IRC, le nouveau Graal de l’éclairage à LED. 2ème partie, la réalisation

Quelle que soit la méthode d’évaluation du rendu des couleurs (objet de la 1ere partie), ce rendu est l’un des derniers problèmes qui restent à résoudre pour faire de la LED, la source lumineuse « idéale ». L’une des premières considérations à prendre en compte, c’est que cette problématique ne concerne que les sources de lumière « neutre », autrement dit « blanches ».

Faire du blanc avec des leds

D’emblée, il nous faut segmenter les applications d’éclairage en lumière « blanche » dans lesquelles les LED sont impliquées. Pour l’éclairage de spectacle et parfois aussi architectural, on recherche une palette de couleurs, les blancs n’étant qu’un domaine de couleurs particulières. (voir photo figure 1).

Figure 1. Il y a des applications d’éclairage « à usage général » où on se fiche complète-ment du rendu de toutes les couleurs… sauf de celles de la source !

Dans ces applications, l’utilisation de LED ou de plusieurs puces LED de couleurs différentes est incontournable, quitte à ce que le blanc fasse partie de ces couleurs de mélange, et quitte aussi à supporter un certain nombre d’inconvénients inhérents à cette technique. (Voir article du même auteur La LED fera-t-elle « plus blanc que blanc » ?).

Dans les applications d’éclairage « général » (éclairage d’intérieur, de vitrines, expositions, musées, éclairage architectural « simple », éclairage public), on ne cherche pas à obtenir une palette de couleurs, un simple et unique « blanc » suffit (il reste à en déterminer la température de couleur).
Pour des raisons de simplicité et de compromis économique, on cherche plutôt à obtenir le blanc à partir d’une seule puce (LED « blanche ») ou d’un assemblage de puces « blanches » identiques pour obtenir le flux désiré. C’est surtout cette approche qui souffre de difficultés avec le rendu des couleurs. Il convient de souligner que la recherche d’un bon IRC tout en ayant la possibilité de faire varier la température de couleur (le nec plus ultra pour les éclairagistes !) est encore plus délicate.

Obtenir un bon IRC avec un seul composant

Pour obtenir un bon IRC, il faut obtenir un spectre aussi étendu et régulier que possible. Classiquement, les LED blanches sont réalisées à partir d’une puce (GaN) émettant dans le bleu, et couverte d’un phosphore* émettant dans le jaune sous l’excitation du rayonnement bleu.

* On rappelle que ce qu’on nomme ici phosphore n’a rien à voir avec l’élément chimique du même nom (P). Il s’agit d’une substance pulvérulente qui a la propriété d’émettre un rayonnement visible lorsqu’il est frappé par un rayonnement de nature différente (lumière de longueur d’onde plus petite, ultraviolet, rayons X) ou des particules accélérées (faisceau d’électrons dans les tubes cathodiques).


Le bleu résiduel et le jaune s’ajoutent pour former un « blanc », qui a deux inconvénients : sa température de couleurs est souvent trop élevée (c’est-à-dire qu’il s’agit d’un blanc très « froid » pas particulièrement agréable) et l’IRC n’est, bien évidemment, pas bon.

Figure 2. Aspect caractéristique du spectre de LED blanches à émetteur bleu et phosphore jaune (d’après un document Cree)

On peut remédier, au moins au premier point, en ajoutant un phosphore émettant dans le rouge, afin d’obtenir un blanc plus « chaud ». Néanmoins, le spectre de ce type de LED a une allure caractéristique (voir figure 2), et présente invariablement un pic dans le bleu, un creux dans le bleu-vert (avec un abîme à 480 nm) et une insuffisance dans le rouge (images). C’est la principale faille. L’IRC obtenu avec ce type de technologie de base ne dépasse guère 80.

Une autre approche est suivie par le chimiste chinois LED Yuji International. Spécialisé initialement dans les phosphores pour LED, au moment où cette technologie n’était que balbutiante, il s’est développé et diversifié dans l’élaboration de LED complètes et d’assemblages de LED produisant des spectres étendus, voire modelés à la demande.

