Yamaha à Garnier, ça Play beaucoup

L’Opéra Garnier, usine à talents où se montent et se donnent de magnifiques ballets, dispose d’une infrastructure son et d’équipes techniques au diapason, 3 exactement.
Nous y avons passé une journée entière durant les répétitions de Play, le ballet d’Alexander Ekman et on a adoré. Du coup, gros reportage bien fibré !

Tout est beau à Garnier, mais il suffit de lever la tête pour fondre de bonheur. Marc Chagall à la demande d’André Malraux a consacré un an à cette fresque légère et lumineuse et… Promis, maintenant on parle de technique !

Comme toute salle qui se respecte, Garnier dispose d’une entrée des artistes située à l’opposé des marches de la place de l’Opéra. Une fois à l’intérieur de cette vénérable institution et pour éviter qu’on ne se perde dans le dédale d’étages, couloirs et portes, on nous conduit très gentiment dans la salle côté spectateurs et plus particulièrement dans les loges face à la scène où se trouve la régie technique permanente de Garnier et à l’étage du dessous, celle provisoire du son pour Play.

Suzanne Poulain, technicienne son ou, mieux encore, consolière maison, nous accueille pour un échauffement bienvenu, car de la technique ici on va en voir beaucoup et il faut se préparer. La salle a beau avoir été construite à la fin du 19è siècle, elle dispose d’infrastructures très modernes, notamment côté son avec un système PM10 Rivage plus que conséquent et qui a été encore complété grâce à la complicité de Yamaha France pour Play, le ballet d’Alexander Ekman.

Au sein de la régie son de Garnier aménagée au 3è étage dans des loges étanchéifiées par des doubles vitrages. De gauche à droite trois techniciens maison : Guilain Ranouil ingé son en charge de la captation vidéo, Suzanne Poulain consolière et Damien Pizzimenti, en charge de l’infrastructure et des effectifs son (mais toujours sondier dans l’âme car sondier un jour…)

SLU : Quel est ton rôle sur Play ? Suzanne Poulain

Suzanne Poulain : Il y a plusieurs personnes au son. Tifred (Frédéric Ciezki) qui est venu apporter son savoir sur les retours et les ears en particulier, et Dino (Dino Coskun) qui est de la maison. Tous deux sont aux retours, en fond de scène sur le même praticable que l’orchestre. JB (Jean-Baptiste Boitel) mixe et fait la diffusion salle.

De mon côté je m’occupe des playbacks, des pistes audio fournies par le compositeur et qui comportent aussi des clicks et des guidelines vocales pour les musiciens. JB récupère dans mes flux les audios seuls et aux retours ils prennent l’ensemble pour les ears. Les ordres d’envoi me sont donnés par la Stage Manager. Avec mes médias, je génère aussi un compteur temps qui défile et indique où l’on se trouve dans le ballet.

SLU : Quel logiciel emploies-tu pour lancer tes sons ?

Suzanne Poulain : Show Cue, un soft qui alimente par ailleurs la console en AES. Le compositeur Mikael Karlsson m’a donné les médias afin que je les assemble en tracks en liant ceux qui doivent jouer ensemble, typiquement un gauche/droite pour la face et un second pour les ambiances arrière, plus les pistes de guides et de clicks.

J’ai reçu pour certains titres des stems afin de laisser à JB la possibilité de mixer plus finement ces playbacks. C’est lui qui décidera avec le compositeur de l’utilité ou pas d’avoir des éléments séparés. Je dispose de deux ordinateurs synchronisés et deux DCA sur la console pour pouvoir basculer manuellement de l’un à l’autre en cas de pépin.

La surface CS-R10-S de J-BA Boitel à l’orchestre le temps de l’encodage du mixage et la vue parfaitement dégagée de la scène et des instruments perchés sur le décor de Play.

SLU : Ces audios complètent le jeu en direct des musiciens ?

