La mariée était trop belle pour lui refuser ma main (tenant un dictaphone). Big Mick Hughes, Metallica, l’AccorHotels Arena en scène circulaire centrale et les VLFC, une tempête d’infra à peine sortie des ateliers de Meyersound. Reportage obligatoire !
Et quand on dit que la mariée était trop belle, on exagère à peine, Big Mick nous a gâtés comme jamais au point que nous avons dû couper ce reportage en deux parties. Un immense merci pour l’heure et trois quarts passée à parcourir le son, le clic dans le kick et ses « marques » de prédilection que l’on appellera M³ pour Metallica, Meyer et Midas, mais pas que, vous verrez.
Cette icône du live ne mâche pas ses mots. Si vous n’aimez pas le son, il est encore temps de vite partir sinon, noir salle !
SLU : Comment trouves-tu le nouveau Bercy Mick ?
Big Mick Hughes : Honnêtement je ne me souviens plus trop bien de l’ancien. On parcourt le monde et on visite tellement de salles que j’en perds la mémoire d’autant qu’avec cette tournée, on aborde des dates très différentes. 180°, 360°, stades, tout y passe. J’ai constaté qu’ici où nous avons une scène centrale, le grave est généreux, le public d’une certaine façon en ajoute et après les premières secondes hier, j’ai dû rapidement rééquilibrer mon mix.
SLU : Comment est organisée la diffusion ?
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Big Mick Hughes : La salle étant en hippodrome, pour le tir distant vers les deux grands virages, nous avons deux fois deux lignes de 10 Leo avec des rappels en deux fois 2 x 5 Lyon pour les gradins les plus hauts et distants. On a opté pour cette solution pour des questions de poids et de gêne visuelle. Pour le champ proche, nous avons deux fois deux lignes de 15 Lyon. Huit douches de 6 Leopard comblent le centre de chacun des quatre côtés et arrosent sous les 4 ensembles de subs. On n’a pas la possibilité de poser des enceintes sur le bord de scène et cette dernière est trop basse. Cela fait en tout 40 Leo, 80 Lyon et 48 Leopard.
Une vue générale de la diffusion. Pour vous la faire brève, tout ce qui n’est pas un cube noir (des panneaux vidéo) est du son avec 4 références, Leo, Lyon, Leopard et 1100-LFC. Les lignes les plus longues sont composées de Lyon, 8 sont des modèles M et les 7 du bas sont des W. Le rigging rien que pour l’audio nécessite 54 points.
SLU : Et pour le bas du spectre ?
Big Mick Hughes : Nous avons 4 arrays de 3 x 3 1100-LFC en endfire. Nous aurions aimé travailler avec notre ligne centrale de sub en montage TM-Array (Pour les extraterrestres qui ne connaîtraient pas ce montage génial de simplicité et d’efficacité, voici l’explication par le monsieur à qui on le doit et qui lui a légué ses initiales : Tom Mundorf. On aurait presque eu la place, mais le poids du son et surtout de l’éclairage est incroyablement élevé et il n’y avait plus de marge pile au centre pour cette quadruple colonne qui pèse tout de même 7 tonnes.
SLU : Pourtant tu es assez réputé pour obtenir ce que tu veux en termes de son…
Big Mick Hughes : Normalement oui, j’y arrive, mais comme tu le verras ce soir, le show a une scénographie magnifique et très particulière donc je suis presque content d’avoir laissé un peu de poids et de place aux éclairagistes. Le résultat est que nos subs ont été très avancés vers le public, là où j’aurais préféré qu’ils soient plus proches des têtes.
La solution trouvée pour répartir le plus de grave dans la salle en épargnant la scène tout en piquant le plus possible vers le bas. Quatre ensembles de neuf 1100-LFC comme celui-ci ont été accrochés.
SLU : Tu as déjà employé le TM-Array dans des configurations autres que la scène centrale ?
Big Mick Hughes : Oui mais une seule fois. C’était avec François Desjardins de Solotech, un type aussi adorable que compétent. La scène était plus avancée que d’habitude mais pas centrale.
François a donc opté pour un demi TM-Array, une config à 180°, mais comme les places latérales et in fine arrières aussi ont été vendues, on s’est retrouvé avec un TM-Array à 270° et puis un complet, et même comme ça, le rendu a été excellent.