Figure 3. : Spectre de LED à haut indice de rendu des couleurs BC, pour différentes températures de couleur (d’après document Yuji). On note un comblement partiel du « trou » dans le spectre à 480 nm, mais à partir de 4000 K, .la raie bleue de l’émetteur sort très distinctement de la masse.

Il propose des LED blanches dites BC réalisées à partir d’une puce bleue et de deux phosphores : l’un émettant dans le vert et l’autre dans le rouge.
Les indices obtenus sont de 93 (min) – 95 (typ) pour l’IRC, 60-90 pour R9 et 60-80 pour R12. Le rendement est compris entre 80 et 140 lm/W (voir figure 3). Dans cette technologie, sont disponibles des LED discrètes de 1 W et des modules COB de grande puissance (jusqu’à 500 W nominal).

Yuji propose aussi une solution encore plus élaborée, pour améliorer encore l’IRC. Au lieu d’une puce émettant dans le bleu, ses LED à Ultra-haut IRC dites VTC font usage d’une puce émettant dans le violet (vers 400-450 nm), débordant un peu dans l’ultraviolet, et une triade de phosphores rouge, vert, bleu. L’équilibre résultant est bien meilleur, et l’IRC peut atteindre 98 (95 (min), 97 (typ), R9 et R12 de 90 (min)).

Figure 4. : Spectre de LED à haut indice de rendu des couleurs VTC (puce LED ultraviolette), pour différentes températures de couleur (d’après document Yuji). Le spectre est beaucoup plus régulier, le creux est moins prononcé et plus proche de la limite de l’ultraviolet, de même que la raie résiduelle de l’émetteur. Le spectre à 2 700 K est très proche de celui d’une lampe à incandescence et celui à 6 500 K de la lumière du jour.

Le rendement est compris entre 65 et 85 lm/W. Pour une LED donnée, la température de couleur est fixe, mais on peut obtenir diverses températures de couleur en faisant varier le dosage respectif des phosphores.

On obtient en particulier pour les blancs chauds (2700 K) un spectre qui colle de très près au spectre des lampes à incandescence (voir figure 4).
Ces LED sont disponibles en CMS avec une puissance de 500 mW. On notera que ce fabricant propose aussi des produits qualifiés avec la méthode TM-30 (voir part1).

En travaillant sur les phosphores, le chinois Nichia propose également sous la marque Optisolis des LED blanches destinées à l’éclairage général de qualité, avec un IRC minimum de 95 et des températures de couleur de 3 000 et 5 000 K. Les puissances sont encore modestes (inférieures à 0,5 W);
De son côté, l’européen Osram travaille activement lui aussi sur la composition des phosphores des LED blanches de puissance. Sur des boîtiers céramiques compacts (3 x 3 mm) on dépose une puce de 2 mm² puis une composition de phosphores.

Osram offre deux solutions. La première solution de type OSLON Square (GW CSSRM2.CM) répond aux applications d’éclairage de studio ou sportif nécessitant une température de couleur de 5 700 K et un IRC supérieur à 90.
Les phosphores de ces LED ont été optimisés conformément au standard TLCI de la diffusion télévisuelle (voir encadré) et pour fournir un composant LED ayant un TLCI meilleur que 90. Cette led a aussi été déclinée dans une gamme de températures de couleur allant de 2 700 K à 6 500 K. A titre d’exemple, la mouture à 3 000 K fournit 207 lm avec un rendement de 107 lm/W à 85°C.

