La vidéoprojection dans tous ses états: Ep5. Des interfaces vidéo pour la vidéoprojection

Comment raccorder une source vidéo à un projecteur ? Tel est l’objet de ce cinquième article, qui expose les caractéristiques des normes d’interconnexion analogiques et numériques DVI et HDMI auxquelles les fabricants se réfèrent.

De même que les écrans à vision directe, les vidéoprojecteurs sont riches d’entrées vidéo diverses et variées, en matière de standard vidéo, comme nous l’avons suggéré dans nos chapitres précédents, il faut faire la part des choses entre ce que le projecteur est capable d’accepter à ses entrées et de présenter à l’écran, et le format natif du projecteur, celui-ci correspondant à ce qu’il est capable de faire de mieux.

Nous détaillons ici les principaux standards de liaison vidéo acceptés par les vidéoprojecteurs, avec leurs caractéristiques essentielles incluses dans leurs normes respectives, auxquelles les constructeurs se conforment implicitement sans les détailler de manière exhaustive dans leurs spécifications.

L’analogique survit …

Figure 1 : Avec 5 prises coaxiales BNC 75 Ω, tous les cas de figures d’entrées vidéo analogiques sont couverts par ce puissant projecteur de Panasonic : Vidéo composite, RVB + synchros séparées H et V ou synchro composite, Y PR PB, et ce dans une multitude de définitions d’images et de fréquences de rafraîchissement.

Les entrées analogiques les plus courantes en composantes sont : 4 ou 5 entrées BNC 75 Ω (R, V, B, synchros H et V ou synchro composite, (voir figure 1), et le connecteur de type informatique dit « VGA » (Sub-D à 15 points en 3 rangées, voir figure 2 et tableau 1).

Figure 2 : connecteur vidéo en composantes analogique « VGA » issu du monde informatique. Il s’agit d’un connecteur sub-D à 15 broches en 3 rangées. La numérotation des broches sur la figure correspond au connecteur femelle situé sur une source vidéo. La numérotation d’un connecteur mâle, généralement monté sur un câble, est symétrique.

Tableau 1 : Brochage du connecteur vidéo analogique selon la norme VESA DDC2. Les composantes vidéo et les signaux de synchronisation sont sur 5 coaxiaux 75 Ω et la liaison synchrone à 3 fils dite DDC, de type I2C permet l’identification du périphérique (EDID).

La vidéo est positive avec une amplitude de 0,7 V sur 75 Ω, la synchro est négative, les fronts actifs sont les fronts descendants.
Le traitement du signal intégré au projecteur se synchronise automatiquement et redimensionne l’image ainsi fournie pour la rendre compatible avec l’affichage si les signaux font partie des standards acceptés en entrée (nombre de lignes, fréquences lignes et image).

Les résolutions et fréquences sont définies par la norme VESA (Generalized Timing Formula [GTF], remplacée par Coordinated Video Timings [CVT], formules établissant les relations temporelles dans un signal vidéo quelconque).


La communication I2C (Inter-Integrated Circuit Communication) est un standard de communication à bas débit développé par Philips au début des années 80, initialement pour le contrôle des circuits intégrés de dispositifs électroniques grand public (téléviseurs, magnétoscopes, lecteurs CD/DVD…) à partir d’un microprocesseur. Son succès a été tel qu’il a été exploité et étendu pour une multitude d’applications et est devenu un bus de communication à usage général, y compris entre appareils (ce qui n’était pas sa vocation d’origine).
I2C est un bus série synchrone bidirectionnel qui fonctionne en half duplex (en alternat, c’est-à-dire que la communication ne s’effectue que dans un seul sens à la fois). La liaison comporte deux connexions, l’une de signal (SDA), l’autre d’horloge (SCL). La communication s’effectue entre un seul « maître » et un ou plusieurs esclaves. Le débit qui était de l’ordre de 100 kbits/s puis 400 kbits/s au départ, peut atteindre, dans les versions actuelles, 3,4 Mbits/s en bidirectionnel et 5 Mbits/s en unidirectionnel.

I2C étant un standard de facto bien établi, intégré dans une multitude de composants, s’est facilement imposé comme standard de communication auxiliaire entre les sources vidéo et graphiques et les moniteurs et projecteurs vidéo. Ainsi, l’association VESA l’a adoptée dans l’interconnexion analogique dite « VGA » (canal DDC), puis l’a reconduit dans sa version numérique DVI.


le numérique progresse

Dans le domaine numérique, plusieurs types de signaux peuvent être acceptés, selon le positionnement et l’usage du projecteur. Il s’agit de signaux non compressés. En composantes numériques, la connexion la plus courante transmet les composantes vidéo numérique R, V, B sur des liaisons série séparées (avec éventuellement un son numérique dans le même connecteur multibroche).

