Yamaha AFC Enhance et Image, et NEXO au CNSMD de Paris

Nous avons déjà eu l’occasion de vous parler dans nos colonnes dématérialisées d’une machine de Yamaha qui génère des acoustiques qui le sont tout autant. Appelé tout d’abord AFC4 pour Active Field Control, 4 étant la quatrième itération de ce moteur, il a depuis été renommé AFC Enhance pour la partie générant une acoustique différente à celle naturelle de la salle où le système est déployé et AFC Image pour l’algorithme mettant en œuvre des objets sonores en vue d’immerger le spectateur.


AFC sait donc tout faire et, on le verra plus loin, il est à l’aise dans les deux applications, séparément et même ensemble dans le même système de diffusion, pour peu qu’il soit correctement dimensionné. Si vous voulez plonger dans nos reportages précédents pour mieux comprendre comment fonctionne AFC, cliquez sur :


Rendez-vous est pris au Conservatoire National Supérieur de Musique et de Danse de Paris le CNSMDP pour écouter une configuration mettant en œuvre les deux algorithmes avec François Deffarges de NEXO et Alexis Ling le Responsable du service audiovisuel du CNSMDP.

Dès notre arrivée le matin on est happé par le ballet des étudiants qui arrivent et se déplacent avec grâce dans ce complexe moderne constitué d’un grand nombre de salles de tailles diverses offrant tout le confort, l’insonorisation et l’outillage nécessaire à l’acquisition de l’excellence musicale et chorégraphique.
François qui n’a pourtant plus grand-chose du jeune étudiant, nous conduit dans la salle de répétition d’une centaine de mètres carrés où a été déployée une configuration AFC complète constituée d’un processeur et des contrôleurs, enceintes et micros nécessaires à son fonctionnement plus uns station Nuendo et une console numérique QL1. Nous y retrouvons Alexis Ling.


Alexis Ling, Responsable du service audiovisuel du CNSMDP.

SLU : C’est une salle de répétition ce plateau ?

Alexis Ling : Oui, au départ il a servi en tant que tel, mais ensuite il a été délaissé et récupéré par le pôle son, les agents du Service audiovisuel qui l’ont équipé pour donner des cours de son à l’image à nos étudiants. Ensuite y a été installé un système Dolby Atmos domestique pour explorer l’élévation d’où les enceintes B&W encore visibles, autant dire que le son spatialisé on connaît ici. On a commencé en 1997, j’étais encore élève !

Ces agents du service audiovisuel qui sont tous ingénieurs du son, ont même développé leur propre moteur binaural et transaural pour travailler au casque. (écoutez avec un casque ici)

Notre chance c’est d’avoir le temps pour expérimenter et, par exemple, arriver à effectuer une captation et un mixage compatible en stéréo et en 3D. Nous avons aussi des ingénieurs du son extérieurs qui apportent leur expérience en plus des cours théoriques. Les étudiants apprennent aussi grâce à des travaux pratiques, ont accès au matériel et prennent aussi les manettes pour enregistrer nos orchestres avec un tuteur qui les conseille et les oriente.
On fournit à chaque élève un cartable numérique avec notamment un ordinateur et un casque binaural tracké ce qui leur permet de travailler plus facilement sur des projets immersifs. A ce propos, nos ingés son sont associés à des projets de recherche dont un, développé en partenariat avec un chercheur de Polytechnique a permis le développement d’un plugin VST de binauralisation qui s’appelle MyBino et a été vendu à Music Unit.


Le plateau du CNSMDP où est déployé le système audio NEXO servant à la fois à l’algorithme d’acoustique augmentée AFC Enhance et celui de diffusion immersive AFC Image. Sur la gauche un piano acoustique Yamaha Disklavier sur lequel on reviendra plus loin dans ce reportage et à droite la QL1 toujours fidèle au poste.

SLU : Et puis est arrivé Yamaha avec AFC ?