Une source omnidirectionnelle unique et centrale, il n’y a rien de mieux. La création d’une colonne de 4 x 10 1100-LFC, évite d’arroser la scène et le plafond, et fournit largement de quoi couvrir une salle comme l’AccorHotels Arena. Pour ce soir, il va manquer des subs au sol mais James (Hetfield, la voix de Metallica NDR) a du mal à chanter avec.
SLU : Tu t’en tires en tiltant tes subs accrochés…
Big Mick Hughes : Oui exactement. On pousse un peu d’énergie vers le parterre à la fois mécaniquement par le décalage des hauteurs des trois sous-ensembles, mais aussi électriquement. Ce n’est pas parfait mais c’est une solution pratique. Je vais essayer d’autres subs sous la scène, peut être des 900-LFC. James n’aime pas la façon que j’ai de lui faire vibrer le plancher avec les 1100 (rires NDR). Je rigole mais s’il a du mal à chanter, il est de notre devoir de trouver une autre solution. Nous travaillons donc avec 36 subs et en avons 24 dans le camion qui peuvent être accrochés aux 4 coins en mode cardio.
Bob McCarthy Photo : B. McCarthy
On finira bien par trouver avec Bob McCarthy qui est le grand spécialiste Meyer. C’est son design. Ici ça va, c’est à Lyon qu’on va se marrer. Elle est bien étrange cette Halle (rires)
SLU : Qui est le prestataire qui assure la tournée ?
Big Mick Hughes : C’est UltraSound sans l’être tout à fait. Tout le système appartient au groupe qui l’a acheté. De mon côté je fais de mon mieux pour rester à jour techniquement, je n’ai pas loin d’avoir la soixantaine. J’essaie de connaître tout ce dont j’ai besoin, et le reste c’est Bob qui le gère très bien. Déjà je me suis mis au digital, enfin presque (rires) !
SLU : Tu me tends une perche en or massif. Qu’est-ce qui a changé le plus depuis que tu as pris en main le son de Metallica ?
Big Mick Hughes : Ouwwwwwhhh. (Tentative de reproduction du bruyant soupir de Big Mick NDR)
SLU : Allez, tout ce qui a changé en dehors des micros car généralement ils sont inoxydables.
Big Mick Hughes : (souriant) Pas tant que ça, ils ont changé aussi et puis, il n’y en a pas tant que ça sur scène. Toutes les guitares par exemples passent par Fractal et arrivent donc en direct à la console. Il en va de même pour la basse. Il n’y a plus que des micros pour le chant et, bien sûr, la batterie.
SLU : Le micro de chant semble être un Shure…
Big Mick Hughes : C’est le cas. James préfère le look du Shure 55 et a donc abandonné l’Audio-Technica. Le 55 est superbe mais n’est pas ce que j’appelle un micro haute-fidélité ce qui lui a valu une égalisation des plus énergiques. Maintenant il marche.
SLU : Et sur la batterie ?
Big Mick Hughes : Sous les cymbales et sur les toms j’ai des DPA 4099, dix en tout. Dans la grosse caisse j’ai un Audix D6 et un Shure Beta91. Sur la peau de frappe de la caisse claire j’ai gardé le bon vieil Audio-Technica ATM23 accompagné en dessus et dessous d’une paire d’ATM450 side-address et un troisième ATM450 sur la charley.
L’ATM 450 Audio Technica, avec sa tête reléguée sur le côté comme les yeux d’une sole!
Le 4099 DPA. Est-il vraiment nécessaire de le présenter ?Est-il vraiment nécessaire de le présenter ?
L’AE 5400 Audio-Technica, un statique cardioïde au GROS son et l’ex micro chant de Metallica. Le look a eu raison du son.
Le fameux Shure 55 qui a pris la relève. Bon, c’est vrai qu’il a un look d’enfer, limite tête de mort !
SLU : Donc plus d’amplis guitare du tout ?
Le MJF-212 équipé avec ce qui se fait de mieux dans un wedge. Une paire de 12’’ et un gros moteur 4’’. La patate garantie. Photo : Meyer
Big Mick Hughes : Non, Ils sont parfaitement servis par les wedges de Bob Cowan et Adam Correia et ont des points de chant ou de jeu bien précis où, en fonction de qui se place devant, leur instrument va arriver en plus des ears.
