Gaggione, opticien, plasturgiste français, spécialisé dans la réalisation d’optiques de qualité associées aux Led, se positionne au monde parmi les trois meilleurs pour ne pas dire le meilleur grâce à une expérience de plus d’un demi-siècle dans la plasturgie, et aux moyens qu’il s’est donné en hommes et en outils de R&D.
Il équipe historiquement Ayrton, grâce auquel nous avons obtenu l’autorisation exceptionnelle de rencontrer les ingénieurs et de visiter l’usine.
Et l’on mesure à quel point les facteurs dégradant la dispersion mais aussi le flux et le mélange de couleurs sont légion tout au long du process de conception et de production d’un collimateur.
Direction la Plastic Vallée dans l’Ain en compagnie d’Yvan Peard, dirigeant d’Ayrton, où nous sommes accueillis par David Veryser, directeur commercial de la division optique de Gaggione.
Objectif, découvrir l’entreprise qui reste souvent, pour ne pas dire systématiquement, dans l’ombre de ses clients, comme un secret jalousement gardé, à l’exception d’Ayrton avec qui Gaggione a noué sur la durée, un partenariat fiable basé sur la confiance.
Et puis visiter l’usine, et photographier sous haute surveillance car les secrets de fabrication, en plus de 60 ans d’expérience dans la plasturgie, ne se partagent pas.
Un peu d’histoire pour commencer.
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L’histoire de Gaggione
Nous sommes dans le massif du Jura, entre Lyon et Genève, dans la fameuse vallée d’Oyonnax, berceau de la plasturgie en France, qui a connu son apogée en injectant du plastique pour le marché automobile. Et puis les pays « low-cost » ont proposé ce service à moindre coût. On dit qu’il y avait dans cette vallée plus de Ferrari que partout ailleurs en France !
Pierre Gaggione était mouliste. Né en Italie, quand il arrive en France après la 2e guerre mondiale, il créé, au fond d’un garage, une société de fabrication de moules. A cette époque, dans la plasturgie, il y a deux métiers : ceux qui conçoivent les moules et ceux qui les utilisent pour y injecter du plastique afin de créer des objets de toutes sortes.
Au fil des années, Gaggione devient une société spécialisée dans l’injection de plastique transparent de forte épaisseur, pour répondre à une forte demande du marché de la cosmétique et du luxe : coffrets, bouchons de flacons de parfum… Et la maîtrise du plastique transparent épais la conduit vers le monde de l’optique.
L’entreprise sera dirigée par la famille avant d’être rachetée en 1999 par la holding Babylone.
Gaggione, partout autour de vous depuis 65 ans
Vous portiez du parfum Chanel, Nina Ricci, Versace… Vous avez certainement manipulé un emballage Gaggione. Le joli coffret pour une célèbre marque de café haut de gamme, lisse et transparent comme du cristal, illustre aussi le savoir-faire de cet industriel. Aujourd’hui, Gaggione limite ses activités à l’optique et au packaging. Elle abandonne progressivement le marché lié au luxe, en reconnaissant qu’elle y a forgé son expérience en plasturgie.
Les packagings ce sont des mallettes fabriquées sur mesure, pour un grand nom de l’outillage français par exemple qui garantit ses outils à vie, Gaggione assurant 100 000 ouvertures sans dégradation des charnières en plastique.
Gaggione a en outre développé sous la marque e-plasticase une gamme de mallettes standards personnalisables au logo du client. Des outils de communication destinés aux professionnels de tous les secteurs d’activités : outillage, instruments de mesure, médical, premier secours, automobile…. Parmi leurs clients renommés, la gendarmerie nationale avec des mallettes « Gel des lieux » utilisées sur les scènes de crime, Legrand avec des valisettes de présentation ou des kits pour pinces à sertir, Merck avec des mallettes de démonstration, et puis… la liste est vraiment longue !