Alexis Ling : C’était en 2021. Il a été décidé d’aller plus loin et de transformer ce plateau en labo de travail immersif par le biais d’un partenariat avec NEXO et Yamaha, qui existait déjà par ailleurs pour des produits plus habituels. L’AFC de 4è génération est une première dans un conservatoire et permet à nos élèves de faire de la recherche sur l’immersif, ce qui rejaillit aussi sur les équipes pédagogiques.
C’est un véritable outil créatif et pédagogique où l’on explore, on expérimente. Nos élèves peuvent travailler avec leur casque tracké et déployer leur travail sur ce plateau dans lequel on peut modéliser toutes les salles de concert du conservatoire. Et ça marche !


François Deffarges, Engineering support et development strategy director pour NEXO.

SLU : François, tu nous en dis un peu plus sur cet atterrissage en douceur de NEXO et Yamaha au CNSMDP ?

François Deffarges : Il y a quelques années ce conservatoire a décidé d’ouvrir le son live à sa formation aux métiers du son, qui se fait en 4 ans d’études et est de très haut niveau. Cela a impliqué la connaissance et l’utilisation de matériels qui peuvent être gros, chers et qui diffèrent de ceux utilisés pour la production musicale.
Avec NEXO on a proposé un partenariat pédagogique où, en fonction des besoins on leur prête du matériel ou bien ils viennent dans nos murs à Senlis, sans que nos marques ne soient spécialement mises en avant. Ce qu’on leur explique c’est le métier et cela est parfaitement applicable à d’autres marques. Yamaha était présent déjà avant notre partenariat mais est arrivé via un second partenariat lorsque le CNSMDP a décidé de lancer un projet de recherche autour de l’immersif.

SLU : Et depuis vous avez la possibilité de venir dans ce studio pour des démos un certain nombre de fois…

François Deffarges : C’est ça, en harmonie avec les besoins pédagogiques du conservatoire, nous disposons de plages de présence pour nos équipes, des visiteurs comme SLU et d’autres partenaires ou clients, mais aussi pour avoir des retours des étudiants et des profs, de l’échange avec eux.
Une des raisons de notre présence dans ce studio en particulier tient à son acoustique naturelle assez difficile, ce qui le rendait peu apprécié par les musiciens et très disponible pour la formation aux métiers du son. Depuis qu’il est équipé, le planning est plein et les musiciens voudraient que tous les studios disposent du même équipement. Nous aussi (rires !)

SLU : L’arrivée de AFC Enhance et Image correspond à la sortie de la 4è itération de ce processeur

François Deffarges : Oui, celle où l’on peut mutualiser le grand nombre d’enceintes nécessaires à la création d’une acoustique augmentée dite Enhance pour à la fois faire du son en 3D, de l’immersif, ou plus simplement Image. La puissance de calcul actuelle permet d’intéresser des utilisateurs pointus comme le CNSMDP.

Pour resituer le fonctionnement de AFC et d’autres, il s’agit d’un système hybride qui mélange le principe régénératif où l’on vient capter le champ réverbéré de la salle avec des micros omni, on l’amplifie et on le rediffuse avec l’ensemble de stratégies nécessaires pour éviter tout bouclage, et d’un système en ligne où, à l’aide de capteurs plus directifs et proches des musiciens, on génère une réponse impulsionnelle de réverbération de salle synthétisée ou mesurée que l’on diffuse sur le public.

Yamaha a mesuré les réponses de 8 salles différentes avec une très grande résolution et en 96 kHz. Les réflexions précoces sont majoritairement générées par le système en ligne afin de recréer une acoustique émanant des murs latéraux et celles tardives au contraire sont produites et entretenues par les enceintes, les micros et la régénération. Chaque constructeur dispose de ses algorithmes et de son dosage.

SLU : Est-ce que AFC Enhance peut travailler différemment entre salle et plateau ?

François Deffarges : Oui bien sûr. Il suffit de le prévoir en plaçant des haut-parleurs et des micros spécifiques à la scène. L’été dernier Ron Bakker qui est European Systems Marketing Manager de Yamaha, s’est occupé du Philarmonique de Berlin pour un concert en plein air car il avait besoin d’un dispositif lui offrant une conque acoustique augmentée.


Une image montrant bien le fonctionnement des diverses zones de captation et d’influence d’Enhance avec Stage et Under Balcony en plus de la salle elle-même qui dispose d’une partie de réflexions primaires, les Early Refs, et une autre de réverbération.