Suzanne Poulain : Oui. Des musiciens et d’une chanteuse aussi. De mémoire il y a un grand stand de percus avec un marimba, un quatuor de cordes, un quatuor de sax, une basse ou contrebasse, un piano et donc une chanteuse. Il y a aussi, posés sur le praticable des musiciens et sous des draps blancs, deux stacks de Kiva orientés vers les danseurs et agissant comme retours mais aussi constituant le premier niveau de la diffusion en salle, et donc le temps 0 sur lequel les autres enceintes sont alignées.

SLU : Tu la connais bien cette régie Damien ?

Damien Pizzimenti (en charge de l’infrastructure et des effectifs son) : Ahh oui, je l’ai beaucoup pratiquée d’autant que cela fait moins d’un an que j’ai changé de poste et qu’enfin j’ai participé à sa conception.

SLU : Transition parfaite. Vous avez un système Rivage PM10 dont la surface de contrôle CS-R10 se trouve en régie. En général vous mixez ici face et retours…

Damien Pizzimenti : Oui, tous les signaux analogiques aboutissent en régie, nous avons pour cela deux RPio 622, et près de la surface un RPio 222 qui nous sert pour tous nos périphériques en AES et le DSP. Mais nous avons aussi d’autres RPio et tous les signaux disponibles dans notre Nodal qui se trouve à cour, à quelques mètres au-dessus du plateau ce qui nous offre une flexibilité importante. On va le visiter ?

La maquette en coupe de Garnier due au talent de Richard Peduzzi avec sous la coupole la salle à l’italienne avec ses 4 étages. La régie est au 3è étage et la mini régie FOH au 2è. A gauche on distingue bien le plateau incliné vers la salle.

S’en suit une balade rappelant à quel point cette salle est belle, grande et dispose d’équipes rompues au jeu du Rubik’s Cube avec les décors des spectacles qui s’enchaînent chaque jour.

Le fenestron coulissant du nodal donnant sur la scène coté cour.

Par ailleurs l’impression de monter une cote sur le plateau n’est pas un vain mot. Ce dernier est incliné du lointain vers la face de 5 centimètres par mètre, soit 5%.
Garnier souhaitait par cet artifice donner un sentiment de proximité avec le spectacle. A vélo on appelle ça un col de 4è catégorie…

Une fois dans le nodal on tombe sur un fenestron qu’un volet métallique coulissant ouvre sur le plateau. On est face à la scène avec une vue imprenable sur le décor et les musiciens. Deux séries de racks hébergent l’interphonie et l’audio.

Damien Pizzimenti : On a la convergence de l’interphonie en Overline avec la matrice Clear-Com, mais aussi celle RJ 45, fibre, HP, l’ensemble de ces liaisons partant un peu partout sur le plateau. On a ensuite la convergence de toutes les lignes micro.

Les deux RPio 622 du nodal. 96 entrées micro pré-câblée sur six cartes RY16-ML-Silk et pour le rack du bas, quatre cartes RY16-DA soit 64 sorties analogiques et deux cartes RY16-AE comportant chacune 8 entrées/sorties, soit 16 canaux au format AES/EBU avec bien entendu des circuits de SRC.

On a besoin de beaucoup de ressources pour gérer la captation dans la fosse mais aussi depuis tous les boîtiers répartis autour de la scène qui nous permettent la captation des chœurs ou de l’orchestre où qu’ils soient. L’ensemble de ces lignes aboutit en entrées et aussi sorties dans deux RPio 622.

SLU : Dans la fosse tu as combien de points micros accessibles ?

Damien Pizzimenti : 32 ce qui généralement nous suffit, mais si nous en avons besoin d’autres, on a des boîtiers de 16 lignes à cour et jardin et tout est directement accessible sur la console.

Nous devons être très réactifs car on a une grosse alternance avec parfois 3 spectacles la même journée : un petit concert le matin, une répétition l’après-midi et le gros spectacle le soir. On n’a pas le temps de patcher, du coup tout est disponible sur la PM10 tout le temps.

SLU : Vous avez combien de préamplis…

Damien Pizzimenti : (sourire) Quelques-uns. On a au total entre en haut et ici, onze cartes de 16 entrées avec traitement Silk. Le reste des slots comporte des cartes AES et des cartes de sorties analogiques.

