14 juillet 21 : La tour Eiffel éclairée comme en plein jour

Tous les ans pour le 14 juillet, la France se pare de ses plus belles couleurs pour fêter la République et dans une moindre mesure commémorer la prise de la Bastille de 1789. Bien sûr, la tour Eiffel, devient complice d’un somptueux feu d’artifice pour l’occasion.

Jeux de zoom au plus serré et de réducteur de faisceau selon les niveaux de tir pour sculpter la lumière des Proteus. ©CQLP

La tâche de l’éclairagiste est alors de faire que la Tour, située au cœur des explosions plus lumineuses les unes que les autres reste visible au Tout-Paris et même rivalise d’effets lumière. Faire de la lumière en conditions de plein jour n’est pas si simple, comme vous devez vous en douter. Yannick Duc et Maxime Raffin pour Expert Event, emmenés par Emmanuel « Manu » Pouget, nous révèlent leurs secrets et surtout leur réflexion derrière cette création mémorable.

(de gauche à droite) Yannick Duc, Emmanuel Pouget et Maxime Raffin. Une belle entente qui de fil en aiguille a amené Yannick, Manu et Maxime à bosser ensemble sur ce projet.

Yannick Duc et Maxime Raffin, partagent une complicité de travail et sont également super potes, en témoignent leurs parties nocturnes de jeux en réseau sur Rainbow Six, mais surtout les très beaux projets comme les concours de pupitreur via leur association CQLP (C‘est qui le Patron).

La captation vidéo du show lumière par Yannick Duc et Maxime Raffin pour Expert Event et feux d’Artifice par Ruggieri


SLU : Maxime, Comment êtes-vous arrivés sur ce projet avec Yannick ?

Maxime Raffin : C’est grâce à Manu gérant d’Expert Events. Nous avions déjà travaillé ensemble sur l’éclairage de la tour Eiffel en 2011. A l’époque cela faisait partis de mes premiers gros chantiers mais j’avais déjà pu proposer quelques idées et, de fil en aiguille, nous avons de nouveau été choisis en 2019 et là, en 2021. On commence donc à être un peu plus rodés et Yannick en est le directeur photo.

Les 79 Proteus Hybrid Elation installés côté Trocadéro.

Suite à notre expérience de 2019, nous avons choisi de spécifier 188 Proteus Hybrid IP65 Elation (équipé d’une lampe Philips™ MSD Platinum 21R 470W) pour projeter un maximum d’effets lumière sans avoir à les protéger. On aurait pu utiliser d’autres projecteurs protégés par un gonflant translucide mais au risque de créer une double réflexion et des artefacts sur le faisceau. Par ailleurs ce projecteur très puissant était disponible en grosse quantité.

SLU : Votre choix a donc été un arbitrage entre puissance et quantité ?

Maxime Raffin : Oui car précédemment, on avait installé 69 appareils au sol, et ça manquait de pêche. Aujourd’hui il y en a 158 : 79 côté Trocadéro et 79 côté École Militaire.

Au total, ce sont 188 projecteurs Elation Proteus Hybrid IP 65 qui auront été déployés pour ce projet.

La difficulté sur ce projet c’est que la machine a beau être très puissante, la proximité fait qu’on perd en surface de réflexion. On a d’ailleurs des pistes pour améliorer ce point en reculant les machines de chaque côté mais nous sommes limités par le public, côté École militaire et côté Trocadéro, par les ombres des lampadaires présents sur les ponts.
D’autre part, les feux d’artifice sont très imposants et la tour a tendance à disparaître car la nuit devient jour et les faisceaux peinent à s’imposer.


Différents réglages de tilts pour couvrir toute la surface de la tour.


La Tour Eiffel éclairée précisément jusqu’au sommet. ©CQLP

SLU : Comment vous êtes-vous coordonnés avec l’équipe de David Proteau de chez Ruggieri, en charge des feux d’Artifice ?

Maxime Raffin : Les artificiers sont en Time code et donc nous aussi pour être synchro. David donne une conduite lumière à Yannick Duc qui la suit au millimètre. On pourrait passer en manuel pour le fun mais ça n’aurait pas vraiment d’intérêt.

