Thionville redynamise sa ville avec ESP, MPM et Yamaha

L’idée est belle, redynamiser le centre ville en y intégrant une diffusion moderne, simple et rapide à exploiter, offrant un résultat très qualitatif et le tout uniquement dans la zone recherchée, bref, tout l’opposé du projecteur de son coin-coin de notre jeunesse.

Le Beffroi de Thionville, dont une pièce est devenue la nouvelle régie audio de la diffusion dynamique de la ville. Le hasard faisant bien les choses, une nacelle de Citeos est garée devant.

Comme souvent cette aventure d’apparence anodine, a commencé par un constat sans appel : il faut faire plus et mieux que l’existant en termes de flexibilité, de rendu sonore et d’apparence. Plus question de garder le son qui fait mal aux oreilles, il faut au contraire pouvoir diffuser de la musique qui sonne comme de la musique, et gagner en intelligibilité sur les prises de parole, sans pour autant pénaliser les gens vivant à proximité des points sonores.

Un appel d’offre est donc lancé par la mairie de Thionville et remporté par les scénographes audiovisuels strasbourgeois de Euro Sound Project. Yves Kayser qui dirige la boîte, bâtit sa réponse sur un certain nombre d’idées pour certaines plutôt classiques et d’autres franchement inédites.

S’ensuit un second appel d’offre pour choisir le prestataire / intégrateur qui devra construire et déployer l’infrastructure imaginée par Yves avec l’aide de Citeos, le prestataire électrique et réseaux de la ville. C’est MPM Equipement qui est choisi.


Yves-Kayser

Nous avons commencé par interroger Yves Kayser pour comprendre la genèse du projet.

SLU : D’où vous est venue l’idée d’utiliser un iPhone en guise de liaison HF ?

Yves Kayser : Simplement par le besoin de couvrir une zone assez vaste et complexe par la densité des obstacles. On est en centre ville avec des rues assez étroites. Le réseau 4G et bientôt 5G à Thionville est bon, et la qualité audio des liaisons téléphoniques s’est sensiblement améliorée.

Chronologiquement on est donc parti sur un iPhone avec une carte son. Shure ou Sennheiser ont tous deux développé de très bonnes solutions pour faire de la prise de son dans son téléphone et il existe beaucoup de solutions en radio pour récupérer cet audio et l’exploiter via une console.
Problème, l’OS d’Apple refuse qu’un appel ne soit passé en utilisant autre chose que le micro du mobile ou un modèle validé par la marque à la pomme. MPM a trouvé la solution en créant avec une imprimante 3D un support pour un capteur « agréé » qui a remplacé dans le corps d’un SM58, la légendaire tête Shure. Je tiens d’ailleurs à remercier MPM pour leur compétence et leur habileté à trouver des solution car parfois une idée ne marche pas du premier coup.

Regardez bien, c’est effectivement un SM58 qui est connecté à un mobile Apple mais bien entendu, il y a un truc !

SLU : Et lors du coup de fil, la bande passante « téléphone » est suffisante ?

Yves Kayser : Oui car elle a terriblement évolué dans le bon sens et quand on écoute le résultat d’une liaison en 4G, on a un résultat largement suffisant sur une voix même si on n’est pas à l’abri d’une variable. Un jour on sera peut être obligé de renouveler l’appel pour corriger un écho, mais dans l’ensemble on est très satisfait.
La musique quant à elle provient d’un serveur et donc bénéficie d’un rendu parfait dans les enceintes Yamaha.

SLU : Comment avez-vous réglé la latence propre au téléphone ?

Yves Kayser : Elle est faible et nettement inférieure à celle d’une visio où le codec image nécessite un certain temps de calcul. On avait prévu un ear monitor comme pour les stades où la latence rend impossible toute prise de parole sans s’isoler par des oreillettes étanches mais cela s’est révélé inutile.
Le fait d’avoir pu bien mailler les lieux et donc jouer assez bas sans compromettre l’intelligibilité, permet de parler sans trop de difficulté. On a juste tendance à poser un peu plus les mots.

Une paire de VSX5 Yamaha. 198 autres enceintes identiques ont été déployées.

SLU : Est-ce que sonoriser des rues est compliqué ?

