Le bâtiment principal de Robe
Robe, en moins de quinze ans, s’est hissé dans le top 3 des leaders de l’industrie de l’éclairage automatique en conservant son identité et sans se faire avaler par un colosse. Réputée pour sa fiabilité, inscrite aujourd’hui au plus haut niveau dans les fiches techniques de tournées avec le BMFL, la marque regroupe toutes ses activités en République Tchèque.
Nous avons visité les plateaux de production, et interviewé Josef Valchar, co-fondateur de la marque, co-président du groupe, et très impliqué dans la R&D.
De l’origine à aujourd’hui
Robe, c’est l’histoire de deux hommes, Josef Valchar et Ladislav Petrek qui se sont associés il y a 23 ans pour produire des projecteurs intelligents et les fournir en OEM aux marques influentes… dans les années 90. Ils ont eu un succès fulgurant. Près d’une dizaine de marques signaient leurs produits, scanners et lyres, jusqu’à un jour de l’année 2002 où Robe à Rimini exposa ses produits sous sa propre marque et mit un terme en douceur aux services OEM. (Voir plus loin dans l’article, l’interview de Josef Valchar qui nous raconte très précisément ses débuts liés à ceux de Robe. )
Josef Valchar CEO
Ladislav Petrek CEO
14 ans et plusieurs dizaine de brevets d’inventions plus tard, Robe est le nom d’un groupe qui détient Robe, Anolis (la branche lumière architecturale du Groupe) et Dioflex (une société de production de cartes électroniques) et dont les marques sont distribuée dans le monde par 8 filiales et 120 distributeurs. Sur le site de 40 000 m2 à Roznow, 420 employés travaillent dans les différents bâtiments qui accueillent les activités de Robe et Anolis, le siège administratif et les plateaux de production.
Sarka Hrachovcova, l’assistante de Josef Valchar.
C’est Sarka Hrachovcova, l’assistante de Josef Valchar, qui nous guide à travers les différents départements… Sauf la R&D 🙂 Inutile de vous dire qu’elle est aussi douée et dynamique que sympathique.
Vous reconnaîtrez sur les photos près des machines, tantôt une jambe de Bruno Garros, tantôt un bras d’Elie Battah, les deux dirigeants de la filiale Française qui nous accompagnaient.
Le siège et la production
[private]
A l’exception des lampes, lentilles et collimateurs, filtres dichroïques qui relèvent de l’industrie lourde, tout est réalisé ici : les moules, la peinture, le découpage des pièces métalliques, les câbles de liaisons internes, la gravure des gobos, la découpe des filtres, les drapeaux de trichromie ainsi que l’assemblage sur quatre lignes dont la capacité de production totale sur 8 heures est de 120 Pointe par jour ou 48 BMFL.
Les postes de découpe et étamage des câbles de liaison internes. Ils ne font pas 1 mm de trop.
“La production est organisée sur 5 jours nous explique Sarka Hrachovcova. Un jour pour assembler la partie mécanique, le squelette et les optiques, un jour pour installer les cartes et le câblage. Deux jours sont consacrés aux calibrations, réglages et tests. Le 5e jour est réservé à l’emballage et l’expédition. ”
Il y a un responsable de production par ligne d’assemblage qui définit le planning de fabrication et prépare les composants nécessaires, tous stockés dans un immense magasin situé au rez-de-chaussée du bâtiment principal. C’est ici que commence la démarche de contrôle qualité.
Les 4 personnes employées au magasin testent un échantillonnage de tous les lots qui arrivent de l’extérieur : moteurs, réflecteurs… avant de les enregistrer. Sont aussi stockés à cet endroit les modules de pré-production maison. “ Nous produisons nous-mêmes autant de composants que possible, précise Sarka. Par exemple les pièces métalliques et en plastique sont faites ici, de même que le câblage.
Le grand magasin de composants prêts à l’assemblage des projecteurs. Toutes les pièces pré-produites sur le site sont stockées ici, après avoir été contrôlées évidemment
Les modules gobos et couleur embarqueront au final : trop facile !
SLU : Comment êtes-vous organisés ? Les assembleurs sont-ils spécialisés ?
