De retour dans les stades d’Europe pour une tournée revival en hommage au mythique album The River sorti dans une édition spéciale avec de nouveaux titres, Bruce Springsteen et son E Street Band remontent sur scène pour un show hommage aux années 80, toujours aussi rock et toujours éclairé par Jeff Ravitz et Morpheus Lights, parce qu’on ne change pas une équipe qui gagne!
La vraie nouveauté du concept vidéo n’est pas l’écran géant, mais bien ce qu’on y diffuse. Ici, point de vidéos ni d’animations, c’est le moment présent qui fait le show.
Et si cette tournée et son implantation lumière et vidéo se veulent être une ode vibrante au bon vieux temps du rock and roll, elle évoque ce passé glorieux à grand renfort de technologies futuristes avec des leds en guise de PAR et Blinders, de la vidéo à gogo, et des poursuites automatisées contrôlées à distance depuis un QG digne de Star Trek.
De face, la scène à l’allure très old school présente tous ses attributs : ponts très hauts, et armée de projecteurs derrière gros blinders.
Un retour vers le futur orchestré par l’éclairagiste Jeff Ravitz toujours aux petits soins pour son artiste. En plus de lui offrir un écrin de lumière à la hauteur de sa performance (le Boss étant toujours le Boss, ses concerts durent plus de 3 heures), il lui a bichonné une température de couleur personnalisée (du 3700K partout, quoi qu’il arrive) et un éclairage à la fois théâtral, chaleureux et pêchu grâce aux très belles lyres présentes dans le kit, des Wash/Beam Ayrton aux Spot Martin et Vari Lite, en passant par les strobes SGM, et les petites merveilles futuristes de chez PRG.
Le concept lumière hommage aux 80’s et à l’album mythique The River est complété par trois écrans géants, très importants pour l’artiste et sa production, soucieux d’offrir au public une immersion totale au plus proche de Bruce Springsteen et de ses musiciens.
De quoi vivre un bon moment de spectacle, dans le stade de San Siro (Milan), devant une grosse scène rock avec des ponts très hauts (jusqu’à 10 m pour celui des poursuites) mais sans poursuiteurs, (la sécurité étant assurée par une armada de BadBoy PRG), et trois écrans géants en guise de seul décor qui diffusent en continu des images live du groupe, du Boss et de son public, dans une intimité jamais connue dans un stade jusqu’àlors.
C’est guidés par Brad Brown (Chef d’équipe et pupitreur) sous le soleil italien et dans une bonne énergie communicative, que nous avons interviewé Jeff Ravitz (concepteur lumière) et Todd Ricci (directeur lumière) pour parler de cette aventure qui mélange passé, présent et futur, entre âme old school, musique toujours actuelle et technologies avant-gardistes.
L’équipe Morpheus du The River Tour 2016 Stadium avec de gauche à droite Tom Marty, Tony Cerasuolo, Rainer, Hadyn Williams, Adam Beasley, Steven Gertsman, Brandt Gentry, Brad Brown and Todd Ricci.
The River, hier et aujourd’hui.
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Une tournée basée sur un album déjà sorti quelques décennies auparavant pourrait être risquée, mais pas pour Bruce Springsteen qui, non content de revenir sur ce moment clé de sa carrière, trouve aujourd’hui de nouvelles réponses sonores, et lumineuses grâce à l’écoute de son éclairagiste Jeff Ravitz et à son inspiration de l’époque.
Jeff Ravitz lors d’un show de LA en mars
SLU : Quel est l’esprit de la tournée et son impact sur votre nouvelle conception lumière ?
Jeff Ravitz : “Pour Bruce, la Tournée 2016 “River” est un retour à une époque et une créativité qui ont changé sa vie. En 1980, il se posait beaucoup de questions et c’est là qu’il a trouvé les réponses quant à la direction que prenaient sa carrière et sa vie.
L’album River était un pas en avant considérable et a confirmé une nouvelle fois Bruce comme un penseur philosophe et musicien qui poursuit un dialogue permanent avec toute sa génération.