Yves Kayser : Si l’on veut avoir une très bonne diffusion, et la demande du Maire de Thionville allait totalement dans ce sens, cela demande une compétence acoustique et électroacoustique que nous avons chez ESP.
Il faut choisir avec soin la bonne enceinte, la quantité et son placement, afin de délivrer une couverture optimale sans être obligé de jouer fort et donc occasionner une gêne pour les familles vivant à proximité des points de diffusion.

Nous avons étudié la localisation de chaque enceinte pour optimiser le résultat acoustique tout en nous adaptant aux contraintes de certains magasins ou riverains. Il faut maintenir un champ diffus et éviter de dépasser 17 mètres entre deux points pour ne pas atteindre les 50 msec et matérialiser d’écho.

SLU : D’où vient le choix de Yamaha et des VSX5 en lieu et place des vénérables projecteurs de son bien connus ?

Yves Kayser : Avec des amplis corrects on a fait pas mal de choses avec ces pds très répandus, mais leur apparence et rendu ne peuvent égaler des produits modernes et deux voies. Notre culture d’entreprise nous pousse à privilégier des marques réputées pour leur recherche de la qualité sonore et présentes dans l’univers du spectacle comme Yamaha.
On a fait un bon choix car la VSX5 est une belle enceinte dont on aime le résultat, avec un son qu’on a longuement écouté avant d’arrêter notre choix et qui est proche de la HiFi.

SLU : Vous avez aussi restructuré le point de départ des lignes à haute impédance et avez découpé le centre ville.

Une vue Google Maps de la Vieille Ville de Thionville avec dans le cercle, le Beffroi où se trouve la régie et aboutissent toutes les lignes à haute impédance.

Yves Kayser : C’est exact. La demande de la mairie étant de pouvoir utiliser cette sono discrète et qualitative pour de nombreuses manifestations ou prises de parole tout au long de l’année, il a fallu délimiter des zones, certaines existant déjà, mais en affectant une patte d’ampli à chacune d’entre elles pour pouvoir, sans aucun brassage manuel, prendre la main à distance via une matrice. Pour ça nous avons choisi un nouveau point où faire aboutir en étoile les différentes lignes.

C’est dans cette même grande pièce ventilée située dans le beffroi de la ville, que MPM a placé la baie technique avec la console en rack, les inserts silencieux et les serveurs, ce que l’on appelle l’injection. Cette pièce dispose d’une connexion au réseau ce qui permet de prendre la main sur le système, notamment MPM pour faire de la maintenance ou changer une EQ si nécessaire.

SLU : Aujourd’hui il est donc possible de prendre la parole en public sans sono mobile.

Yves Kayser : C’est le but. Cette installation est pérenne et toujours disponible. On ouvre le système là où se trouve par exemple le maire, on installe le micro connecté à l’iPhone et il peut parler directement via les enceintes couvrant la zone.
Si en revanche un spectacle a lieu avec sa propre sono, on a créé un second système sans fil toujours basé sur un iPhone, mais acceptant cette fois-ci du niveau ligne, pour pouvoir par exemple le connecter à la console du spectacle et diffuser ailleurs dans la ville des extraits. Ces deux liaisons ligne et micro sur des mobiles Apple ont nécessité beaucoup de travail et d’essais à MPM. Bravo à eux.

Une parfait lancement pour retrouver Nicolas Jeanselle de MPM Equipement qui a remporté l’appel d’offre, a coordonné ce chantier et a, lui aussi, répondu à toutes nos questions.

SLU : Est-ce que cette idée du mobile d’Apple a été facile à mettre en œuvre ?

Nicolas Jeanselle : Du tout et pour d’innombrables raisons. On ne peut brancher sur un iPhone qu’un device validé par la marque. Un micro quel qu’il soit se doit par exemple, d’être omni. On a du ruser. Pendant très longtemps tout ce que l’on a essayé n’a pas marché.

SLU : Et donc ?

Nicolas Jeanselle : Pour le capteur on a employé un micro cravate. Pour l’insert téléphone on a placé un autre système qui nous a donné une bande passante beaucoup plus large et qui répond à chaque appel sans générer de bruit à la prise de direct, comme à la fin d’une intervention. Pour la latence Laurent Capron notre Directeur Technique a trouvé avec Yves Kayser la solution juste à temps pour pouvoir livrer le système à la ville.