Sarka Hrachovcova : Oui, chacun fait basiquement toujours le même travail. Il y a des techniciens en mécanique et des techniciens électroniciens et ceux d’entre eux qui ont plus d’expérience, assemblent des produits pointus comme le DL7 par exemple. Comme ils peuvent travailler sur plusieurs appareils différents au cours d’une journée, ils ont un plan de production et savent ainsi combien de pièces ils ont à traiter dans la journée.
Une des quatre lignes d’assemblage avec au premier plan un technicien chargé de fixer l’électronique d’un Robin 300.
Le carnet de santé du projecteur.
Comme vous pouvez le voir, chaque machine possède sa carte d’identité avec son numéro de série sur laquelle chaque intervention est notée. Chacun prend la machine pour faire sa part de travail et la replace à un endroit ou elle attend que quelqu’un d’autre vienne assurer une autre partie de l’assemblage. C’est une sorte de chemin en zig-zag.”
Quand l’assemblage est terminé, les athlètes sortent couverts.
Quand les machines sortent des lignes d’assemblage, elles sont acheminées dans la zone de test ou plusieurs tortures les attendent, à commencer par un test mécanique pour bien vérifier que tout est en place dans la bonne position. Ensuite vient le calibrage de la lumière effectué par ordinateur pour les projecteurs à leds. Cette étape dure entre 2 mn et une demi-heure (pour le DL7). Pour les projecteurs à lampe, le centrage de cette dernière est réalisé manuellement.
Dans ce couloir de test, le technicien effectue le centrage de la lampe. Il dispose pour cela de quelques cellules fixées au mur.
Le contrôle mécanique
Le test de chauffe, appareils allumés pendant plusieurs heures, peut alors démarrer. Ils sont tous alignés de telle sorte qu’un appareil défectueux sera tout de suite identifié. Ils sont alimentés par différentes tensions d’alimentation correspondant aux différents pays de destination.
Le test de chauffe
Après la chauffe, dans une autre zone de test, tous les appareils passent sous contrôle informatique afin que soit détecté le moindre dysfonctionnement. On comprend qu’aucune machine déficiente ne passera les mailles de ce filet de contrôle.
SLU : Les projecteurs sont-ils testés également dans des conditions de température et hygrométrie extrêmes ?
Sarka Hrachovcova : “Ce test est réalisé par la R&D où une étuve leur permet d’étudier le comportement des appareils sous une température de 70°. Ensuite, il n’est pas nécessaire de le faire subir à chaque exemplaire.”
Nous passons dans des zones de pré-production où sont dimensionnés les drapeaux de trichromie et les filtres dichroïques. La production de filtres est externalisée et ils sont testés un par un pour détecter les trous ou les dérives de couleurs. Ils sont ensuite coupés selon les formes et les dimensions requises dans différentes machines assistées par ordinateur.
Deux machines à redimensionner les filtres
Les graveurs laser de gobos verre.
Puis nous traversons les ateliers de pré-production où sont assemblées manuellement des roues de couleurs et des roues de gobos, où sont attachés les supports d’iris, positionnés les collimateurs et réalisés les petits accessoires des machines. Tous ces modules sont contrôlés évidemment avant de rejoindre le magasin de composants.
Une des zones de pré-prod où sont assemblés les roues de couleurs, les dimmers progressifs…
… et les galettes garnies de collimateurs.
Les pièces métalliques
Une des machines à poinçonner le métal…
Les différentes machines à travailler le métal, qu’elles soient laser ou à poinçonnage, les plieuses, toutes assistées par ordinateur… sont situées dans un autre bâtiment. Chaque machine a sa fonction.
Si la découpe laser est plus efficace et précise pour découper des formes courbes, et il y en a 3 dans l’atelier, les presses sont plus rapides pour couper en ligne droite.
… et une découpe au laser.
Il y a même des presses pour rattraper la planéité des pièces qui sortent très légèrement ondulées après découpe. La fluidité mécanique des machines assemblées en dépend.
Sarka nous précise que toutes les chutes de métal sont ensuite recyclées.
Dans cet atelier, la sécurité est assurée par des capteurs optiques, ce qui se traduit visuellement par un marquage jaune au sol autour des machines. En cours de traitement automatique, tout franchissement d’une bande jaune déclenche l’arrêt immédiat de la machine concernée.