Sortez votre loupe, voici le synoptique de l’infrastructure de captation et de mélange son de la grande salle de Garnier.

SLU : Il y a beaucoup de lignes qui vont de la scène à la régie via des patchss…

Damien Pizzimenti : Oui, nous avons gardé le câblage analogique de notre ancienne PM1D et ces lignes rendent encore service de temps à autre. On avait le DSP et des DIO en bas et d’autres DIO à la régie. La console dialoguait avec les stage racks et le DSP dans le nodal via des interfaces Riedel Artist 1D et des fibres multimode. Désormais les deux RPio 622 du nodal montent en régie en TWINLANe.

Les deux RPio 222 en place derrière la CL5 des retours. Ils alimentent cette dernière en Dante et la PM 10 de la face via le réseau TWINLANe-M, une boucle exclusive entre le DSP de Jean-Philippe Boitel et les deux stage racks grâce à des cartes HY256-YL.

SLU : Sur le praticable de l’orchestre de Play on voit des RPio 222…

Damien Pizzimenti : Ce sont ceux petits racks mobiles qui nous appartiennent et dont on se sert dans d’autres salles de l’Opéra en exploitant le TWINLANe en fibre. Ils servent pour Play pour le repiquage de l’orchestre.
Pour les retours en ears de la quinzaine de musiciens on a pris notre CL5 qui nous sert au quotidien à faire des captations depuis notre régie vidéo.

SLU : Comment avez-vous adapté le reste du système son pour Play ?

Damien Pizzimenti : L’idée du départ était de constituer une unique boucle TWINLANe et que la surface CS-R10-S du mix salle de J-Ba Boitel devienne une extension de notre CS-R10 en régie.
En avançant dans la réflexion s’est posé le problème de l’alternance propre à l’Opéra entre Play et d’autres spectacles et la manière de travailler de J-Ba et son désir de venir peaufiner son mix en dehors des jours dévolus à Play.

On se doit enfin de répondre aux éventuelles demandes du compositeur de faire évoluer sa bande son, de l’enrichir jusqu’à la dernière représentation. Cela demande du temps de mixage et interdit de fait de ne disposer que d’un moteur pour deux surfaces qui potentiellement se retrouveraient à traiter des flux différents en même temps. On a donc joué la carte de la sérénité en séparant les deux consoles, créant deux réseaux TWINLANe et exploitant deux DSP distincts.

Une très belle représentation de l’infrastructure son complète employée pour Play et mêlant le matériel de Garnier, un coup de main de Yamaha et une location ponctuelle. On voit bien les différents points où le signal est créé, mélangé ou brassé. Les étranges 3L39 et 2L39 accolés aux deux régies, correspondent à l’étage et au numéro de loge où se trouve chacune d’entre elles.

Du coup J-Ba récupère les signaux des musiciens en TWINLANe et les médias additionnels envoyés par Suzanne depuis notre console en Dante. C’est aussi en Dante que sont échangés certains premix et que sont alimentés les composants du système L-Acoustics au sol et en accroche. On fait cohabiter deux réseaux distincts via le Dante et ça marche très bien.

De gauche à droite TyFred et Dino en charge des ears monitors de l’orchestre et de la chanteuse.

Un passage devant la régie retours nous permet d’immortaliser devant l’éternel TiFred, pardon, Frédéric Ciezki (derrière la CL5) qui est venu apporter son savoir sur les retours et les ears en particulier, et Dino Coskun (debout) technicien son -maison- qui a repris le flambeau et a assuré l’exploitation chaque soir.

Le mixage de Play

Cette journée à Garnier permet de recueillir beaucoup d’informations d’autant d’opérateurs, concepteurs et responsables. L’un, et non des moindres est Jean-Baptiste Boitel, un jeune vieux de la vieille ou un vieux jeune loup, fiable et reconnu pour son travail à la fois au mix comme au système.