Ils ont pour cela les wedges, des MJF-212 qui ont un bas beaucoup plus riche par rapport aux 210 qui sont plus faits pour les voix. C’est avec les 212 que James accroche sa guitare.
SLU : OK pour le Shure 55, mais pourquoi ne pas avoir essayé d’y placer la tête de l’ancien Audio-Technica, l’AE 5400 qui te plaisait d’un point de vue sonore ?
Big Mick Hughes : Mais on l’a fait ! On a essayé du moins, mais la tête n’a pas assez d’air, elle respire mal et délivre un rendu un peu sourd et avec trop de grave. On a donc travaillé avec le capteur du 55. Nous en avons acheté 150 parce que cette tête est en définitive assez fragile et peut changer de son ou ne plus fonctionner en cas de chute ou à cause des conditions climatiques que nous rencontrons parfois. Une fois qu’elles ont pris la douche, elles ne retrouvent plus leur sonorité de sortie d’usine. On compare fréquemment entre un modèle neuf et celles qui sont sur scène et on écarte celles qui ont dérivé.
SLU : Et la correction que tu appliques…
Big Mick Hughes : Sur les 55 ? Je taille via un groupe où je route l’ensemble des micros, dans le bas médium. Il y en a vraiment trop, ce qui fait remonter le grain. Je suis à peu près convaincu qu’ils mettent là-dedans une capsule de SM58 ; la ressemblance est assez flagrante…
Une rare photo de TAC « Blue » Photo : Viguier
SLU : Reprenons notre retour en arrière. Les micros ont changé, et puis ?
Big Mick Hughes : Évidemment les consoles ! Si je me souviens bien, la première que j’ai utilisée était une TAC Scorpion ou peut-être la TAC Blue, à cause de la couleur du bandeau. Puis j’ai adopté la Pro 4 de Midas.
Et puis la Pro 5 aussi car elle avait une cellule paramétrique sur le médium ce qui pour l’époque était dément (rires).
Je l’avais découverte sur la tournée d’Ozzy Osbourne où j’avais remplacé une fois l’ingé titulaire, et comme il n’est jamais revenu, je me suis retrouvé à la tête de Metallica et Ozzy avec la Pro 5.
SLU : Jamais de Yamaha ? C’était très répandu à un moment.
Big Mick Hughes : Siiiii, les PM3000 et PM4000. J’ai dû mixer sur à peu près tout ! L’ATI Paragon m’a laissé le meilleur souvenir, elle sonnait fabuleusement et avait des touches avec des afficheurs en couleur, comme un petit œil coloré qui apparaissait quand tu appuyais sur la clé. Un sacré engin. Ca me rappelle les DBX 160 qui avaient le même type de touche et qui étaient souvent employés dans les racks de drive des systèmes des prestataires. On retirait la touche, on mettait une goutte de peinture sur la pastille en couleurs et comme ça, on les by-passait sans qu’ils s’en rendent compte (gros, gros rire) !
J’ai un autre souvenir. Un jour on doit jouer au Civic Center de San Francisco vers 1987. J’appelle le prestataire, et il m’annonce que la console « it’s a gamble ». Je lui dis que non, je ne veux pas aller parier au casino. Il insiste. Non, je ne suis pas joueur ! Et enfin il m’annonce qu’il s’agit d’une Jim Gamble. (Jetez un coup d’œil sur Jim qui raconte sa passion, c’est énorme avec le lien ici).
Une fois sur place, j’ai pu constater qu’elle sonnait vraiment bien, avec pour seul problème que tous les rotatifs tournaient dans le sens inverse d’une montre. Je te laisse imaginer ce que j’ai eu comme difficultés à travailler avec, d’autant qu’à l’époque il fallait reconstruire à chaque fois son mix. Je me souviens qu’on m’a demandé de grossir un peu le pied, et paf, j’ai viré tout le grave (rires).
Une XL4 telle qu’on en rencontre parfois lors de certains festivals où elle est encore demandée.
SLU : Et le numérique alors…
Big Mick Hughes : Le temps est malgré tout passé et même si je ne donnerai jamais à personne ma XL4, la plus fabuleuse console jamais créée, j’ai été consulté par Midas lors du développement de la XL8 que j’emploie toujours aujourd’hui, afin d’en faire une XL4 en numérique.
