On va vous faire un aveu. Big Mick était en forme et nous aussi. C’est donc reparti pour Metallica à Paris avec en guest Tom Lyon au système, Bob Cowan et Adam Correia aux retours et le VLFC !
Tom Lyon en charge des boîtes et Big Mick en charge de leur contenu. Une belle équipe.
Ou plutôt les VLFC, car la tournée est partie avec 48 unités de telle sorte à pouvoir faire bouger même un stade à ciel ouvert, autant vous dire que notre AccorHotels Arena en a pris pour son grade. On a pu s’en rendre compte dans la rue en attendant de pénétrer dans la salle. Pas facile d’arrêter des ondes aussi longues…
SLU : Raconte-nous les VLFC…
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Big Mick Hughes : Ahhhh ce sont de sacrés machins. Ils reproduisent le son entre 35 et 11 Hz, et j’ai un signal aussi bas en fréquence à leur donner. Je peux te certifier que ça marche ! On a commencé par vérifier si nous pouvions leur envoyer des fréquences aussi basses avec la Midas. Bingo, elle atteint les 7 Hz.
Un des quatre groupes de VLFC, un sub superlatif dont aucun chiffre n’a filtré en dehors de son poids de 135 Kg sans ferrures et 151 avec.
Ensuite on a suivi le trajet du signal et ici encore, pas de problème. Enfin avec Jay, mon assistant, on a dû trouver des messages sonores tirant parti de cette « nouvelle » octave en deçà de ce que l’on envoie aux subs habituels. Nous avons donc ajouté à des sons de flammes et d’orage, des fréquences autour des 15 Hz. Aucun signal musical n’est routé dans les VLFC, juste des effets sonores.
SLU : Tu ne vas pas me faire croire que tu n’as pas essayé…
Big Mick Hughes : Bien sûr que j’ai essayé. Évidemment, comment aurait-il pu en être autrement (rires) ! Mais c’est trop, ce n’est pas forcément musical sur des instruments acoustiques. J’en mets juste une lichette à un moment du show quand le groupe se sert de pads et sur l’intro de One et ses explosions.
SLU : Ce sont des fréquences très longues et pas très musicales..
L’arrière des VLFC typée Meyer avec le large radiateur, les grilles d’aération et la bavette protégeant les ports d’entrée.
Big Mick Hughes : Exactement, elles sont paresseuses, très lentes. Sur le pied, cela ramollirait terriblement le son. Sur une frappe ce serait mou, sur deux rapprochées, on perdrait toute précision.
Le VLFC ne produit pas de l’audio à proprement parler, il met très efficacement sous pression la salle. Si tu restes juste à côté quand ça joue, ça te coupe le souffle. On avait pensé en mettre tout autour de la scène mais ça la soulève (rires), du coup on les a répartis aux 4 coins de la salle. On en a en tout 48.
SLU : J’imagine que tout ce qui peut vibrer le fait.
Big Mick Hughes : Tout. Un jour on va casser quelque chose. On va finir par facturer les salles avec nos infras. Tous les vieux confettis et autres paillettes qui reposent sur les coursives tombent en pluie nourrie (rires). Le « Sonic Cleaning ! » On peut aussi casser les calculs rénaux. Quand tu restes devant le crash, c’est une expérience des plus étranges. Tu vois à œil nu les mouvements déments des membranes. Si tu résistes !
SLU : C’est toi qui as demandé les VLFC ou c’était un produit dans la roadmap de Meyer ?
Helen et John Meyer Photo : Meyer Sound
Big Mick Hughes : Dan Brown qui a été manager de la tournée et designer du show voulait trouver une solution qui permette de garantir des effets spéciaux de qualité, sans le risque de la pyrotechnie qui a joué des vilains tours par le passé. Des belles flammes toutes simples et du son pour soutenir l’effet visuel. Il a donc demandé à Meyer un gros niveau dans l’extrême grave et le VLFC est arrivé.
On collabore très étroitement avec Meyersound. L’équipe nous accompagne au quotidien. Quant à John et Helen, ce sont des personnes adorables. On leur ferait des câlins tellement ils semblent être les grands parents idéaux (rires).
SLU : Le VLFC marche aussi en extérieur ?
Big Mick Hughes : Bien sûr. On les monte simplement en arrangements endfire pour leur faire délivrer encore plus de concussion (Une concussion (du latin concussio ; de concussum, supin de concussere : secouer) est, au sens étymologique du terme, une secousse, un ébranlement.)
