La période a beau être des plus incertaines et le moral jouer au yoyo, la R&D de Neumann nous fait le plus beau cadeau de Noël qui soit et il se pourrait qu’une étoile soit née, pardon, dass ein Stern geboren wurde.
Après des années de travail, 6 nous a-t-on dit, la vénérable marque allemande vient de dévoiler le MCM, un micro qui va faire du bien à nos oreilles et à Neumann qui paraissait somnoler un peu sur ses lauriers, voire battre en arrière avec sa gamme numérique.
Accompagné d’un ensemble très complet d’accessoires, le Miniature Clip Mic System ou MCM nous a été présenté au Pin Galant à Mérignac grâce à OdinO, un orchestre mélangeant joliment classique et pop, et dans lequel jouent six violons, deux altos, deux cellos deux contrebasses, auxquels s’ajoutent des cuivres, un piano, une guitare électrique, une batterie électronique et j’en passe, le rêve pour tester un micro instrument.
Un grand merci à tous les musiciens et au chef d’orchestre d’OdinO Sylvain Audinovski, mais aussi aux équipes du Pin Galant et à Laurent Balutet son régisseur général pour leur collaboration et leur accueil.
On a donc pu voir, toucher et surtout écouter ce nouveau capteur et ce d’autant mieux que c’est le prestataire bisontin Espace Concept avec Alain Roy aux manettes qui accompagne OdinO en tournée.
Sont aussi présents Charly Fourcade Custom Development & Application Engineer de Sennheiser, Hadrien Soulimant Business Development Manager Pro Audio chez Sennheiser et Neumann mais surtout Stephan Mauer, Portfolio Manager des produits dédiés au Live et Broadcast chez Neumann.
Ce dernier est arrivé avec sa hotte pleine de capteurs, de flexibles et d‘accessoires de fixation. Nous l’avons longuement questionné.
SLU : Le jeu d’accessoires semble très large..
Stephan Mauer : Nous avons fait de notre mieux car le MCM est capable de repiquer virtuellement tous les instruments. Il y a donc 9 clips de montage tous capables de serrer le col de cygne via une gorge qui tourne par crans de 90°.
Certains vont être très légèrement modifiés d’ici la sortie définitive du système MCM au printemps 2022, mais le nombre, les formes et les fonctionnalités sont arrêtées.
SLU : Le truc c’est d’avoir séparé le capteur, le col de cygne et le fil de sortie…
Stephan Mauer : Oui, la capsule est dévissable du col de cygne et c’est important car elle représente l’investissement principal. Il sera facile de changer l’une des deux autres pièces en cas d’usure ou de casse. Il sera aussi possible dans le futur de changer de directivité en vissant une nouvelle tête.
SLU : Pour le moment on est en cardioïde ?
Stephan Mauer : Oui, mais si l’on développe une hyper cardioïde ou une omni, l’investissement sera moindre car il ne faudra pas tout racheter. Nous avons testé une hyper cardio mais une polaire cardioïde s’avère être celle qui sonne le plus naturel et offre la réjection la plus utile sur scène.
SLU : La KK14 une tête complètement nouvelle…
Stephan Mauer : Absolument. Tout est nouveau. La catégorie du micro, la technologie de cette tête…Pour nous c’est un grand pas en avant dans l’univers de la scène.
Pour en revenir à notre tête, elle comporte l’électronique au plus près de la membrane et le corps est réalisé en titane poli ce qui lui donne robustesse, légèreté et absence de réflexions.
Son bruit équivalent est extrêmement faible (23 dB pondéré A) et le SPL Max admissible atteint 152 dB, autant dire qu’elle est à l’aise pour capter du son le plus faible au plus fort.
Un seul modèle de tête couvre l’ensemble de la dynamique requise sur scène, sans faire de compromis entre bruit et distorsion.
SLU : Le fil de sortie du micro se branche à l’arrière du col de cygne…
Stephan Mauer : Et cette connexion a été testée avec succès à plus de 3000 cycles soit un fonctionnement de 5 années en utilisation normale. D’autre part s’agissant d’une prise de type jack, il est possible de la faire tourner pour défaire des boucles dans le fil sans le déconnecter ce qui est pratique.
SLU : Cette connexion « en plus » peut faire peur à certains.
Stephan Mauer : On y a pensé et un accessoire spécifique vient verrouiller les deux pièces ensemble. On songe à le livrer avec chaque câble ou avec chaque col de cygne.
Le contact est malgré tout ferme et la prise tient très bien, tout en permettant un arrachage sans dommages, au cas où (sourires) Le choix est laissé à chaque technicien.