La diffusion était parfaitement conventionnelle mais l’orchestre a ainsi pu bénéficier de conditions d’écoute proches de celles auxquelles il est habitué en salle avec une attention toute particulière aux réflexions précoces. On peut aussi travailler différemment les balcons en leur redonnant un peu de précision et de volume en bénéficiant de la puissance de calcul très importante et en quelque sorte partageable du processeur.
On exploite parfois deux traitements indépendants ne serait-ce que pour gagner 3 dB. On peut donc travailler avec un traitement unique, deux ou quatre traitements en fonction des besoins du projet.

SLU : Ce qui complique les choses ce sont les configurations variables en salle

François Deffarges : Effectivement. Au-delà de la partie matérielle, c’est surtout le réglage du système qui prend du temps et requiert de bien définir le cahier des charges quant à l’emplacement de la scène et des spectateurs. Il faut savoir qu’en termes d’acoustique augmentée, il existe désormais trois cellules pour concevoir le système, une aux USA, une en Europe et une au Japon mais tous les projets partent au Japon pour validation, Yamaha prenant l’entière responsabilité du résultat. On est loin de la vente en carton (sourires)

SLU : Est-ce que le déploiement et le calage d’une configuration est long ?

François Deffarges : Non, une fois que l’intégrateur a placé la diffusion, la captation, l’électronique et que tout est parfaitement fonctionnel et conforme au projet validé, il y a deux jours de travail de calage des enceintes et de mise en place des programmes, et ensuite il y a un jour de fine tuning par setup. Pour être plus précis on commence à mesurer toutes les enceintes en boucle ouverte.
Puis on regarde comment elles rétroagissent dans les micros, on égalise, on ferme la boucle et égalise à nouveau, et ainsi de suite avec une partie qui est automatisée. Ce qui ne l’est en revanche pas c’est le fine tuning et ce que l’on va appeler l’esthétique de la salle car la première partie de calage ne sonne pas forcément et nécessite de trouver la couleur finale, la bonne répartition temporelle, latérale et la perception que l’on a du lieu en trois dimensions.


Une vue de la configuration NEXO mise en œuvre au CNSMDP. En bleu on voit les 5 enceintes coaxiales P10 pour le frontal avec en guise de LFE, trois L18. Deux rangs de ID24, 29 au total, servent de surround et huit ID14 rayonnent du plafond. Pour rendre les 24 et 14 full range, NEXO a ajouté quatre subs ID110, chacun recevant un quart de pièce en termes de signal via une matrice. Cet ensemble d’enceintes est aussi utilisé par Enhance, y compris le frontal en P10.

SLU : Cette dernière étape est effectuée par des spécialistes de Yamaha ?

François Deffarges : Oui, des gens qui ont une perception musicale et esthétique mais pas que. Il y a aussi le directeur musical, le programmateur de la salle et l’on fait venir un orchestre pour juger à l’aune de la source principale. Six mois après, ayant reçu les commentaires des utilisateurs et des propriétaires de la salle, on revient pour effectuer des ajustements plus fins. La perception de l’acoustique c’est d’une finesse extrême.

SLU : Si quelque chose change dans la salle…

François Deffarges : Il faut recaler ou retravailler en fonction de ce qui a changé. Par exemple le plateau où nous nous trouvons a vu son traitement acoustique remplacé l’été dernier, le rendant plus mat. Nous avons dû refaire le fine tuning pendant six jours.

SLU : Le système d’Enhance une fois calé est fermé ?

François Deffarges : Oui, l’écosystème est complètement fermé et personne ne peut y accéder. Il n’existe qu’un petit panneau en guise d’interface avec les 5 salles que l’on peut modéliser. Ici, un musicien qui arrive le matin pour répéter, trouve le système allumé et n’a qu’à choisir l’acoustique dans laquelle il souhaite travailler son instrument. Une des vertus pédagogiques d’AFC est d’ailleurs la possibilité donnée de s’exercer dans différentes acoustiques ce qui est un plus pour un musicien qui vivra de son art. Une pédagogie de l’acoustique par la perception.

