Une image prise au cours de la cérémonie d’ouverture des JO depuis la régie son. On distingue nettement le câble porteur ceinturant le stade et tendu tel une jante de vélo par des rayons externes et solidaires du toit. Les lignes sont accrochées au point de raccordement d’un rayon sur deux, ce dernier servant à véhiculer les courants vers les boîtes et les projecteurs.
Scott Willsallen (à droite) et Bobby Aitken à quelques heures de la cérémonie de clôture des JO.
27 juillet 2012, 21h, stade Olympique de Londres. Pas moins de 80 000 spectateurs et 500 millions de téléspectateurs vont découvrir ce que Danny Boyle a concocté pour la cérémonie d’ouverture des JO d’été. Dans cette très british et démesurée ”extravaganza”, c’est L-Acoustics qui a été choisi pour la diffusion, sous la baguette de Scott Willsallen, le concepteur audio aux 220 V-DOSC !
Une fois n’est pas coutume, nous n’avons pas assisté à cet événement planétaire, nous vous proposons donc une étude de cas, fournie par Scott Willsallen lui-même à qui nous avons malgré tout, en fin d’article, posé quelques questions bien frenchy dont nous avons le secret. Pour la petite histoire Scott, via sa société de consulting australienne Auditoria, est un spécialiste renommé dans la sonorisation évènementielle de grands espaces tels que les jeux Olympiques de Londres et d’Athènes, ceux du Commonwealth ou encore diverses coupes du monde de Rugby, sans parler du concours de l’Eurovision.
Introduction
Cérémonie d'Ouverture des JO 2012.
Une fois choisi L-Acoustics pour sonoriser le stade Olympique de Londres au cours des JO d’été et des jeux Paralympiques, toute l’équipe audio s’est retrouvée face à un challenge colossal.
Le cahier des charges implique à la fois de sonoriser un stade de 80 000 places pour les cérémonies d’ouverture et de fermeture des deux olympiades, mais aussi de sonoriser les 29 journées d’épreuves sportives qui s’y tiendront.
La quantité de boîtes requise s’avère exceptionnelle. Là où les plus grosses tournées utilisent une centaine d’enceintes de grand format, il va en falloir plus du double pour le Stade Olympique ce qui est une première à la fois pour Scott Willsallen comme pour L-Acoustics qui relèvera le challenge de raccorder sans doute le plus grand nombre d’amplificateurs de puissance sur un même réseau.
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Pas moins de 220 V-DOSC et 51 ARCS II vont être accrochés en 22 lignes à un câble porteur spécifique ceinturant le stade en tant que diffusion principale pour les cérémonies et les épreuves sportives, auxquels s’ajoutent, posés au sol face aux gradins, 88 SB28 et 100 Kudo en renfort pour les quatre cérémonies. Si on complète l’inventaire avec les quelques boîtes disposées çà et là pour déboucher quelques coins reculés, on arrive à un total de plus de 500 enceintes poussées par 70 LA-RAK. Chaque rack comportant 12 canaux de 1800 W sous 4 ohms, cela fait un total d’un mégawatt et demi. Quatre prestataires ont été mis à contribution pour mener à bien ce méga chantier : Delta Sound, Norwest, Autograph et Britannia Row.
Une grande partie des 35 personnes composant l’équipe audio. Tout à droite de l’image pour les plus observateurs se trouve Scott Willsallen et à sa droite son acolyte Bobby Aitken en charge du design des cérémonies.
Scott Willsallen, raconte son expérience.
Scott Willsallen : J’ai commencé à employer le Kudo en stacks posés au sol dès les cérémonies des jeux du Commonwealth de Melbourne en 2006 et, appréciant son rendu sonore, sa fiabilité et la prédictibilité de ses performances, j’en ai fait de même par la suite.
Il est tout de même apparu évident, à Bobby Aitken (Sound Designer des cérémonies) et à moi-même, que Londres 2012, de par la diversité des artistes invités et des tableaux prévus, allait nécessiter une approche encore plus qualitative de la diffusion apte à satisfaire à la fois les artistes, le public et l’ensemble des médias du monde entier, d’autant que nous avons dû assurer aussi la partie «épreuves sportives» qui en général ne nous échoit pas et fait partie d’un cahier des charges séparé.