La peinture
La peinture est aussi réalisée dans l’usine suivant un traitement époxy qui dure environ 2 heures. Les pièces, accrochées manuellement, passent dans une chambre de préparation pour y être nettoyées et dégraissées. Au sortir de cette enceinte, des employés les vaporisent au pistolet de poudre électrostatique avant de les diriger dans un four à 200° qui assure la fusion et la polymérisation de cette poudre thermodurcissable.
Cette jeune femme vaporise la poudre de peinture au pistolet sur les pièces….
Quand les pièces sortent, elles sont décrochées et après un contrôle visuel, elles sont enveloppées et dirigées vers le stock de composants.
… Les voici en sortie de four.
“C’est une opération manuelle nous précise Sarka car il y a tellement de formes différentes à traiter qu’automatiser cette fonction n’aurait pas de sens. Et nous pouvons évidemment créer toute couleur personnalisée sur demande d’un client”.
Comme tous les départements, cet atelier travaille en fonction des commandes, sur 8 h, en 2 x 8 ou en 3 x 8. Chaque équipe est en mesure d’assurer le traitement de 1500 à 2000 pièces par jour.
C’est aussi dans cet atelier que sont réalisées les sérigraphies et impression de textes sur les appareils. Le séchage est naturel mais un petit four permet de l’accélérer en cas de besoin urgent.
En quittant ce bâtiment pour rejoindre le siège administratif, Sarka nous montre l’étendue du site et les différents bâtiments qui ont été acquis par le groupe et sont rénovés progressivement.
L’un d’eux accueille la production d’Anolis, et juste à côté du siège, une ancienne usine de production de plastique qui ne travaillait pas pour Robe, a été entièrement rénovée afin d’accueillir au 1er étage un centre de fitness pour les employéset le public. Le rez-de-chaussée, vide pour le moment servira à étendre la production. Et puis un autre bâtiment sera utilisé après rénovation comme entrepôt de plaques de métal. Robe ne manque pas de place pour augmenter sa production.
Le moulage
Voici les pièces après moulage dans une presse à vide
Les capots de projecteurs en matériau composite sont formés par aspiration sous vide dans une presse à commande numérique. Les feuilles de matériau plastique proviennent d’une société allemande.
Les moules servant à produire les pièces en matériau composite. On reconnait des capots de bras, nez et corps de projecteur.
Sarka nous précise que tous les déchets sont renvoyés au fabricant pour être recyclés. Mais le recyclage a ses limites. Les feuilles étant ignifugées, Robe n’utilise que des feuilles neuves ou recyclées une seule fois. Ensuite elles perdent leurs propriétés.
La production de circuits imprimés
Le groupe a racheté en 2009 une usine de fabrication de circuits imprimés, Dioflex, dont il utilise 85% de la production pour ses propres marques Robe et Anolis. L’usine située à quelques minutes de voiture du siège, reçoit deux lignes complètement automatisées pour la fabrication de circuits électroniques accueillant tout type de composants : CMS, composants traversants…
Le groupe a racheté Dioflex en 2009 ce qui lui assure un niveau de maitrise encore plus élevé. Les cartes sortent avec zéro défaut.
Chez Dioflex, toutes les bobines de composants sont stockées dans des armoires sèches.
Toutes les bobines de composants, qu’ils soient traversants ou à montage en surface, CMS, sont stockées dans des armoires où un faible taux d’humidité, inférieur à 1% est maintenu.
Pour la plupart, les composants sont sensibles à l’humidité. Une humidité trop élevée à l’intérieur des composants pourrait les détériorer et augmenter le risque de dysfonctionnement.
Ces armoires « communiquent » avec un ordinateur qui a ainsi un état précis du stock pour répondre aux besoins.
Chaque ligne utilise un automate qui dépose une pâte à braser sur le circuit qui passe ensuite dans la zone à implantation automatique des composants. Cette dernière traite simultanément 6 circuits et implante 160 composants par minute. La dernière action est le passage au four avec une première zone de préchauffage pour monter graduellement la température. Ensuite la température atteint le maximum requis qui dépend des caractéristiques des composants (260° max). Les composants sont soudés par refusion, avant que les cartes atteignent la zone de refroidissement.