Sous certaines conditions, il est possible via ProVisionaire et un mot de passe de donner quelques choix en plus d’exploitation d’AFC pour des applications bien précises comme ici au CNSMDP qui dispose d’une configuration avec une carte Dante 128 pour Enhance, c’est la partie verrouillée, et une seconde carte Dante 128 a vocation à être ouverte avec Image pour que les ingés son puissent s’y connecter et diffuser dans le système en bénéficiant d’une couche logicielle spécifique et développée par Yamaha : AFC Image Editor.


Image…en image !


SLU : Combien de micros sont pris en compte par le processeur d’Enhance ?

François Deffarges : Le maximum est de 32 micros dans une salle.

SLU : Le but visé par Yamaha avec Enhance est d’apporter de la flexibilité à des salles dont l’acoustique les prédestine à une exploitation très préférentielle…

François Deffarges : Tout à fait. Un quatuor à cordes ne demande pas la même acoustique qu’un symphonique ou un opéra, mais le tout repose aussi sur l’acoustique du lieu qui doit être saine et assez courte pour pouvoir ensuite être augmentée.

SLU : Alexis, j’imagine que le rêve serait d’avoir plus d’une salle équipée d’Enhance…

Alexis Ling : Je pense que n’importe quel prof rêverait que sa salle de cours dispose d’une acoustique modulaire…

François Deffarges : Au cours de ma longue carrière (sourires) j’ai aussi été prof…

Alexis Ling : Je sais, je t’ai vu (rires)

François Deffarges : …et la meilleure façon d’enseigner l’acoustique, au-delà de la théorie et des formules, c’est aussi de la faire écouter car c’est à ce moment précis que l’on prend conscience des choses. Un musicien par exemple a besoin de comprendre l’acoustique d’une salle car elle conditionne le son et son jeu et c’est pour ça qu’ils viennent souvent ici découvrir la différence entre les espaces où ils auront à exercer tout au long de leur carrière.

SLU : Est-ce possible avec Enhance de générer aussi des défauts ?

François Deffarges : Oui bien sûr. Tu peux générer des défauts mais pas enlever des défauts existants. Tu peux générer un flutter, car tu gères un traitement du signal. Tu peux durcir le son dans le médium et l’aigu comme sous un chapiteau ce qui peut être très intéressant pour des étudiants en acoustique.


Pour cette mâtinée de démo, Yamaha et Nexo sont venus en force. De gauche à droite pour Yamaha : Eric Valenchon, Piano, electric piano et keyboards sales manager, 2/3 de Nicolas Vermot, Pro audio marketing manager France, Aya Lakhlifi, Spécialiste marketing piano, Laurent Chenieau, Assistant sales manager pianos, Bertil Sommer, Sales manager France pour Yamaha music Europe, et trois paires d’oreilles d’élite de chez NEXO avec Jean-Jacques Vias, Sales manager France et Afrique du nord, Nicolas Poitrenaud, Engineering support manager et Formateur Audioversit yet enfin François Deffarges, Engineering support et development strategy director.

Enhance : ON

Après l’effort, le réconfort ou encore, après le poids des mots, le choc des échos. Enhance est commuté en mode « le même studio où l’on se trouve, mais sans son traitement absorbant » et d’un coup on respire un peu mieux, notre parole est libérée. On ne localise pas d’où vient du son et pourtant il y en a, ce qui est parfait.

François nous propose ensuite un volume de 4 fois supérieur et idéal par exemple pour un piano en répétition. Ça marche bien et au bout de quelques secondes on s’habitue au son. Notre parole est vivante, naturelle, jamais choquante. L’illusion est généralement plausible jusqu’à deux fois et demie le TR du lieu.

Le passage (inaudible, aucun bruit de commutation) vers le preset petit théâtre de 500 à 800 places est moins plaisant, cette « salle » n’a pas beaucoup de velours et pas mal de staff un peu dur dans le bas médium. Clairement nos yeux commencent à accepter moins volontiers ce que l’on entend.
Le Large Hall suivant est joli mais l’exercice ressemble un peu à un grand écart facial sans échauffement et même en fermant les yeux, il manque de l’air, des mètres cubes d’espace qu’on ne peut réduire à un processeur, aussi puissant et naturel est-il. On perçoit en revanche la finesse et la densité de ce qu’envoie le processeur.