L’indice TLCI (Television Lighting Consistency Index, TLCI-2012) de l’UER.
Considérant les carences de l’IRC, l’UER (ou EBU pour nos amis anglophones) a adopté un nouvel indice pour faciliter aux opérateurs de télévision le choix de nouveaux systèmes d’éclairage, en particulier à LED. L’indice est tout à fait similaire à l’IRC (lumières de références, surfaces colorés de référence), mais prend en compte dans son calcul les difficultés de la reproduction des couleurs propres aux systèmes de télévision (principalement l’analyse par les caméras et la restitution par les écrans).
Dans la pratique, l’indice TLCI d’une source s’obtient par calcul informatique à partir du spectre émis fourni par un spectromètre. Les spécifications complètes de la méthode ainsi que le logiciel de calcul de l’indice sont disponibles à partir de la page lien ici


Le boîtier OSLON Square

La deuxième solution d’Osram est orientée vers les applications haut de gamme à IRC élevé pour les musées et les boutiques de luxe. La LED de type OSLON Square (GW CSSRM1.BM) couvre une plage de températures de couleur de 2 700 à 4 000 K avec un IRC de 95 et un R9 de 90.
(Voir figure 5 : Spectres des LED blanches de puissance à haut IRC d’Osram boîtier OSLON Square).


Figure 5a : LED OSLON Square (GW CSSRM2.CM) pour l’éclairage de studio

Figure 5b : LED OSLON Square (GW CSSRM1.BM) pour la muséographie et les commerces de luxe


Un autre moyen pour obtenir un IRC élevé consiste non pas à procéder de manière additive, mais de manière soustractive, en égalisant le spectre au moyen d’une sorte de filtre qui absorbe les rayonnements plus intenses que les autres dans le spectre. Bien entendu, cette approche n’est pas favorable au flux résultant et au rendement énergétique global !

Obtenir un bon IRC avec plusieurs composants

Il semble clair qu’en multipliant les LED de diverses couleurs dans un assemblage commun, tout est possible, à condition de pouvoir conditionner correctement les multiples faisceaux et de doser leurs intensités respectives de manière précise et stable. Il est aussi évident que cette solution est inévitablement complexe et coûteuse et pas nécessairement optimisée, en particulier lorsqu’on ne cherche pas à obtenir une palette complète de nuances incluant les couleurs saturées.
Ainsi, pour les applications les plus pointues en termes de rendu des couleurs (théâtre, muséographie…), la panoplie complète de couleurs RVB + « ambre » + blanc dont s’enorgueillissent certains projecteurs pour le spectacle n’est sans doute pas impérative. Par exemple, pour une poursuite, ne vaut-il pas mieux une excellente source blanche à IRC élevé, quitte à insérer un filtre de couleur lorsque le besoin s’en fait sentir ?

Osram a développé une approche spécifique permettant d’obtenir à la fois un IRC de très haut niveau et un rendement conforme à ce qu’on a l’habitude de voir avec les meilleures LED. Cette approche appelée Brilliant Mix consiste à coupler une LED blanche à phosphore modifiée (c’est-à-dire dont la puce bleue illumine un phosphore qui émet dans le vert, avec un très bon rendement), avec une puce « ambre », ou plutôt orange-rougeâtre, qui, elle aussi, émet avec un bon rendement (voir la comparaison des diverses méthodes d’obtention du blanc en Figure 6).

Figure 6 : Comparaison des trois méthodes d’obtention de blancs avec des LED : type de mélange (en haut à droite) et représentation graphique dans le diagramme chromatique de la CIE (1931).

Figure 6a : avec des LED de couleurs « pures ». L’ensemble des couleurs réalisables est inclus dans le polygone délimité par les points représentatifs de la couleur des LED. Ajouter des couleurs et/ou une LED blanche n’augmente pas significative-ment la palette des couleurs mais permet d’améliorer le rendement et/ou l’IRC pour les blancs. L’optimisation dépend du logiciel qui dose les puissan-ces des diverses LED.

Figure 6b : avec une puce émettant dans le bleu complétée par un phosphore. Pour obtenir les blancs les plus « chauds », il faut modifier le phosphore ou ajouter un phosphore rouge, au détriment du rendement.