Un des techniciens de Meyer m’a aussi montré un projet d’intégration des VLFC avec les 1100-LFC pour en faire une sorte de réponse globale aux besoins en fréquences basses et très basses, entre 11 et 85 Hz. Il y avait plein de couleurs et de chiffres très éloquents. Si tout ce que j’ai vu devient réalité, ce sera chouette (rires ) !
Des barrières à moins d’un mètre des VLFC, pas vraiment un problème tant ce type d’enceintes et les fréquences reproduites. On peut se faire malaxer les boyaux devant comme derrière…
SLU : Ils peuvent être accrochés ?
Big Mick Hughes : Oui, tout est prévu pour cela mais l’idée ne m’a pas traversé l’esprit…Pourquoi pas dans le fond, on perdrait l’effet de sol mais c’est à essayer. Cela dit, si j’ai le choix, je préfère accrocher encore plus de 1100 !
SLU : As-tu entendu parler des nouvelles normes françaises applicables au plus tard le 1er octobre 2018 ? On va passer à 102 dBA et 118 dBC en tous points d’une salle et en intégration 15 minutes.
Courbes pondération Graphique : JPLafont
Big Mick Hughes : C’est bien, plutôt confortable. Les gens de Bercy sont venus me rappeler hier que la limite est de 105 dBA en LEQ 10 minutes alors que j’étais à 101. 105 sur 10 minutes c’est vraiment trop fort. Je travaille avec comme base une différence de 10 dB entre A et C et ça me suffit. Quand tu joues en Suisse, la limite très stricte est de 100 dBA. L’avantage du A c’est que cette pondération laisse la porte ouverte au grave car elle l’intègre de moins en moins dès 500 Hz.
Tu peux donc charger la mule sur le pied, la basse tout en ayant un niveau A très acceptable. Nous sommes de grands tricheurs tous autant que nous sommes derrière nos consoles. Je ne te dis pas que je n’ai pas allègrement passé les 120 en C, ce serait mentir. Je l’ai fait un nombre incalculable de fois. Metallica a joué beaucoup plus fort qu’aujourd’hui.
Les grands gagnants du futur décret 102 vont être les riggers et les fabricants de moteurs, ponts, et tout ce qui permet l’accroche. Tout va devoir être en l’air pour gagner en C quelques dB dans le médium aigu et beaucoup plus dans le grave et l’infra…
SLU : Tu as changé ton mix avec le temps ?
Big Mick Hughes : Pas forcément le mix, mais surtout le matériel. Avec les nouveaux systèmes, j’ai la possibilité de délivrer un son meilleur et plus précis sans avoir besoin de bastonner comme par le passé, et personne ne vient me voir pour se plaindre d’un son trop faible. Pour la mesure, il va falloir apprendre à discriminer ce qui vient de la scène et ce qui du ressort du public. Bon courage pour le faire taire !
102 dBA va nous obliger à regarder les niveaux un peu plus souvent, ce qui n’est pas un mal. Après, tenir un niveau raisonnable et une bonne intelligibilité du chanteur dans des configurations circulaires est plus difficile car tirer de façon omnidirectionnelle génère plus de retours salle et donc un besoin en son direct plus important.
SLU : Je pense que la vraie difficulté sera de placer sa diff en sachant que la mesure pourra être faite en tous points de la salle où peut se trouver le public. Y compris devant une antenne de subs…
Big Mick Hughes : Ouch, pas facile. Il va falloir tout accrocher alors, ou quasi tout. Intéressant. Nous allons clairement devoir repenser nos designs. On a commencé sans le savoir puisque nos subs sont des arrangements endfire accrochés. On trouvera. Nous disposons de moyens très importants, mais quid des petits concerts où tout est posé sur les côtés de la scène et face au public ?
Une rapide balade dans la régie placée sur la dalle et adossée aux gradins, côté Leo, démontre la simplicité des outils utilisés par Big Mick pour cette tournée. Toutes les réverbérations sont notamment générées par la XL8, que ce soit pour le chant, les guitares ou la batterie, avec l’avantage de sources arrivant à la console déjà propres et belles.
Le point névralgique de Big Mick. Il fait quasiment tout le son de la tournée avec. Il ne reste que des broutilles en rack.