Le preset cathédrale qui sert parfois à travailler des sons d’orgue au conservatoire, un instrument qui ne peut pas exister « à sec », est très beau et, une fois encore, il irradie de manière omnidirectionnelle, faisant en quelque sorte, « disparaître » les murs.
Aucune amorce de bouclage ou de filtre en peigne n’est audible, l’équilibre électrique est parfait, de même que la couleur de la réverbération qui reste avant tout très naturelle. Irréelle certes, mais crédible.


Un piano Yamaha ou plutôt un Disklavier, un vrai piano acoustique disposant de servomécanismes pour en activer les touches et les pédales en phase de reproduction mais aussi de nombreux capteurs pour en enregistrer le jeu en phase d’enregistrement. Il est utilisé pour les cours de captation, le jeu et donc la dynamique et le son étant ainsi toujours identiques.

La même écoute des différents presets en laissant le Disklavier du studio exciter le système, permet de bien appréhender les algorithmes de réverbération et la puissance et résolution des ressources disponibles. Ce n’est pas spécifiquement beau, ce n’est pas ce qu’on demande, et il ne faut pas prendre ce processeur pour une réverbération studio, c’est simplement sincère et crédible. L’appétence des élèves pour ce petit studio de répétition en est la meilleure preuve. Si on ferme les yeux, au bout de quelques minutes, on tend à oublier les murs.

Image : ON

La démo d’Image avec Nicolas Poitrenaud du Support Ingénierie et formateur Audioversity chez NEXO est tout aussi réussie avec la partie immersive frontale exploitant les 5 enceintes coaxiales P10, et en guise de LFE, pas moins de trois L18 à leurs pieds, plus l’ensemble du déploiement de ID24 et ID14 qui construit l’acoustique augmentée.

Nicolas Poitrenaud en pleine démo d’Image.

Un réputé trompettiste résonne dans le système et se balade partout, ancré par une super guitare style demi-caisse. L’illusion est parfaite d’autant qu’il ne s’agit pas d’un banal déplacement d’une source, mais bien d’une promenade immergée dans une réverbération tridimensionnelle vivant avec la trompette et sa distance, sa position et sa puissance. C’est saisissant de beauté, de fluidité et, une fois encore d’authenticité, même si la distance avec les gamelles est insuffisante…

Pas besoin de faire compliqué pour que ça sonne.

La démo suivante est basée sur un sobre Ya Rayah acoustique que tout le monde a connu avec au chant le regretté Rachid Taha. D’abord en triste stéréo, le mix objet frontal qui suit, dégoupille les instruments et on se régale de la qualité audio des P10 qu’on découvre comme par enchantement là où elles paraissaient toutes ternes avant. Saluons aussi la réverbération 3D qui habille les instruments et la chanteuse qui trouve sa place partout dans le design immersif.

On nous propose ensuite un chœur allemand repiqué par une trentaine de micros et rejoué vers autant d’objets dans un mix frontal avec une réverbération prise dans le trousseau de 8 salles mesurées par Yamaha et qui génère 32 réponses impulsionnelles. Hélas l’enregistrement a été effectué dans un studio très, très mat ce qui rend la « mise en son » difficile, un peu artificielle.
Le même enregistrement est alors rejoué en simulant la présence des choristes tout autour de la salle avec une réverbération plus large. Une sorte d’immersion ++ comme la définit Nicolas en poussant certains objets en dehors de l’enveloppe du studio et de sa diffusion, une possibilité très convaincante offerte par Image. Le résultat devient spectaculaire dans le sens étymologique du mot.


La chorale en version ++

Vient ensuite l’écoute d’une pièce originale encodée en Dolby Atmos sur 16 pistes et délivrée via les entrées auxiliaires au processeur afin d’atteindre des enceintes précises. Cela donne un rendu assez figé et peu immersif. Rappelons que l’Atmos travaille suivant une zone préférentielle dite Reference Listening Point. Les mêmes 16 pistes routées dans le processeur en tant qu’objets, une sorte d’Atmos virtuel, sont rendues avec beaucoup plus d’espace et de vie, même si l’œuvre prend une direction assez éloignée de l’original avec une ambiance réverbérée qui couvre un traitement déjà présent sur chaque piste.