Jeff Ravitz
La première fois que George Travis, le directeur de la tournée, m’a appelé pour discuter du concept du spectacle, nous étions conscients tous les deux qu’il devait y avoir une sorte d’hommage à l’ambiance et la convivialité des années 1980, époque de la sortie de l’album.
Nous avons discuté de la technologie des années quatre-vingt (la conception de la tournée “River” d’origine n’utilisait que des PAR64) et de savoir si oui ou non on devait envisager de reprendre le matériel de cette époque. Mais j’étais persuadé que l’on pouvait obtenir le look essentiel de ce temps-là avec des projecteurs capables de nous procurer aussi tous les avantages de la technologie moderne, un large choix de couleurs et la possibilité d’utiliser de multiples focales. Malgré cela, j’ai gardé en tête l’idée que ce spectacle devait se distinguer comme « non technique », pour la partie de la soirée dédiée à l’album “River”.
SLU : Etes-vous aussi chargé de la conception vidéo ?
Jeff Ravitz : Non, la conception vidéo est inspirée par George Travis et créée avec l’équipe vidéo qui comprend Peter Daniel, le propriétaire de Pete’s Big TVs, et Chris Hilson, le réalisateur vidéo de la tournée. Bien sûr, Bruce a son mot à dire, mais je sais qu’il n’est pas partisan de l’utilisation du contenu vidéo qui se voit sur de nombreuses tournées. La majorité du contenu comprend des vues du public et des plans rapprochés des membres du groupe en direct.
Un écran géant pour rajouter de l’intimité et de la proximité avec le public, c’est étonnant mais c’est très réussi, car il ne relaie que des captations des artistes et de la foule, dans une ambiance toujours très chaude grâce à une colorimétrie maîtrisée.
SLU : Est-ce que Bruce Springsteen aime cet écran ?
Jeff Ravitz : Oui, je sais que Bruce adore cet écran du fait de l’impact puissant qu’il a sur le public quand il se voit à une si grande échelle. Pour Bruce et le groupe, la relation avec le public est extrêmement importante.
SLU : Avez-vous eu des demandes particulières de sa part ?
Jeff Ravitz : Oui, je reçois des demandes ou des instructions spécifiques de Bruce sur la façon dont il imagine la conception de certains tableaux. Il a beaucoup d’intuition sur ce qui marche du point de vue visuel. Donc, il va décrire une palette de couleurs dont il pense qu’elle marchera le mieux pour certaines chansons. Parfois, il a une idée de la façon dont une chanson doit commencer. Mais, en général, il nous laisse, à mon équipe et à moi, le soin de concevoir la lumière.”
Les faces comme pièces maîtresses du show, à la bonne température!
Et ce à quoi le Boss tient beaucoup, c’est que son public le voit et échange avec lui et le groupe, d’où l’importance capitale des éclairages de face, confiés aux poursuites, mais aussi à une belle lignée de projecteurs automatiques.
Pourtant, des VL 1100 aux poursuites Lancelot en passant par les BadBoy, les sources sont pour le moins variées ! Il a donc fallu trouver la bonne colorimétrie et un blanc «régulier» afin d’harmoniser l’ensemble.
En front de scène on s’amuse avec une belle sélection de projecteurs, où Mac Viper Profile, VL 3000 Spot et 1100 TS côtoient les fidèles WildSun-500C qui illustrent bien la passion de Jeff Ravitz pour le mixage de températures de couleurs. Ici, c’est un blanc à 3700K qui mettra tout le monde d’accord !
SLU : Comment gérez-vous l’éclairage de face sur Bruce Springsteen et le groupe?
Jeff Ravitz : “Pour Bruce et chaque membre du groupe, l’éclairage de face, ou lumières «clés» sont très soigneusement préparées.
On installe les projecteurs précisément au bon angle pour les éclairer d’une manière qui contribue à exprimer l’histoire, à instaurer une ambiance et une sensation de théâtralité, et enfin à donner visuellement un sens à ce qui est le plus important à voir pour le public à chaque instant de la chanson.
Bruce a une grande admiration pour l’art cinématographique, et il m’a aussi communiqué cet enthousiasme. On utilise ces techniques pour donner au spectacle un air dramatique par moments, ou tout simplement un look rock ‘n roll grandiose et amusant à d’autres, et cela doit fonctionner avec le public dans les stades, ainsi que sur les écrans.
