Pour faire des images spectaculaires, on peut utiliser des projecteurs vidéo ou des murs d’images, mais avec différentes possibilités d’adaptation aux contraintes d’environnement comme la forme de l’écran, des surfaces non planes ou des utilisations en extérieurs.
La forme de l’écran et les contraintes architecturales
Pour les écrans plans ou constitués de sections de plans, les systèmes à LED ne posent pas de problème particulier. En revanche, les vidéoprojecteurs peuvent en poser. En effet, la position idéale pour projeter une image sans déformation géométrique (distorsion) se situe sur l’axe de l’écran (c’est-à-dire parfaitement en face du centre de l’écran.
Cela n’est réalisable que dans des cas très particuliers par exemple des salles expressément conçues (cinémas, auditoriums, centres des congrès…) où une cabine est prévue en fond de salle, dotée d’une fenêtre vitrée face au centre de l’écran.
On peut alors y disposer (lorsqu’il n’y est pas installé à poste fixe), un vidéoprojecteur muni d’un objectif à longue distance focale (fixe ou variable), dit « de fond de salle » ou « Long Throw ». De par sa position idéale, il permet d’obtenir directement une image non déformée et, une fois calé pour obtenir le bon cadrage, il ne nécessite qu’un réglage de mise au point (« Focus »), qui, en, principe, est fait une fois pour toutes.
Lorsque cela n’est pas possible, le projecteur doit être installé quelque part devant l’écran et cohabiter avec le public. Tout le monde ou presque a pratiqué la situation la plus courante des conférences assistées par vidéo, ou le projecteur est posé sur une table devant l’écran, et souvent calé avec des moyens de fortune pour obtenir le bon cadrage.
Dans une autre configuration plus professionnelle, le ou les vidéoprojecteurs sont accrochés au plafond, soit au moyen d’accessoires idoines, soit suspendus à un grill où il(s) cohabite(nt) souvent avec d’autres appareils comme des projecteurs d’éclairage ou des enceintes acoustiques de diffusion (voir figure 1).
La plupart des appareils permettent cette configuration avec le projecteur monté « à l’envers » (tête en bas). Ces projecteurs disposent d’une fonction permettant de renverser l’image afin de la mettre dans le bon sens.
Dans ces deux configurations classiques (au sol ou au plafond), le projecteur est situé hors de l’axe de l’écran et présente un décentrage vertical.
Si on ne corrige pas l’image, celle-ci est affectée d’une déformation telle que son contour, normalement rectangulaire, devient un trapèze dont la plus petite base se situe sur le bord horizontal de l’écran le plus proche du projecteur (voir figure 2).
Cette distorsion en trapèze peut se corriger de deux manières :
– Par correction électronique, en appliquant à l’image une pré-distorsion inverse par traitement numérique. La plupart des projecteurs, même de bas de gamme, disposent de cette fonction. Mais indépendamment de cela, leur objectif est le plus souvent calé de manière à ce que l’image soit exemple de distorsion quand on projette avec l’appareil disposé au niveau du bas de l’image (voir figure 2.)
– Par correction optique, en décalant l’objectif. Les projecteurs de haut de gamme et de forte puissance disposent habituellement de cette fonction. Le décalage s’effectue alors au moyen de moteurs et le réglage est accessible à distance (télécommande ou réseau), de manière à pouvoir être ajusté lorsque le projecteur est installé à son poste, dans une situation physiquement inaccessible.
On notera que ce procédé apparemment simple est vieux comme le monde, puisque les vieilles chambres photographiques offrent les moyens de décaler l’objectif dans toutes les directions (ce qui se règle en visualisant l’image sur un dépoli quadrillé, obturateur ouvert), et qu’il existe encore pour les appareils photo reflex des objectifs à courte focale dits « à décentrement », permettant de réaliser des photographies architecturales de près, exemptes de déformations en trapèze (verticales fuyantes).
Signalons aussi que la correction électronique de la distorsion de trapèze peut introduire quelques artefacts et des dégradations de l’image, c’est pourquoi il faut toujours lui préférer la correction optique lorsque le projecteur le permet.
Il est des cas encore plus compliqués où on n’a pas la possibilité de placer le projecteur dans le plan vertical qui inclut l’axe de l’écran.
Le phénomène est alors similaire, mais le contour d’image trapézoïdal résultant de cette position excentrée a ses deux bases verticales le long de chaque bord vertical de l’écran (voir figure 3).
Les mesures correctives sont théoriquement similaires à celles que nous avons exposées précédemment, avec toutefois quelques remarques.
– Il est rare que les projecteurs de bas et de milieu de gamme intègrent une correction numérique de la distorsion de trapèze due au décalage horizontal.
– Les projecteurs qui intègrent un dispositif de décalage vertical de l’objectif possèdent souvent aussi un système de décalage horizontal capable de prendre en charge cette situation.