Cette approche qualitative passait par l’utilisation d’une quantité inédite de matériel mais aussi des meilleurs prestataires et d’une équipe technique sans faille prête à travailler sans relâche pendant des mois.
Nous avons aussi dû faire le choix de la discrétion pour le système, ce qui nous a conduits à déployer un câble circulaire supportant l’ensemble des lignes source, tendu à hauteur du toit du stade au-dessus du public et des athlètes et ce durant près de quatre mois, laissant les boîtes à la merci des éléments.
Pour un designer sonore, la première chose à intégrer est la géométrie de l’espace à couvrir. Nous verrons plus loin que dans le cas de Londres 2012 cela a généré quelques challenges intéressants.
Design de base
J’ai choisi d’utiliser à la fois des stacks posés au sol pour couvrir les gradins du bas et des lignes accrochées pour ceux du haut. J’ai ensuite veillé à réduire au maximum le nombre d’éléments dans mes lignes tout en garantissant la couverture verticale, et j’ai fait de même dans le plan horizontal avec le nombre de lignes accrochées tout autour du stade. J’ai bien entendu joué avec les propriétés de la boîte retenue.
Une grande portion des gradins a été dévolue aux médias du monde entier. Les télévisions ont pris place dans les gradins du bas et la presse écrite dans ceux du haut. Tous les postes des commentateurs ont été placés dans les gradins du bas avec une demande de pression réduite sur cette zone. Nous avons atténué de 6 dB le niveau afin de rendre les interventions au micro aussi propres que possible, tout en ne détachant pas trop cette zone stratégique de l’ambiance générale du stade.
Diffusion alternée gauche / droite
On a fait le choix d’offrir un semblant de stéréo au plus grand nombre possible de spectateurs, tout en étant conscient du fait qu’un système distribué rend la perception de l’espace stéréophonique assez difficile. Nous avons pour cela alimenté des paires de lignes et de stacks au sol avec les mêmes canaux.
Sonorisation des épreuves
Il a été décidé assez tôt que les 22 lignes accrochées seraient aussi utilisées pour toute la durée des épreuves sportives, ce qui a conduit à ajouter des boîtes afin de taper en douche jusqu’aux gradins du bas. Ces enceintes additionnelles n’ont pas été utilisées au cours des quatre cérémonies.
Emplacement des enceintes
Une des 22 lignes de 10 V-DOSC et 2 ARCSII déployée dans le stade. On aperçoit le bumper spécifique ainsi que les nombreuses élingues assurant sa tenue mais aussi une certaine stabilité en cas envers effets de tangage, roulis et lacet. Bien visible aussi le câble porteur circulaire de 48 mm de diamètre et les deux structures tripode rigidifiant le montage et permettant l’accroche de projecteurs.
Un câble porteur continu d’un diamètre de 48 mm a été tiré et tendu par 56 radiales fixées au toit du stade, le faisant courir à une distance de 30 mètres de ce dernier, et à une hauteur de 30 mètres du sol. Cet emplacement s’est révélé être le meilleur choix pour assurer une bonne couverture.
Chacune des 22 lignes a été suspendue à l’intersection entre le câble porteur et un des câbles tendeurs afin d’assurer sa stabilisation verticale et en lacet. Le positionnement des lignes a aussi dû tenir compte de certaines caractéristiques propres à des olympiades comme par exemple la flamme.
Le Design
Le design en lui-même a été facilité par l’existence du stade dans lequel j’ai pu me balader et valider certaines idées, et la présence de fichiers Autocad très précis.
J’ai ensuite créé un modèle EASE à partir des .cad ce qui m’a permis de travailler sur cinq scenarios techniques impliquant des produits spécifiques dont ceux de L-Acoustics et de valider ces 5 alternatives.
A partir de ce moment nous avons commencé à affiner le projet.
Le travail sur l’option L-Acoustics a été réalisé à l’aide de Soundvision avec quelques analyses du champ réverbérant faites sur EASE.
Géométrie du stade
La forme de cette enceinte est relativement simple et régulière, et seuls trois éléments interrompent la géométrie des tribunes basses et hautes : les écrans nord et sud et la partie du milieu de gradins ouest. Mon approche a été de placer avec régularité des lignes accrochées et des stacks au sol afin de garantir la couverture verticale et j’ai choisi de régler ces trois points durant la phase de calage du système.