On apporte beaucoup de soin à choisir la couleur de chaque lumière qui tombe sur le visage d’un musicien, ainsi que son angle de projection et son intensité.
SLU : Pourquoi avez-vous choisi différentes températures de couleur de sources de lumière de face : Bad Boy, Manon, Lancelot, VL 1100 ?
Jeff Ravitz : Les différentes sources utilisées pour éclairer les membres du groupe ont été choisies pour leur puissance en fonction de la distance à la scène, pour leur taille et aussi pour d’autres paramètres. Mais, on corrige chaque projecteur pour obtenir 3700 degrés Kelvin soit avec une gélatine ou par le mélange de couleurs interne du projecteur.
SLU : Pourquoi cette température de couleur de 3700K qui semble inhabituelle ?
Jeff Ravitz : Depuis trois décennies que je conçois des tournées pour Bruce et son groupe, on équilibre l’éclairage de face à 3200 degrés Kelvin. Bruce aime la chaleur naturelle de la température de couleur du tungstène. Moi aussi. Sur plusieurs tournées, même nos projecteurs de poursuite avaient des lampes au tungstène (Juliat Topaze avec kit de lampe au tungstène adapté par Morpheus), donc ils ne nécessitaient aucune correction de couleur.
C’est dans les tableaux monochromes, comme celui ci en vert, qu’on remarque le travail d’orfèvre réalisé par Jeff Ravitz sur les faces pour maintenir un éclairage des artistes à 3700K.
Mais pour cette tournée, nous avons changé nos principaux projecteurs de face et sommes passés aux sources à arc Bad Boy dont je corrige la colorimétrie avec le mélange de couleurs interne.
La température 3700K a un aspect un peu moins orangé que 3200 K, et, 3700 K représente un bon compromis à mi-chemin entre toutes les autres sources à arc et à LED du spectacle et les écrans vidéo, qui penchent plus vers l’extrémité froide du spectre.
Nos VL 1100 ont des lampes au tungstène. Ils sont donc un peu plus chauds, ce qui est plutôt agréable. Ces projecteurs sont souvent braqués sur les deux musiciens claviers et le batteur, donc il y a un contraste subtil entre eux et les autres musiciens.
Une des deux tours imaginée par Jeff et ses équipes…
…Equipée de deux poursuites Lancelot Robert Juliat, de NandoBeam-S9 et MagicRing-R9 Ayrton sous bulle OXO, de VL 3000 Spot et de deux blinder CP 9.
Les projecteurs de poursuite Manon de Robert Juliat sont nos spots arrière, donc ils ne nécessitent pas de correction de couleur. Ils éclairent à contre et sont utilisés avec une variété d’autres couleurs théâtrales. Enfin, les Lancelot au lointain de face, ont une source HTI. On les corrige avec une gélatine, également à 3700 K.”
L’éclairage du public.
En latéral, un écran vient de chaque coté compléter le grand central, et est surmonté d’un joli duo de taille, Blinder CP9 et MagicRing-R9 Ayrton.
Si l’ensemble des artistes évoluant sur scène est éclairé avec soin et équilibre, il reste à illuminer le public, venu en grand nombre dans ce stade de San Siro. Cette tâche est confiée aux sources à leds intégrées dans des blinders réalisés spécialement pour la tournée par Morpheus Lights, un hommage aux traditonnels “blaster” 9 lampes.
SLU : Quels sont les projecteurs réservés à l’éclairage du public ?
Jeff Ravitz : “Nous avons toute une variété de sources pour éclairer le public qui fait entièrement partie du spectacle. Morpheus Lights, notre fournisseur, nous a aidés à créer une lumière originale et efficace pour couvrir le public très nombreux que nous avons dans les arénas et les stades. Cet appareil est conçu pour ressembler à un blinder traditionnel à 9 lampes, si souvent utilisé dans les années 80. En fait, il est encore utilisé aujourd’hui, mais avec sa température de couleur de type tungstène et sa consommation d’énergie élevée, c’est un système en voie de disparition.