La dépose de pâte à braser se fait là.
Sarka Hrachovcova, face à Elie Battah et à côté d’une machine à implantation automatique de composants CMS.
Ce n’est que la première partie de la production. Les gros composants (traversants) sont ensuite montés manuellement sur chaque circuit avant de passer à la soudure à la vague. Et sur certains circuits qui reçoivent des composants CMS sur les deux faces, l’opération est renouvelée.
Le laboratoire où sont rattrapées les erreurs de positionnement, quand c’est possible et qu’elles ne sont pas trop nombreuses. On reconnait Bruno Garros à gauche de la photo.
Pour cette activité, les équipes peuvent travailler sur 8 h, en 2 x 8 ou 3x 8, en fonction des commandes. La capacité de production est de 2000 cartes par jour.
Au rayon du contrôle qualité, une machine (de contrôle optique) est capable d’évaluer si tous les composants sont placés correctement, à la bonne place, à la bonne hauteur.
En cas de défaut, les opérateurs les replacent correctement. Ce sont eux aussi qui implantent et soudent manuellement les gros composants comme les afficheurs, les microphones et certains connecteurs. Au final, chaque circuit passe sur un banc de test informatisé ; aucun d’eux ne quitte l’usine s’il n’est pas opérationnel à 100 %.
L’étage inférieur inoccupé de l’usine accueillera dans un futur proche une nouvelle ligne de production ultra moderne de cartes électroniques qui à elle seule fournira l’équivalent des deux lignes actuelles. En fin d’année 2015, Dioflex a reçu la certification Osram réservée aux 20 meilleures usines d’implantation de leurs leds dans le monde. La classe !
Interview de Josef Valchar, CEO et co-fondateur du groupe
Au terme de la visite des différents plateaux de production, Sharka nous conduit dans le showroom, une salle gradinée magnifique qui a tout d’un “petit” théâtre avec un vrai décor. Un show y est restitué pour mettre en valeur la qualité de lumière et la finesse des couleurs du DL7S et de la gamme DL4 qui feront le bonheur des théâtres et plateaux de télévision.
Dans le joli théâtre de démo, Josef Valchar, jeune Industriel majeur sur le marché mondial de la lumière pour le spectacle , entouré des DG de la filiale française: à gauche Bruno Garros et a droite Elie Battah (qui est aussi dirigeant de la filiale Robe Middle Est).
Josef nous rejoint dans un petit salon attenant, bar/salon de thé très cosy où sont exposées toutes les récompenses et awards décernés à la marque sur 15 ans d’activités.
SLU : Josef, pouvez-vous nous raconter votre histoire liée à la lumière et le démarrage de Robe ?
Josef Valchar : “Très jeune, je n’avais pas de passion particulière pour la lumière. J’ai suivi des études d’ingénieur à Ostrava sur la distribution d’énergie, les courants forts, les centrales électriques. Et puis, lors de la dernière année de mon cursus, j’ai étudié l’éclairage général et réalisé mon mémoire de fin d’études sur la conception de l’éclairage d’un centre commercial qui intégrait magasins, bureaux, couloirs, etc. Donc j’ai acquis des connaissances en éclairage général mais pas du tout spécialisées dans le spectacle.
Quand j’ai terminé mes études et obtenu mon diplôme en 1991, c’était donc après la révolution de velours de 1989, les frontières étaient ouvertes et il était possible de créer des entreprises privées en Tchécoslovaquie. Je cherchais du travail, et j’ai été recruté par Ladislav Petrek, mon actuel associé, qui était copropriétaire d’une petite entreprise nommée Prolux, de production d’effets lumière disco, simplement déclenchés par la musique comme des Derby, Moonflower, etc.
J’ai rejoint Prolux comme directeur des ventes pour la Tchécoslovaquie à l’époque. Je vendais des effets lumière et faisais des propositions à des clubs, mais seulement sur le marché intérieur. J’allais aussi en Allemagne pour acheter d’autres effets que la société ne produisait pas, y compris des éclairages intelligents plus sophistiqués que nous installions dans les clubs.
