Ici en partenariat avec Sonoss (le distributeur de Chamsys en France), et notamment avec Ugo Knaff que je connais bien pour travailler avec lui sur les formations, nous avons la dernière MQ500 M, ce qui m’a permis de la prendre en main en vue de formations et activités futures.
Ça nous a permis aussi d’envisager cet outil dans le cadre d’une évolution possible du parc de consoles chez MDS.


La console Chamsys MagiqQ500M.

Pour le transport du signal, nous avons créé un réseau redondant entre 2 Gigacore 10 Luminex.

SLU : Justement, peux-tu nous dire ce que t’apporte ce réseau sur le festival ?

Jean-Christophe Ménard : Plein de choses, à commencer par la sécurité de la redondance au cas où l’un des deux câbles subirait une dégradation. L’autre avantage est de ne plus avoir à tirer dans tous les sens de gros snake son et lumière. On utilise ce système depuis l’année dernière et il nous donne entière satisfaction.

Luminex Gigacore 10, côté scène.

Rack de splitters Oxo et node Chamsys B4.


Un flux de signal de ce type permet de s’affranchir de certaines contraintes de câblage et de bien séparer les univers sans trop me casser la tête. Même sur un petit kit comme ça c’est appréciable. Ce sont des outils de transport de flux de signaux tout à fait redoutable multi protocole et assez simple à administrer. Ici on est tous dessus, en Dante pour le son, Art-Net pour la lumière. On transfère nos signaux sans jamais avoir le moindre conflit ou problème que ce soit.

Le réseau transporte les flux son et lumière.

SLU : Peux-tu nous parler de ton approche de la MQ500M ? Quel est son avantage ici ?

Jean-Christophe Ménard : Au niveau ergonomie, on a gagné énormément. Avant nous avions une MQ80, qui est une très bonne petite console mais qui nous obligeaient à utiliser des wings d’extension ce qui est une solution qui peut s’avérer pratique mais pas forcément aussi simple à gérer qu’une console avec un hardware plus complet.
La présence des deux écrans tactiles me facilite aussi la vie, surtout en improvisation en live. Je peux construire mes tableaux en fonction de ce que j’entends ou ce que je découvre sur scène.

Je suis en impro totale et je dois faire évoluer la lumière chaque soir, mais également sur les 4 semaines de durée du festival à raison de 5 jours par semaine. Nous avons beaucoup de spectateurs qui assistent à plusieurs concerts (parfois même à quasiment tous) et c’est aussi mon objectif de proposer chaque soir une lumière différente de celle que j’ai jouée la veille ou quelques jours avant.
Ce renouvellement permanent m’oblige d’ailleurs parfois à me mettre quelques limites pour ne pas claquer toutes mes cartouches en quelques jours de festival, mais qui fait justement appel à un côté créatif dans l’instant qui me plaît beaucoup.

Ce soir, avec le Flamenco la lumière sera très sobre, « théâtrale », mais en fonction des groupes qui jouent, ça peut être beaucoup plus démonstratif et riche en effets. Aujourd’hui on va improviser mais pas comme hier, et pas comme demain non plus. Et, bien entendu, dans ce genre de contexte, l’ergonomie de la console et les facilités d’accès d’un pupitre comme cette MQ500M sont déterminantes.

JC sur la MQ500M, les mains en permanence en alerte au jeu des musiciens.

Quelques fonctions sont particulièrement adaptées à cet exercice. Par exemple, la fenêtre « execute window » me donne accès à des palettes (couleurs, positions, ou autre…) directement par groupes de machines sectorisées, et a une grande réactivité pour un travail instinctif.

Les faders motorisés jouent également un grand rôle dans la nouvelle approche de cette console. Curieusement, ayant toujours travaillé avec les versions précédentes, sans faders motorisés, j’ai dû « me créer le besoin de les utiliser, car ça ne m’avait jamais manqué. Du coup j’ai réfléchi à de nouvelles manières de travailler qui pouvaient être efficaces et bénéfiques pour mon show et mes besoins, et j’y ai parfaitement trouvé mon compte.

SLU : Tu as un kit d’automatiques assez sympa, que peux-tu m’en dire ?

Ayrton Diablo et Rush PAR-2.

Jean-Christophe Ménard : Que du bien ! MDS a investi il y a peu dans des Diablo et bien qu’une partie n’ait pas pu être disponible car déjà sur d’autres prestations, on a pu en avoir quelques-uns ici, et c’est un vrai plus. Ils viennent compléter les Quantum Profile que nous avons depuis quelques années et qui font très bien leur travail.