En optiques, dédiées exclusivement à l’éclairage, Gaggione fournit des solutions sur mesure utilisées en indoor, outdoor, pour l’architectural, le spectacle, l’éclairage public extérieur, pour l’industrie, le transport ferroviaire, l’aéronautique. On les retrouve dans le TGV (les lentilles de liseuses) sur la voie publique (les feux tricolores, éclairage de voirie) sur l’autoroute (les panneaux d’affichage de messages de sécurité) dans le médical sur les luminaires de salles d’opérations qui envoient 160 000 lux, plus que le soleil, sur une très large surface pour éviter les problèmes d’ombres.
Mais ne nous égarons pas…
Les étapes qui focalisent l’entreprise
1996, 1re Led Lumileds*, injection du premier collimateur pour Led au monde
Dans les années 90, Gaggione est plasturgiste, comme nous l’explique David Veryser, directeur commercial de la division optique.
David Veryser : ”Nous sommes en 1996, la première Led de puissance au monde est proposée par Lumileds. Son nom : Barracuda et ensuite Luxeon. Philips a dessiné une optique appelée collimateur pour focaliser la lumière de cette source qui émet sur une demi-sphère, et nous demande si nous serions en mesure de le produire par injection plastique.
C’est donc en 1997 que Gaggione fabrique le premier collimateur au monde selon cette méthode, et ce grâce à un savoir-faire garantissant une excellente maîtrise des tolérances mécaniques et des contraintes physiques liées à la production de pièces de forte épaisseur. Nous savions aussi injecter en maîtrisant le phénomène de retrait de la matière. Nous devenons alors plasturgiste à vocation optique et orientons notre stratégie vers le développement de ce marché prometteur”.
1999, Gaggione est rachetée par la Holding Babylone
Babylone est la holding de 3 sociétés : Gaggione (ingénierie et injection thermoplastique), Surcotec, basée à Genève (ingénierie et traitement de surfaces) et Quadratec basée à Montréal – Québec (injection thermoplastique).
David Veryser : ”Il y a un an, Gaggione décide d’accompagner ses clients sur le marché nord-américain via sa société-sœur : Quadratec.
C’est une petite société, environ 15 personnes, qui évoluait sur un marché de la plasturgie dévasté. L’optique est pour Quadratec une opportunité de se développer sur un secteur de niche et pour nous d’avoir un site de production local. Ils ont gardé leurs propres marchés (biens de consommation, médical, automobile, etc.), indépendants de l’optique.
L’ingénierie et les moules sont réalisés en France ; sur place, deux machines sont dédiées à la production d’optiques.
Surcotec est spécialisée dans l’analyse des matériaux et la dépose de couches minces (diélectriques, métaux) permettant ainsi l’ajout de fonctions optiques comme par exemple les surfaces réfléchissantes.
Leurs marchés sont ceux de l’horlogerie, du médical, du luxe, de l’optique et nous nous sommes trouvé un intérêt commun : la réalisation de composants optiques employant des propriétés de réflexion.
Cette réflexion est créée par une micro-couche d’argent pur. La métallisation à l’argent assure un taux de réflexion de 95% contre 85% avec l’aluminium couramment employé.”
2005, intégration d’un ingénieur opticien
Mais investir le monde de l’optique implique l’intégration de scientifiques dans l’entreprise et principalement celle d’ingénieurs opticiens.
David Veryser : ”Une autre étape importante de notre transformation se fait en 2005 lorsque nous recrutons Jean-Pierre Lauret pour dessiner nos optiques standards et les optiques sur-mesure de nos clients. A partir de ce moment, Gaggione devient un opticien qui va utiliser l’injection de thermoplastiques comme moyen de production.
Cela implique aussi d’assurer une veille technologique auprès de l’ensemble des acteurs de la filière de l’éclairage à Led (fabricants de Led, systèmes de refroidissements, d’électronique…) ; c’est comprendre comment le produit va vivre dans un système complet qui a ses contraintes thermiques, électroniques, de bining, de mélange de couleurs”.