Longueur de la ligne
Afin de garantir une couverture et un rendu optimaux dans la totalité des gradins hauts, chaque ligne a nécessité 10 V-DOSC. Avec une longueur totale de 4,5 mètres, cet ensemble de têtes a aussi garanti un bon guidage des fréquences basses.
Un graphique qui se passe quasiment de tout commentaire. Il s’agit de la prédiction de couverture d’une parmi les 22 lignes de V-DOSC dont on apprécie la qualité en termes de régularité de niveau et de couverture aussi bien verticale qu’horizontale.
On peut apprécier la couverture verticale des gradins haut et milieu au travers du graphique Soundvision ci-dessous, couverture qui se répète à l’identique avec les 22 lignes déployées tout autour du stade. Le choix de 22 points d’émission nous a permis de trouver le meilleur compromis entre un rendu stéréo et les inévitables interférences de chevauchement impactant l’intelligibilité. Enfin, le chiffre de 22 lignes s’est révélé être idéal vis-à-vis des particularités du système de câble porteur.
Une fois terminé le design des 22 lignes, il a fallu trouver une solution pour la phase des épreuves sportives afin d’étendre leur couverture aux gradins du bas. Face à l’absence des subs, nous avons choisi de charger un preset full range en poussant par ailleurs un peu le bas du spectre ce qui nous a donné suffisamment d’énergie à 40 et 80 Hz. Cette approche a rendu possible l’emploi de simples systèmes 2 voies pour déboucher les gradins du bas, ce qui a été bénéfique en termes de poids et d’amplification. Par chance, L-Acoustics a commencé à livrer l’ARCS II juste à ce moment-là, une enceinte ligne source à courbure constante parfaite pour cet usage à raison de seulement deux boîtes par ligne.
Stacks au sol
Les stacks au sol sont chacun composés de 4 Kudo et 4 SB28.
Le Kudo est suffisamment compact pour pouvoir être empilé par quatre sans être trop haut. Quant aux 4 SB28 ils sont alignés pour créer un array contrôlable horizontalement.
Le contrôle vertical n’a pas été retenu, le but étant de réduire au maximum la dispersion de chaque ensemble et d’améliorer l’impact et la précision de la diffusion.
Cette approche a donné de très bons résultats et je compte la remettre en œuvre prochainement.
A même la piste du Stade Olympique, voici l’un des 22 ensembles de quatre SB28 et quatre KUDO en charge de remplir la première octave entre 30 et 60 Hz pour les subs et de couvrir les gradins du bas pour les têtes. Bien entendu ce montage très plat pour ne pas gêner la visibilité des spectateurs placés en bas des gradins a été retiré pour la période des épreuves athlétiques et remonté pour les deux cérémonies de fin.
Débouchage des zones d’ombre
Le design étant étudié pour épouser la géométrie des lieux, il a fallu déboucher un certain nombre de zones d’ombre créées par le décor, les plateaux ou encore les praticables des caméras. A cet effet huit 12XT ont été déployées durant les cérémonies pour y remédier. Ces zones avaient de toute manière été pointées lors de la phase de prédiction.
Installation du système
Le rigging du système a été conçu par Jeremy Lloyd (Manager technique, en charge des structures). Les 22 lignes ont été installées en 4 jours. L’ensemble d’accroche est composé d’un bumper, d’un mât courbé en guise d’épine dorsale à l’arrière des 10 V-DOSC, d’un mat droit rigidifiant l’ensemble et supportant l’éclairage et enfin d’un bumper pour les deux ARCSII.
Installation de l’amplification
Le Stade Olympique dispose d’une passerelle technique courant tout le long du toit et de diverses salles techniques abritant des tableaux pour des automatismes, la distribution électrique ou sonore. Les amplificateurs ont été répartis au plus près des points de distribution du signal sonore et aussi au plus près des enceintes à alimenter afin de limiter les longueurs de câbles à 50 mètres maxi mais garantissant à la fois une bonne protection face aux intempéries, surtout la fameuse pluie londonienne.