Les Diablo ont certains avantages dus au fait qu’il s’agit de machines très récentes. Leur consommation électrique est faible (300 W environ par machine) et c’est important pour nous qui devons être vigilants sur ce point. Ensuite, leur zoom a une très belle ouverture ce qui est une qualité appréciable, surtout quand on est comme ici sur une hauteur assez réduite. Les deux types de spots cohabitent efficacement. Dans l’ensemble, washs et spots forme un bon binôme. Ils sont cohérents en termes de gammes de couleurs.

Des Rush PAR-2 en éclairage des voutes du cloître.

SLU : Avec quoi éclaires-tu la cour et les bâtiments ?

Jean-Christophe Ménard : Essentiellement avec des PARLed disposés sous les voûtes pour lécher les plafonds, et puis avec d’autres disposés sur une arche de structure au-dessus de la régie.

Mais aussi avec des petits projecteurs à leds sur batterie, Contest IPAirLED, pour raser les colonnes à partir du bas. Ils ont une autonomie assez incroyable. Comme ici on les utilise avec une couleur prédéterminée, sans transmission DMX en Wireless, il ne consomme que très peu. On ne les recharge qu’une fois par semaine !


Eclairage du cloître

SLU : Comment as-tu envisagé ta création lumière ?

Jean-Christophe Ménard : Techniquement, j’ai travaillé en binôme avec Laurent Riquez de MDS Audio. Il est très doué pour utiliser le soft de modélisation Capture. Je lui ai fourni mes idées, j’ai dessiné ce que j’imaginais faire, et il en a fait la traduction dans Capture avec une visu 3D complète, un plan de patch etc.

Vue 3D avec Capture. Réalisation Laurent Riquez.

On a travaillé ensemble pour affiner ce que je voulais obtenir, et on est arrivé à quelque chose qui me convient parfaitement. Ensuite, la partie purement « mise en lumière » et encodage, je l’effectue ici sur site, la première nuit après le montage. J’essaye de trouver l’atmosphère qui me plaît et qui correspond à l’ambiance du moment. Ça me permet de construire une base de travail qui va ensuite me servir pendant tout le festival.

Artistiquement, l’approche est assez singulière puisque nous avons sur le mois environ 27 concerts différents, avec des ambiances très éloignées les unes des autres. Dans la totalité des cas, des artistes viennent sans éclairagiste, et bien souvent sans indications particulières quant à leur mise en lumière.

Je m’entretiens avec eux à chaque fois pour connaître un peu le « mood » de leur représentation, apprendre un peu de ce qu’ils veulent transmettre, et ensuite j’improvise à partir de ces données. Il me faut donc avoir une approche très instinctive de la lumière, et la possibilité de faire évoluer le show « en live » en composants des tableaux en quelques secondes et en m’adaptant à la musique en permanence. »

En effet, la réalisation est tout à fait à la hauteur, et JC Ménard parvient à transporter le public en construisant une lumière « vivante » et animée en permanence de ses doigts qui contrôlent les intensités, les faisant jouer avec la musique, avec les intentions des artistes.
Ici, point de mouvements « circle » ou démonstrations d’effets spectaculaires. On est dans la finesse, le respect du propos des artistes, dont les performances nécessitent une attention toute particulière. La lumière sait aussi se faire douce, en accompagnant et ambiançant ces beaux moments de partage.

Car il s’agit bien de partage. L’essence même de nos métiers est la plupart du temps dans ces représentations à taille humaine, parfois comme ici dans des cadres très intimistes, qui sont traitée avec un professionnalisme et une sensibilité qui « sonnent juste ».
Ici on voit à l’œuvre des gens qui font leur métier sur des prestations dont l’envergure moins spectaculaire qu’une tournée internationale de passage dans une aréna géante, ne signifie pas manque de moyens, d’implication, de qualité de travail, et surtout d’intérêt.


Plan de Feu

Equipe technique et artistique

Programmation et direction artistique Festival : Yakoub Abdellatif
Prestataire : MDS Audio (www.mds-audio.com)
Création lumière : Jean-Christophe Ménard
Support Chamsys (distributeur) : Sonoss / Ugo Knaff
Design DAO Capture, prépa son et lumière : Laurent Riquez
Chef montage / MDS : Thierry Pinon
Ingé-son / plateau / système : Benjamin Bouché
Ingé-son / plateau : Olivier Coquelin
Technicien montage et démontage : Alexandre Lamarche
Décoration : Association Prémice

Equipement lumière

5 Profile Diablo Ayrton
6 Quantum Profile Martin
4 Quantum Wash Martin
24 Rush Par 2 Martin
8 irLED64-18x12SIXsb Contest
18 IPAirLED (sur batterie) Contest
6 Eurospot C51 ADB
3 Eurospot C101 ADB
8 Cycliodes ADB
8 Par64

Contrôle

1 MQ500M Chamsys
2 Gigacore 10 Luminex
1 Node SnakeSys B4 Chamsys
2 Splitters OXO

 

Crédits - Texte & photos : Jocelyn Morel

Laisser un commentaire