En 1993 j’ai visité le SIB de Rimini, et c’est là que j’ai découvert ce marché et mesuré son potentiel. Ce fut pour moi une vraie révélation. J’ai regardé tous les gros shows de démonstration des fabricants italiens – Coemar, Clay Paky, Lampo, Griven, Fal. Il y en avait tellement… Les fabricants italiens dominaient le marché à cette époque.
Je ne connaissais pas Ladislav quand j’ai commencé à travailler pour lui, mais nous avons développé de bonnes relations de travail et quand il s’est séparé de son associé, je lui ai exposé mon projet de développer des projecteurs intelligents et de viser un business international.
Nous sommes devenus associés en 93 et nous avons commencé à produire nos propres scanners au second trimestre. Je suis parti en Allemagne chez Steineke Showtechnik avec 4 scanners, un petit contrôleur, quelques effets lumière commandés par la musique ou en 0-10V. Ils ont aimé nos produits et nous avons démarré les ventes en OEM avec cette société qui fut notre unique client pendant 6 ans.
Puis, en 1999, nous avons franchi une étape importante en produisant nos premières lyres motorisées. Notre activité s’est alors ouverte à plus de production en OEM. Nous avons commencé par fournir Coemar en Italie, Starway et Contest en France, Movietech en Hollande et Belgique Puis Elation/ American DJ et Ultralight en Allemagne et enfin Sagitter en Italie.
Nous avions développé des lyres Spot et Wash en 575 W qui ont eu un gros succès. Nous avons grandi très rapidement, en doublant voire triplant notre chiffre d’affaires chaque année, c’était fou !
Mais en été 2001 déjà, nous avons senti les premiers signes de ralentissement et les événements du 11 septembre ont eu un impact vraiment négatif sur notre activité. Le business fut presque stoppé pendant 1 mois et nous avons dû licencier 70 personnes. Nous étions durement frappés.
Nous savions aussi que tous nos clients étaient à la recherche de produits similaires en Chine. Coemar ayant été vendu à Tracoman en 2001, on ignorait comment la situation allait évoluer mais de toute façon ce n’était pas clair, et il y avait d’autres signes suffisamment mauvais pour nous amener à réfléchir à notre avenir, car dépendre de l’OEM se révélait dangereux …
Au printemps 2002, alors qu’à Prolight+Sound nous étions encore purement fabricant OEM, deux semaines plus tard nous exposions au SIB de Rimini pour lancer notre marque Robe. Et là, nous avons été en mesure de conclure des accords de distribution dans une quarantaine de pays différents sur la durée de ce salon. C’est la meilleure décision que nous n’ayons jamais prise.
Souvenir du passé OEM de Robe, la lyre marquée Tass ProSpot, une 250 W qui s’est vendue en quantités phénoménales dans le monde entier sous plusieurs marques.
Fin 2002, soit 8 mois plus tard, déjà 50 % de notre activité était réalisée en OEM et 50 % en distribution directe de notre propre marque. C’était un excellent résultat.
En 2003 les ventes de Robe représentaient 80 % de notre CA. Nous avons continué à servir nos clients en OEM mais nous développions de nouveaux produits uniquement pour Robe. La transition de fabricant OEM à vente directe fut douce mais finalement rapide : moins de 2 ans .
SLU : Pourquoi Robe ?
Josef Valchar : Robe est constitué de Ro pour Roznov d’où je viens et “Be” de Becva, le nom d’un petit village Prostredni Becva, d’où Ladislav est originaire. Becva est aussi le nom d’une rivière qui traverse les deux villes. Nous avions trouvé ce nom avec Ladislav en 1994 alors que nous buvions un café dans une station essence. C’était un nom court, simple et qui avait du sens pour nous. Il ne signifiait rien en tchèque et à ce moment là nous n’avons pas pensé à vérifier sa signification dans d’autres langues (rires).
SLU : Vous êtes seulement deux associés ?
Josef Valchar : Ladislav et moi, les deux fondateurs, sommes associés majoritaires. Et, il y a près de dix ans, nous avons donné un certain pourcentage à nos gars de la R&D : 5% à notre ingénieur de développement mécanique et 5 % à notre ingénieur de développement logiciel.
SLU : Quel est le chiffre d’affaires de Robe ?