On nous propose une autre très belle œuvre créée par les élèves du conservatoire avec SPAT pour la configuration de diffusion en place. L’écriture des sons comme de l’espace est un travail essentiel qui appelle souvent un duo, surtout sur scène, avec un créateur et un RIM ou Réalisateur en Informatique Musicale, chacun prenant en main une des tâches artistiques.

Enfin une belle histoire clôture cette séance d’Image. Une université américaine spécialisée dans la formation des futurs producteurs de musique est venue passer quelques jours au CNSMDP avec dans ses clés USB, des médias rares. NEXO a eu la chance de pouvoir programmer une version immersive sur des stems très planants de Coldplay et le résultat est somptueux, la musique en bénéficie énormément gagnant en profondeur sans que des mouvements rapides sur des sons complexes, ne génèrent le moindre artefact. Chapeau les trois diapasons !


La QL1 du studio dispose de la commande du processeur AFC.

A la régie on remarque la présence d’un Nuendo connecté à la carte Dante d’Image et le soft AFC Image Editor offrant une grosse latitude de réglages et de déplacements programmés et/ou déclenchés par TC ou par des trackers, voire par OSC, ce qui donne à Image la possibilité de s’ouvrir vers le monde extérieur.

Afin de pouvoir concevoir des systèmes immersifs plus précisément, rapidement et avec un seul logiciel, toutes les enceintes Yamaha ont été ajoutées à la database de NS-1 le soft de simulation de NEXO.
En plus il y a un petit assistant qui permet de déterminer les règles d’espacement à respecter entre les enceintes en sachant que plus elles sont directives et plus il faut en mettre, mais également la distance du premier auditeur à l’enceinte. Plus on est près et plus il faut d’enceintes ; plus on s’éloigne et moins il en faut, l’espacement pourra donc être plus grand.


Beaucoup de boîtes cela demande des amplis millepattes, ici cinq XMV8280-D, le D étant pour Dante, soit 40 pattes. Les plus grosses boîtes récupèrent du lourd avec un NXAMP 4×1 mkII pour les 4 petits subs ID110 et deux NXAMP 4×2 mkII pour les cinq P10 et les trois L18. Tout en haut trône le processeur AFC.

SLU : Enhance et Image sont les deux facettes du processeur AFC de quatrième génération et les deux exploitent idéalement la même diffusion, mais est-ce que cela est sensé de jouer à 100 dB dans une salle à l’acoustique augmentée ?

François Deffarges : Non, pas vraiment. Pour jouer à ces niveaux, on le fait dans des salles de concerts amplifiés, typiquement des Zéniths, où l’acoustique est conforme avec le type de spectacle.
Si la question est : peut-on jouer avec les deux algorithmes en même temps en exploitant la même diffusion, la réponse est oui, si cela est pertinent.
Si l’on regarde le synoptique du processeur d’AFC, le + signifie bien qu’il y a une sommation entre deux blocs de calcul, le tout aboutissant aux mêmes sorties et, in fine, dans la même diffusion.

Mais Enhance par exemple dispose d’un calage très spécifique de la diffusion y compris en termes d’égalisation qui ne peut pas être touché car cela mettrait à mal la création d’une acoustique augmentée.
Ces paramétrages sont d’ailleurs gérés par Enhance et ne sont pas accessibles.


Un diagramme montrant les blocs/fonctions entre les deux cartes Dante en entrée à gauche et en sortie à droite et le plus dans un cercle est le sommateur.


Conclusion. Longue, mais sans flutter

Si le but de cette démo était de démontrer que Yamaha a accouché dans un seul et unique châssis de deux belles machines, c’est réussi. Enhance est très naturel et Image d’une absolue fluidité. On se prend à rêver des salles de spectacle qui sortiront bientôt de terre avec une acoustique saine et assez mate pour être équipées d’une solution d’acoustique augmentée permanente.
Il suffira d’y ajouter une multi diffusion pour la face et des vidéoprojecteurs pour y donner un concert d’orgue dans une cathédrale, avant de basculer vers un quatuor à cordes dans une église de taille moyenne et de finir avec un récital de piano ou au contraire un Boléro de Ravel, les acoustiques s’adaptant à chaque usage et les VP immergeant le public dans les lieux ayant été simulés. Le show classique ultime et grand public.