C’est lui qui mixe la face et qui a gardé les doigts dessus tout au long des dates ou le ballet a été donné à Garnier. On le retrouve au milieu du velours rouge à l’orchestre, une place qu’il quittera une fois le show encodé pour une loge située au 2è étage, mais sans être vitrée. Les répétitions ayant permis d’entendre son travail créatif et produit, on profite de quelques minutes de pause pour l’interroger.

Garnier au grand angle. Si vous regardez tout en bas, le monsieur avec sa chemisette et qui s’affaire autour de sa CS-R10-S petit bac, n’est autre que Jean-Ba Boitel.

SLU : Elle n’a pas l’air de te plaire ta grosse caisse (il l’a mise en boucle et la fignole depuis quelques minutes) Tu sembles assez libre de créer cela dit.

Jean-Baptiste Boitel : J’ai le feu vert de Mikael Karlsson le compositeur qui est très ouvert, du coup on peut être force de proposition, c’est même un peu notre rôle. Il écoute chaque jour et me propose dans la Dropbox des contenus séparés en lieu et place des stems ou me donne des directions pour le mix et valide, ou pas. Il update en quelque sorte ses media. C’est un compositeur très performant qui travaille en collaboratif et connaît nos outils et nos techniques. Il sera présent à Garnier jusqu’à la première.

J-Baptiste Boitel à gauche et à ses côtés Rémy Bréan.

Pour en revenir à la grosse caisse symphonique dont tu parles, elle ne convient pas en l’état (un rendu assez long mais avec une attaque très médium NDR), je l’ai donc par mal modifiée vers un rendu à mi-chemin entre le cinéma et le jeu vidéo (effectivement, très différente NDR).

Il y a pas mal d’autres sons qui ne sont pas habituels dans un opéra et c’est ça qui est génial. Ce piano par exemple (qui, entre autres, joue les Pesquet en tournant entre les Kara du main et les Kiva II des ambiances arrière NDR) tourne avec un simple device de Max For Live, et cet effet n’arrive qu’une fois.

SLU : Le système Rivage te convient ?

Jean-Baptiste Boitel : La puissance est terrible. Je pars d’un patch de 56 et avec l’ensemble des traitements, doublons et autres, j’arrive à 148. Je peux construire un outil très ergonomique où j’ai la main sur l’ensemble des effets, même s’ils ne durent que quelques secondes et une seule fois. J’ai par exemple des chimes où je travaille un auto-pan à la ronde et à la croche pointée. Une seule fois 15 secondes. Ça mange un plugin et un total de 6 tranches (Il nous le fait écouter. Très réussi. On est plus dans la production studio que live NDR)

SLU : Comment es-tu arrivé à Garnier et plus particulièrement sur Play ?

Jean-Baptiste Boitel : Je travaille assez régulièrement ici quand il y a du son à produire qui sort du contexte habituel de l’Opéra. J’ai la chance d’intervenir sur un spectre assez large de spectacles en plus du classique, et cela me donne une oreille et une capacité pour accompagner les besoins différents de certaines œuvres et d’y apporter la méthode nécessaire.

La régie de Jean-Ba Boitel une fois installée dans une loge, là où elle a servi lors de chaque date du ballet. Outre les effets propres au système Rivage et un Mac pour le Virtual, il y a adjoint une Bricasti M7 et dans son ordi Max For Live. Le reste c’est du talent.

SLU : Comment trouves-tu cette salle qui a mon avis ne doit pas varier beaucoup entre vide et pleine ?

Jean-Baptiste Boitel : Ça ne change rien non, mais pour moi c’est parfait. Elle n’est pas mate comme un studio, il y a beaucoup de diffraction avec les décors mais aussi de parties absorbantes. Disons que la coupole est un peu dure et (CLAP…ca-clap répondit l’écho) ; ça vient bien de là-haut. Il faut jouer avec. L’avantage est qu’on entend bien toutes les enceintes.

Du plus profond jusqu’au sommet de la cage de scène, l’ensemble utile atteint les 62,50 mètres. Dans tout cet espace, une équipe de techniciens veille au bon fonctionnement de l’ensemble et surtout à l’alternance des divers spectacles.

SLU : Est-ce que l’alternance des spectacles complique ton travail ?