Une image de la régie placée dans le Beffroi de Thionville avec la TF Rack et posé sur une plaque 19” en bas à droite, un iPhone qui n’est autre que le récepteur des appels de l’animateur.

SLU : L’animateur n’a donc qu’à choisir sa zone de diffusion avec sa tablette et à appeler l’automate avant de commencer son intervention…

Nicolas Jeanselle : C’est exact. Cela donne la priorité automatiquement à sa voix qui est par ailleurs traitée, la musique de fond est baissée et dès qu’il raccroche, cette dernière reprend son volume initial. Nous employons pour la réception, la mise en forme et le mix du signal, une TF Rack Yamaha.

SLU : A propos de musique, qui joue les titres entre deux prises de parole puisque personne n’est présent à la régie ?

Nicolas Jeanselle : On a programmé un automate Crestron, afin de pouvoir prendre la main sur un serveur Sonoss pré chargé avec des titres et des playlists qui se trouve dans la baie de la régie technique. On le pointe en utilisant le réseau WiFi de la ville ou en 4G. Ce serveur est suffisamment ouvert pour accepter d’être piloté depuis la rue comme si on était dans son salon. Il peut l’être aussi par le service animation de la ville ou tout opérateur disposant des codes d’accès.

L’animateur choisit donc sa ou ses zones, lance sa playlist et ensuite peut ranger la tablette, il n’a plus qu’à appeler la régie avec son iPhone micro pour prendre sans aucun bruit la main sur la diffusion et se mettre à parler dans la ville. S’il veut plus ou moins de son, il dispose d’une petite latitude de réglage des niveaux, ±30% ce qui évite des gros Larsen ou le niveau à zéro où tout le monde se demande pourquoi ça ne marche pas.

La plus simple façon d’oublier un micro, l’algorithme Dan Dugan, disponible sur 8 voies d’entrée micro de la TF Rack.

Il peut aussi couper son micro à la volée depuis la tablette si le besoin s’en fait sentir pour glisser discrètement deux mots à quelqu’un. Les voix sont mises en forme dans la TF Rack, suivies par le plug Dan Dugan intégré et le tout est programmé pour accepter une grande latitude de timbres et de dynamiques. Il en va de même pour la musique dont les constantes d’atténuation ont été programmées. J’ai fait travailler un bon sondier qui a tout calé à l’avance.

SLU : Cela paraît simple pour l’exploitant

Nicolas Jeanselle : Il le faut. On a la problématique de remettre des outils pro aux mains d’utilisateurs souvent pas ou peu expérimentés, voire parfois technophobes, c’est donc à nous de penser et concevoir des systèmes simples et immédiatement fonctionnels. On programme pas mal avec Provisionaire ou bien on crée un automate de sorte à offrir un résultat 100% sûr.
Il faut cela dit rendre hommage à Yamaha. La TF Rack n’a rien inventé mais y incorporer l’algo Dan Dugan pour 2 000€, et avoir l’appli gratuite où tu programmes et présentes à ton client les fonctions dont il a besoin avec en plus son logo, c’est parfait pour nous. Et surtout pour eux !

Encore une paire de VXS5 discrètement accrochées au luminaire.

SLU : Pour la diffusion à proprement parler, vous avez réemployé un certain nombre de lignes 100 V existantes ?

Nicolas Jeanselle : Le plus possible, mais en avons aussi tiré quelques nouvelles, le tout pour créer six zones, chacune ayant son amplification distincte et y avons ajouté la matrice commandée à distance via la tablette ou tout ordinateur disposant des accès.

Simple à mettre en œuvre, pérenne, toujours disponible et maillant parfaitement la vieille ville, cette sonorisation atteint parfaitement sa cible.
Fruit de la collaboration de deux structures locales et très complémentaires et de Yamaha, ce projet montre à quel point l’audace paie, même s’il a fallu par moments s’arracher quelques cheveux. Ce n’est pas grave, ça repousse !

D’autres informations sur le site Yamaha sur le site ESP et sur le site MPM Group

 

Crédits -

Texte : Ludovic Monchat - Photos : MPM, ESP, Yamaha, Google

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