Notre show comporte pas mal d’effets. Yannick a détaillé tous les titres de la bande son pour marquer les différents rythmes ou ambiances comme les cloches sur le titre « Aerodynamic » des Dafts Punks ou sur « Think » d’Aretha Franklyn que nous avons illustré en vert après avoir débattu sur la meilleure couleur pour représenter la liberté.

Au final, David Proteau, le concepteur pour les feux d’artifices, a tranché en choisissant le vert. A l’inverse, il y a des moments où la lumière se fait plus discrète et simple pour ne pas voler la vedette.

SLU : Comment s’est déroulée la phase de création ?

Maxime Raffin : Nous avons appris il y a seulement deux semaines que nous étions choisis pour ce projet. En temps normal, on a plus de temps pour se préparer et avec les CQLP Awards qui se déroulaient simultanément en plus d’autres chantiers sur lesquels on travaillait, ça faisait vraiment beaucoup, d’où les cernes sous les yeux aujourd’hui (rire).
On a donc travaillé ensemble avec Yannick qui possède une console chez lui et je dois dire qu’il a assuré. C’est un très bon, il a des doigts magiques.


Les Proteus hybrid avec leurs fonctions beam, spot et wash assurent tous les besoins d’éclairage de Maxime et Yannick. ©CQLP

La fonction Align de la grandMA2 permet à Yannick de simuler des effets vidéo. ©CQLP


SLU : Vous avez travaillé sur quel logiciel de visualisation ?

Maxime Raffin : On travaille avec Wysiwyg.Yannick nous prépare des points de référence et ensuite on tape sur la tour, à des points précis et en faisceaux serrés, pour caler notre show. Pour ce projet, on a installé un point de régie au pied de la tour Eiffel de part et d’autre et un troisième au niveau du Trocadéro. Un réseau fibre optique en triangle relie les consoles et les projecteurs situés au sol, au premier et au deuxième étage. Ce réseau est redondant au cas où un des côtés viendrait à être interrompu.


Le rendu 3D Wysiwyg du show


Emmanuel « Manu » Pouget : Nous avons un système global, c’est-à-dire une fibre optique qui se distribue depuis le Trocadéro jusqu’au bout du Champ-de-Mars et qui revient en redondance complète c’est-à-dire que tous les postes, tous les endroits où il y a une console, des amplis, des nodes pour la lumière, des intercoms, bénéficient d’un Boîtier fibre.

Emmanuel Pouget débriefe avec Simon Chartier, le responsable son.

Le fait de boucler permet, par exemple, si un des segments de fibre se faisait arracher par un camion ou si un des boîtiers fibre était amené à avoir un souci, de garder la circulation du signal.

Les consoles sont elles aussi en redondances donc si on en perd une, l’autre prend la main et elles communiquent ensemble jusqu’au NPU grâce au protocole MA-Net.
Enfin, tous les projecteurs sont contrôlés en Artnet et reliés aux nodes en DMX standard.


SLU : Ce choix de la fibre, c’était une obligation liée à la distance ?

Manu : Oui aujourd’hui, avec une telle distance, il n’y a pas vraiment le choix même si on faisait autrement il y a 15 ans, avec les problèmes que ça pouvait engendrer. Là c’est quasiment du plug and play avec un peu de paramétrages en amont. Une fois qu’on se connecte au réseau, on envoie les profils sur tous les postes et ça fonctionne instantanément.
Le gros avantage de la fibre c’est de pouvoir transporter tous les signaux via un seul câble. On peut ensuite commander les amplis, envoyer du Dante pour le son, du MA Net pour la lumière, on a un port dédié aux intercoms HF Bolero, avec une antenne par étage de la tour Eiffel, une de plus en bas et une dernière au Trocadéro.


Maxime Raffin très attentif devant sa console en attendant le début du show qui sera ponctué par un déferlement d’explosions au-dessus de son Algeco.

SLU : Ca doit être sympa d’éclairer un monument pareil, c’est un des emblèmes de Paris.

Maxime Raffin : On est toujours aussi passionnés et attentifs que ce soit pour la tour Eiffel ou pour un autre bâtiment. Mais c’est vrai que la Tour est différente car elle n’est pas constituée de surfaces pleines. Les arches créent des ombres et depuis les vues d’hélicoptères, on peut observer les faisceaux passer à travers, c’est super intéressant visuellement.