Jean-Baptiste Boitel : C’est quelque chose de lourd mais les équipes de l’Opéra sont *parfaitement* rompues à cet exercice. Ils le maitrisent de bout en bout.
Ils notent tout, et de la même manière qu’entre deux éléments de décor il y a un millimètre de jeu et ça n’en varie pas, pour le son c’est la même chose.

SLU : Ton kit son qu’on détaillera plus loin, comporte quatre SB18. C’est suffisant ?

Jean-Baptiste Boitel : J’utilise aussi les antennes de subs de l’Opéra, 8 M1D-sub Meyer par côté qui limitent les retours arrière et concentrent l’énergie en salle, des doubles 10” très compacts et qui descendent bien. Ils sont intégrés au cadre de scène, derrière un tissu acoustique.

Typat est dans la place… Tout soooonne !

25 ans de métier et pas une ride. Mesdames et messieurs : Typat !

Chargé de faire cohabiter deux systèmes, le résident et le complémentaire, Patrick Passerel a répondu à quelques questions durant l’entracte de la filée de Play.

SLU : Tu es un habitué de Garnier ?

Typat : Je suis déjà venu à la demande de Rémi et notamment il y a quelques années lorsque Play a été monté pour la première fois. C’est simple de travailler ici quand tu connais les infrastructures et sais où tout se trouve !

SLU : Ton temps zéro ce sont donc les deux stacks de Kiva II près de l’orchestre…

Typat : Pas tout le temps (sourire) Le spectacle débute par des cuivres -détachés- de l’orchestre et placés à l’avant de ces stacks. Ils sont donc coupés et le zéro est ramené dans les colonnes de l’Opéra, tout en précisant que l’énergie est donnée par les sax eux-mêmes et l’acoustique de la salle. Ces colonnes nous sont très utiles quand le rideau tombe car il n’y a plus de Kara, elles se retrouvent masquées…

Rideau fermé, le ballet débute par 4 cuivres dont on entend le son acoustique renforcé par celui des colonnes.

Le stack à jardin et vu par l’arrière des Kiva II en charge de sonoriser le plateau et de servir aussi de premier rideau de sonorisation. Le temps 0. Nous sommes ici contre la régie retours qu’on devine à droite de l’image.

SLU : Ensuite tu changes ton calage et ouvres les Kiva, retours des danseurs et à la fois troisième système de diffusion en plus des Kara et des colonnes ?

Typat : C’est ça, et c’est nous qui avons la main sur ces Kiva depuis la face, la CL5 des retours ne gère que les ears des musiciens et de la chanteuse.

SLU : Il y a une différence de couleur logique entre les colonnes et les Kara…

Typat : Oui bien sûr, ce sont deux produits totalement différents mais ce n’est pas gênant dans la mesure où quand le rideau s’ouvre la perspective change et le son aussi. Cette forme de proximité n’a plus lieu d’être.

Les deux fois 6 Kara du système accroché.


Le système orchestre à jardin avec le renfort de basses propre à Kiva, le SB18.

SLU : Qui va être au système une fois le spectacle lancé ?

Typat : Les équipes de l’Opéra. Mon travail est terminé et c’est la PM10 de la régie qui va gérer l’offset du point 0 et les ouvertures des différentes zones.
Pareil pour descendre ou monter la diffusion façade chaque jour, pour laisser la place à un autre opéra dans le cadre de l’alternance des productions de l’Opéra de Paris. Les équipes font ça très bien.

Nous avons enfin passé quelques minutes avec Rémi Brean qui a conçu l’ensemble du dispositif sonore de cette production.

SLU : Quand vous avez installé votre CS-R10 en régie et les RPio en régie et dans le nodal, les fibres de l’époque PM1D ont suffi ?

Rémi Brean : Cela a en effet bien simplifié l’intégration et on a récupéré un fort potentiel de fibres puisque à l’époque nous avions tout doublé. Pour résumer le premier câblage analogique date de 1996, l’adaptation PM1D de 2004 et une dernière partie a été tirée en juillet 2019 par Melpomen pour le passage en Rivage. La partie « ancienne » est toujours fonctionnelle et utilisée en spare.