Big Mick Hughes : Oui le son qui m’arrive est vraiment bien et à part les voix, je n’ai pas beaucoup de boulot. Je ne me sers que des compresseurs de la table qui sont très bien. J’ai eu la chance de collaborer à leur définition et on dispose d’un bon choix de couleurs. Je ne charge pas trop la compression, on n’est pas en studio et les remontées de bruit peuvent être très moches.
En revanche je recrée l’effet « Transient Designer » en laissant exprès passer avec un temps d’attaque très long, un petit bout de pied et de snare que je « récupère » rapidement, juste pour avoir une belle attaque. En relâche sur la grosse caisse je choisis un temps long en indoor et plus court en plein air. Si je regonfle mon pied avec un temps court, j’excite trop la salle et perds en précision.
Quand on a connu le Klark, on a du mal à s’en passer, surtout maintenant où l’on peut prendre la main sur autant de groupes ou de sorties que votre table sait calculer. Big Mick peut intervenir sur 8 stems dont le gauche/droite, les toms, les over, la basse, la voix et j’en passe…
SLU : Tu n’es pas un adepte des serveurs de plugs pour pouvoir travailler finement chacun de tes sons ?
Big Mick Hughes : Naaaaaa, je n’ai pas besoin de tout ça, je suis un adepte du the less the better, surtout avec Metallica. En revanche j’égalise les toms en groupe des car je considère qu’ils ne font qu’un en termes de rendu. On appelle ça un drum kit.
Individuellement je corrige essentiellement au coupe-bas pour qu’ils sonnent suivant leur taille et puis je règle l’ensemble pour leur donner la couleur que je veux. Je fais pareil avec les over heads. Je les égalise globalement car en plus j’ai six micros, un sous chaque cymbale.
Si c’est Big Mick qui le dit…
SLU : D‘où te vient cette manière de repiquer les batteries, tu n’aimes pas travailler avec le son pris par en haut et complété par fût ? Peut-être avec le métal s’y prend-t-on autrement…
Un rack avec deux effets perdus au milieu des sources et de l’enregistreur Joeco, le DRV 3000 Korg qui fait le « Master, Master, Master… » pitché vers le bas et le D2 t.c. que Big Mick aime tout particulièrement.
Big Mick Hughes : Ohh non, c’est à cause des élévateurs scéniques qui font monter et descendre les kits sous le plateau. On ne peut pas laisser de vrais over heads, il n’y a pas la place. Et puis on travaille la batterie de la même façon, les 6 micros placés sous les cymbales repiquent aussi les fûts tu sais !
Sinon une solution qui délivre un max d’énergie consiste à placer deux SM57 comme ceci sur la peau de frappe …C’est la meilleure façon de s’y prendre mais c’est plus facile en studio que sur scène.
SLU : Combien de snapshots tu as sur ton XL8 ?
Big Mick Hughes : Un max (rires) Un ! Avec Metallica, le son est fait par le groupe et dans ce type de salle et avec une scène circulaire, des changements subtiles ne s’entendraient pas ! Si j’ai besoin de changer quelque chose, je le fais à la mano. Old school !
Le seul cas de figure où je mémorise un autre état c’est quand j’ai des alternances acoustiques / électriques, la batterie qui part sous la scène ou des trouvailles du genre. Et puis tu connais des guitaristes qui te font un solo au même volume chaque soir ? Moi pas !
Le dessous du rack qui porte la télécommande du 31 bandes Klark Teknik. Deux périphériques simples et pas chers. Le BBE 882 pour apporter fraicheur et attaque aux toms et le DBX 120A pour le tom basse. Tout le reste, est calculé par la console.
La musique est jouée par des humains qui vivent leur musique et peuvent te défoncer les peaux, là où le soir d’avant il tapaient poliment. Tu perds plus de temps à tout re-régler et mémoriser pour recommencer la date suivante. Le Next, Next, Next, ce n’est pas pour moi.
SLU : Et tu te verrais toi aussi faire le son de Justin Bieber ?
Big Mick Hughes : Mais oui ! Une bonne caisse claire, un pied bien fait ou une jolie basse, c’est bon pour tous les artistes ! Il y a des musiques que je préfère, mais dès lors que ça joue, que l’intention est là, pas de problème.