Réseau et distribution du signal
Le transport du signal et des données du système est effectué par le biais de quatre fibres distinctes Deux en boucle fermée sont dévolues à Optocore pour le transport du signal, les deux autres véhiculent les datas au travers d’un réseau gigabit administré via des switches. Il est connu sous le nom de Audio LAN.
Cet Audio LAN est administré en 4 VLAN dont un est dévolu au LA Network. Avec plus de 200 amplis LA8 en réseau, la gestion et la programmation des adresses IP est essentielle. Chaque ligne accrochée emploie 6 contrôleurs LA8, 5 pour les V-DOSC et un pour les ARCS II, les stacks au sol requièrent quant à eux 3 contrôleurs, deux pour les Kudo et un pour les SB28. Cela représente donc neuf adresses IP par ensemble de diffusion haut et bas.
Emergences
Nous n’avons jamais dû adapter ou limiter les performances du système du fait des émergences. Un système de mesure et de stockage des valeurs SPL a été installé à la régie son et activé à chaque émission sonore. Nous avons reçu un nombre très limité de plaintes de personnes vivant à proximité du stade suite aux balances effectuées pour la cérémonie de clôture. Vu l’horaire auquel nous avons répété, je pense que j’aurai moi-même pu faire partie des râleurs.
Test, calage et mise en service
LA Network Manager
Une fois que le choix de Delta Sound et du design basé sur les produits L-Acoustics a été fait, nous avons commencé le travail sur le contrôle du système. L-Acoustics nous a offert une collaboration sans failles. Nous avons été les tout premiers à utiliser la version 2 du LA Network Manager et à tenter l’expérience de raccorder 223 contrôleurs sur un même réseau. Face à nos doutes, ils nous ont proposé de maquetter à Marcoussis durant un mois une configuration similaire. Ils l’ont proposée et ils l’ont faite, allant jusqu’à utiliser exactement la même adresse IP que celle que nous avons prévue pour chaque appareil. Un tel niveau de collaboration est tout bonnement incroyable.
Le support client dans toute sa splendeur. Voici une image de la maquette de la configuration de Londres 2012 telle qu’effectuée à Marcoussis dans les locaux d’L-Acoustics à l’aide de 220 contrôleurs LA8 bien séparés par un bout de carton ou une dalle de moquette, alimentés en audio et secteur, pris en réseau et pilotés par Marc Benard, l’ingénieur application en charge des contrôleurs chez L-Acoustics. Tout a été fait à l’identique y compris au niveau du choix des switches afin de garantir aux organisateurs la parfaite disponibilité et fiabilité de ce montage.
Marc Benard (Ingénieur application en charge des contrôleurs L-Acoustics) : Habituellement les designs pour des stades impliquent le déploiement de 60 à 80 contrôleurs, autant dire que le challenge de Londres 2012 et des audiences attendues nous ont légèrement mis sous pression.
L-Acoustics a joué son rôle en prenant en charge le maquette complète de cette configuration. 200 contrôleurs ont été déballés et connectés à la fois à une distribution audio en analogique et AES/EBU, et ont été mis en réseau dans les mêmes conditions et avec les même switches et les mêmes protocoles que ceux employés dans le stade.
Tous ont été pilotés grâce à un PC basique tournant sous Windows XP grâce à la toute dernière version du LA Network Manager et son système de messages.
Cela nous a permis de tester la résilience et le temps de réponse de notre plateforme. Ce travail bénéficie désormais à tous les utilisateurs, qu’ils pilotent une paire de contrôleurs ou qu’ils soient à la tête du système des plus grandes tournées internationales.
Scott Willsallen : Nous n’avons eu à déplorer aucun problème avec le LA Network Manager et le test grandeur nature opéré par le fabricant a fini de me convaincre quant à la qualité et à la disponibilité immédiate de ce logiciel.
Utilisation du LA Network Manager
Avant Londres 2012, j’ai employé de nombreux produits L-Acoustics mais peu souvent des contrôleurs LA8 et encore plus rarement au travers du LA Network Manager. Le chargement des presets s’est révélé être rapide, tout comme l’affichage des diverses vues offrant de nombreuses informations durant les essais et l’exploitation.
La faculté de créer des groupes avec ce soft est remarquable, et permet des modifications de retard ou des égalisations par zone de façon rapide et fiable.