SLU : Comme la diffusion de Garnier…

Rémi Brean : Bien sûr, on s’en sert toujours et pour Play elle nous aide à détourer le cadre de scène et malgré certaines limites en termes de puissance, elle a l’immense avantage d’être cachée. Ce qui est ajouté au sol et en accroche doit rester très discret et ne sert qu’en complément. Typat (un ingé système parlant couramment le L-Acoustics, l’Adamson et le Meyer) a effectué un travail remarquable pour aligner en phase et marier les deux systèmes.

Le M1D-Sub. Deux 10” et 35 Hz à -4dB pour un SPL Max de 130 dB, ce sub Meyer a été choisi pour sa toute petite taille, mais comme il y en a huit par côté il sait faire aussi beaucoup de son!

SLU : Garnier est donc prêt au-delà de ses équipes très affutées, à faire de l’accueil avec sa nouvelle technique ?

Rémi Brean : Tout à fait. Nativement nous sommes en TWINLANe avec deux boucles pour satisfaire au potentiel demandé, une primaire avec les 4 RPio et une secondaire avec les 222, celui des effets en régie et les deux mobiles.

Le moteur le plus puissant de la gamme Rivage, le RX-EX avec 288 signaux d’entrée, 72 sorties, 36 matrices sans oublier les 4 slots HY.

Le moteur DSP RX-EX de Garnier travaille avec l’ensemble des flux et accepte aussi le 3è univers qui est le Dante. C’est d’ailleurs le monde Dante qui nous sert de passerelle d’accueil avec 144 in et out.
Notre régie captation vidéo est aussi en Dante et enfin pour les captations TV et pour Radio France on a une carte MADI en 128 dans le cadre d’un patch commun.

On exploite aussi une possibilité offerte par Yamaha dans chaque RPio qui consiste à y insérer une carte Dante et à bénéficier d’une recopie post préampli de tous les signaux d’entrée directement dans les canaux Dante. Cette carte en plus convertit à la volée sans obérer de ressources DSP et donne du multi signal ; disons que cela sert de patch.
Un autre avantage est aussi de privilégier les cartes de préamplis Silk Rupert Neve et distribuer ce signal très qualitatif aussi au monde Dante.

256 canaux in et out en 96 kHz et 32 bits sur de la fibre multimode, le TWINLANe dans toute sa puissance.

144 canaux in et out en 96 kHz et 32 bits avec SRC en Dante, une passerelle pratique et de luxe.

SLU : Vous travaillez avec deux boucles TWINLANe et du Dante. Y a-t-il de différences de temps de propagation ?

Rémi Brean : Oui une petite différence avec le réseau Yamaha plus rapide mais cela ne nous gêne pas dans la mesure où ça reste très court et qu’on ne somme pas les signaux. C’est pareil pour la fréquence d’échantillonnage qui en Dante est à 48 kHz 24 bits en 144 canaux pour alimenter les CL5 capta et retours, là où le TWINLANe est en 96 kHz natif.
Toutes nos cartes de communication sont pourvues de SRC ce qui nous permet de faire correspondre les trois mondes numériques, TWINLANe, Dante et MADI. Le théâtre a investi dans un Dante Domain Manager qui sera mise en œuvre la saison prochaine.

La seconde CL5 installée dans la régie vidéo et en charge de mixer le son des captations effectuées au sein de Garnier.

SLU : Yamaha vous a accompagné notamment avec un produit très original et qui était indispensable ici, une surface R10-S…

Rémi Brean : C’est à cause du manque de place dans la loge du 2è étage où va se placer J-Ba pour mixer durant les représentations. Quand on a monté pour la 1ère fois Play en 2017, on utilisait une CL5 à la face.

Une vue du système PM10 de l’Opéra avec les 4 RPio 622 et sur le TWINLANe Secondary le RPio 222 et, visibles mais non connectés, les deux 622 gérés directement par la console de J-Ba Boitel. Entre les deux réseaux, le gros DSP-RX-EX.

