Yamaha présente AFC Enhance et AFC Image

C’est fait, Yamaha dispose désormais de la double capacité de créer une acoustique et d’y faire simultanément vivre du son grâce au moteur de AFC4, enfin, de feu AFC4 puisqu’il a changé de nom.

Les premiers balbutiements de Image et de Enhance en même temps pour ce violoniste qui s’est baladé en jouant pour nous sur un instrument électrifié et silencieux il y a presque 2 ans. Et ça marchait très bien.

Dire que c’est une surprise serait mentir, on avait eu un aperçu du potentiel de déplacement des objets déjà via le moteur de AFC4 lors de la System Designers Conference de Prague en novembre 2019.
Nous avions d’ailleurs à cette occasion pris une claque et on avait titré dans ces mêmes colonnes binaires : « L’immersif à pas de géant ».

Quand on dit « créer une acoustique » on entend créer un système de réverbérations et de premières réflexions évolutif utilisant des micros et des haut- parleurs placés de manière optimale dans la salle, afin de produire une boucle de rétroaction acoustique générant un son et des sensations proches d’un lieu plus grand et favorable à toute expression artistique.

Une vue très simplifiée de la manière avec laquelle fonctionne AFC Enhance. Le nombre de micros et d’enceintes employés est bien entendu supérieur de même que le calcul DSP fait appel à des filtres FIR pour la partie régénérative et de réverbérations à convolution pour celle en ligne.

Moins de deux ans et une pandémie plus tard, le moteur de AFC4 augmenté de deux cartes IO Dante AIC128-D fait son retour, toujours avec la capacité de créer une acoustique augmentée totalement crédible, fonction maintenant appelée AFC Enhance, mais acceptant en même temps des flux Dante en vue de les positionner et faire bouger des objets, une fonction appelée AFC Image.

La Yamaha AIC 128-D. 256 canaux (128 entrées / 128 sorties) à 96 kHz et 24 bits.

Dans les deux cas, 3 options logicielles existent en fonction de ses besoins, toutes trois exploitant un moteur commun et très, très puissant.

Si vous ne connaissez pas AFC, Active Field Control, Yamaha y travaille depuis un peu plus de 50 ans et de théorie à pratique, l’idée d’augmenter et d’enrichir l’acoustique de toute salle a fait son chemin. 150 d’entre elles sont équipées dans le monde entier.
Le principe consiste à capter le son dans des endroits spécifiques de la salle à l’aide de micros, et de restituer ce repiquage après un traitement sophistiqué, dans un grand nombre d’enceintes, créant une boucle vertueuse et maitrisée.

Depuis quelques années, la puissance de traitement en FIR, la résolution et fréquence d’échantillonnage, l’ajout des premières réflexions et la possibilité de travailler différemment scène, salle, balcons et sous-balcons, ont fait de ce procédé un choix très judicieux quand la polyvalence sonore et une grande simplicité dans l’exploitation de cette polyvalence sont recherchées.
Pour l’avoir écouté dans une version très épurée et dans une acoustique absolument éteinte, AFC 4 désormais appelé Enhance a atteint un naturel et une vraisemblance sonore bluffants.

Un graphique très parlant, voire sonore. En 1985 est apparue la première plateforme, essentiellement de la réverbération, aujourd’hui AFC sait faire deux choses en même temps.

AFC Image de son côté offre la gestion d’un maximum de 128 objets ou images acoustiques dans le langage Yamaha. Ces dernières peuvent être positionnées où bon vous semble à 360° en tirant parti du système à demeure de Enhance s’il est en mesure de fournir le SPL et la bande passante suffisants ou bien d’un système plus puissant.
Bien entendu les sources principales et habituellement frontales, sont reproduites par des enceintes de concert, de même que le complément d’infra, mais le tout est géré par AFC Image.
En outre, le moteur dispose de 96 entrées auxiliaires qui sont directement raccordées aux enceintes de la salle pour accueillir une production qui arriverait avec sa propre matrice immersive, mais il est aussi possible de convertir un show, de l’importer dans AFC Image afin de mapper automatiquement les positions et les mouvements dans le système immersif de la salle.

Un diagramme très simplifié de la matrice AFC et son potentiel. Les 32 micros en haut à gauche sont la « nourriture » de Enhance. Les 128 objets sont autant de signaux audio. Image fournit 64 sorties audio. Les 96 loudspeakers correspondent aux entrées aux in et, bien entendu aussi aux 64 sorties objet. Un mélangeur (mix) offre toute latitude d’emploi.

Cela est aussi vrai avec une production en Dolby Atmos. Le gros avantage est de bénéficier de la même réponse impulsionnelle sur une sortie de console et donc une source sonore, que sur ce qui est généré automatiquement dans l’algorithme de AFC Enhance. Les mêmes convolutions sont disponibles sur les deux traitements.