A sa place, nous avons équipé un châssis avec neuf Colorado LED PAR de Chauvet. Cette source est plus large qu’un blinder 9 lampes et c’est ce que je voulais car, dans les lieux de la taille de ceux où nous jouons, il importe d’être surdimensionné pour s’affirmer visuellement de manière percutante. Avec neuf LED PAR, nous avons beaucoup de punch et une infinité de couleurs pour éclairer le public. La richesse en couleur et la luminosité font merveille, et l’apparence du luminaire lui-même est très forte.
Quand les CP9 (un assemblage maison de 9 PAR LED Chauvet pour rappeler les blinders à l’ancienne) s’allument c’est en couleurs et en harmonie avec le reste du kit, très led mais pourtant très rock, installé par les équipes de Morpheus Lights.
SLU : En effet, les assemblages de Chauvet était très impressionnants en blinder. Avez-vous trouvé des limites à ce projecteur économique?
Jeff Ravitz : Comme blinder, les CP-9 – c’est la référence que nous leur avons donnée – sont extrêmement efficaces. Ce sont des projecteurs à focale fixe, donc ma seule demande serait d’avoir un luminaire similaire motorisé en pan et tilt. Nous avons dû faire quelques expériences pour trouver un bon filtre diffuseur afin d’élargir leur faisceau qui était trop étroit pour la fonction wash que nous voulions.
Ainsi, dans une future version de cet appareil, j’explorerai l’idée d’utiliser un LED PAR avec zoom. Le système complet est déjà assez lourd, je devrai donc prendre en considération le poids total. En parlant de poids, l’idéal serait que ce PAR soit plus léger, mais il est étanche, ce qui, je pense, justifie son surpoids.
Les LED PAR que nous utilisons actuellement sont des RGB. Une évolution future de cet appareil utiliserait des sources RGBA pour obtenir un mélange de couleurs plus élégant et plus subtil. Mis à part ces détails, je suis très satisfait de la lumière.”
Recette pour une vraie belle scène de rock & roll: Du blinder (les CP9 custom Morpheus), des PAR (le boulot du bâton est refilé aux NandoBeam-S9), de la sobriété (Trois ponts au dessus de la scène, deux en avant, deux latéraux et un grand écran pour diffuser des images live). Mixer le tout avec une ambiance vintage, des artistes engagés, poser au beau milieu d’un stade, parsemer de projecteurs de poursuite, et déguster très fort !
Les Beam et les Wash tout en Ayrton.
Une belle rangée Ayrton en fond de scène, avec les NandoBeam-S9 dont le zoom serré permet à Jeff Ravitz de les utiliser comme des PAR pour donner un look très 80’s à l’implantation, précédées des imposantes MagicRing-R9 en suspension.
Aidés par les WildSun-500C pour éclairer le public, les blinders ne sont pas les seules sources de couleurs de ce kit vintage curieusement très futuriste…
D’autres jolies sources Ayrton viennent habiter les ponts, le fond, et le sol de cette scène de rockeur. Depuis les NandoBeam-S9 qui se prennent pour des PAR du futur, les impressionnants MagicRing-R9 et les invités surprises MagicBlade-R, la famille est là toutes diodes dehors !
SLU : Pourquoi avez-vous préconisé le NandoBeam-S9 et qu’en pensez-vous ?
Jeff Ravitz : “Le NandoBeam-S9 a plusieurs avantages que j’apprécie. Il dispose d’une large gamme, de couleurs vives. Il est très lumineux. Il est économique en termes de consommation d’énergie. Ses mouvements sont rapides. Il a une belle qualité de faisceau. Il a quelques jolis effets intégrés, même si nous ne les utilisons pas tous pour ce spectacle. J’aime la taille de l’appareil, qui est assez grosse pour avoir l’air puissant sur nos structures. Et il dispose d’un zoom qui s’étend de très serré à large. Nous utilisons souvent le Nando en resserrant assez le zoom pour faire un faisceau de type PAR, ce qui nous rappelle les années 80.
Jeff Ravitz voulait rendre hommage à l’album The River et aux années 80 mais en 2016 ! Les PAR sont donc remplacés par des NandoBeam-S9 Ayrton qui apportent, en plus d’un bâton bien serré , de la brillance et surtout de la couleur !