Le transport en AVB et le système avec Tom Lyon
Tout mixeur pour bon qu’il soit, a besoin de son alter ego au système, au transport du signal et à la technique au sens large du terme, surtout vu le nombre de boîtes en l’air. Ce rôle est dévolu à Tom Lyon et nous l’avons suivi quelques minutes sous les gradins de Bercy pour découvrir la dégelée de racks de processing nécessaire à la mise en œuvre d’un aussi gros kit Meyer.
Tom Lyon (un nom définitivement en symbiose avec ce qui garnit la salle) nous a débusqué quelques Galaxy. Et il y en a d’autres…
SLU : Le système, wedges inclus appartenant au groupe, qui assure alors la prestation technique audio pour fournir tout le reste ?
Tom Lyon : Il s’agit d’Ultrasound, une société basée en Californie. En fait, tout appartient au groupe, même les consoles… Ultrasound fournit la main d’œuvre et la mise en œuvre du matériel en étroite collaboration avec Meyer. Cette société stocke et entretient aussi le matériel durant les périodes où le groupe est off.
SLU : Ils sont de sacrés dépôts alors !
Tom Lyon : En y repensant bien, je crois qu’ils vont avoir du mal cette année. On a encore 24 1100-LFC dans la semi ;0)
SLU : Le design est de Bob McCarthy et tu le fais évoluer ?
Tom Lyon : C’est ça, Bob est le grand spécialiste Meyer qui est sollicité pour des tournées aussi grosses que Metallica. Il est le directeur de l’optimisation des systèmes, en clair il conçoit la diffusion des productions qui partent en Meyer. Il nous arrive de ne pas avoir les clairances attendues ou l’incapacité d’accrocher pour des raisons de poids, dans ce cas, je reprends la main et adapte le système en conséquence.
Si on compte bien, on a 40 Leo, 80 Lyon, 48 Leopard, 36 1100-LFC et 48 VLFC, soit 172 enceintes à processer et à alimenter en analogique. Les dernières enceintes du fabricant américain étant 100% numériques, on imagine que bientôt elles pourront l’être en numérique.
SLU : Comment transportes-tu le son issu de la XL8 de Big Mick ?
Tom Lyon : On sort en AES avec une sécu en analogique et on quitte les quatre premiers processeurs placés en régie et qui gèrent les différentes zones en ADB en direction de l’ensemble des autres Galaxy. Nous en avons en tout 24. C’est le plus gros réseau AVB jamais constitué par Meyer à l’instant où je te parle. Chaque zone de drive reçoit deux fibres A et B sur deux switchs séparés et un flux analogique en sécu. Je suis en charge d’effectuer cette bascule le cas échéant.
Compass au commet de sa forme. 172 enceintes et 24 Galaxy. On en voit 18 sur 24 dans la ligne « Inventory ». En dessous les 16 points de diffusion. Ne manquent que les 4 groupes de Sub et les 4 groupes de VLFC. Pas de tout repos tout ça…
SLU : Combien êtes-vous à vous charger de l’audio ?
Tom Lyon : Nous sommes 6 pour Ultrasound et 4 pour Metallica. 10 en tout. Mais nous disposons de bras en plus pour le montage et démontage.
SLU : Est-ce que vous parvenez à monter ce type de show dans la journée ?
Tom Lyon : On essaie de ne pas le faire si le planning le permet. On préfère arriver, tout sortir et préparer, et le lendemain monter et exploiter.
Si ce n’est pas possible, on quitte une ville le plus vite possible et dès que nous arrivons dans la suivante, on réattaque immédiatement. Le groupe préfère jouer dans des Arena pour la proximité avec le public, mais c’est évident qu’un stade rend les choses plus faciles pour nous.
Bob and Adam’s time !
« Voulez-vous rencontrer et interviewer Bob Cowan et Adam Correia qui s’occupent des retours du groupe ? » Vous imaginez notre réponse, nous voilà donc partis dans les coulisses et les loges de l’AccordHotel Arena où, la place faisant défaut sous et à côté de la scène, la régie retours a été reléguée. Un silence délicieux y règne, juste brisé par l’éclat de rire des deux techniciens déjà face à leurs Midas.
Adam Correia à droite mixe et distribue sur la Pro4 les signaux pour Robert et Kirk. Bob Cowan à gauche qui travaille sur la Pro9 qu’on devine derrière les deux, sert James et Lars. Derrière leurs sourires se cachent deux redoutables professionnels.
SLU : On n’a vraiment pas voulu de vous sur un des côtés de la scène alors ?