Les groupes facilitent aussi la mise hors service rapide de zones entières, une fonction utile au cours des répétitions.
Justin Arthur, l’ingénieur de Norwest Productions en charge du patch système, a passé le plus clair de son temps sur ce logiciel, et a apprécié à la fois son ergonomie, sa rapidité et sa fiabilité, sans parler du support constant offert par Marc Benard et ses équipes via mail ou téléphone, à chaque fois que cela a été nécessaire.
La taille des fichiers ne dépasse pas quelques centaines de kb malgré le nombre de contrôleurs en réseau facilitant aussi leur gestion.
Précisons enfin que L-Acoustics a même écrit une révision du soft après que nous ayons détecté un bug.
Calage du système
Le calage du système a été exécuté en tenant compte des paramètres extérieurs et intrinsèques au système. Ces derniers ont été identifiés et exploités par L-Acoustics afin de programmer l’Array Morphing Tool.
Processing sur les contrôleurs LA8
Etant habitué depuis des années à la qualité et à la flexibilité du processing offert par Lake, j’ai eu quelques doutes quant aux ressources offertes à même les LA8. J’ai été jusqu’à douter de la validité de n’avoir qu’un jeu de filtres, identique, sur tous les produits. Après avoir pris mes marques, je dois reconnaître la justesse de ce choix. Rien n’empêche de croire que la simplicité dans le filtrage sur les LA8 soit dû à des ressources DSP insuffisantes ou bien au désir du fabricant de réduire les réglages afin d’éviter les erreurs des exploitants, mais cela est faux. Cette simplicité est simplement due à la maîtrise et à la sophistication de la gamme de L-Acoustics, un niveau qu’atteignent uniquement un ou deux autres fabricants.
Array Morphing Tool
La balance tonale d’une ligne source varie en fonction du nombre de boîtes et de la courbure mais aussi en fonction de la distance d’écoute. La bonne nouvelle est que cela peut être prévu et ne pas altérer la courbe de réponse en fréquence. Les presets de L-Acoustics ont été conçus afin que tel ou tel choix ait un impact aussi limité que possible sur le rendu, et que ce dernier puisse être modifié facilement à l’aide d’un outil spécifique du LA Network Manager appelé Array Morphing. Les essais que j’ai menés avec le Zoom Factor sur un système employant le preset V-DOSC-LO et en dehors de tout filtrage FIR ou IIR ont démontré à la mesure et à l’oreille sa validité. Le LF Contour a aussi pleinement donné satisfaction. En définitive le calage du système a donné lieu à des valeurs de zoom de 0.63 pour les cérémonies et 1.0 pour les épreuves athlétiques.
Egalisation du système
En complément de l’Array Morphing Tool, L-Acoustics offre un jeu de filtres FIR et IIR permettant d’égaliser finement le système dans son environnement. Nous avons tiré parti de l’ensemble des filtres IIR pour mettre un peu d’ordre dans le bas médium ainsi que des FIR 2 et FIR 3 afin de renforcer le haut du spectre. Nous avons passé beaucoup de temps afin de trouver le meilleur compromis possible avec Bobby Aitken, le designer sonore des cérémonies et Richard Sharratt, l’ingé son façade de la cérémonie d’ouverture des Jeux. A cet effet nous avons utilisé quatre liaisons HF de mesure placées dans un plan vertical face à une ligne afin d’en vérifier la cohérence. J’ai été étonné de constater à quel point les mesures ont été proches des valeurs des prédictions.
La difficulté de modéliser précisément la partie basse des gradins à cause des interactions entre les Kudo posés à même la piste et les sièges n’a pas été une surprise mais vu mon expérience avec ce type de déploiement, le calage et l’égalisation ont été longs mais couronnés de succès.
En revanche, la balance entre le niveau des Kudo et celui des V-DOSC a été épineuse. Nous avons modifié les valeurs un nombre incalculable de fois avant de trouver le bon réglage. Des écarts ne dépassant pas 1 dB se sont révélés cruciaux pour le rendu final. Nous avons eu la chance de disposer de suffisamment de temps pour optimiser le calage. Ce temps en plus a réellement permis d’obtenir un résultat acoustiquement meilleur.