SLU : Avez-vous comparé les Wash/Beam de différentes marques ?
Jeff Ravitz : J’ai effectivement comparé le NandoBeam S9 à tous les grands projecteurs Wash à leds. La plupart étaient très bons, mais je revenais toujours au NandoBeam S9 qui pouvait satisfaire tous nos besoins.
SLU : Nous avons vu que vous utilisez toujours le Wildsun 500C, mais son blanc est plus chaud que celui du S9. Est-ce qu’ils travaillent bien ensemble ?
Jeff Ravitz : J’adore le Wildsun 500C et son beau blanc chaud. Pour cette tournée, le NandoBeam S9, plus froid, plus précis, représentait la voie que je préférais emprunter pour la majorité du système. Mais je suis fan des mélanges de températures de couleurs. Maintenant, on utilise le Wildsun principalement dans notre éclairage du public, donc son blanc plus chaud est un avantage.
Vous avez demandé du gros rock ? Ne quittez pas… Les lyres Ayrton sont là pour ça et les blinders CP9 nous renvoient directement aux shows déments des eighties.
SLU : Le MagicRing-R9 est-il utilisé seulement comme effet d’éclairage arrière ou aussi pour illuminer la scène?
Jeff Ravitz : On utilise le MagicRing pour envoyer des groupes de faisceaux lumineux forts et épais. Ils travaillent aussi en éclairage arrière et latéral surpuissant sur les musiciens, et parfois pour des effets spéciaux en utilisant les anneaux et la rotation continue. Je trouve que c’est un projecteur fantastique.
Au sol devant l’écran, les MagicBalde-R attendent sagement leur passages, rares mais marquants, pour préserver l’effet (et les effets!) de surprise du projecteur qui rivalise avec les Sharpy sur scène et dans le cœur de l’éclairagiste.
SLU : Les MagicBlade-R étaient utilisés deux fois pour de très beaux effets de lumière arrière. Pourquoi pas plus ?
Jeff Ravitz : On a ajouté les MagicBlade pour combler l’obscurité derrière le groupe, là où il n’y a rien d’autre pour le faire. On les utilise effectivement dans très peu de chansons, mais comme ce sont des projecteurs très particuliers, j’essaie de ne pas en abuser. Je suis très conscient que si on utilise un effet trop souvent, il pourrait cesser d’avoir l’impact que j’espère. Donc, je tiens à les laisser “se reposer” pour que, quand je les utilise à nouveau, ce soit toujours une belle surprise.
SLU : Que pensez-vous de ce projecteur ?
Jeff Ravitz : Le MagicBlade est un projecteur extrêmement utile et polyvalent. Dans notre spectacle, j’essaie de ne jamais les utiliser deux fois de la même manière. Nous les avons montés en deux rangées superposées sur une balustrade en forme de croix derrière le groupe. Cela nous donne la possibilité de les utiliser horizontalement, verticalement, ou dans une multitude d’angles et de combinaisons. Et, bien sûr, leurs mouvements continus en pan et en tilt en font l’un des projecteurs les plus étonnants de notre système.”
Jeff Ravitz a choisi de n’utiliser les MagicBlade-R, installées au sol en fond de scène, que ponctuellement pour ménager leur effet de surprise, c’est réussi!
A la poursuite des BadBoy.
Et les MagicBlade-R ne sont pas la seule surprise de ce spectacle. C’est du côté des poursuites, projecteurs clés de l’implantation de Jeff Ravitz, en charge des faces du Boss et de son E Street Band, que l’avenir vient s’incruster dans la tournée revival, avec les Bad Boy PRG et leur système unique de tracking à distance. Plus de sécurité et d’accessibilité et des techniciens qui n’ont plus besoin de se suspendre dans les airs pour suivre les moindres gestes des rockeurs ? Un vrai progrès !
SLU : Pourquoi avez-vous choisi le Bad Boy comme poursuite ?