SLU : Combien de types de câbles existent?
Stephan Mauer : 4 pour couvrir tous les besoins : Lemo, MicroDot, Mini XLR 4 points et jack 3,5 mm stéréo, ce dernier se raccordant au MCM100, l’adaptateur de sortie XLR. Celui que tu vois est une pré-série, le définitif sera aussi légèrement différent.
SLU : D’accord pour les éléments pris séparément, mais des packs sont aussi prévus ?
Stephan Mauer : Bien sûr. Il y en a 8 en tout dont un comportant un jeu de deux capteurs pour le piano. Ils sont conçus par instrument et comportent tout le nécessaire sauf le câble de sortie vers le pack émetteur. Cela peut être financièrement intéressant d’en prendre un certain nombre et de compléter par des achats ciblés. Il n’y a qu’une couleur, le noir pour les accessoires et le fil sauf le micro qui est gris foncé.
SLU : Avez-vous fait des essais par instrument ?
Stephan Mauer : Bien sûr, mais c’est la première fois que nous allons écouter en live un orchestre classique de cette taille. Cela va nous permettre d’optimiser encore ses caractéristiques sonores pour lui donner la plus grande polyvalence et aptitude à tout repiquer en ayant le moins possible recours à l’électronique et aux corrections.
SLU : Revenons à la genèse de ce système de micros de scène, c’est votre première tête à électret.
Stephan Mauer : Oui. Cette une capsule absolument neuve est due à la R&D Neumann. On a rejoint Sennheiser en 1991 mais nous avons gardé notre bureau d’études. Quand nous avons commencé à travailler dessus, on a vite compris que pour d’évidentes raisons de compatibilité avec les émetteurs qui ne fournissent que 13 Volts, la technologie du condensateur allait être impossible. Mais il fallait qu’on réussisse le meilleur capteur à électret possible en lui donnant une grande régularité dans ses performances.
Ce capteur assez proche mécaniquement du KK184 qui équipe la gamme 180, est fait à la main en Allemagne dans l’usine de Sennheiser comme tous les autres micros Neumann. La grande qualité de fabrication permet de serrer la tolérance au niveau de la sensibilité ou de la réponse en fréquence, des défauts que beaucoup d’utilisateurs ont constatés sur d’autres produits à électret. Les MCM sonnent tous pareil.
SLU : Le choix de ne pas avoir fait aussi petit que ce que l’on connaît par ailleurs apporte des bénéfices ?
Stephan Mauer : Bien sûr ! La taille du capteur influence sa directivité et son rendu. Nous avons testé des capsules de 6 et 8 mm de diamètre mais avons opté pour une taille supérieure afin de bénéficier d’un meilleur bas et une directivité plus régulière et légèrement plus ouverte sur l’ensemble du spectre pour ne pas couper trop d’ambiance et délivrer un son plus naturel, riche et agréable.
Enfin le bruit propre du micro ou bruit équivalent étant corrélé à la taille de la partie dorée de la membrane, plus cette dernière est grande, moindre est le bruit. C’est grâce à ce choix que nous parvenons à 23 dBA de bruit pour un SPL Max de 152 dB !
SLU : La bonnette anti-vent…
Stephan Mauer : Est fournie dans les kits et individuellement comme chaque élément composant le système MCM. Nous avons passé pas mal de temps avec une mini soufflerie, une sorte de tunnel de vent pour déterminer la taille, le matériau et la forme et la rendre discrète et efficace. On perd juste un minimum d’extrême aigu.
SLU : Comment désolidarisez-vous le capteur de l’instrument auquel il est appliqué ?
Stephan Mauer : De deux manières. D’abord chaque pince dispose de bandes de gomme protégeant l’instrument mais assurant aussi une première barrière à la transmission des vibrations, ensuite au sommet du col de cygne, le micro est isolé par deux pattes en élastomère. Le fil de sortie du capteur enfin fait une boucle.
SLU : Maintenant que vous disposez d’une nouvelle tête à électret, allez-vous la décliner dans d’autres gammes de produits comme un micro main plus abordable…
Stephan Mauer : C’est une idée oui. Je pense qu’on pourrait par exemple aussi l’utiliser sur un casque au bout d’un flexible pour des commentaires sportifs !
L’écoute
Les MCM ont été fixés à l’ensemble des cordes et des cuivres en lieu et place des micros supercardioïdes couramment utilisés sur la tournée et les gains des packs 6000 et 9000 Sennheiser ont été minutieusement repris à la demande d’Alain.