Du point de vue de l’ergonomie, elles se ressemblent, et puis tu mets du gain sur une tranche, tu la routes, tu pousses le fader et t’as du son. Je n’ai pas envie de jouer à la bataille navale pour faire mon métier. Je ne veux pas regarder un écran pour mixer.
Si j’ai une action à accomplir, elle doit être sous mon doigt. Mon assistant s’occupe d’éventuels problèmes et les règle, moi je mixe. Je dois me concentrer sur mon métier sans jouer l’informaticien de service. J’écoute mon groupe et je mixe.
SLU : Ton cahier des charges auprès de Midas a donc été de dire « je veux le cœur et l’âme d’une XL4, mais en numérique ».
Big Mick Hughes : Tout à fait. Les préamplis qui sont dans le stage et le spliteur DL431 sont ceux de la XL4. Ils aiment toujours être un peu maltraités. Si tu regardes mes faders, ils ne sont jamais à 0 car je travaille mon gain pour avoir la couleur que j’aime. Je ne mixe jamais à 0, pas plus que je n’utilise le trim numérique.
J’ai un étage d’entrée et un fader de sortie et là, tu as le son. S’il faut que les faders soient un peu en vrac, cela n’a aucune importance. Mais comme avec la XL4 il faut aller dans le jaune pour avoir le pied qui va bien, il faut bien penser après à baisser quelque part, sinon ton niveau va monter très, très haut (rires).
SLU : On sait pourquoi le son est meilleur dans le jaune, en tout cas pour le pied ?
Big Mick Hughes : Non. On pense qu’on bénéficie d’une sorte de compression dans les bus de mélange. On a tous constaté ce phénomène et on en joue. Tu charges le gain, ça sonne mieux.
La « petite » préférée de Big Mick mais pas que. Un certain Steph Plisson se régale parfois avec. 4 écrans dédiés aux voies d’entrées, aux effets internes et aux groupes et sorties. Le 5e affiche le niveau et l’analyse entre sortie table et mesure en salle. Tout à droite, l’enceinte posée est la petite dernière enceinte bi-amplifiée de Meyer, l’Amie (des petits déjeuners NDR) aussi à l’aise en studio, en ciné ou en tournée.
SLU : Mais j’imagine que les vrais défauts devenus des qualités recherchées de l’XL4, n’ont pas pu être transposés en numérique…
Big Mick Hughes : C’est impossible. Le clic du gate qui ouvre par exemple, la façon avec laquelle il ouvre ne peuvent pas être reproduits à l’identique, donc j’ai dû tricher. Je retarde chaque fût de 2,5 millisecondes. J’ai un trigger dans la batterie qui ouvre en temps réel. Cela permet à l’enveloppe totale du son d’être présente quand le gate ouvre. Je joue le « look ahead gate ».
S’il en restait qu’un…Le DS201 de Drawmer, un des meilleurs copains de la XL4.
C’est par le biais de ce stratagème que j’ai retrouvé une partie du son de mes gates Drawmer. Je ne peux pas en vouloir à Midas car cela est extérieur à leur console. Ce clic est important car il fait partie intégrante du son et apporte de la cohésion et de la précision à tout le kit.
SLU : C’est vrai qu’en plus ce clic est ta réputation…
Big Mick Hughes : C’est surtout la signature sonore du heavy metal ! Mixer un autre genre musical ne nécessite pas d’avoir cette attaque et ce son spécifique qui permet de traverser des murailles de guitare. Sans cette pointe, la grosse caisse ne serait qu’un rumble bien sourd. J’ai essayé, durant les 34 ans de Metallica, d’aborder leur mixage sous tous les angles possibles et imaginables. Je les ai tous essayés, je peux donc être serein aujourd’hui (sourire)
Je me demande si Big Mick arrive à faire bouger sa barbe avec les dB !
SLU : Te vois-tu continuer avec ce groupe pour toujours ?
Big Mick Hughes : …pfffffffff, je ne sais pas. Les années passent aussi pour moi.
SLU : Elles en sont où tes oreilles ?