2006, naissance du catalogue LEDnLIGHT
En 2006 Gaggione décide de développer sa propre gamme d’optiques.
David Veryser : ”Quand j’étais chez Philips (avant d’intégrer Gaggione, David Veryser a travaillé pendant 14 ans chez Philips Lighting), nous faisions appel à Gaggione pour développer des solutions sur mesure. Mais pour certains projets urgents, Philips était obligé, et à contre-cœur, de se fournir auprès de la concurrence. Le délai d’une étude optique (3 à 6 semaines), la réalisation d’un moule (8 à 12 semaines), l’essai des premières pièces, leur qualification…
Parfois le projet ne peut attendre et l’accès à des produits standard, disponibles sur étagère est l’unique solution. C’est ce qui a poussé Gaggione à développer une première gamme composée à l’origine de cinq optiques standards, sous la marque LEDnLIGHT.
Aujourd’hui le catalogue compte plus de 500 références différentes et poursuit son développement.
SLU : A ce moment, la concurrence est-elle locale ?
David Veryser : Non, il n’y avait pas de concurrent en France, pas plus en 2005 qu’aujourd’hui d’ailleurs. Nos véritables concurrents sont en Angleterre, Italie, Finlande, Taiwan et Chine.
SLU : Et à chaque référence de Led, correspondait un collimateur ?
David Veryser : Oui, c’était notre décision, à chaque Led correspondait une optique dédiée et/ou une interface mécanique, un support qui repositionne l’optique par rapport à la puce située dans le boitier de la Led. Aujourd’hui les puces sont presque toutes disposées sur des bases en céramique de même épaisseur, donc quand on développe une optique, elle est généralement compatible avec la plupart des Led du même segment de marché”.
Yvan Peard : ”C’est à cette époque que nous avons adopté la première optique Gaggione pour la seoul P4 dans les projecteurs Ayrton (Easy color, Moduled…). Seoul a eu l’intelligence de sortir la P4 avec un boîtier compatible K2”.
2007 : L’usinage diamant
C’est l’arrivée d’une machine à usinage diamant qui va permettre à Gaggione d’atteindre des niveaux de qualité quasiment inégalés.
David Veryser : ”En optique, on parle de tolérances de l’ordre du micromètre, et s’agissant des longueurs d’ondes de la lumière visible, nous parlons de centaines de nanomètres.
Pour être respectable en optique, l’empreinte d’un moule doit être usinée à ces échelles. L’empreinte est la partie du moule qui réplique la forme du produit. La machine d’usinage et son outil diamant assure un contrôle des défauts de forme ainsi qu’une précision de la rugosité comprise entre 1 et 10 nm selon les matériaux employés. Grâce à cette technologie, il n’est pas nécessaire de polir manuellement le moule, au risque de le déformer. La matrice mère est ainsi proche de la perfection. Reste un autre défi : la maîtrise du phénomène de retrait de la matière lors de la phase d’injection.
En 2006 déjà, sous la pression amicale de clients clé, Gaggione est prêt à investir dans l’usinage diamant. On parle de 1 million de dollars. C’est le prix d’une Formule 1 ! Mais avant de passer commande, il faut trouver le pilote, le Schumacher. C’est David Gluchowski qui nous a sollicités (Gaggione a bonne réputation). Il maîtrisait cette technologie chez un confrère. Il nous a envoyé son CV accompagné du devis de la machine et des équipements nécessaire à son travail (rires). Elle vient de chez Moore Nanotechnology Systems aux USA, la Nanotech 350FG 4 axes”.
Le partenariat Ayrton/Gaggione
Ayrton a été l’un des premiers clients des collimateurs Gaggione, très exactement depuis la Luxeon : ça crée des liens.