Là où tout ceci devient très intéressant, c’est par la manière avec laquelle Yamaha a monté une équipe pluridisciplinaire pour mener à bien son projet, y associant des ressources issues de deux filiales de son groupe, NEXO et Steinberg, et à quel point la partie création d’un projet immersif a été au cœur de la réflexion.

NEXO a donc en charge la partie diffusion, simulation et apporte bien entendu sa connaissance du touring et de l’intégration de haute volée. NS-1, son logiciel de conception système, va rapidement embarquer, en plus des produits maison, les données de tout le catalogue d’enceintes Yamaha susceptibles d’être déployées pour habiller de son une salle pour AFC Enhance.
Il sera donc possible de se servir de cette plateforme pour simuler des configurations avec les deux marques en fonction des besoins, des rôles dévolus à chaque enceinte, du SPL recherché, de la directivité ou du spectre couvert par chacune d’entre elles.

Une première image de ce que pourrait être le Loudspeaker Immersive System Index de NS-1.

Comme nous l’a rappelé François Deffarges Engineering Support & Development Strategy Director de NEXO, une enceinte qui diffuse l’ambiance de Enhance, une autre qui est en charge des premières réflexions et enfin le système principal qui apporte le SPL et ne doit oublier personne, doivent pouvoir cohabiter et se compléter et pour ça, l’expérience électro acoustique de NEXO est très utile.
Enfin, cerise on top of the cake, un nouvel algorithme dans NS-1 va fournir à la demande une analyse de la pertinence et de la qualité de l’immersion et permettra de la qualifier.

Francois Deffarges

SLU : La matrice AFC est capable de faire deux choses en même temps. Est-ce imaginable de travailler sur l’acoustique ressentie d’une salle et de générer en même temps un rendu immersif autrement qu’en sédentaire ?

François Deffarges : Sur une tournée cela ne paraît pas vraisemblable. Il y a au minimum une semaine de réglages pour la partie Enhance et cela ne peut être géré que par les équipes de Yamaha et celle de NEXO qui a été formée pour cela. On parle bien d’acoustique des salles. En revanche pour un festival classique, par exemple en plein air, et qui a besoin de recréer une acoustique adéquate pour le public comme pour l’orchestre, c’est tout à fait envisageable.

Il y a aussi une seconde exploitation qui peut être l’enregistrement audio d’une œuvre par une petite formation dans une salle qui l’est tout autant. Il sera possible de lui donner du volume et de l’air en comblant les musiciens qui retrouvent une belle acoustique, comme les acheteurs du disque qui en bénéficieront dans la captation.

Les grands orchestres sont aussi à la recherche d’une acoustique pour répéter dans leur studio et qui leur redonne l’ampleur de la salle de concert pour couvrir tout le répertoire. La variabilité de l’acoustique est très recherchée. Je ne sais pas si je le verrai, mais je pense que dans un futur lointain, acoustique et électroacoustique ne feront plus qu’un. Ça prendra du temps parce qu’il faut convaincre et il faut remporter l’adhésion.

SLU : Cela implique aussi que les nouvelle salles soient construites en mode électro compatible, à savoir avec une acoustique très saine et peu prononcée pour servir de toile blanche ou presque pour tout type d’exploitation.

François Deffarges : Rien n’est plus beau qu’une salle construite précisément pour la musique et encore plus le répertoire qu’elle doit servir, mais ces lieux veulent maintenant s’ouvrir au jazz et aux musiques du monde et ce n’est pas qu’une logique économique. On assiste à une sorte de fusion où l’amplification apparaît, et cela implique une acoustique variable.

Sans doute la plus mauvaise « salle » qui soit, extrêmement mate et respirant à peine par le plafond. AFC 4/ Enhance l’a pourtant rendue acceptable. Pour y avoir écouté un quatuor à cordes avec et sans Enhance, on peut vous certifier que c’est sans commune mesure.

SLU : AFC Image devient quoi qu’il en soit le système immersif de NEXO ?

François Deffarges : De Yamaha, et dont NEXO se servira forcément et facilement grâce à la prédictibilité de NS-1 et à la connaissance qu’on a emmagasinée en travaillant dessus, mais il ne sera pas limitatif aux marques du groupe. Tout le monde peut l’employer avec toute marque d’enceintes.
Pour en revenir à NS-1, c’est un gros travail qui est en train d’être fait pour compléter la base d’enceintes mais ça va faire de ce logiciel, la plateforme du groupe pour tout ce qui est design et simulation. Si un producteur se pose la question de savoir combien d’enceintes il faut pour obtenir un résultat quantitativement bon d’immersion dans un espace donné, il le saura facilement.

La réverbération 3D s’ajoutant et évoluant avec les objets et son réglage.