Bob Cowan : Non, nous nous sommes réfugiés ici pour le bien de la scénographie (rires). Sous la scène c’était aussi impossible, elle est trop basse et comporte pas mal de parties en mouvement.
On a l’habitude de toute façon de travailler comme ça car même dans les stades, nous ne sommes pas au contact des artistes. Les seuls qui restent sont les techniciens pour les instruments car il y a énormément de changements. Il y en a un à chaque angle avec sa réserve de guitares.
SLU : Vous mixez pour des ears mais aussi des wedges et je n’en vois pas en régie. Comment faites-vous pour juger un niveau ou un rendu sans la même enceinte près de vous ?
Bob Cowan : Entre des wedges près de la scène et baignant dans l’ambiance qu’entendent les musiciens et des wedges que nous aurions ici dans une pièce fermée, la différence est telle que ça ne servirait pas à grand-chose. Si par hasard un Larsen part, on l’entendra aussi bien et même certainement mieux dans nos ears que dans un wedge. On s’en sert toujours quand on est près du groupe.
SLU : Vous ne ressentez pas le besoin d’avoir au moins un sub pour vous apporter un peu d’ambiance pour vos ears et reproduire ce qui se passe sur scène ?
Bob Cowan : Je n’aime pas reproduire, je préfère marcher avec mon iPad – on est à 150 m de la scène – et effectuer sur site certains réglages en écoutant le résultat. Je peux te dire qu’on en use des semelles avec Adam ! Une fois que le groupe monte sur scène, tout doit être fait et calé, il ne doit plus être nécessaire d’effectuer des changements majeurs.
Une vue de la scène centrale prise du haut de la dernière corolle de sièges. On aperçoit à droite les deux boudins de câbles apportant des victuailles au son, à la lumière, à la vidéo et aux très nombreux moteurs scéniques.
SLU : Ca ne te gêne pas de devoir te fier à des impressions à salle vide ?
Bob Cowan : Si j’étais à la face oui, sans doute, mais avec des ears, le son est assez cantonné, fermé. On est dans une sorte de bulle. Si la salle est vraiment très mauvaise, on peut percevoir un peu de réflexions en plus, mais pour le reste ça roule. Le groupe est relax et s’il devait y avoir le moindre doute, on balancerait à chaque date, ce qui n’est pas le cas.
Adam Correia : Nous faisons de notre mieux pour donner au groupe exactement le même son chaque soir. Théoriquement. C’est notre métier de leur permettre de retrouver leurs marques et de se sentir bien où que l’on soit. Travailler aux retours implique la plus totale régularité et précision. La seule chose qui change c’est la salle. Demain nous avons une date et, pour la première fois, une seule à Lyon, en général nous restons pour deux ou trois soirs. Cela ne changera rien à nos habitudes. Les backliners joueront, on fera un line check et on enverra le show sans problème.
SLU : Vous êtes des mecs fiables (rires)
Bob Cowan : Je pense oui !
Pendant qu’on parle, la salle se remplit…
SLU : Vous avez deux consoles. C’est pour vous partager le boulot ou pour bénéficier d’une redondance ?
Bob Cowan : On se partage le boulot. Je m’occupe du chanteur et du batteur et Adam du lead guitare et du bassiste.
SLU : Mais l’ensemble des sources est disponible sur chaque console…
Bob Cowan : Absolument, mais je ne travaille pas du tout comme Adam. Si je devais prendre sa console pour quelque raison que ce soit, j’aurais quelques minutes assez difficiles, sans parler du fait que nous suivons chacun nos deux artistes et nous leur donnons des wedges où qu’ils aillent.
SLU : Vos sorties alimentent les mêmes wedges ?
Bob Cowan : Oui absolument, chacun notre tour. Et je peux le faire à la souris si ma surface tombe. Je produirai quelques litres de sueur mais c’est possible (rires). Je plaisante beaucoup mais il faut que tu saches que c’est un boulot très intense. Il nous a fallu six bons mois pour mettre au point notre configuration numérique quand nous avons abandonné nos analogiques. On y a beaucoup réfléchi et on a travaillé sans le moindre musicien pour bien tout caler. On a joué des sons, des enregistrements multipistes de précédents shows pour bien emmagasiner le geste et la confiance. On a travaillé aussi avec des DVD de shows passés pour pouvoir répéter et presque mimer notre travail.
SLU : Vous aviez le multi du concert en question ?