Suivra l’optique de la P5 en 20 mm, puis quand apparaissent les multi-puces auxquelles les optiques standard ne s’adaptaient pas, Ayrton développe de son côté une optique sophistiquée destinée au mixage de couleur de 4 diodes de puissance séparées – la pièce a une forme de Tour Eiffel – et demande à Gaggione de l’injecter. Mais les tolérances draconiennes imposées pour le positionnement des diodes ne constituent pas une solution industrielle. Et malgré moult tentatives et corrections, le produit ne sortira pas.
Yvan Peard, Directeur Général d’Ayrton : ”Il y a toujours cette phase où tu inventes des choses. Elle est risquée certes, mais si tu n’y passes pas, tu n’inventes jamais rien.
Cette ”Tour Eiffel nous a coûté beaucoup d’argent et de temps, mais elle nous a aussi aidés par la suite à développer, en partenariat avec Gaggione cette fois, le 45 mm adapté au mélange des couleurs d’une 4 puces. Elle nous a permis de trouver la route de l’elliptique de l’Arcaline, du narrow de l’Ice Color et du zoom du Wildsun suivant un cahier des charges Ayrton. Ce collimateur était précurseur en 2010 et c’est un succès vu le nombre de copies (plus ou moins bonnes) réalisées dans le monde.
Avec Gaggione on raisonne en terme d’ensemble, avec toujours une question d’étendue géométrique de la Led en rapport avec le faisceau.
Nous entretenons un partenariat poussé en recherche, on se voit plusieurs fois par an et on essaie d’imaginer ce que sera la lumière de demain, toujours très orientée spectacle.
Nous partageons des informations, certains développements, et ce n’est pas évident avec un fabricant qui peut vendre ton produit à des concurrents. La notion de confiance est donc essentielle.
Le 90 mm Ayrton
Sur la trace du Youkounkoun
C’est le développement pour Ayrton d’un énorme collimateur de 90 mm de diamètre, 45 mm de hauteur (un joyau !) qui servira de fil conducteur à notre visite de l’usine. Une optique grassouillette, 220g, à la plastique parfaite, baptisée Youkounkoun, par un Yvan Peard mort de rire, en référence au film Le Corniaud, et au plus gros diamant du monde caché par Louis de Funès dans la batterie d’une Cadillac à l’insu de Bourvil.
Dans le bureau d’études optique
Ce 90 mm est le fruit d’un partenariat entre Ayrton et Gaggione, avec pour commencer une discussion de faisabilité. Large optique, faisceau serré, mixage des couleurs et zoom, le cahier des charges est une équation délicate à résoudre en optique et en plasturgie. Après un an d’études et un partage des frais de prototypage, cette optique est prête à intégrer les futurs luminaires Ayrton, le Wildsun 702 et le Rollapix 402.
Nous rencontrons Jean-Pierre Lauret, ingénieur opticien, responsable du bureau d’études optique. Jean-Pierre a une longue expérience dans le design optique doublée d’une parfaite compréhension des contraintes liées à la réalisation des moules et à l’injection, ce qui lui permet de les anticiper lors de l’étape du design.
Angle serré et mélange des couleurs
La quadrature du cercle
SLU : Comment est né ce 90 mm ?
Jean-Pierre Lauret (Ingénieur responsable des développements optiques) : ”Le collimateur 90 mm, c’est l’aboutissement technique d’un concept qui a muri au cours du temps et du développement des collimateurs qui l’on précédé. Il est né très petit : 16 mm de diamètre puis 20, puis 45 mm pour en arriver là ! Il s’est amélioré tout au long des différents développements pour parvenir à un mélange de couleurs, à un rendement et un faisceau serré qui font de lui un produit unique dans son genre.
La problématique de base c’est que les puces des Led multichip RGBW sont juxtaposées. Un système de collimation va avoir une forte tendance à projeter l’image des surfaces émettrices. En résultat final, ce que l’on obtient avec une optique classique, ce sont 4 spots juxtaposés. Donc dans la conception il faut faire se superposer les 4 puces parfaitement.