Big Mick Hughes : Ca va, je fais régulièrement des audiogrammes et j’ai les problèmes de tout mec de 60 ans avec quelques belles encoches autour des 4 kHz.
SLU : Et c’est là que l’expérience et les outils rentrent en jeu.
Big Mick Hughes : Exactement. J’ai des repères visuels, des habitudes et des outils qui me permettent de ne pas être trompé par certaines salles. Je fais attention aussi au placement de la régie car le rendu d’une snare peut beaucoup varier. Les oreilles te donnent une impression qui peut être modifiée par un ensemble de paramètres. Le micro de mesure, lui, ne se trompe jamais.
Du bois dont on fait des châteaux, et pas qu’au figuré !
Le classique Martin modulaire, ici en 115 pour le grave. Ca fait presque drôle de revoir comme ça. Un seul ensemble…
SLU : Qu’est-ce qui a changé aussi dans la diffusion depuis tes débuts…
Big Mick Hughes : Tellement de choses. On empilait du bois, du Martin à n’en plus finir, des 2445 JBL par-dessus. Je trouve que ça sonnait bien. J’ai souvenir d’un spectateur américain qui m’a dit « je regrette l’époque des festivals où le son était massif et t’arrivait dessus, te passait presque au travers. Aujourd’hui, ces baguettes sonores sont juste propres, cliniques ».
Je garde dans mon cœur des configurations avec 168 double Bass Bin Martin, les 215. On en montait trois étages. On s’éclatait. A cette époque on pouvait avoir autant d’énergie dans le pied que dans la caisse claire. Boummmm Paaffff.
Le couple Midas et Martin faisait le son, et honnêtement tu ne pouvais pas avoir deux snares différentes. Aujourd’hui avec les line-arrays tu produis le son que tu veux vraiment.
Avec les châteaux Martin, les consoles Midas et l’AMS RMX 16 en non-linear, on avait tous le même, mais ça nous allait, et je me sers toujours de cette réverbération (rires).
Un gate derrière ce bijou pas très silencieux et voici comment faire « des caisses claires qui commençaient sur une face du 45T et finissaient sur l’autre » © J-Phi Bonichon ;0)
SLU : Dans la diffusion aussi le progrès est constant.
Big Mick Hughes : Oui, et on le doit au départ aux américains. En Europe on empilait et eux ont commencé à accrocher. Après les Martin, je suis passé aux HB3 de SSE, des enceintes que j’ai même emmenées en tournée aux USA, mais elles ont eu du mal.
Le couple magique MTL4 et MTH4.
Les salles européennes les plus grandes à l’époque, avaient une jauge de 8000 spectateurs là où les américaines, atteignaient facilement le double. On a aussi commencé à accrocher, mais c’était vraiment du bricolage car les boîtes n’étaient pas conçues pour ça.
Nous avons ensuite basculé sur le MT4 Electro-Voice qui était facile à mettre en l’air et quel système ! Pas de sub à proprement parler mais quelle patate et quel impact dans le grave ! C’était du Martin mais en plus pratique.
Le MT4 a fait le son de Metallica pendant très longtemps. Il a été leur signature. L’inconvénient c’est que pour un stade, il fallait 4 semies de bois, et ça c’est loin d’être apprécié par les prods.
Le Crest 8001. Il y avait plus lourd…Le 10001 !
SLU : Long à monter ?
Big Mick Hughes : Non pas trop, avec l’habitude on allait vite. Le plus compliqué était la manipulation des amplis. Ils étaient dans des trolleys de 18 amplis Crest 8001 avec le câblage. Je te laisse imaginer le poids… Ca ne chômait pas sur les rampes. (38 kg par ampli NDR…)
SLU : Mais on était encore en pleine époque interférente…
Tout a été dit sur le V-Dosc, sauf peut être « You better fucking listen to this » Photo : Solarisnetwork.
Big Mick Hughes : Oui, mais à cette époque on ne comprenait pas le problème, jusqu’au jour où on m’a dit, dans un dépôt et face à six petites enceintes plates accrochées l’une contre l’autre, d’aller tout au bout du terrain, après le parking. « You better fucking listen to this » Du V-DOSC. La nouveauté c’était ça. On n’avait jamais rien entendu d’équivalent.