On a eu la chance de découvrir qu’on pouvait s’offrir une config Rivage et TWINLANe grâce à l’existence d’une PM10 side-car raccourcie d’un bac par rapport à la vraie et dont la largeur est identique à celle de la CL5.
Cette petite surface au fort potentiel est rare voire inexistante sur le marché de la location, l’accompagnement de Yamaha France nous a donc été précieux. On a pu offrir à cette prod un cœur en 96 kHz là où la CL5 ne marche qu’en 48, et avec des préamplificateurs de très haute qualité sur toutes les sources.

Les oreilles déportées

SLU : Comment fonctionne le principe du mix dans sa bulle, pas forcément pour Play, mais en général

Rémi Brean : La régie son et éclairage de l’Opéra est vitrée de manière étanche pour éviter les nuisances propres au travail qui s’y déroule, à l’intercom et à toutes les pollutions sonores techniques. Les verres coulissaient à une époque mais de ce fait n’étaient pas totalement étanches et des spectateurs étaient incommodés. Cela a été corrigé. Les techniciens de Garnier sont donc formés depuis des années à avoir des oreilles déportées.

Jean-Philippe Klein le régisseur son de Play.

Les opérateurs derrière les consoles se succèdent comme en radio et se réfèrent systématiquement au régisseur son, représenté sur Play par Jean-Philippe Klein.
Il est en bas en salle, il est bien entendu un ancien opérateur de cette régie et supervise les équipes son. Il donne ses impressions et si « ça ne vient pas » il a les capacités de dire « à 2,2 kHz moins 4 dB au Q de 4 ».

Du coup il se créé des binômes qui marchent bien et peuvent collaborer en rotation sur 3 spectacles. Ce fonctionnement humain très fluide est indispensable puisqu’à Garnier sont créés beaucoup de ballets contemporains qui nécessitent toujours un support son en salle mais aussi pour monter le dossier de créa qui permettra le cas échéant au spectacle de partir en tournée.


Une vue de la salle depuis le plateau. On aperçoit à l’orchestre au lointain la régie de mixage. Dès la 1ère date en public, elle remontera en loge au 2è étage pile dans l’axe central. On distingue aussi le bas des Kara en accroche et les deux stacks au sol.

La ferronnerie discrète et respectueuse des staffs et dorures de la salle portant les Kiva II du Surround. Conçue et usinée pour et par Garnier.

Notre mission est donc de mettre à disposition des créateurs une réponse techniquement et artistiquement au plus haut en s’inspirant des compétences du monde de la variété, en exploitant toutes les dernières techniques et en plein respect de budgets cadrés.

Quand les plus grands chorégraphes de danse contemporaine viennent à Paris, il est hors sujet que Garnier soit moins performant que d’autres théâtres mondiaux de grande renommée où ils ont pu se produire.

Dulcis in fundo

L’écoute de l’orchestre durant les répétitions donne un bon aperçu du gros travail fait sur le son dont la modernité et la créativité accompagnent bien le ballet et sa musique tous deux très actuels. C’est vif, positif et spectaculaire et les effets surround particulièrement réussis et surprenants dans un lieu aussi majestueux, avec même quelques passages ou l’infra vient caresser les velours rouges, chose dont ils ne sont pas coutumiers. On est donc loin du concert mais plus du tout dans un univers purement acoustique.

Une des trouvailles de Jean-Ba, un plug pas facile à placer mais assez inoubliable.

La bande son est produite avec goût et sonne. Seul regret, comme Garnier est un théâtre à l’italienne, il faut se placer à l’orchestre ne serait-ce que pour bien bénéficier des effets surround.
Les Kara en revanche couvrent bien la plupart des sièges avec des transitions très discrètes entre les différents blocs du système (Meyer / L-Acoustics) et avec un calage en phase et timbre très réussis.

Un grand merci enfin à toutes les équipes de Garnier et aux quelques collaborateurs externes pour leur temps, leur compétence et leur talent. Ce long reportage leur doit tout.

 

Crédits -

Texte : Ludovic Monchat - Photos : SLU, Agathe Poupenay, Yamaha

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