Un 18” à longue excursion et aimant néodyme, 140 dB en crête, 32 Hz à -6 dB, autant dire qu’un L18 aurait suffi, mais pour la photo, ça en jette !

Notre Service Public pourrait aussi dans son camembert sonore de la radio et de la musique, équiper de façon permanente un de ses grands plateaux en immersif, appelons-le le Pierre Schaeffer, afin d’y donner des créations contemporaines rappelant les grandes heures de la musique concrète, mais en infiniment plus puissant et original. L’acousmonium des temps modernes où joueraient des émules de Pierre Henry ou le couple Molécule & Déjardin et tout artiste créant sons et espaces.


La belle époque des pionniers du son (image Wikipedia).

Le potentiel artistique mais aussi commercial d’AFC Enhance et Image est infini et pourtant la France semble traîner des pieds.
A l’instant où cet article est publié, les projets foisonnent mais aucune salle Hexagonale à vocation commerciale, n’est encore équipée d’une acoustique augmentée permanente, quelle qu’en soit la marque. Doutes sur la technologie et le rendu, prix difficile à amortir, complexité d’exploitation, lenteur de déploiement voire un peu des quatre, les raisons ne manquent pas, mais prises une à une, elles fondent comme neige au soleil.


P10, un grave de 10” à aimant néodyme, un moteur de 1,7” en montage coaxial et une sensibilité de 107 dB SPL, si on y ajoute une coupure basse à -6 dB de 63 Hz, on a une boîte idéale pour l’immersif avec une dispersion conique de 100°.

Ajoutons que le ticket Yamaha & NEXO créé de facto une marque complète en mesure de fournir de l’électronique de pointe et le bois qui va bien pour l’acoustique augmentée mais aussi la diffusion de puissance, comme nombre d’autres grands noms de la profession le font depuis des lustres.

La quête en immersif d’un vrai grave dans les enceintes surround pour éviter la décorrélation entre les subs et le signal s’éloignant du plateau, se règle facilement en feuilletant le catalogue NEXO.

Ne reste qu’à espérer qu’un lieu accueillant du public boucle son tour de table artistique et financier et se lance, ouvrant les vannes au son de demain. On a envie de découvrir le stade 2.0 à l’acoustique « tranquille » accueillant du sport en « supporterisme augmenté » mais revenant à son acoustique sage lors de l’accueil de concerts géants, au hasard le futur stade du PSG par exemple.


Pendu par son fil, un des micros Schoeps dédié à la captation du son pour Enhance. Sur la droite il s’agit d’une ID14, un enceinte deux voies passive, avec un 4” et un petit moteur coaxial de 1,4” à aimant néodyme.

Il en va de même avec des salles de taille moyenne offrant la possibilité de couvrir l’ensemble des ambiances les plus recherchées pour attirer des enregistrements classiques ou jazz ou simplement étendre leur programmation. Ou bien les salles de répétition des philharmoniques et autres orchestres qui pourront avoir un son proche de la grande salle avec simplement un plateau « augmenté ».

Enfin les comédies musicales pourraient pleinement exploiter l’immersif à 360 en faisant passer certains protagonistes brièvement dans le public. Quasimodo glissant deux répliques ou quelques notes de chant avec le son de Notre Dame, Johnny Rockfort traversant les souterrains de Monopolis (le parterre de la salle) sur une moto chargée d’échos primaires.

Et il serait enfin bon de travailler sur une version abordable d’Enhance pour les petites jauges des villes moyennes qui programment absolument de tout dans des salles au mieux sans personnalité et qui souffrent beaucoup de leur son ou plutôt de son absence…

Il y a tout à faire.
Qui ouvre le bal ?

Pour plus d’infos sur :

– Le CNSMDP
– Yamaha et AFC
– NEXO

 

Crédits - Texte : Ludovic Monchat - Photos : SLU, Yamaha, Nexo & Wikipedia

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