Pendant quelques années, on a essayé de reproduire à notre façon, avec les MT4, le principe du V-DOSC en assemblant de longues colonnes de boîtes par trois, en montage légèrement concave, et en tiltant le tout vers le bas, jusqu’au jour où, dans un club des docks de Hambourg en Allemagne, je suis tombé sur du V-DOSC. 6 têtes et 4 subs par côté.
J’ai travaillé mon pied, et il est sorti sacrément gros. A un moment où ça bastonnait déjà fort et très précis, j’ai demandé où on en était dans les limiteurs. « T’es à 50 % sur les amplis » Je n’en croyais pas mes oreilles. « Vas-y, ouvre ! » J’ai fait tomber des chaises posées sur des tables et vibrer les miroirs et les bouteilles du bar. Je n’en revenais pas. Comment pouvait-on tirer une telle pression de 6 boîtes. Et je n’étais toujours pas dans les limiteurs. Comme dans un dessin animé, une ampoule s’est allumée au-dessus de ma tête. Mais, c’est ça dont j’ai besoin!
Les modules du système Alpha. Quelques années plus tard Nexo a remis ça avec le STM… Photo : Nexo
SLU : Comment s’est passée l’adoption du line-array ?
Big Mick Hughes : C’est drôle. On est parti avec du V-DOSC pour une tournée de salles de taille moyenne aux Etats-Unis sans rien, RIEN y connaître. Même pas une idée. Tous les matins on raccordait les boîtes avec la même forme en J et ça roulait plus ou moins bien. On a bien sûr été formé par la suite et c’était indispensable car le line-array était un autre monde.
Ensuite on est revenus quelque part dans le rang avec SSE et l’Alpha de Nexo, encore un chouette système où en plus on avait la possibilité de diriger un peu le haut du spectre. On manquait d’outils informatiques et de compétence pour tirer parti des line-arrays. Le progrès c’est bien quand ça améliore le quotidien et on n’y parvenait pas tous les jours. Le fait est qu’à chaque festival, on retrouvait des line-arrays, du V-DOSC et un jour je suis tombé sur du Milo de Meyer.
SLU : Ahhhh nous y voilà.
Big Mick Hughes : Oui. C’était en Islande. Pour la première fois j’ai trouvé un vrai aigu comme je l’aime. Depuis je suis fidèle à cette marque. Il faut avouer que le MT4 avec sa tête MH4 ou même le Nexo n’avaient pas un aigu très convaincant. Parfois on avait même du mal à en avoir (rires). Le Milo en donne. Il n’y a plus qu’à le mettre en forme.
Le Milo de Meyersound, une enceinte trois/quatre voies. Trois si l’on compte les deux 12‘‘, le moteur 4‘‘ et les trois moteurs 2‘‘ pour l’extrême aigu, mais 4 du fait des deux 12 qui partent de 60 Hz mais dont l’un des deux tire jusqu’à 600 Hz. Photo : Meyer
Après les M, place aux L
SLU : Et puis est arrivée la famille des Leo…
Big Mick Hughes : J’ai eu la chance d’être consulté lorsque le Leo, la première boîte de la série, a été conçue. J’ai pu faire part de mon désir de retrouver, autant que possible, ce qui avait fait le charme des systèmes d’antan et qui avait été perdu avec les premiers line-arrays. Quand on regarde comment est fait un système Martin, le grave comme le médium et l’aigu, sont tous chargés.
La force du Leo, la proximité des transducteurs, gros, puissants et alimentés par trois amplis gavés à l’aide d’un transfo toroïdal gros comme un pneu de brouette ;0) Photo : Meyer
SLU : Mais ce n’est pas évident à réaliser dans une si petite boîte ces charges, surtout pour le grave.
Big Mick Hughes : Et pourtant, John (Meyer NDR) est venu me voir un jour avec les prototypes du Leo qui comportent deux 15‘‘ et deux moteurs 4‘‘ démarrant à 400 Hz ! Comment s’y est-il pris… Pour moi un moteur déteste tout ce qui s’aventure sous le kilo et le meilleur moyen de raccourcir son espérance de vie c’est de le confronter à un pied et une snare. On est bon pour ramasser les morceaux (rires).