Figure 6c : avec la méthode « Brilliant Mix » d’Osram. LA LED blanche modifiée (avec un phosphore bleu-vert), on obtient après tri toute une palette de couleurs qui, combinées avec une LED rouge-orangé, donne toute la gamme des blancs avec un bon IRC et un excellent rendement.

En cliquant sur l’image ci-dessous, la vidéo Osram qui explique le concept Brilliant Mix :

Concept Brilliant Mix Osram

On obtient ainsi une colorimétrie éventuellement ajustable, située dans les blancs « chauds », avec un rendement global de l’ordre de 100 à 110 lm/W (voir figure 7). Les deux puces sont intégrées dans le même boîtier et partagent la même optique, de manière à minimiser les effets de contours colorés.

Figure 7 : Spectres de la configuration Brilliant Mix. En faisant varier le courant dans la LED rouge, on peut, dans une certaine mesure, faire varier la température de couleur proximale… mais on s’écarte un peu du « blanc » parfait…

L’électronique peut toutefois se révéler un peu complexe, sachant que la dérive thermique du rouge est supérieure à celle de la LED blanche, il est nécessaire d’introduire une compensation thermique avec un capteur de température à proximité pour éviter d’importantes variations colorimétriques. Les LED de cette catégorie sont destinées à l’éclairage général.

Le nombre de LED utilisées et la proportion de LED rouge-orangé dans la conception d’une source ainsi conçue sont déterminés par le flux à obtenir et la température maximale admissible au niveau du substrat des LED. La puissance électrique en découle immédiatement.

Par exemple, pour obtenir 400 lm à 5 000 K dans la réalisation de lampes à base de LED monopuces en boîtiers de 1 W, il faut utiliser 3 LED blanches et 1 ou 2 LED « ambre » selon la température admissible, et à 3 000 et 4 000 K, il faut dans tous les cas 3 LED blanches et 3 LED « ambre ». Cette technologie a aussi été déclinée dans une gamme de produits COB (Chip On Board, puces nues directement posées sur un circuit imprimé) pour obtenir des sources intégrées de grande puissance.

Indépendamment de cela, Osram cherche également à conserver pour le spectacle l’un des avantages essentiels des LED, qui est la possibilité de changer facilement de couleurs, sans pour autant dégrader l’IRC. L’industriel travaille donc sur des LED de puissance destinées aux applications scéniques, dans lesquelles s’ajoutent les contributions spectrales de plusieurs sources intégrées dans un même boîtier. Ainsi la LED OSTAR Stage contient 4 puces différentes pour servir l’ensemble de la palette de couleur (voir Figure 8).

Figure 8a : Spectres des quatre puces de la LED Ostar Stage. On notera la forme carac-téristique du spectre à conversion de la LED jaune, avec une émission bleue à 450 nm peu émergente.

Figure 8b : le boîtier Ostar Stage


Si dans un premier temps les solutions se sont tournées vers une composition rouge, vert, bleu, blanc, la dernière évolution intègre 4 puces de 1 mm² rouge, vert bleu et une jaune a spectre large, obtenu par conversion au moyen d’un phosphore (qui s’approche un peu du « lime » de Philips). Cette LED, référencée LE RTDCY S2WN, permet de faire varier la température de couleur du blanc tout en gardant un IRC supérieur à 90.

Le compromis du rendement

Parmi les critères qui sous-tendent le choix d’une source lumineuse, on compte le flux lumineux, qu’on souhaite le plus élevé possible. Sachant que la puissance électrique totale d’une source à LED est essentiellement limitée par les problèmes de refroidissement, particulièrement critiques avec les semi-conducteurs dans lesquels une forte puissance (c’est-à-dire une grande quantité de chaleur) est dissipée dans un volume minuscule), l’obtention d’un haut flux est essentiellement limitée par des considérations de volume, de bruit (ventilateurs) et de complexité optique.