Jeff Ravitz : “Le Bad Boy fait partie du nouveau système de poursuite Ground Control de PRG. J’ai demandé à avoir cette excellente nouvelle technologie pour plusieurs raisons. Sur la tournée de Bruce Springsteen et du E Street Band, nous avons la chance de pouvoir monter une passerelle réservée aux projecteurs de poursuite à environ 10 mètres face à la scène. Avant cette tournée, nous utilisions cinq poursuites Topaze de Robert Juliat équipées en lampe tungstène.
Vue insolite d’un groupe de poursuiteurs installés dans un local technique du stade. L’interface ressemble à une petite poursuite montée sur pied.
L’avantage de cette structure est qu’elle nous assure une orientation des poursuites constamment parfaite pour éclairer le groupe et que nous disposons pour chaque date d’excellents projecteurs. Sinon, nous serions obligés d’utiliser les spots hétéroclites qu’on trouverait sur place, aussi vieux, fatigués et abimés qu’ils pourraient être. Et la plupart du temps, l’orientation vers la scène des spots du lieu correspondrait beaucoup moins à nos besoins.
Le seul problème avec notre passerelle de poursuites est qu’elle est suspendue au-dessus du public. Avec cinq projecteurs et cinq opérateurs, les organisateurs de la tournée sont toujours inquiets de l’aspect sécurité. J’ai donc pensé qu’avec l’invention du système de poursuite commandé à distance, nous pourrions éviter ce problème, tout en ayant cinq projecteurs plus légers et plus petits et aucun opérateur sur la passerelle au-dessus du public.
Le Bad Boy vu sur un écran du Ground Control followspot System et pris par la caméra du Bad Boy voisin. Cette caméra justement on la voit attachée près de la lentille de sortie du projecteur. Notez aussi la croix de visée rouge…
Vue de la scène pendant le concert. Le musicien suivi par l’opérateur est désigné par la croix
En outre, le Bad Boy est un projecteur motorisé complet qui peut changer de couleur si on le souhaite, et ajouter des gobos à la lumière de face si nécessaire. Le projecteur intègre une caméra infrarouge qui permet aux opérateurs, qui voient la scène sur un moniteur vidéo et contrôlent la lumière par l’intermédiaire d’une télécommande, de voir les artistes même dans le noir. Cela permet une reprise beaucoup plus précise après un passage à l’obscurité.
Enfin, on s’est rendu compte que, parmi les meilleurs opérateurs de poursuite, certains sont maintenant un peu trop vieux pour grimper allègrement sur une passerelle mais sont une fois de plus en mesure de contribuer avec leur expérience et leur savoir-faire au fonctionnement de nos poursuites. Même un opérateur en fauteuil roulant pourrait faire partie de notre équipe.
SLU : Êtes-vous satisfait de ce système et l’utiliserez-vous encore, souvent ou systématiquement ?
Jeff Ravitz : Je suis tout à fait satisfait du système. Il est piloté par des humains, et non par une sorte de suivi radio. L’opérateur utilise un appareil qui ressemble à un petit projecteur de poursuite monté sur un pied, exactement comme une poursuite réelle. Il y a des boutons pour le changement de couleur. Il y a un fader pour dimmer et un autre fader pour actionner l’iris. Toutes les fonctions peuvent être contrôlées par la console du spectacle, ou bien l’opérateur peut accéder à la plupart des fonctions manuellement.
Quand les MagicRing-R9 Ayrton sortent leurs anneaux, c’est de concert avec les frangines NandoBeam-S9 et les Sharpy.
Sur l’unité de commande, il y a un grand écran vidéo avec un réticule que l’opérateur utilise pour viser et se centrer sur l’artiste. La vue sur le moniteur provient d’une caméra placée juste sous la lentille, qui est petite mais d’excellente qualité. Les opérateurs ont donc la même vue que s’ils étaient effectivement sur la passerelle, en train d’utiliser un projecteur de poursuite normal. Il suffit de quelques minutes pour s’habituer à ce système et les opérateurs sont tout à fait à l’aise.
Oui, je vais utiliser ce système à chaque fois que ça sera possible. Imaginez un endroit où il serait impossible d’avoir un projecteur de poursuite et un opérateur, mais où on pourrait accrocher un simple projecteur motorisé. On a tous rêvé d’une telle solution, maintenant on l’a.