Le premier type de connecteur est dérivé de l’informatique, c’est le DVI (Digital Video Interface). Il en existe plusieurs variantes, purement numériques ou mixtes (avec des contacts numériques et des contacts analogiques). La première version, DVI 1.0, remonte à avril 1999 (Voir figure 3 et tableau 2).

Figure 3 : Configuration des contacts du connecteur DVI mixte (DVI-I) côté broches du connecteur DVI femelle. Le connecteur transporte deux liens TMDS (donc 6 paires blindées) sur les contacts 1 à 24, avec les synchros analogiques et la liaison I2C (EDID). Les contacts C sont destinés à la vidéo analogique (RVB). La version DVI-D est compatible mais n’a pas les contacts C.

Tableau 2 : brochage du connecteur DVI-I dans sa version « dual link ».

La principale innovation dans le DVI est l’utilisation de liaisons différentielles et l’introduction de la transmission de type TMDS (voir encadré), qui permet le transport de vidéo à haute, voire très haute définition sous forme de trains numériques série sur trois paires torsadées, avec éventuellement des données annexes et du son numérique.
Toutefois, le DVI ne prend pas en charge le son, ce qui n’est pas gênant pour les vidéoprojecteurs. Le DVI inclut aussi la liaison I2C qui permet le dialogue d’identification du terminal (EDID).


La transmission TMDS (Transition-Minimized Differential Signaling) est la technique de transmission de données série à haute vitesse utilisée, entre autres, dans les interfaces vidéo DVI, HDMI et DisplayPort.
Elle a été développée par Silicon Image (membre du Digital Display Working Group, ddw.org), repris en mars 2015, par la société Lattice Semiconductor Corporation. L’émetteur met en œuvre un algorithme de codage particulièrement élaboré, qui répond à plusieurs impératifs :

Utiliser au mieux le spectre de fréquence en réduisant le nombre de transitions (d’où son nom),
Corollairement, réduire les interférences électromagnétiques sur les supports filaires (cuivre)
Permettre de manière fiable et robuste la récupération du rythme d’horloge (lorsque la liaison est asynchrone et que l’horloge n’est pas transmise séparément, elle doit être extraite ou dérivée du signal à la réception)
S’accommoder des retards et variations temporelles dues à différentes longueurs de câbles et aux câbles de qualité médiocre.

Le codage est une forme du codage 8 bits/10 bits, qui utilise un jeu de codes différent de celui développé à l’origine par IBM. Les 8 bits d’entrée sont convertis en 10 bits de sortie possédant les qualités requises dans un processus en deux étapes. Dans un premier temps, le premier bit est laissé inchangé et chacun des bits suivant est transformé par un XOR (ou exclusif) ou un XNOR (ou exclusif inversé) avec le bit précédent.
Le codeur choisit entre l’opérateur XOR ou XNOR en déterminant celui qui donnera le moins de transitions. Le neuvième bit signale celui des deux opérateurs qui a été utilisé. Dans la seconde phase, les 8 premiers bits sont éventuellement inversés de manière à équilibrer le nombre de zéros et de uns et maintenir la composante continue du signal. Le dixième bit signale si l’inversion est faite ou non.

Le symbole TMDS à 10 bits peut représenter soit une donnée vidéo sur 8 bits pendant la transmission normale, soit deux bits de données de contrôle pendant l’extinction de l’écran (suppressions). Parmi les 1024 mots de 10 bits possibles dans le code TMDS,

460 combinaisons sont utilisées pour représenter les valeurs sur 8 bits (en effet, la plupart des mots de 8 bits ont deux variantes codées, et certains n’en ont qu’une seule)

Tableau 3 : TMDS – Codage des bits de contrôle

4 combinaisons sont utilisées pour représenter les deux bits de contrôle C0 et C1 (voir tableau 3). Contrairement aux symboles de données, ceux-ci ont des caractéristiques telles qu’ils peuvent être reconnus à coup sûr, même en cas de perte de synchronisation. Ils sont donc utilisés pour synchroniser le décodeur.

2 combinaisons sont utilisées comme bande de garde avant les données HDMI,

les 558 combinaisons restantes sont réservées et interdites.