Josef Valchar : Je suis désolé mais on ne publie pas nos résultats. Nous sommes la seule entreprise privée qui soit restée indépendante parmi les leaders mondiaux.
Organigramme du groupe Robe
SLU : Quelle est la filiale la plus performante dans le monde ?
Josef Valchar : Les Etats-Unis, Dieu merci, et ensuite le Royaume Uni. Singapour et Dubaï sont aussi très performantes et la France est rapidement devenue une des meilleures.
Le potentiel du marché est bon et les marqueurs en France sont excellents.
SLU : Quel pourcentage de votre chiffre d’affaires est réalisé par les filiales.
Josef Valchar : La filiale américaine est encore une fois la première avec plus de 10 % du CA en 2015, c’était une année fantastique, et les résultats pour 2016 s’annoncent encore excellents puisque le chiffre de cette filiale représentera presque 20 % de notre activité à la fin de l’année.
Nous avons une très bonne équipe aux Etats Unis et les bons produits. C’est un package complet qui a favorisé la croissance soudaine de Robe en Amérique du Nord. Le même phénomène se produit en France où nous avons mis en place une excellente équipe avec les bons produits à un moment stratégique.
SLU : Quelle est votre relation avec Osram qui vous a donné la priorité de cette lampe à décharge 1700 W pour le BMFL ?
Josef Valchar : Longtemps nous n’avons travaillé qu’avec Philips pour les lampes et il y a 4 ans, avec le développement du Pointe, du Minipoint et de la 1700 W, nous avons commencé à travailler avec Osram qui aujourd’hui est quasiment notre seul fournisseur de lampes et de leds …
SLU : Pourquoi avez-vous changé de fournisseur ?
Josef Valchar : La dernière lampe Philips que nous avons utilisée était la 35 – 800 W dans la série MMX. Elle devait être plus performante mais ce ne fut pas le cas. Nous cherchions à développer une machine vraiment fiable : la plus lumineuse sans aucun compromis.
C’est la raison pour laquelle nous sommes venus à la 1700 W avec Osram. Et nous voulions vraiment donner sa chance à cette équipe car l’usine où sont produites ces lampes aux halogénures métalliques est située en République Tchèque à Bruntal, à un peu plus d’une heure de voiture d’ici. Nous avions envie de soutenir l’usine Tchèque. C’était une belle histoire à tout point de vue.
Robe BMFL
SLU : Quel fut le temps de développement du BMFL ?
Josef Valchar : Près de deux ans. Le développement de la lampe s’est fait sur deux ans. Nous avons reçu un nombre d’échantillons incroyable de cette lampe 1700 W. Chaque semaine ou tous les 15 jours, nous recevions une nouvelle version à tester. Il y a eu beaucoup de travail de développement. Tester une lampe et particulièrement sa durée de vie prend beaucoup de temps. Il faut vérifier qu’il n’y a pas de chute d’intensité lumineuse et s’assurer que la température de couleur est stable sur la durée de vie. Tout cela prend beaucoup de temps.
SLU : Avez-vous des contacts avec d’autres fabricants de lampes dans le monde ?
Josef Valchar : Ils ne sont pas si nombreux… Ils ont tous disparu. Le seul autre fabricant dans le monde est Koto. GE ne produit pas de lampes. Sylvania je pense a été vendu à une société indienne, il ont un catalogue mais je ne les ai pas rencontrés depuis de nombreuses années, et il y a aussi des fabricants chinois mais ils font des copies; c’est la raison pour laquelle je ne travaille pas avec eux.
SLU : Comment voyez-vous l’avenir des différentes sources utilisées dans les projecteurs pour le spectacle ?
Josef Valchar : Je pense que dans le futur, toutes les sources seront à leds. Pour les projecteurs les plus puissants, les lampes à décharge seront nécessaires encore quelque temps mais dans la catégorie des 700 et 1000 W, les Wash et Spots seront à leds. On utilisera des lampes à décharge aussi pour les beam qui nécessitent des petites sources très compactes telles celles utilisées dans le Pointe et autres projecteurs équivalents.
Le Laser est une solution, mais encore trop chère pour le moment, très chère. Nous pourrions développer un projecteur à source laser mais il serait au final 50% plus cher que n’importe quel produit existant. Il aurait aussi des fonctionnalités réduites. Si la lumière d’une source laser est zoomée, la lumière en sortie chute considérablement car la source laser est conçue pour projeter un faisceau collimaté presque parfaitement.