SLU : A quel moment allumez-vous les quatre Lancelot placés sur des tours face à la scène ?
Jeff Ravitz : On utilise ces spots spécifiquement quand Bruce va sur l’une des rampes ou des plates-formes qui se prolongent dans le public, là où les Bad Boy ne peuvent l’atteindre. Cela se produit à plusieurs reprises pendant le spectacle. En outre, les Lancelot sont des spots très utiles pour couvrir tout le groupe quand il s’aligne sur la piste inférieure de la scène.”
Du côté de la régie.
Entretien avec Todd Ricci, Directeur lumière, qui revient avec nous sur les changements en régie depuis la dernière tournée de Bruce Springsteen en collaboration avec Morpheus Lights.
En régie face à la scène Todd Ricci (directeur lumière) à gauche et Brad Brown (chef de l’équipe lumière et pupitreur) convertis à la GrandMA2.
Aux commandes d’un réseau MA-Net, légèrement reconfiguré pour l’occasion, Todd (qui travaille sur les tournées de Bruce Springsteen depuis plus de 14 ans) accueille désormais deux nouvelles consoles GrandMa 2 en réseau MA Net pour remplacer la GrandMA 1 et l’Avolites Diamond II de la précédente tournée.
Todd Ricci : “Nous envoyons directement le MA Net dans notre GigaSwitch et on fonctionne en ACN. Nous avons entendu dire que ArtNet est un peu lent en temps de réaction et, comme nous avons des transitions rapides et rock-n-roll, nous avons choisi d’utiliser MA Net qui, nous a-t-on dit, est plus adapté à ce type de transmission.
SLU : Avez-vous toujours la Diamond II d’Avolites ?
Todd Ricci : Non, actuellement nous utilisons deux GrandMA2. On a remasterisé numériquement l’esprit, le cœur et l’âme de la Diamond II et on a balancé le tout dans une GrandMA2.
SLU : Vous vous êtes habitué à la GrandMA ?
Todd Ricci : Je fais beaucoup de spectacles différents, donc oui, pour l’essentiel, tout va bien.
Il y a vraiment le même nombre de cues. J’ai fait de mon mieux pour les étiqueter… vous savez les légendes de l’Avolites se voient très bien. Sur la MA, j’ai dû les abréger un peu mais les cues sont toujours là. Les composants de la MA2 sont un peu plus fiables. J’aimerais beaucoup utiliser encore l’Avo, mais les jours de pluie, ça devenait difficile de la faire marcher. Dès que le temps était un peu humide, on la mettait dans une bulle où l’on soufflait de l’air chaud… J’ai adoré cette console, et je l’aime toujours, mais… bye-bye ! On ne retourne pas en arrière.
SLU : Vous avez deux consoles. Qu’est-ce que vous contrôlez pendant le spectacle ?
Todd Ricci : Les projecteurs PRG tiennent sur une seule commande… Brad règle leur température de couleur et elle reste identique pendant tout le spectacle. Tous les projecteurs motorisés, à leds et à lampes, les presets, les couleurs, les positions, les gobos sont gérés par Brad, tandis que je commande les intensités.
Enfin il y a des chansons qui sont exclusivement contrôlées sur sa console, généralement les plus lentes mais aussi « Glory Days » et quelques autres. C’est ce qu’on faisait dans notre configuration précédente car sur l’Avolites nous manquions de place et nous avions été obligés de les encoder dans la MA… comme elles étaient déjà sur ce pupitre, on s’est contentés de les laisser en l’état..”
Un très bel exemple de l’harmonie du design lumière et vidéo, avec ce grand écran de fond de scène qui, au contraire d’étouffer, plonge le spectateurs au cœur de la scène.
Mission accomplie, le feeling est bien là, le gros rock et la générosité aussi. L’écran géant qui nous plonge en permanence au coeur de l’action y est pour beaucoup, et l’éclairage très juste des faces aussi. Comment alors ne pas revenir s’attarder sur les BadBoy qui sont un élément clé de la réussite du design lumière?