J’ai du mal à trouver dans ma carrière un exemple de panne sur un système L-Acoustics et cette fiabilité a été l’un des points clé dans le choix de cette marque du fait de la difficulté d’accès aux lignes une fois accrochées.
Avec plus de 450 boîtes directement exposées aux aléas climatiques pendant plus de 4 mois, nous n’avons eu à souffrir que de la défaillance de deux HP de grave de 15’’. Ceci est la preuve non seulement de la qualité des produits L-Acoustics, mais aussi des efforts faits par Delta Sound dans la préparation des systèmes pour cet événement.
En conclusion la diffusion a été excellente. D’innombrables personnes ont témoigné d’un rendu sonore de haute tenue dans le stade. J’ai pris beaucoup de plaisir à collaborer avec des personnes aussi talentueuses que Bobby Aitken sans parler des équipes de Delta, Norwest ou Autograph.
A la vue d’une affluence aussi massive et d’un tel embrasement, on comprend le besoin de disposer d’une pression homogène et de qualité afin de couvrir ou du moins lutter à armes égales avec le vacarme généré dans le stade.
Richard Sharratt (ingé son FOH de la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques et paralympiques) : Le moins que l’on puisse dire c’est que la taille de l’installation sonore est pour le moins inhabituelle mais grâce aux bons soins de Scott et Bobby, elle a parfaitement fonctionné. Collaborer avec une équipe aussi charmante que provenant d’horizon divers a été un réel privilège.
Gary Bradshaw (ingé son FOH de la cérémonie de clôture des Jeux Olympiques) : L’atmosphère dans le stade était électrique, là où dans l’équipe on a ressenti surtout une excitation mêlée à du stress. Du fait du faible temps de répétition pour la cérémonie de clôture, le risque d’erreur n’a quitté l’esprit d’aucun technicien, le public en revanche s’est retrouvé et a communié d’une façon étonnante… J’ai été honoré de collaborer à un tel événement.
Piers Shepperd (Directeur Technique des cérémonies de Londres 2012) : Les quatre cérémonies ont impliqué un nombre important de sources audio allant du Philarmonique de Londres au groupe Coldplay. Le système L-Acoustics a toujours délivré un son d’une incroyable qualité. Où qu’il soit placé dans le stade, chaque spectateur a bénéficié d’un excellent rendu, sans aucune distorsion et avec une remarquable intelligibilité.
Bobby Aitken (Sound Designer pour les cérémonies) : J’aimerais dire un mot sur l’équipe de 35 ingénieurs, concepteurs, managers et techniciens qui composent l’équipe son. Jamais en 30 ans de carrière je n’ai été autant honoré de travailler avec un tel groupe de personnes, toutes plus talentueuses les unes que les autres. On doit notre succès à cette équipe montée par Paul Keating de Delta Sound, Chris Ekers le Prod manager et bien entendu Scott Willsallen. Le choix du matériel a son importance, mais ce qui compte vraiment ce sont les hommes.
Roland Hemming (Manager Audio des épreuves sportives de Londres 2012) : Je pense que tout le monde s’accorde à dire que l’ambiance dans le Stade a été remarquable et la diffusion a certainement sa part dans ce succès. La performance du système L-Acoustics a été excellente.
Interview de Scott Willsallen par SLU
Après cette étude minutieuse et très détaillée de son travail pour les JO de Londres, Scott Willsallen a bien voulu répondre depuis Sidney à quelques questions de SLU de retour d’un déplacement en Russie.
SLU : Comment s’est passé le choix de L-Acoustics en tant que marque ?
Scott Willsallen : Ce n’est pas tant la marque, une parmi d’autres, qui a été choisie, mais bien la proposition de Delta Sound et de ses partenaires, le prestataire retenu, et qui était basée sur des produits de cette marque. Cela dit, nous avons déjà utilisé, Bobby Aitken et moi, des systèmes L-Acoustics avec succès dans le passé mais même si ce choix nous paraissait évident, il n’a été fait que par projet interposé. Une fois que j’ai établi les 5 designs, les six prestataires sélectionnés ont pu répondre à l’appel d’offre en utilisant le design de leur choix. Delta Sound étant un grand utilisateur de produits L-Acoustics, leur proposition a tourné autour des produits de cette marque et plus particulièrement du V-DOSC.