SLU : A défaut d’avoir un pavillon sur le bas, tu as deux gros 15”…
Big Mick Hughes : Oui, j’ai mon pavillon au-delà de 400 Hz, et le fait de ne plus avoir de filtre au-delà de cette fréquence très basse est super pour la phase et nettoie bien les voix. J’avais aussi fait remarquer que le Milo manquait de puissance comparé à d’autres boîtes. Les amplis étaient un peu légers, et quand on le poussait, on entendait ses limites. Avec Leo tu peux y aller tranquille.
Enfin je n’ai jamais été non plus un grand fan du 700-HP. J’ai donc demandé à ce qu’on étudie un sub pour accompagner cette nouvelle gamme, un sub qui puisse rivaliser avec la concurrence. Ils ont fait le 1100-LFC. Bonheur ! Il y avait à l’époque une différence de pensée entre Meyer qui était un fabricant de beaux produits, plutôt délicats et la réalité du terrain, plus industrielle et brute de décoffrage et que je représentais.
Les 1100-LFC à l’AccordHotel Arena, du grave comme l’aime Big Mick, sobre et puissant.
SLU : Il faut dire que si les anglais n’ont pas inventé la musique, ils ont eu un rôle plus que prédominant dans le rock et les outils pour le reproduire.
Big Mick Hughes : C’est vrai. Mais cette différence « sonore » entre nos deux pays (Big Mick est originaire de Birmingham en Angleterre et son accent n’a rien, mais alors RIEN d’américain ! NDR) vient peut-être des radios FM que les américains dès le plus jeune âge écoutent non-stop. Leur son FM est chargé en grave et extrême aigu, un vrai sourire.
Une sorte de CD comparé par exemple à un vinyle où le médium est plus présent. Les anglais et les européens en général venons plus des radios en ondes moyennes et donc le médium on connait (rires). Je ne parle même pas de la guerre des niveaux dans les radios qui a conduit à la même guerre sur CD. Les jeunes mixeurs sortent un peu de cette distinction et font tous du bon son.
SLU : Est-ce que l’on peut dire que cette tradition du son anglais se perpétue malgré l’arrivée du numérique ?
Big Mick Hughes : Oui, d’autant que tout n’est pas numérique (voire rien du tout dans par exemple la Leo de Meyer qui est une enceinte 100% analogique NDR) et même une console comme la XL8 se comporte bien peu comme un appareil numérique. Elle est capricieuse, elle a ses jours avec et ses jours sans et son fonctionnement varie de modèle en modèle. On en a deux complètes et je peux te garantir qu’elles sont « qwirky » une façon anglaise de dire uniques, spéciales.
J’ai une vieille Bentley qui m’en fait aussi des bonnes (rires) à en croire qu’en Angleterre on construit des produits supers, mais qu’on ne les termine vraiment jamais (rires). Pourquoi Martin n’a jamais évolué et conçu des enceintes que nous aurions pu accrocher nous aussi… Pense qu’on était obligé d’empiler du bois à n’en plus finir sur des plateformes, en le sanglant serré à s’en péter les mains, puisqu’après avoir monté notre édifice sonore par étages sur de la structure, on l’inclinait vers le bas (rires).
Un personnage, un vrai personnage qu’on écouterait des heures durant.
SLU : Est-ce que tu peux m’expliquer ce que Meyer entend par Linear Line Array ? On sait bien qu’un haut-parleur ne l’est pas, pas plus que nos oreilles (sourires) !
Big Mick Hughes : Ce qu’il faut entendre c’est que la relation de phase entre chaque fréquence est la même et donc l’enceinte est capable de reproduire chaque fréquence au même volume. Je travaille avec trois affichages. Je suis d’abord le niveau avec 10Eazy, ensuite avec SMAART j’ai une trace qui me donne le niveau électrique qui sort de ma console et enfin une seconde générée par le micro de mesure.
Tu ne peux pas savoir à quel point l’énergie électrique que je sors de la XL8 se retrouve à l’identique en énergie sonore. Il y a quelques années, la trace console et celle micro de mesure avaient de grosses différences, avec les Leo, on retrouve ce que l’on envoie. Bien entendu cette affirmation se heurte à la réalité du terrain et aux lois de la physique. En fonction de la distance, l’aigu varie. Si tu es à 55 mètres par exemples et que tu baisses le niveau, la première chose que tu vas perdre c’est l’aigu.