Moins la source comprend d’émetteurs élémentaires, et plus le système est simple. Sachant que chaque puce, chaque type de boîtier de LED, donc chaque émetteur élémentaire, ne peut prendre en charge qu’une puissance électrique limitée par :

  • La température maximale admissible au niveau de la puce,
  • La température ambiante de fonctionnement,
  • La résistance thermique de l’ensemble boîtier + dissipateur, c’est-à-dire sa capacité à évacuer la chaleur tout en restant dans des températures garantissant le niveau de fiabilité requis.

le paramètre essentiel, est le rendement (efficacité lumineuse), c’est-à-dire le rapport entre le flux lumineux utile (en lumens) fourni par la source et la puissance électrique absorbée (en watts). Les LED « correctes » sous cet aspect ont un rendement de l’ordre de 100-120 lm/W. Mais il est clair que plus on complique le processus de production de lumière, et plus le rendement risque de baisser.
En particulier, le phénomène de conversion de longueur d’onde réalisé par les phosphores a un rendement moins élevé si l’écart entre la longueur d’onde d’excitation et celle qui est restituée est plus important. Cela signifie que les LED constituées d’une puce « bleue » et qui contiennent un phosphore « rouge » ou deux phosphores, ont un rendement moindre que celles qui ont une puce « bleue » et un seul phosphore « jaune ».

De même, les LED VTC qui ont une puce qui émet dans le violet ont un rendement moindre (65-85 lm/W) du fait du plus grand écart entre les longueurs d’onde. On remarquera aussi que plus on choisit des températures de couleurs basses (par exemple 2700 K), ce qui est le cas lorsqu’on cherche à retrouver le style de lumière fourni par les lampes à incandescence, plus le rendement baisse, car on fait plus appel à la fraction du spectre obtenue par conversion au moyen des phosphores (jaune ou rouge) (voir figure 9).

Figure 9 : Evolution du flux (donc du rendement) avec la température de couleur des LED blanches à phosphores. En bleu, LED Yuji YJ-BC-3030-G01 (émetteur bleu + phosphores jaune et rouge) pour les diverses températures de couleur proposées (IF = 300 mA). En violet, LED Yuji VTC-5730 (émetteur infrarouge + phosphores R V B) (IF=120 mA). La hauteur des pavés tient compte de la dispersion des composants spécifiée à la température de 25°C. L’écart entre 2700 K et le maximum (6500 K ou 5600 K) est d’environ 20 % (d’après documentations Yuji).

La régularisation du spectre procède principalement par « bouchage » des « trous » mais aussi par « rabotage » des grands « pics », ce qui fait que le rendement global a tendance à s’aligner sur celui des « trous » qui subsistent plutôt que sur celui des pics d’émission (et notamment de l’inévitable raie bleue qui domine l’ensemble).
Cette atteinte du rendement est d’autant plus facile à comprendre lorsqu’on procède par une démarche de type soustractif. Il s’agit d’un nivèlement par le haut. Les solutions à LED de couleurs multiples sont à cet égard plus favorables, mais plus complexes, génératrices d’ombres colorées et sujettes à des dérives de colorimétrie, qui nécessitent un asservissement ou une compensation imposant de facto une baisse de flux.

Un compromis de qualité semble être obtenu avec le concept à deux émetteurs « Brilliant Mix » d’Osram, dont la LED blanche a un très bon rendement du fait de la conversion par phosphore vert avec un faible écart de longueurs d’ondes et la LED « ambre » complémentaire présente également un bon rendement.

Du concept de rendement

En matière d’optoélectronique en général et de sources lumineuses en particulier, le terme « rendement » ou « efficacité » (généralement traduction trop directe de l’anglais « efficiency », on voit aussi parfois « efficacy ») recouvre différents concepts qu’il y a lieu de clarifier. Le rendement quantique est essentiellement une affaire de physiciens.
Pour une puce LED, il exprime le nombre de photons (particules de lumière) émis par électron. Pour un phosphore de conversion, il exprime le nombre de photons réémis sur la nouvelle longueur d’onde pour chaque photon de lumière incidente.
On notera que l’énergie se conserve, et puisque l’énergie de chaque photon émis peut n’être qu’une petite fraction de l’énergie de chaque particule incidente (électron ou photon selon le cas), rien ne s’oppose en théorie à ce que ce rendement soit supérieur à l’unité.