Les développements sont nombreux : les leds évoluent encore rapidement, les laser sont vraiment juste au début. Si vous regardez notre gamme de produits, il y a énormément de produits à leds et il en sort de plus en plus.
SLU : Quelles sont les proportions de produits à leds et à lampes vendus.
Josef Valchar : Avant la sortie du Pointe, les projecteurs à leds représentaient plus de 50 % des ventes. En ce moment, avec le Pointe, le MiniPoint et le BMFL, les ventes des projecteurs à leds sont descendues à 40 % mais elles vont remonter. A la fin de l’année, elles représenteront entre 50 et 55% des ventes avec la sortie du Spiider et du Spikie.
Robe Spiider
Robe Spikie
SLU : Avez-vous en projet de développer un projecteur encore plus puissant que le BMFL ?
Josef Valchar : Nous ne développerons pas de projecteur plus grand et plus lumineux que le BMFL. Il n’y a pas de besoin de quoi que ce soit de plus volumineux. Au delà de cette puissance, on parle plus de traceurs pour lesquels la lampe doit avoir un arc très court comme une lampe xénon ou tout autre développement qui pourrait aller dans cette direction.
Le xénon est je pense en fin de vie. Dans les projecteurs cinéma, les lampes xénon ont été remplacée par des sources laser mais elles sont environ trois fois plus chères. Mais si on calcule le coût d’exploitation du projecteur, le laser présente malgré tout l’avantage de de ne pas avoir à être remplacé périodiquement. Encore une fois, les sources laser en sont à leurs débuts, et je suis sûr qu’au fur et à mesure des développements, les prix vont baisser.
Les diodes laser sont aujourd’hui utilisées dans de petits projecteurs (vidéo) grand public, dans les 2000/3000 et 5000 ANSI lumens. C’est parfait pour des applications de faible puissance mais pas suffisant pour notre marché. Les sources de haute puissance sont extrêmement coûteuses. Notre marché ne peut pas se permettre ce type d’investissement et nous ne pouvons pas produire de projecteur compétitif avec ce type de source.
SLU : Comment défendez-vous vos innovations contre les copies.
Josef Valchar : Ce n’est pas facile mais nous essayons. Chaque année nous déposons entre 5 et 7 brevets. Aujourd’hui nous sommes propriétaires de 80 brevets pour la plupart enregistrés, d’autres sont en attente. Pour chaque nouveau produit, nous essayons d’obtenir une protection par brevet. Nous dépensons du temps et de l’argent pour le faire car c’est très couteux de déposer des brevets aux US, en Europe et en Chine. Le plus gros problème est que l’enregistrement prend beaucoup de temps : entre trois et quatre ans. Et vous savez comme moi que le produit sera copié dans l’année quand ce n’est pas dans les six mois qui suivent sa sortie.
Quand vous détectez une copie d’un de vos produits, vous pouvez envoyer un courrier au fabricant et le menacer pour violation de brevet, mais ce n’est applicable qu’à partir du jour où le brevet est délivré. A ce moment là seulement vous pouvez poursuivre ce fabricant en justice, mettre fin à la commercialisation du produit et demander des royalties rétroactives au jour où vous avez envoyé la lettre. Le problème est que après 3 ou 4 ans, le produit est déjà vieux. C’est compliqué car généralement le fabricant des copies est une société chinoise qui produit en OEM. Notre seul recours est de nous retourner contre les distributeurs des copies en Europe ou aux Etats-Unis. C’est pénible.
Tout le monde essaie de stopper ça mais nous sommes limités. Les procédures d’enregistrement de brevets sont trop longues. Avec le taux de renouvellement des produits et l’évolution des technologies, il n’est pas envisageable de déposer les brevets et d’attendre 3 ou 4 ans pour sortir les produits. Ils seraient déjà dépassés. C’est le problème de toutes les sociétés innovantes de notre industrie, Clay Paky y compris et d’autres… Ils connaissent tous le même problème avec les chinois. Le Sharpy a été très copié puis ce fut le tour de notre Pointe qui a été beaucoup copié, autant sinon plus que le Sharpy.