SLU : Ce fonctionnement le plus linéaire possible est important pour toi ?
Big Mick Hughes : Oui. C’est moi qui me charge de la couleur et du son du groupe. Ce que je demande, c’est un outil qui projette le mieux possible, pas qu’il fasse le son à ma place. J’ai besoin d’une boîte de pastels et d’une feuille blanche. Mais sans qu’il en manque un, car si on me demande de l’orange et je ne l’ai pas…
SLU : Le Leo est entièrement analogique là où le Lyon, le petit frère, dispose d’un filtrage numérique et une alim à découpage. Je crois. Est-ce que les deux sont compatibles ?
Big Mick Hughes : Électroniquement le Lyon est conçu pour être acoustiquement proche du Leo donc oui ça va, mais le Leo étant beaucoup plus puissant que le Lyon, on fait en sorte et en fonction des salles de le caler pour encore gommer ce qui reste. Et on fait bien en sorte de demander au gros de ressembler au petit et pas l’inverse!
Une ligne de 15 Lyon et le pommeau de douche de Leopard
SLU : Et les douches en Leopard, pourquoi…
Big Mick Hughes : La scène est très basse. Il est donc difficile d’y poser des enceintes sans tirer pile dans la figure des gens agglutinés aux crashs. Se prendre à un mètre et demi un line array n’est pas sympa. On veille aussi à tirer dans la zone où les Leo et Lyon ne vont pas et pour ça, envoyer du son depuis le haut, cantonne sa zone d’influence bien mieux que lorsqu’on tire à l’horizontale. Il marche bien pour ça le petit Leopard, il est très précis.
SLU : Ton mix doit être mono j’imagine.
Big Mick Hughes : Quasiment. Ca ne servirait à rien dans le cas d’une scène centrale de jouer une sorte de stéréo. Tu imagines le gars qui est devant une ligne et rate l’autre guitare durant tout le show ?
SLU : Rock = mono ?
Big Mick Hughes : Oui, quasiment. C’est rarissime que je m’aventure avant 11h et après 13h. J’ajoute un soupçon d’espace et c’est très bien comme ça. Un line array c’est très directif et tout mettre d’un côté revient à perdre en énergie et faire des malheureux. Il est vrai aussi que travailler en mono est loin d’être évident car il faut donner de la place à chacun.
Je le fais à la console en donnant par exemple aux deux guitares une couleur différente, mais il faut que sur scène il y ait aussi une certaine discipline. Et travailler en circulaire est encore différent car tu as énormément de sources sonores qui excitent la salle et créent des interférences. Je mixe face à une, parfois deux lignes, mais il y en a six autres qui me compliquent la tâche. Heureusement qu’à salle pleine, l’absorption joue son rôle.
Beaucoup d’enceintes, 168 têtes et 36 subs. Heureusement que l’ancien Bercy a été très matifié.
SLU : Et comment appréhendes-tu chaque salle quand tu arrives ?
Big Mick Hughes : Je commence par travailler mon pied pour qu’il soit le plus gros possible. Ensuite j’ouvrertie inférieure de l’assise la basse et je fais en sorte qu’elle épouse bien le pied et ait toute sa place et sa densité. Un grave tenu et bien plein. J’ai eu du mal hier ici car la salle paraît plus mate dans le haut du spectre et assez absorbante, du coup le grave ressort beaucoup.
Un détail du traitement dans l’AccorHotels Arena avec ces diffuseurs venant casser les echos sur ce mur.
Il en va de même pour le dessous de l’assise et qui, en absence de spectateur, ne présente plus une surface plastique réfléchissante. Bien vu.
SLU : Tu disposes de personnes qui peuvent se balader durant un show pour te donner des impressions autres qu’au point de mix ?
Big Mick Hughes : Oui bien sûr, mais ce sont leurs impressions et ce n’est pas facile d’en tenir compte comme si c’étaient tes oreilles qui avaient entendu.
Non, ce n’est pas fini ! Enfin, pour cette première partie oui, mais vous en avez encore autant voire plus avec Big Mick, Tom Lyon en charge du système et Bob Cowan et Adam Correia qui s’occupent des retours du groupe. Sans parler des VLFC, des éoliennes à l’envers. Quelques jours de patience et ce sera en ligne sur SLU.
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