Sur le canal 0 de la liaison (DVI ou HDMI), les bits C0 et C1 codent pour les synchronisations horizontale (HSync) et verticale (VSync) respectivement. Sur les autres canaux, ils codent pour les signaux CTL0 à CTL3, qui sont inutilisés dans le DVI mais qui, dans le cas de HDMI sont utilisés comme préambule pour indiquer le type de donnée qui va être transmise (données vidéo ou salve de données), l’état HDCP, etc.

Comme l’interface LVDS (Low-Voltage Differential Signaling), TMDS utilise un signal différentiel pour réduire les interférences électromagnétiques et permettre de transporter des signaux plus rapides sur de plus longues distances avec une meilleure immunité.

TMDS utilise donc aussi des paires torsadées, ce qui réduit le bruit, plutôt que des coaxiaux comme il est d’usage en vidéo (en audio, on connait bien ce genre de liaison puisque c’est ce qu’on utilise dans les liaisons audio analogiques dites symétriques, ainsi que dans l’AES3). Pour la transmission vidéo numérique dans le standard HDMI, on utilise trois paires torsadées, chacune correspondant à une des composantes du système RVB.

La couche physique du TMDS est de type CML (il s’agit d’une famille de circuits logiques rapides dite Current Mode Logic), avec couplage en continu et charge adaptée reliée à +3,3 V (voir figure 4).

Figure 4 : Schéma simplifié d’une liaison CML (d’après document Maxim)

L’algorithme de codage gérant l’équilibrage de la composante continue, le couplage en continu fait partie de la spécification. On peut commuter ou répéter les signaux TMDS avec n’importe quelle méthode qui s’applique aux signaux CML. Toutefois, si le couplage continu n’est pas maintenu, certaines fonctions de détection sont susceptibles de ne pas se dérouler correctement.


Actuellement, le connecteur pour les composantes numériques qui a le plus de succès (malgré sa fragilité et son absence de verrouillage) est le HDMI (High Definition Multimedia Interface), qui est à peu près à la vidéo ce que l’USB est aux données banalisées.

Le standard HDMI reprend la transmission vidéo de type TMDS introduite avec DVI et prévoit, via la liaison I2C, un échange (avec authentification) entre la source et le système de visualisation et un dialogue aux termes duquel ils se mettent d’accord sur le format de signaux les plus appropriés, aussi bien en termes de définition (nombre de lignes, rapport hauteur/largeur, entrelacement…) qu’en ce qui concerne la fréquence de rafraîchissement. Le connecteur HDMI supporte aussi le son numérique.

Figure 5 : Configuration des contacts du connecteur HDMI le plus courant.

Tableau 4 : Brochage du connecteur HDMI à 19 broches (type A).

On notera que, en ce qui concerne l’image, HDMI et DVI sont fonctionnellement compatibles, si bien qu’on peut passer de l’un à l’autre en intercalant un simple adaptateur passif sur le câble. (Voir figure 5 et tableau 4).
On notera aussi qu’il existe plusieurs versions de la norme HDMI, et qu’il peut exister des problèmes de compatibilité avec les toutes premières versions.

On peut éventuellement trouver d’autres connecteurs empruntés aux moniteurs informatiques, comme le connecteur DisplayPort (défini et promu par l’association VESA), etc.

Figure 6 : Configuration des broches du connecteur vidéo numérique en composantes DisplayPort.

Tableau 5 : Affectation des broches du connecteur DisplayPort (côté source). On note la présence de quatre canaux de communication différentiels et d’un canal auxiliaire.

Celui-ci s’inspire beaucoup du DVI, mais présente diverses améliorations, notamment un débit supérieur et une communication par micro-paquets, permettant, théoriquement, de chaîner plusieurs périphériques d’affichage sur une liaison DisplayPort.
La conception mécanique du connecteur est censée éliminer certains inconvénients du connecteur HDMI (absence de verrouillage) et du connecteur DVI (verrouillage manuel). DisplayPort revendique la compatibilité avec les périphériques VGA, HDMI et DVI simple liaison au-travers de la connectique DisplayPort. (voir figure 6 et tableau 5).

Pour la suite … Nous n’avons pas épuisé, loin s’en faut, le chapitre des interfaces dont peuvent être équipés les vidéoprojecteurs. Le prochain épisode traitera des accès vidéo non compressés à haute et très haute définition, de la vidéo en réseau et des autres interfaces, notamment dédiées à l’exploitation et au contrôle, sans oublier le sans-fil de plus en plus demandé.

Et avec les autres épisodes :

 

Crédits -

Texte et illustrations : JP Landragin

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