SLU : Que faire alors ?
Josef Valchar : Nos brevets sur le Pointe ont été enregistrés aux USA, nous sommes donc en mesure aujourd’hui de démarrer une action contre les copies. Quand un client achète une copie chinoise bon marché… Certaines sociétés vont vraiment se brûler les doigts et réaliser que peut-être ils ont fait une économie de 50 % sur le coût initial mais très vite le produit risque de ne plus fonctionner du tout, sans le soutien du fabricant.
Parfois il est bon qu’ils fassent leur propre expérience. Certains vous diront qu’ils ne disposent pas assez d’argent pour acheter l’original. Je pense qu’ils feraient mieux d’en acheter deux fois moins en quantité mais d’acheter un produit de qualité. Au cours du temps ils auront peut-être la possibilité d’acheter l’autre moitié pour compléter leur parc qui aura ainsi une longue durée de vie.
Au final, si certaines sociétés de location continuent à ne supporter que les chinois, un jour nous disparaitrons et il ne restera que les copieurs. Je leur souhaite bien du plaisir pour obtenir d’eux des produits innovants. La créativité et l’innovation dans un produit proviennent de discussions entre les concepteurs lumière, nos distributeurs et notre R&D. Voilà comment nos produits sont développés. Les copieurs ne font que suivre. Si il n’y avait pas des entreprises comme la notre et les autres leaders sur le marché, il n’y aurait rien à copier. Ils continueraient à faire des copies de copies avec de petites améliorations bizarres qui ne correspondent pas aux besoins du marché. Peut-être.
La vitrine des “awards” joliment mise en lumière.
SLU : Votre site de production est-il certifiée ISO 9001
Josef Valchar : Ce n’est pas nécessaire. Nous ne fournissons pas l’industrie automobile ou d’autres industries en B-to-B qui imposent que tout soit certifié. Une erreur de notre part ne concernerait que 200 à 500 machines, pas plus. Fondamentalement nous travaillons selon la norme ISO mais nous n’avons pas réellement besoin de la certification. Y parvenir demande un investissement initial très lourd, et beaucoup de paperasse. Nous n’en n’avons pas besoin, réellement. Si nous devions en avoir besoin, nous pourrions l’obtenir facilement parce que toutes les formalités administratives et les procédures qualité sont en place depuis dix ans. Mais ISO n’a pas vraiment de sens pour nous.
SLU : Quel a été le produit le plus vendu dans l’histoire de Robe
Josef Valchar : Historiquement, le produit le plus vendu est le Pointe: 30 000 en trois ans, ce n’est pas si mal !
SLU : Et le BMFL ?
Josef Valchar : Le BMFL qui est deux fois et demie plus cher a été vendu à 10 000 exemplaires en deux ans. Cette année nous avons complété la gamme avec le Wash, le Wash/Beam et le Blade et nous avons des attentes de progression des ventes dans les années à venir.”
Le méga site de production du fabricant tchèque, bardé de machines modernes automatisées laisse aussi l’avantage aux interventions manuelles suivant un mélange intelligent qui permet d’optimiser la capacité et les coûts de production. La démarche qualitative est visible à chaque étape de production, validée par de multiples contrôles : les machines Robe sont conçues pour durer.
Avec un département R&D riche de 40 ingénieurs de toutes spécialités confondues, Robe enchaîne à un rythme soutenu la sortie de nouveaux produits. Si certains d’entre eux sont inspirés, bien que toujours dotés du petit plus qui augmente leur potentiel créatif, d’autres machines suscitent réellement l’admiration du marché. Et l’adhésion des concepteurs lumières se traduit par de grands succès commerciaux dans le monde.
C’est le cas du Pointe et plus récemment du BMFL qui par sa puissance et sa finesse s’est vite imposé dans les fiches techniques de tournées mondiales et événements planétaires, sans rencontrer la moindre résistance. Il faut dire que la R&D s’est bien démenée pour en plus ménager le dos des technos, le portefeuille des prestataires et des vacances aux gars des SAV. Et la perception de cet Industriel majeur sur notre marché en est radicalement bouleversée. Aujourd’hui Robe fait rêver !
[/private]