Yannick a réussi à obtenir des effets assez marrants avec parfois l’impression qu’elle bouge ou se démonte. Nous avons même été complimentés pour la qualité des effets vidéo (rire). Il n’y a évidemment pas de vidéo projection mais Yannick adore être extrêmement précis et donc ça peut donner cette sensation.
De plus sur grandMa, la fonction “Align”, qui permet d’effectuer des dégradés de couleurs, et des alignements, de gobos sans avoir à encoder un à un les projecteurs, est parfaitement maîtrisée.


Les puissants faisceaux des Elation Proteus Hybrid, équipés d’une lampe Philips MSD Platinum 21R 470 W
couvrent, toute la surface de la tour Eiffel.

SLU : Comment se sont passé les répétitions ?

Maxime Raffin : Il y a eu trois jours d’encodage dans Wysiwyg puis on a travaillé 3 nuits sur site. Par ailleurs, le gagnant des CQLP Awards, Alexandre Marcadé, aura l’honneur de signer le design du dernier titre. On lui a donné une base et la consigne « tu t’éclates ».
Pour le bouquet final la lumière n’est pas forcément la plus visible mais pour lui c’est une super expérience et il était comme un gamin. C’est aussi pour nous un moyen de promouvoir des nouveaux talents. (NDLR : Alexandre Marcadé dont nous reparlerons dans un article à venir sur les CQLP Awards.)

(De gauche à droite ) Maxime Raffin, Yannick Duc, Emmanuel Pouget, Quentin Douriez, César Féraud et Alexandre Marcadé le gagnant du concours CQLP qui aura l’honneur de signer le dernier titre du show.

SLU : Il y a aussi 12 projecteurs de chaque côté au premier étage et deux rangées de six appareils au deuxième.

Maxime Raffin : Ces projecteurs sont destinés à éclairer le public en faisceaux, à créer des effets et éclairer la tour Eiffel pour la colorer. La particularité cette année c’est que les feux d’artifice sont devant les machines alors que d’habitude c’est l’inverse. On les a donc surélevées un peu en les installant sur une énorme arche de 20 mètres dont les ponts sont maintenus par des embases lourdes.

Une des deux lignes de 12 Proteus Hybrid au premier étage…

…et 2 x 6 machines au deuxième étage.


Un très beau show et une belle ambiance au sein de l’équipe. On a beau la connaître par cœur et la voir encore et encore, la Tour Eiffel ne cesse de nous étonner quand elle se pare de multiples pastilles colorées pour les Daft Punk, qu’elle ondule sur le titre « 3sex » par Indochine et Christine and the Queen ou qu’elle projette ses faisceaux selon un rythme parfait sur « Blinding Lights » de The Weeknd.
D’ailleurs en parlant de perfection du rythme, vous aviez sûrement remarqué que les explosions de feux d’artifice marquent également le timing. On salue la parfaite maîtrise de David Proteau et son équipe. Vivement l’année prochaine !


La Tour Eiffel se pare de jolies projections et de beams puissants qui rivalisent avec les explosions de feux d’artifice.

Liste équipe

Lumière & Son

VANDEWALLE Lionel : Chauffeur
TRIPON Thomas : Technicien lumière
ROGER Nicolas : Technicien lumière
BOCHE Patrice : Technicien lumière
CHAUVIN Quentin : Technicien lumière
CHARTIER Simon : Chef son
GONZALEZ Ronan : Assistant Son
TAIEB Sydney : Assistant Son
FABUREL Juliette : Technicienne lumière
TRIPON Thomas : Technicien lumière
BOCHE Patrice : Technicien lumière
MARTIN Rémi : Technicien lumière
CHAUVIERE Louis : Technicien lumière
ROGER Nicolas : Technicien lumière
BLANCO Matthieu : Technicien lumière
FIGUEIREDO Jeremy : Technicien lumière
DEVAUD Fabien : Technicien lumière
GARENNE Martin : Assistant technicien lumière
MORGAN Sébastien : Assistant technicien lumière
MANKOURI Soyann : Assistant technicien lumière

Equipe Ruggieri Feux d’artifices

PROTEAU David : Directeur artistique
GABILAN Jérôme : Directeur technique
MARTIEL Florian : Chef de tir

Et voir le Banc d’essais du Proteus Hybrid dans SLU


Plan de feu

 

Crédits - Texte : Allison Cussigh – Photos : Allison Cussigh & CQLP

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