SLU : As-tu eu de la part des organisateurs des demandes spécifiques en termes de pression sonore, intelligibilité ou réponse en fréquence ?
Scott Willsallen : Non pas vraiment dans la mesure où c’est moi qui ai créé le cahier des charges pour eux et ai déterminé, via mes 5 designs, comment le son allait être reproduit, à quel niveau et par quelle solution technique. Ce sont les prestataires qui ont dû, en s’alignant sur les designs, fournir une réponse sonore cohérente avec mes calculs et mes spécifications. L’intelligibilité a été étudiée à près de 90% avec EASE dès la création des 5 designs, et c’est une fois le système accroché que nous avons mesuré le résultat et légèrement optimisé quelques détails lors du calage.
Si le placement des enceintes est mal étudié, il est illusoire de croire qu’on peut rattraper quoi que ce soit en corrigeant. Le challenge a été de travailler à la fois sur l’intelligibilité de la parole mais aussi sur le rendu de la musique. Nous avons trouvé un bon compromis entre les deux. Tous les designs proposés offraient les mêmes garanties en termes d’intelligibilité.
SLU : Le choix de la stéréo a apporté quoi ?
Scott Willsallen : Nous avons veillé à placer le plus de public possible dans un environnement stéréo, en sachant que la majorité des sources l’était. Cela a apporté plus de confort et de relief, surtout lors des passages musicaux. Nous avons cela dit travaillé sur les chevauchements pour les limiter le plus possible, ce qui a été bénéfique en termes de rendu et d’intelligibilité.
L’option stéréo n’a donc pas fait perdre d’impact ou de précision au système, et seuls les spectateurs placé pile dans l’axe de l’une des 22 lignes n’en ont pas tiré de bénéfices.
SLU : Si tu devais refaire Londres 2012 aujourd’hui, avec l’expérience que tu en as tirée, que changerais-tu ?
Scott Willsallen : Rien (gros silence NDR). Je ne changerais rien ! (Je le relance NDR) En cherchant bien j’ai juste un regret, que les limites en termes de poids nous aient empêché l’accroche de deux subs SB28, un en tête et un en bout de chaque ligne, ce qui aurait facilité la reproduction de la dernière octave dans les gradins du haut. Ce n’était pas dans le but de rallonger ma ligne, sa taille convient parfaitement en termes de rendu de grave, mais bien pour réduire la distance entre les gradins et la source d’infra.
SLU : Le montage des SB28 au sol a donc eu du mal à faire grimper de l’infra vers les gradins du haut ?
Scott Willsallen : Non, cela a plutôt bien marché. Nous cherchions à tenir dans un gabarit de ±1dB dans tout le stade dans la bande des 60 Hz et au-delà, ce que nous avons réussi. Mais pour l’octave inférieure cela n’a pas été possible. Pour y parvenir nous aurions dû accrocher les subs.
SLU : Pourquoi avoir choisi précisément le V-DOSC pour cette opération ?
Scott Willsallen : En considérant la distance entre le public et les lignes accrochées, et vu la longueur des arrays calculée pour obtenir une couverture bien précise, le choix du V s’est imposé de lui-même. Il ne faut pas oublier aussi que les JO se déroulant l’été, une saison difficile pour les stocks, le V-DOSC devient un choix de raison vu le nombre de boîtes en circulation. Le même design en K1 aurait coûté plus cher en prix de location et on aurait couru le risque de ne pas trouver les 220 boîtes requises vu la forte demande pour cette enceinte.
SLU : Le choix du V-DOSC ou de toute autre ligne à courbure variable, était-il indispensable ? Une solution en ARCS n’aurait-elle pas été possible ?
Scott Willsallen : Non, les deux ARCS II ont été utilisés pour couvrir la zone des gradins du bas qui de par sa forme peut l’être par un système a courbure constante. Les gradins du haut sont de géométrie totalement différente et présentent, avec les enceintes, 25 mètres d’écart entre le champ proche et le champ lointain. C’est donc typiquement le terrain de jeu d’une ligne source à courbure variable et pas d’un système à courbure constante. La géométrie des lieux a rendu ce choix très simple et rapide à opérer.