Adam Correia : Bien sûr, ils roulaient synchro. Ça nous a permis de commettre toutes les erreurs et de les corriger, de trouver la bonne touche sans même réfléchir.
Bob Cowan : Durant le show, les gestes doivent être instinctifs. Tu n’as pas le temps de penser où se trouve tel menu ou telle commande, ça doit être instantané sans quitter des yeux ton artiste. Ce travail effectué seuls, en amont, dérive du fait que, par le passé, le groupe travaillait régulièrement dans sa salle de répète de San Francisco, ce qui lui permettait de prendre la route très facilement. On n’avait pas la moindre résidence. Aujourd’hui, les membres habitent plus loin les uns des autres et doivent donc répéter avant chaque tournée, ce qui nous permet de bénéficier de plus de temps avec eux pour tout caler.
Les écrans avec lesquels Bob et Adam surveillent les points de chant grâce à des caméras pointant le micro et donc l’artiste qui se présente devant. L’affichage central en rouge et jaune est certainement une caméra fonctionnant en faible luminosité afin de suivre les artistes même lors des changements de titre.
SLU : La transition numérique a été bénéfique pour le groupe ?
Adam Correia : Bien sûr. Il dispose maintenant de deux techniciens sur deux consoles donc de meilleurs suivis, une scène moins polluée et les quelques avantages propres au numérique.
Bob Cowan : Et on joue le rôle de leurs amplis guitare. On leur donne, avec l’aide des guitar techs, de quoi avoir le bon sustain et de quoi accrocher quand nécessaire.
Adam Correia : Quand on y pense, nous ne sommes que deux mixeurs avec quatre musiciens, pas de quoi se réveiller la nuit, mais je peux t’assurer que ça ne chôme pas ici durant le show. On est là pour rendre quelque chose de compliqué, le plus simple possible. On n’a pas le droit de se planter.
SLU : Est-ce que le show change chaque soir ?
Adam Correia : Oui. Il y a un corps commun et une partie qui en revanche change. Comme il n’y a aucune machine qui envoie des sons pré enregistrés, le groupe est libre de faire ce qu’il veut, comme il veut. Et il ne s’en prive pas.
Bob Cowan : Le plateau est tout petit comparé à ce qui se fait dans ce genre de salle ou ce que l’on trouve en festival où l’on a 40 mètres de bord à bord. Nous avons ici quatre points de chant et la transition de l’un à l’autre est très, très rapide. Nous ne savons d’ailleurs pas vers lequel ils vont aller. C’est presque un jeu pour nous de deviner sur quel micro ils vont chanter (rires).
Adam Correia : On passe notre temps à ouvrir et fermer des micros qui ne servent pas, à alimenter les wedges avec le bon instrument en fonction de qui se trouve à quelle place. Avec les DCA, on suit le mix en fonction des éventuelles demandes. On doit faire trois choses en même temps sur une seule surface et sur un seul layer.
Devant leur console respective, David à gauche et Bob à droite prennent volontiers la pose tout en ne quittant pas des yeux leurs écrans et ne quittant pas tout court leurs talkies qui n’ont eu de cesse de se manifester.
SLU : Ce qui est plus facile sur une analogique.
Bob Cowan : Exactement. Tu fais ce que tu veux en même temps sur tous les boutons sans te poser de questions.
SLU : Depuis quand avez-vous basculé en numérique ?
Bob Cowan : On est passé au numérique en 2013, beaucoup plus tard que le reste des copains (rires).
SLU : Vous êtes connectés avec le groupe ? Peut-il vous parler ?
Bob Cowan : Non, dans nos oreilles on n’écoute que le son que nous mixons et que nous envoyons vers la scène et c’est tout. S’il fallait que le groupe nous demande en plein concert de modifier sensiblement les niveaux ou la nature du mix, ce serait une TRES mauvaise soirée pour nous. On connaît nos artistes par cœur et on est là pour leur donner ce qu’ils attendent. En revanche, je leur parle pour leur rappeler l’arrivée d’un effet spécial ou la présence d’une trappe ouverte. La scène dispose de pas mal de mécanismes. Notre travail consiste à les mettre à l’aise, cette phase d’information en fait pleinement partie.
SLU : Quelles marques de ears et de liaisons utilisez-vous ?