L’autre moyen de voir les choses c’est d’allumer une seule puce, donc de partir d’une source excentrée pour l’optique et de récupérer un faisceau centré. Quelle que soit la position de la puce, le faisceau doit toujours avoir la même projection centrée.
Une grosse partie du travail doit être faite par la surface réfléchissante, et le reliquat, qui fonctionne en transmission directe, doit en faire le moins possible.
C’est la combinaison des deux qui fait le faisceau résultant.
En couleur ça pose un problème car tout ce qui va fonctionner en transmission directe va projeter l’image de la puce comme un vidéo projecteur et tout ce qui va fonctionner en réflexion a une tendance naturelle à mélanger la couleur. Le secret c’est de maximiser ce qui va entrer sur la parabole et minimiser ce qui est au centre.
Dans une deuxième étape on a maitrisé ce qui passe en direct.
Dans une troisième étape on a développé une surface spéciale pour maitriser la diffusion de la lumière.
C’est le concept appliqué au 45 mm et réussi.
Et l’on aboutit à la génération 90mm en ajoutant une fonction qui permet d’avoir le disque parfaitement net. Encore une fois, on obtient le mélange en maximisant l’importance de la surface réfléchissante pour focaliser parfaitement, on maitrise ce qui se passe au centre avec un jeu de lentilles. Et l’on crée une structure diffusante en sortie, dont le dessin spécifique a une forme de rosace, qui permet d’aller gommer les petits défauts de couleur résiduels et d’obtenir un mélange de couleurs de qualité.
L’expérience nous a aussi appris que le centrage et la position des puces sur le boîtier sont des éléments critiques.
Il suffit que les puces soient décalées de 1 ou 2/10e de mm pour que ça perturbe le mélange de couleurs. Que le collimateur soit décentré par rapport à la Led pour que l’on n’obtienne pas le faisceau souhaité. Le spot avec les 4 diodes allumées doit être blanc.
Quand on le décentre on peut avoir un spot rose avec une couronne bleue autour, ou un spot vert avec un halo mauve.
Plus le faisceau recherché est intensif, plus le système optique et sa mécanique environnante devront être soignés. L’approximation dans la conception comme dans la mise en œuvre ne pardonne pas !
La vraie problématique c’est d’obtenir l’angle étroit et le mélange des couleurs.
En angle étroit on est obligé d’avoir une diffusion directe faible pour ne pas trop élargir le faisceau lumineux. Cette diffusion est toutefois nécessaire à la bonne qualité du mélange de couleurs. C’est là tout le talent du cuisinier que de savoir épicer son plat sans en dénaturer le goût”.
Le bureau d’études mécanique
Quand Jean-Pierre Lauret a dessiné l’optique et ses formes particulières, c’est Stéphane Locatelli, chargé de projet, qui finalise, à l’aide de Top Solid, la pièce en 3D en ajoutant des ”détails” comme le point d’injection, les angles de démoulage, les éjecteurs…
Ce logiciel permet de réaliser le modèle CAO qui servira dans un premier temps à la simulation optique, et ensuite à la conception du moule et à l’usinage ; qu’il soit traditionnel pour les formes simples, par électro érosion, érosion à fil et enfin par usinage diamant pour les formes complexes comme la rosace de notre Youkounkoun. Pas facile à copier celle-ci !
Ce bureau d’études est dirigé par Joseph Busi, un compagnon des premières heures de Gaggione.
L’usinage diamant
Le 90 mm, et en particulier l’empreinte de la lentille de diffusion et de la lentille de zoom son associée, nous conduisent dans la salle blanche, climatisée où trône la fameuse tour d’usinage diamant à commande numérique pilotée par David Gluchowski.