Figure 10 : Courbe d’efficacité normalisée de l’observateur standard en vision diurne, telle que définie par la CIE. Cette courbe sert à passer du domaine radiométrique (les watts rayonnés) au domaine photométrique (les lumens perçus). Le maximum est pour le vert-jaune à 555 nm et correspond à un coefficient de 683 lm/W.

Le rendement énergétique est le rapport de l’énergie émise sous forme de lumière (énergie totale émise dans toutes les directions de l’espace) à la quantité d’énergie électrique absorbée par la source (si on considère que ce calcul s’effectue dans le même temps, par exemple une seconde, le rapport d’énergie est équivalent au rapport de puissances).

Ce rapport s’exprime le plus souvent en pourcentage. Toutefois, comme le joule ou le watt sont quasiment inusités pour évaluer les flux lumineux (on parle d’unités radiométriques), on utilise plus souvent le lumen.
Celui-ci tient compte de la sensibilité de l’œil humain « moyen » (observateur standard) en ne considérant pas toutes les longueurs d’onde de la même manière, mais en les pondérant par une courbe en cloche normalisée, représentative de la sensation lumineuse induite par chaque longueur d’onde (voir figure 10.).

Il en résulte concept de rendement lumineux, égal au rapport du flux lumineux émis à la puissance électrique absorbée par la source. Ce rendement lumineux s’exprime en lumen/watt (lm/W). Contrairement au rendement énergétique, dont le maximum théorique est de 100 %, indépendamment de la forme du spectre émis, le maximum théorique du rendement lumineux dépend du spectre émis car le nombre de lumens représenté par une puissance lumineuse unitaire (en W) émise à chaque longueur d’onde diffère selon cette longueur d’onde.

Figure 11 : Bilan d’énergies dans une source à LED. La puissance électrique absorbée se répartie entre une puissance rayonnée (en lumière, visible ou non) et une puissance dissipée (entièrement en chaleur), d’autant plus importante en proportion que le rendement lumineux est médiocre. Cette énergie contribue à faire monter les températures (de jonction TJ et de boîtier TC) au-dessus de la température ambiante.

Le maximum théorique pour une source monochromatique émettant à 555 nm (c’est-à-dire au sommet de la courbe de sensibilité normalisée) et de 683 lm/W.
Signalons que la totalité de l’énergie (ou de la puissance) qui n’est pas transformée en lumière se perd en chaleur et doit être évacuée par un système de refroidissement dimensionné de manière à ce que la température de la puce ne dépasse pas la valeur limite en fonctionnement (et ce, de préférence, avec une certaine marge) (voir figure 11).


Les dérives

Nos lecteurs sont familiarisés avec les dérives thermiques des LED, car depuis longtemps déjà, nous avons assimilé le fait que le flux baisse lorsque la température s’élève, à tel point que c’est l’objet d’un test de derating dans tous nos bancs d’essai de matériel.
Pour chaque projecteur testé, la mesure du flux est donnée à froid puis on enregistre sa diminution au fur et à mesure que l’appareil s’échauffe et se stabilise en température (« derating »). Nous savons aussi que certains appareils intègrent une stabilisation électronique du flux… au prix d’une diminution du flux initial.