SLU : Dans l’étude de cas tu affirmes être uniquement intéressé par le contrôle de la directivité horizontale de tes SB28 posés au sol. Comment ça se fait ?
Scott Willsallen: La seule solution possible pour contrôler la directivité verticale aurait été de créer un array en hauteur. Malheureusement les sièges les plus bas près de la piste placent le regard des spectateurs à 120 cm du sol or, pour contrôler des longueurs d’onde de cette nature, 1,20 mètres est totalement insuffisant, nous avons donc choisi de contrôler le rayonnement horizontalement, un but que nous avons parfaitement atteint. Si j’avais placé 22 sources d’infra de 6 mètres de haut par 6 mètres de large pour avoir un quelconque impact sur la directivité, cela aurait ruiné la vue du spectacle à de trop nombreux spectateurs, ce qui est inenvisageable. Les 4 Kudo du fait de leur faible largeur ont en revanche un impact visuel négligeable.
Cérémonie de clôture des JO 2012 à Londres
SLU : Comment avez-vous fait pour ne pas avoir de problèmes avec le climat londonien en laissant accrochés les 220 V-DOSC durant près de 4 mois ?
Scott Willsallen : Il s’agissait de boîtes tout à fait standard mais légèrement préparées par Delta avec l’ajout d’un tissu acoustique frontal en plus de la mousse d’origine et quelques autres solutions pour faire en sorte de faire glisser l’eau au plus vite. Cela a bien marché puisque nous n’avons eu aucun problème avec ça. Les stacks du bas en revanche ont été couverts à chaque fois qu’ils n’ont pas été employés, en tout cas les KUDO, mais essentiellement pour les protéger des effets du soleil.
SLU : On connaît la cause de la défection des deux 15” telle que tu l’évoques dans ton étude de cas ? Est-ce une cause climatique ?
Scott Willsallen : Je ne sais pas, mais je ne pense pas qu’il s’agisse de la pluie, autrement ce ne sont pas deux HP qui auraient dégagé mais bien plus car de l’eau, on en a reçu beaucoup, crois-moi, quasiment chaque jour ! (rires)
SLU : Tu affirmes te contenter des ressources DSP des LA8 au travers du LA Network Manager tout en reconnaissant qu’elles sont malgré tout limitées. Cela représente un frein pour toi ou au contraire un garde-fou t’obligeant à parfaire ton design et à aller à l’essentiel sans pertes de temps ?
Scott Willsallen : C’est une bonne question. Pas mal des corrections que j’ai l’habitude de faire par filtres interposés, je peux les faire facilement avec le LF Contour et le Zoom, et rien que ces deux réglages m’ont fait économiser beaucoup de ressources. J’avais besoin de renforcer le haut et le shelving dans l’aigu m’a parfaitement convenu. De même que le filtre IIR dans le grave m’a suffi pour les V-DOSC. Je reconnais que les ressources des LA8 ne sont pas infinies mais il en va de même de mes besoins. Enfin un design bien conçu limite les besoins en correction.
SLU T’es sûr que t’aurais pas apprécié d’avoir un Lake pour effectuer quelques retouches chirurgicales çà et là ?
Scott Willsallen : Ahh mais j’en avais des Lake, plus d’une trentaine, mais affectés à la bascule entre le réseau primaire et celui secondaire en provenance des consoles. Autant te dire que j’en avais des ressources, mais je ne les ai pas utilisées. Le calage et l’égalisation du système ont été entièrement réalisés à l’aide des LA8.
SLU : Quelles consoles avez-vous utilisées pour les JO ?
Scott Willsallen : Des SD7 DiGiCo. Il y en avait 6 en tout. Deux pour la face, deux pour les retours et deux pour le broadcast pour des raisons de sécurité, une sortant en numérique vers le réseau Optocore et l’autre en analogique.
SLU : : Une dernière question Scott, sur quels nouveaux projets es-tu en train de plancher avec ta société australienne Auditoria ?
Scott Willsallen : Comment dire… Non, je ne peux pas en parler, en revanche je peux te dire que après les JO d’été 2012, j’ai attaqué avec ceux d’hiver qui se tiendront en 2014 à Sotchi en Russie dans le massif du Caucase.