Bob Cowan : Ultimate Ears pour tout le monde, et en ce qui concerne les liaisons on utilise deux marques. Les membres du groupe qui ont un mix stéréo sont équipés en Shure PSM1000 et ceux en mono ont du Sennheiser. Au départ tout le monde était en Sennheiser mais j’ai eu quelques problèmes de portée en stéréo sur nos scènes les plus grandes – elles peuvent être immenses – j’ai donc essayé et adopté le PSM1000. Ce n’est pas un problème de son, pas plus que de fiabilité, les Sennheiser sont indestructibles et à mon sens plus fiables que les Shure, mais ces derniers opèrent sur d’autres fréquences et une portée un peu meilleure.
Le MJF-210, deux 10” et un moteur de 4” aboutissant dans un guide 50° x 70° . Photo Meyer Sound
Adam Correia : J’ai personnellement quand même une préférence pour la spatialité, l’ouverture offerte par le PSM1000 qui me paraît aussi un peu plus fidèle. Notre boulot étant de délivrer du bon son, cela y participe.
SLU : Pour les wedges vous employez les MJF-210 du groupe en grand nombre…
Bob Cowan : Oui, avec le renfort aux points de chant de quelques MJF-212 pour apporter plus de punch aux guitares.
It’s show time !
19h30. Nous laissons les techniciens à leur travail et nous gagnons la tribune VIP où nous attendent des sièges confortables mais pas idéalement placés. Un coup d’œil au système face à nous suffit à voir que Lyon et Leo se font des câlins pile dans la zone où se trouvent nos sièges. Dès les premières notes, on en profite donc pour partir en balade aussi loin que la sécu nous y autorise, retrouvant du coup un rendu exempt de toute interférence. Précisons tout de suite qu’il est totalement impossible de ne pas avoir des zones de recouvrement dans un montage aussi complexe que celui déployé en 360° horizontaux et près de 100° verticaux.
Ca pèse parait-il beaucoup, mais qu’est-ce que c’est joli quand tous les cubes s’animent et s’illuminent. Un super design
Imaginez une généreuse demi-sphère, ôtez un trognon qu’on appellera la scène et vous avez le challenge. Malgré le travail fait sur l’acoustique de Bercy durant le long chantier de réhabilitation et le design soigné de Bob McCarthy, les points de diff et leurs fronts d’ondes sont trop nombreux pour ne pas se croiser et surtout pour ne pas exciter une salle où pas un seul siège n’est n’oublié par la prod. En vieux briscards, nous avons jeté notre dévolu sur une belle ligne de Leo dans laquelle le mix de Big Mick prend toute son ampleur.
Très tranquille derrière son XL8 en plein show. Estomac vide n’a pas d’oreille, mec stressé non plus !
Chapeau d’ailleurs à « Big Mix » pour le rendu gros, gras et dense de Metallica avec un aigu très raisonnable, une voix qui respire et un pied qui, sans faire vraiment clic comme par le passé, garde une attaque bien audible et discriminante. Le groupe peut être fier de son travail comme celui de Bob et Adam en coulisses. Effectivement les trois membres « mobiles » du groupe, le batteur est bien obligé de taper assis, n’ont de cesse de se balader aux 4 coins du plateau certains d’être accompagnés par le binôme de l’ombre, un vrai ballet.
Au début du titre, on passe rapidement du son Leo au son Lyon. La différence entre les deux boîtes est assez claire avec plus d’assise, de densité et de dynamique pour le Leo. Usine de chapeaux en revanche à Meyer pour le VLFC qui nous renvoie en arrière de plus de 40 ans. Pour ceux qui ont connu le Sensurround de Cerwin Vega du film Tremblement de terre, c’est en quelque sorte la même sensation mais en beaucoup plus fort, plus bas et moins traînant.
Alimenté avec des sources qui exploitent son extraordinaire potentiel, le VLFC va faire le bonheur de nombre de parcs d’attraction et autres tournées à la recherche de grosses sensations. Attention en revanche en tournée aux nouvelles normes qui obligeront à « creuser » dans la durée du show pour laisser cet effet exister en LEQ.
James Hetfield et les trois autres membres de Metallica en plein show.
Un dernier mot pour l’équipe technique dans son ensemble qui a été d’une disponibilité rare, les gens de Meyersound qui nous ont chouchoutés et l’équipe de Best audio (et Lighting) (et thunder grâce aux VLFC) qui nous a invités. On en a pris plein le buffet, mais c’était bon.
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