SLU : AFC Image fonctionne en DBAP (Distance-Based Amplitude Panning)…

François Deffarges : Oui et non car cet algorithme n’est pas écrit pour un objet qui se retrouverait derrière les enceintes mais uniquement à l’intérieur d’une enveloppe d’enceintes. Les gens de Yamaha ont donc travaillé pour adapter l’algorithme et ont trouvé des solutions.

La particularité du DBAP c’est que toutes les enceintes sont actives. Donc, si on fait un mapping d’un objet placé quelque part, on voit la répartition de la pression sonore telle qu’elle aurait été induite par une vraie source à cet endroit là. Si tu joues une caisse claire dans un système frontal et tu la positionnes à jardin, toutes les enceintes joueront cette caisse claire, mais tu l’entendras où que tu sois placé comme venant de la gauche et la somme de toute les enceintes sera égale à un.

SLU : Quand AFC est intégré dans une salle, comment est choisi le système et peut-il être le même pour Enhance et Image ?

François Deffarges : Il est choisi en fonction du programme musical qui y est joué et de la dynamique des morceaux les plus sonores afin que le système de contrôle actif de champ acoustique ait toujours la capacité de suivre le programme en gardant la dynamique et la balance tonale adéquate. Si lors des calculs ce n’est pas suffisant, il est possible de piocher dans la famille iD de NEXO si la directivité convient.

Si ce même système doit être exploité aussi par AFC Image, naturellement on travaillera un design avec des enceintes capables de délivrer un SPL plus important comme les iD24 ou d’autres. Il faudra malgré tout garder à l’esprit que cela aura un coût qu’il faudra mettre en regard du nombre de fois où cette puissance sonore sera employée et qui n’est pas nécessaire avec Enhance.
Yamaha va disposer très rapidement d’un groupe de spécialistes à demeure en Europe pour travailler sur AFC à la fois Enhance et Image dans lequel on retrouvera aussi des gens de Nexo avec comme ambition d’amener le support à un niveau inégalé et au moins à la hauteur de Yamaha Japon. Cette équipe est en train de se former car un nombre important de demandes nous arrive et on veut être en mesure d’y répondre.

SLU : Les enceintes NEXO sont donc déjà prêtes pour AFC ?

François Deffarges : Rendons hommage à notre Directeur Technique Joseph Carcopino, le renouvellement de notre gamme avance vite et bien avec notamment la série iD avec les 14 et les 24 et la très fournie série P. Toutes deux bénéficient d’un large choix de dispersions y compris très large ce qui est indispensable. Et d’autres produits vont arriver. Il y a une belle intelligence de groupe entre Yamaha et NEXO et nos catalogues se complètent très bien.

L’echosystème de AFC Image.

SLU : AFC Image va bénéficier d’une formation aussi pour ses futurs utilisateurs ?

François Deffarges : Bien sûr, on y travaille. On prévoit un module court d’une journée, une sorte d’introduction assez complète des principes suivi d’une séance d’écoute, et un module plus long, trois jours, à destination des mixeurs et des ingés système où seront traités le design système, la création d’un projet et sa mise en œuvre. Cette formation est écrite en collaboration entre Yamaha, Steinberg et NEXO. Un peu comme tout le projet AFC Image d’ailleurs.

Nous avons aussi eu le plaisir d’interviewer Delphine Hannotin, manager en recherche et développement chez Yamaha et qui a aussi rejoint l’équipe en charge de finaliser le lancement de AFC Image et spécialement la partie pré-prod, console, import et export de projets, et ensuite l’accompagnement des utilisateurs dans la mise en œuvre jusqu’au calage des systèmes, bref, un gros boulot comme elle les aime !


Delphine Hannotin

SLU : Est-ce que AFC Image peut être en quelque sorte greffé à un show ou à un projet déjà existant ?

Delphine Hannotin : Non, je crois que nous sommes tous assez unanimes, c’est une démarche artistique et l’oeuvre doit idéalement être composée avec en tête un mode de diffusion et donc de présentation au public différent dans lequel il sera possible de sortir du cadre de scène et placer du son dans toute la salle.
C’est à l’artiste en personne de pousser le concept et d’écrire le show en mode immersif afin de vraiment tirer parti des possibilités et de convaincre la prod de l’accompagner dans un déploiement sonore et même au delà, novateur. Je ne pense pas que ce soit le rôle de l’ingé son d’en parler…

Parenthèse. Les mots de Delphine sont emplis de sagesse dans la mesure où le simple passage d’un show gauche/droite en immersif frontal, une démarche qui peut être issue de la technique, apporte un démasquage, une dynamique et une clarté indiscutables au son mais que le public a du mal à percevoir et à donc à quantifier comme étant un plus à son expérience en salle. En revanche une écriture nouvelle où le son devient un acteur de la mise en scène du spectacle et en casse les codes dans le bon sens du terme, pourra apporter un gain qualitatif tangible et vendable comme tel.