Les BadBoy à la rescousse avec le PRG Ground Control Followspot System
Brandt Gentry (Spécialiste Ground Control) : “A partir du contrôleur, on peut commander toutes les fonctions du projecteur. Sur cette tournée, nous les avons configurés pour contrôler uniquement l’intensité et l’iris. Mais si on voulait, on pourrait gérer les gobos, changements de couleur, zoom et focus.
SLU : Comment gérez-vous la température de couleur entre le jour et la nuit ?
Brandt Gentry : Nous ne la changeons pas. Elle est équilibrée pour les caméras et avant tout pour la nuit.
SLU : Le signal qui part de ce contrôleur vers les Bad Boy est en DMX ?
Brandt Gentry : Il passe via une fibre optique, dans une boite propriétaire PRG située dans la structure qui envoie le DMX au projecteur et reçoit le signal de la caméra.
SLU : Ce système est fabriqué aux Etats-Unis ?
Brandt Gentry : À ma connaissance, il est fabriqué à Dallas”.
Alors si les ces BadBoy là ont la confiance de Jeff, on ne peut que le suivre et attendre avec impatience de les revoir sur d’autres spectacles, ou pourquoi pas en festival dont la lumière n’a plus beaucoup de secret pour le designer (de Coachella à Lollapalooza). S’estimant très chanceux d’avoir été si occupé ces dernières années, Jeff Ravitz a collaboré aussi avec une variété de productions telles que la conférence annuelle des TED, ou les tournées de Ringo Starr et Styx.
Ce n’est pas parce qu’on est dans un stade, avec une scène imposante et un (très) gros kit de projecteurs, qu’on ne peut pas miser sur la sobriété. Un moment d’échange entre Bruce et son public capturé par l’écran géant, qui devient indispensable dans cette conception, finalement, très cinématographique.
Et même si l’éclairagiste est très attaché à sa grosse machine Springsteen qui implique pas moins de 24 camions, une centaine de techniciens et un kit de plus de 450 projecteurs pour venir répandre la bonne parole du rock’n’roll, il reste curieux et en évolution permanente dans son design, toujours tourné vers l’avenir.
C’est comme ça qu’il a pu trouver la bonne alchimie pour les lumières d’un Boss toujours partant pour communier pendant 4 heures avec un public vraiment heureux, en essayant de conserver une apparence non technique sur la base d’un design éminemment technologique. Ainsi, les quelque 150 projecteurs Ayrton qui font de l’effet derrière, devant et sur la scène en se prenant pour des PARS, n’oublient jamais le public que ce soit les NandoBeam-S9, les WildSun 500C en blanc chaud et profond ou les MagicRing-R9 aux couleur riches et anneaux brillants.
Alors, les poursuites se débarrassent de leurs lampes tungstène et de leur sièges pour finir pilotées comme des robots “vilains garçons” (Bad Boy) par des opérateurs de génie, parfois mis à la retraite à cause de difficultés physiques à monter très haut (en l’occurrence ici, à 10m!). Enfin, les Blasters 9 lampes de tout bon concert de Rock, s’équipent de PAR à LED Chauvet pour une renaissance en couleurs!
Les gobos et faisceaux ne sont pas en reste, et les valeurs sûres de Jeff colonisent toujours ses designs : beaux spot Vari*Lite et Martin, Sharpy toujours présents et bien que un peu en retrait au profit des incroyables MagicBlade-R.
Et puis il y a l’écran, ou plutôt les écrans (ils sont 3), mais le central est si imposant qu’on ne pourrait voir et parler que de lui… Quelle prouesse que d’être parvenu à l’intégrer dans la scénographie afin qu’il devienne un moyen de nous rapprocher encore plus de Bruce Springsteen et de ses musiciens! En ne manquant aucune expression, aucun doigt sur une corde, aucun applaudissement de la foule en délire, il parvient à rajouter de l’intimité en lieu et place de l’effet vidéo trop vu, et souvent trop présent.
Le Boss vit le show pour, mais surtout avec, son public. L’écran n’est qu’une façon de plus de les rapprocher l’un de l’autre, et c’est franchement réussi!
Plans tournée Springsteen
Plan vue de dessus de toute la façade
Légendes pictogrammes
Plan de la scène vue de dessus
Implantation au sol de toute la façade
Implantation au sol de la scène
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