Les conséquences d’un décalage horizontal sont habituellement plus désastreuses que celles d’un décalage vertical du fait du format large habituellement utilisé (« letterbox »…). En effet, s’il est habituel d’installer les projecteurs au même niveau que le haut ou le bas de l’écran, il est impensable d’installer un projecteur en le décalant horizontalement au niveau de l’un des bords verticaux de l’écran. Cela aboutirait à une distorsion énorme, impossible à corriger (voir figure 4).
Tout ce qu’on vient de dire s’applique à une image projetée horizontalement, en format « paysage ». Si on projette en format « portrait », tout ce qu’on vient de dire s’applique aussi bien, mais il faut remplacer « horizontal » par « vertical » et vice versa.
Il est fréquent de cumuler les deux types de distorsion en trapèze, et dans ce cas, on doit appliquer simultanément les deux corrections. Cela se réalise facilement avec les projecteurs possédant un système de décalage optique.
Il est des cas où il s’impose de former des images sur des surfaces quelconques, qui ne sont pas planes. Cela peut être une volonté du scénographe (par exemple, décor constitué de sphères à textures animées…), mais cela peut être aussi une contrainte due au cadre ou aux circonstances (par exemple, animation de façades de bâtiments, de monuments).
Avec les écrans à LED, les possibilités de formes arbitraires quelconques sont limitées par la rigidité des modules et de leurs assemblages. On peut envisager de couvrir des formes prismatiques (pour autant que les dimensions des faces soient compatibles avec celles des modules). En utilisant des modules linéaires (barres), on peut réaliser des surfaces cylindriques (analogues à des cycloramas, par exemple). Mais si on désire réaliser des images sur un monument ancien sans en masquer les reliefs, la seule solution pratique est la projection. C’est le genre d’exercice dont la fête des Lumières de Lyon, par exemple, constitue l’une des vitrines internationales.
Les exigences au niveau du projecteur lui-même dépendent des moyens externes et du degré d’effort qu’on est disposé à consentir pour adapter l’image aux « irrégularités » de la surface. L’option la plus basique consiste à se contenter d’une correction de trapèze globale, comme si la surface de projection était plane en première approximation, en ignorant ses détails (sculptures, piliers, frontons, etc.).
L’option la plus complexe consiste à effectuer des distorsions locales de l’image pour l’adapter aux plus importantes de ces « irrégularités » de surface. Dans la plupart des cas, cette déformation est réalisée au niveau du serveur qui distribue les signaux, celui-ci étant doté de capacités de traitement numérique des images, le projecteur n’effectuant qu’une correction « du premier ordre » permettant d’aligner ces zones déformées sur les éléments d’architecture auxquels elles sont destinées (par exemple : colorisation de la statuaire, personnages aux fenêtres, etc.).
Dans la projection architecturale, la grande taille des surfaces à couvrir et le flux élevé qu’elle réclame, sans parler du nombre tout aussi phénoménal de « pixels », impose souvent de mettre en œuvre plusieurs projecteurs. Il y aura donc un problème de raccordement des images à gérer, d’autant plus complexe s’il s’effectue sur des zones au relief tourmenté…(Voir figure 5)
En scénographie, on peut avoir des cas où il s’impose de projeter sur des surfaces non planes (fond de scène incurvé, éléments de décor, etc.). Comme en projection architecturale, on peut traiter ce problème en amont, ou bien lors de la création des images, ou bien au niveau du serveur qui les distribue, laissant au projecteur le soin de gérer les petits défauts d’alignement qui pourraient intervenir à chaque mise en œuvre, notamment dans le cas d’une tournée.
Certains projecteurs de très haut de gamme intègrent dans leur système de traitement de signal des fonctions de déformation complexe de l’image (« morphing »), qui permettent de prendre en charge de manière autonome la projection sur des surfaces gauches pas trop irrégulières (notamment des portions de cylindre, de sphère ou d’ellipsoïde).
Les conditions d’environnement
Les systèmes à LED sont très souples au niveau de leurs conditions d’environnement, dans la mesure où on peut les installer dans n’importe quelle position (verticalement, obliquement, ou horizontalement au plafond ou encore au sol pour former un plancher vidéo sous une dalle de verre…).
Ils consomment beaucoup d’énergie, mais comme la dissipation est répartie sur l’ensemble de la surface, ils connaissent moins de problèmes critiques de refroidissement.
La principale considération environnementale qui pourra être préoccupante est celle de l’indice de protection pour les utilisations en extérieur. Il existe des exécutions étanches, il faudra s’assurer que ce degré de protection s’étend aux nombreuses interconnexions que comportent ces systèmes.
L’affaire est plus critique pour les vidéoprojecteurs. Ceux-ci exploitant une source lumineuse à la fois très puissante et compacte (lampe à décharge à arc court, source laser…), ils nécessitent un refroidissement énergique. Du fait des nombreux ventilateurs qu’ils embarquent, une réalisation étanche est difficilement envisageable.
Il faut donc prendre garde à laisser suffisamment d’espace autour de la machine pour que l’air circule, ou, si les machines sont confinées, de prévoir une évacuation forcée avec éventuellement un « tuyau de poêle », comme dans les cabines de projection de cinéma.