Précisons tout de suite que ce dernier mixe d’une façon très respectueuse et basée sur le meilleur positionnement du capteur, le gain offrant la sensibilité qui isole le mieux la source des autres instruments et de la salle, le moins possible d’égalisation, voire le plus souvent pas d’égalisation du tout et enfin pour préserver la phase, pas de coupe-bas. Contrairement à ce que l’on imagine, le recul au Larsen s’avère meilleur et le son beaucoup plus ample et fidèle.
Dans le même esprit, après avoir écouté au micro le système dV-Dosc et SB18 L-Acoustics et la ligne centrale en Kiva du Pin Galant, Alain demande à baisser un peu la centrale, à bien juger l’apport des renforts frontaux et latéraux et surtout à relâcher l’égalisation faite dans l’univers L-Acoustics et dans la matrice d’accueil Meyer Sound placée en tête et disposant elle aussi de ressources DSP.
Dès les premières notes on est frappé par la plénitude des cordes et leur nombre. Un mute sur la console d’Alain isole un retour machine qui -remplit- la performance de l’orchestre sur certains morceaux. Le résultat n’en est qu’encore meilleur, le niveau de ce tapis de fond étant très mesuré et laissant s’exprimer l’orchestre sur scène.
Le son est ouvert, naturel, délié et à la fois massif. On n’a en aucun cas l’impression d’écouter une stricte prise de proximité, ce qui est pourtant le cas. On cherche du regard un couple. Chaque pupitre est aussi bien isolé avec sa texture propre et peut être travaillé sans problème. Il en va de même pour les cuivres qui ont tous les attributs nécessaires sauf l’agressivité.
Face à mon étonnement Alain me propose une fois encore de vérifier que sa console n’a qu’un point d’EQ sur le master, aucun sur les tranches micro traitant les prises issues des MCM, aucun coupe-bas et un simple compresseur par micro placé très haut.
Et ça sonne. Des chœurs surgissent. Les cordes approchent le violon de leur visage et chantent quelques mesures dans le micro instrument, l’une des nombreuses trouvailles sonores d’OdinO. Ça marche aussi et c’est très joli.
Alors bien sûr une seule écoute dans une salle vide, assez réverbérante (nous n’avons assisté qu’aux balances) et équipée d’un système désormais devenu rare même si bien entretenu et en parfait état, ne suffit pas. On attendra de recroiser les MCM pour avoir une confirmation, mais l’impression positive reste, d’autant qu’elle est corroborée par Alain qui, sans trahir ses propos, a aimé lui aussi ce qu’il a eu sous les doigts et dans les oreilles :« C’est propre, très propre, plus propre et doux que d’habitude avec un recul vis-à-vis du Larsen très appréciable. »
Pour autant du travail reste à faire sur les prototypes d’accessoires dont, il est vrai, certaines pièces sortaient d’une imprimante 3D. Le crantage par bille de la pièce assurant le couplage entre la pince et le flexible mais aussi sa rotation, n’est pas encore assez ferme.
Le col de cygne peut donc tourner sous l’effet de mouvements brusques de l’instrumentiste et désaxer la capsule. Stephan Mauer a fait remonter cette information et ce défaut sera corrigé sur les pièces de série qui seront commercialisées au printemps 2022.
Bonne nouvelle, les prix seront sages et très proches des offres de repiquage de proximité concurrentes avec un avantage de taille, celui de pouvoir ajouter ou remplacer uniquement les éléments usés ou défectueux et donc de conserver un parc en parfait état à moindre coût.
Pour finir un grand merci à Ann Vermont, Communication Manager Europe de Sennheiser de nous avoir conviés à cette journée de découverte au Pin Galant et d’être venue la passer avec nous !
Caractéristiques techniques du capteur MCM
Acoustical operating principle: Pressure gradient transducer
Directional Pattern: Cardioid
Frequency Range: 20 Hz … 20 kHz
Sensitivity at 1 kHz into 1 kohms: 3.5 mV/Pa +/- 2 dB (2.8 – 4.4 mV/Pa)
Rated Impedance: 50 ohms
Rated load impedance: 1 kohms
Signal-to-noise ratio, CCIR (rel. 94 dB SPL): 63 dB
Signal-to-noise ratio, A-weighted. (rel. 94 dB SPL): 71 dB
Equivalent noise level, CCIR (peak): 31 dB
Equivalent noise level, A-weighted: 23 dB
Max. SPL = 153 dB
D’autres informations sur le site Sennheiser
Texte : Ludovic Monchat - Photos : SLU, Neumann, S. Maurer, Odino