Delphine Hannotin : En plus ça va être difficile pour les ingés son en ces temps de redémarrage du spectacle vivant, d’aller voir les prods et les convaincre du fait que tel ou tel spectacle doit être fait en immersif. La démarche doit être initiée par l’artiste dans son studio où il peut percevoir les avantages et les émotions que cela peut générer et ensuite reprise et construite par la technique pour présenter à la production un projet solide.

Voici ce qu’il se passe dans la matrice AFC entre les deux cartes Dante, à gauche les entrées et à droite les sorties. Le processing binaural par exemple bénéficie de plusieurs sources possibles mais une fois le signal mis en forme, on le récupère en sortie du patch sur une paire de sorties Dante.

SLU : On peut donc travailler en studio avec Nuendo et AFC Image pour programmer et entendre son show. Est-ce que l’application peut me faire un rendering binaural ?

Delphine Hannotin : Non, pour l’instant le renderer binaural n’est pas dans Nuendo, cette fonction est générée par le processeur AFC. Il faut donc capturer cette sortie binaurale pour en faire un fichier à écouter ensuite à l’aide d’un casque.

SLU : Mais ce serait bien qu’un jour il soit possible d’exporter un fichier binaural directement du soft AFC Image pour faciliter cette phase si importante de la pré-prod.

Delphine Hannotin : (rires) …Je suis d’accord !

SLU : Ni le soft AFC Image Editor, ni la matrice AFC, ni les consoles Yamaha ne stockent les mouvements si j’ai bien compris…

Delphine Hannotin : C’est exact. Ils peuvent être générés en direct à la main, par un tracker, ou par Nuendo qui va convertir en OSC des mouvements pré programmés.

SLU : Pour travailler sur un projet il faut disposer d’un lieu équipé en conséquence. Les studios offrent des écoutes multivoies ?

Delphine Hannotin : De plus en plus. On trouve du 5.1, du 7.1.4 ou du 7.2 On trouve aussi différents formats. Tu peux commencer à travailler tes sons via des bus multicanaux et ton positionnement en channel based, que tu adapteras à la configuration de tes enceintes dans la salle de spectacle.

AFC image marche et peut tout aussi bien importer une configuration 5.1 comme ici et effectuer un zonage dans la salle.

Ensuite en passant dans le mode AFC Image, tu pourras adresser tes sons à telle ou telle enceinte en objets où leur position sera reprise avec leurs paramètres spatiaux.

Cela se fait avec AFC Image Editor dans ton ordinateur personnel. Tu peux travailler off line ou bien te connecter à la matrice et y exporter ton travail de configuration. Tu peux aussi importer un design depuis NS-1 de NEXO avec la position de chaque enceinte.


SLU : La frontière entre Enhance et Image j’imagine que c’est un système frontal.

Delphine Hannotin : Oui le système frontal n’a rien à voir avec le travail que fait AFC Enhance pour créer une acoustique. Le frontal peut entrer en auxiliaire mais le plus logique est de le gérer dans Image, surtout s’il s’agit d’enceintes NEXO qui auront bénéficié du travail de design et de simulation fait avec NS-1.

SLU : On fait un point pour conclure ?

Delphine Hannotin : Volontiers. AFG Image Editor est disponible en PC et Mac et permet de créer des objets, les positionner, en faire de même avec les enceintes ou par exemple gérer la réverbération 3D. Les formations sur Image se préparent et nous sommes en train de monter des configurations dans des lieux qui permettront de faire des démos en grandeur réelle. Ils seront prêts à la rentrée.
La matrice AFC Image existe et fonctionne, Nuendo est pleinement compatible, les consoles Rivage, PM et QL après une simple maj à venir courant juin pourront « parler » aux objets en temps réel et NS-1 va être complété avec l’ensemble des enceintes et de la nouvelle fonction qui analyse la qualité de l’immersion générée.

L’echosystème complet tournant autour de l’unique matrice. Des options logicielles en étendent ou réduisent les capacités en fonction de ses besoins à la fois pour la partie Enhance comme pour Image.

Dévoilé au monde entier le 23 avril, le nouvel écosystème AFC Enhance et Image est sur de bons rails, les wagons sont presque tous là et la rentrée où l’ensemble démarrera, est toute proche. Connaissant l’attention que Yamaha porte à ne présenter que des produits parfaitement opérationnels, on sera gâté.

SLU sera bien entendu sur site toutes oreilles dehors pour les premières démos et on vous racontera encore plus et forcément mieux cette nouvelle manière de faire du son mêlant Japon, Allemagne et France.


D’autres informations sur le site Yamaha

 

Crédits -

Texte : Ludovic Monchat - Photos : Yamaha, NEXO, divers

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