Pour certaines applications sensibles sur ce point, on sera amené à considérer le niveau sonore de la ventilation des appareils, l’installation en cabine fermée en fond de salle étant à cet égard une solution idéale, mais aux applications limitées.
Il faut également prendre garde aux éventuelles limitations dans les positions d’installation des vidéoprojecteurs. Du fait des contraintes liées aux lampes à décharge de forte puissance, certains projecteurs ne tolèrent que des écarts réduits par rapport à l’horizontale (voir figure 6).
En cas de non-respect des contraintes d’installation, on risque une instabilité de l’arc et/ou une usure prématurée, voire une explosion de la lampe. La durée de vie des lampes s’étend de quelques centaines à quelques milliers d’heures et peut représenter un budget non négligeable.
La plupart des projecteurs disposent d’un mode « économique » dans lequel la ou les lampes fonctionne(nt) avec un courant réduit, ce qui prolonge leur longévité mais avec un flux lumineux réduit et un bruit de ventilation également diminué. C’est un compromis qu’il faut examiner de près !
Quant aux vidéoprojecteurs à sources LED ou Laser, ils offrent une durée beaucoup plus longue sans maintenance, la longévité de la source étant habituellement spécifiée à 20 000 heures ou plus, mais l’investissement initial est plus élevé.
Ecrans géants et prises de vue
Lors des prises de vue (photographie, studio de télévision, retransmission de concert, etc.), la présence d’écrans géants, totale ou partielle, dans le champ de captation, peut poser des problèmes. En effet, l’image captée subit un double échantillonnage, temporel et spatial, l’un de la part du système d’écran géant, l’autre de la part du capteur de prise de vue. Selon le rapport des fréquences d’échantillonnage (temporelles et spatiales), il peut se produire des artefacts plus ou moins préjudiciables sur l’image captée.
– Si le temps de pose ou d’intégration de l’appareil de prise de vue est inférieur à la période de rafraîchissement de l’écran, et selon la technologie de celui-ci, l’image captée peut n’afficher qu’une partie de l’image diffusée sur l’écran (typiquement, une bande horizontale, voir figure 7).
– Si la prise de vue est de type vidéo, la bande affichée peut défiler verticalement de manière plus ou moins rapide lorsque les fréquences de rafraîchissement de de captation sont proches ou proches d’un rapport simple. On peut aussi observer des images complètes, mais clignotantes (papillotement ou « flicker »). Ce phénomène de papillotement peut aussi s’observer avec certaines sources lumineuses.
– Si les fréquences spatiales de l’écran et de l’appareil de prise de vue sont proches, ou proches d’un rapport simple, on peut observer des motifs fantômes de stries ou de hachures sur l’écran (moirages, voir figure 8). Le phénomène est le même que lorsque la télévision diffuse l’image d’une personne portant des vêtements à fines rayures, aux limites de la résolution de la caméra (costumes « prince de Galles » ou « pied de poule », etc.).
Les écrans de scène doivent donc être captés soit en plan large (dans ce cas, on voit clairement l’image qui y est affichée), soit en plan serré (et dans ce cas, on voit clairement la structure de « pixels » de l’écran). Lorsqu’on passe progressivement de l’une à l’autre des situations, par exemple avec travelling avant ou un long et lent mouvement de zoom, on traverse des zones dans lesquelles ces moirages se manifestent de manière évidente.
Sur les plateaux de télévision, on peut éviter ce phénomène, le réalisateur prenant soin de changer de plan en changeant de caméra lorsqu’il risque de se produire. En concert ou en spectacle, il est plus difficile d’éviter la zone à risques, qui apparaît fréquemment lorsqu’on fait avec un téléobjectif, un gros plan d’un artiste sur fond d’écran vidéo.
Toutefois, la mise au point étant effectuée sur l’artiste, l’arrière-plan est en dehors de la zone de netteté (profondeur de champ). Ce flou optique joue le rôle de filtre passe-bas spatial et évite le phénomène de retournement de spectre générateur de moirage (application du théorème de Shannon). L’arrière-plan de l’image restituée sera donc flou mais pas affecté d’artefacts.
La suite… Retrouvons-nous la semaine prochaine pour le prochain épisode, dans lequel nous allons aborder la manière de spécifier un vidéoprojecteur. Vous y découvrirez la manière d’évaluer les qualités d’une image projetée, et apprendrez à déceler les pièges qui abondent dans ces spécifications qui peuvent être trompeuses pour l’acquéreur potentiel.
Retrouvez ici les autres Episodes de la saga :
- Lien Ep1 : La vidéoprojection face aux écrans, les compromis sur l’image
- Lien Ep3 : Spécifier un projecteur : Spécifications relatives à l’image
- Lien EP4 : Spécifier un vidéo projecteur : Placement, installation, environnement et ergonomie
- Lien EP5 : Spécifier un vidéo projecteur : Des interfaces vidéo pour la vidéoprojection
- Lien EP6 : Spécifier un vidéo projecteur : Des interfaces vidéo très haute résolution
Texte et Illustrations JP Landragin
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