Les LED à indice de rendu des couleurs élevé n’échappent pas à cette règle. En effet, qu’il s’agisse d’un assemblage de diverses LED ou d’une LED « blanche » à conversion par phosphore(s), complétée ou non par une ou plusieurs LED d’appoint pour combler les manques dans le spectre, la dérive thermique de l’intensité émise reste tributaire de la technologie LED, donc similaire. En revanche, ce que l’on connaît moins, c’est qu’il y a aussi une dérive de colorimétrie, tant en fonction de l’intensité émise qu’en fonction de la température.
En ce qui concerne les LED blanches à phosphores utilisées seules (possédant nativement un IRC élevé), il n’y a guère de moyen de combattre cette dérive colorimétrique, on n’a d’autre choix que de s’en accommoder en assurant une stabilité aussi grande que possible du point de fonctionnement. Par chance, elle est suffisamment modérée pour ne pas être gênante dans une grande majorité des applications.

Figure 12 : Dérives chromatiques de LED à phosphores en fonction de la puissance (courant direct) et de la température, dans le diagramme CIE 1931.).

Figure 12a : Yuji BC3030 4000 K en fonction du courant (25°C)

Figure 12b : Yuji BC3030 4000 K en fonction de la température de la soudure (300 mA)


Figure 12c : Yuji-VTC5730 4000 K en fonction du courant (25°C)

Figure 12d : Yuji-VTC5730 3200 K en fonction de la température de la soudure (120 mA)


En ce qui concerne les assemblages de LED, la dérive colorimétrique est essentiellement due au fait que la dérive d’intensité des LED complémentaires diffère de celle de la LED principale, ce qui modifie l’équilibre spectral. De même qu’on peut modifier la température de couleur dans une certaine plage sans changer significativement l’IRC en agissant sur ces LED complémentaires, la dérive thermique se traduit par une dérive de la température de couleurs.

Figure 13 : Synoptique simplifié d’une source Brilliant Mix avec rétroaction. Les capteurs mesurent la température ambiante et le flux ou la couleur émise par les LED et permettent au microcontrôleur de « rectifier le tir » en agissant sur les commandes de modulation des impulsions de puissance.

Il est possible de compenser cette dérive électroniquement en disposant un capteur de température sur le circuit imprimé, au voisinage des LED à asservir, et en l’utilisant dans une boucle de rétroaction, pour autant qu’on ait ménagé une réserve de puissance de ces LED pour conserver en toutes circonstances une marge de compensation.

Osram suggère un tel schéma dans son principe Brilliant Mix (voir figure 13). Il faut noter que les longueurs d’onde (de crête et dominante) d’émission des LED de couleurs dérivent également, aussi bien en fonction du courant qu’en fonction de la température. Dans ces applications, cette dérive chromatique propre des LED de couleurs n’intervient qu’au second degré.

En conclusion

L’obtention d’un IRC élevé est désormais possible avec des LED, mais au prix de plusieurs compromis qui se traduisent en particulier par une plus grande complexité des sources, par une efficacité moindre (ou un moindre flux lumineux par unité), c’est-à-dire, au final, par un coût supérieur, aussi bien en termes d’investissement qu’en termes de consommation énergétique.
Comme toujours avec ce genre de technologie, les progrès apparaissent de manière spectaculaire, et ce qui semble « acrobatique » aujourd’hui sera sans aucun doute l’évidence de demain. C’est ce problème de rendu des couleurs qui justifie essentiellement les formules compliquées de mélange des couleurs. Là où une triade R,G,B suffirait, on ajoute souvent le jaune-orangé ou le bleu-vert, et lorsqu’on cherche diverses nuances de blanc de haute qualité, des LED blanches sont ajoutées pour obtenir un meilleur rendement.
Mais lorsqu’on peut se contenter d’une lumière blanche de nuance déterminée (éclairage général, muséographie, spectacle « classique », architecture), certaines LED blanches se suffisent à elles-mêmes et font merveille. Nous prenons le pari que c’est là une des voies d’avenir dans laquelle les grands industriels de l’éclairage ne manqueront pas de s’engouffrer, car il s’agit d’un marché qui sera largement ouvert au « grand public » dès que les prix auront suffisamment baissé.

Crédits - Texte : Jean Pierre Landragin

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