Une commande dynamique sur 4 axes, X, Y, Z, C, des règles optiques précises à 34 pm (picomètres) afin de garantir les 30 nm (nanomètres) de tolérance de déplacement sur 350 mm des glissières, des moteurs à pas linéaire, donc sans engrenage, ni roulements générateurs de vibrations. Une pression hydraulique constante garantie sans frottement… Pour que la machine soit stable elle repose sur un marbre lui même posé sur des plots en pression installés sur une plaque découplée du reste de la dalle. Car la stabilité garantit l’absence de défaut de forme.
La broche tourne de 0 à 10 000 tours/mn entraînée par un moteur à pas linéaire. Les pièces tiennent par dépression. Il y a même un analyseur pour corriger l’équilibrage de la broche avant le lancement d’un usinage, comme pour les roues d’une voiture. Tout sonne comme une merveille de mécanique dans la description de cette machine dont le prix aussi atteint des sommets ! La précision au nanomètre a définitivement un coût.
L’outil d’usinage lui-même n’est pas en reste, en diamant ou en polycristallin (mais David G. préfère le matériau naturel plus fiable) il existe en différents rayons et profils, le plus petit mesurant 1 micromètre grimpe à 2500€ !
SLU : vous êtes seul à utiliser cet outil ?
David Gluchowski (Pilote de la tour diamant) : ”Ici, oui, et en France nous sommes moins d’une quizaine car le temps de formation est extrêmement long et pour obtenir de bon résultats, il ne suffit pas de rentrer un fichier CAO pour le piloter. Il y a tout un contexte de réglages, analyses, anticipation, connaissance des effets mécaniques générés qui peuvent modifier l’empreinte au final.
On enregristre les écarts de formes de la pièce usinée, communément appelé le « peak-to-valley », et s’il ne rentre pas dans la zone de tolérance, il faut en analyser la raison, modifier les paramètres machine et générer un nouveau fichier dans le but de ré-usiner l’empreinte.
SLU : Quel est le matériau utilisé pour réaliser l’empreinte d’un moule ?
David Gluchowski : Généralement de l’acier car c’est un matériau robuste qui assure une bonne longévité au moule. Sauf que l’acier contient du carbone et le diamant aussi. Si un diamant touche le carbone, il explose.
Pour l’usinage diamant, on utilise donc des matériaux en alliage cuivreux. Et si l’on veut produire un moule de très longue durée de vie, on réalise une pré-forme en acier que l’on envoie à des spécialistes qui déposeront une couche de nickel par électrolyse. C’est une étape très longue, il faut plusieurs semaines pour déposer une couche de 500 µm qui pourra être usinée au diamant”.
David Gluchowski nous présente ensuite sa collection de machines de contrôle. Form Talysurf FTS Series 2 de Ametek – Taylor Hobson Precision est un profilomètre/rugosimètre mécanique à pointe diamant (décidément !) pour contrôler la rugosité jusqu’à 5 nm. CCI Lite de Ametek –Taylor Hobson Precision, microscope interférentiel, vient analyser et cartographier les états de surface avec 0,1 Angström de résolution (10 picomètres). Et enfin le ZIP 300 Smartscope d’OGP, un appareil de mesure en 3D, opto-mécanique, qui utilise une caméra doublée d’un palpeur rubis pour scanner les surfaces et mesurer les défauts de forme.
L’injection plastique
31 machines se chargent de l’injection et répondent à deux technologies différentes. Les allemandes hydrauliques à piston pour la force, les Japonaises électriques à moteurs pas à pas pour jouer sur la finesse des réglages. Elles sont ultra précises en mouvement, vitesse et position. La petite dernière hydraulique d’une force de fermeture du moule équivalente à 350 tonnes, est utilisée pour injecter les optiques de gros diamètre. C’est exactement celle qui nous intéresse.
David Veryser : ”Le matériau arrive sous forme de granulés qui passent au préalable dans un dessiccateur pour retirer l’humidité contenue dans le matériau.
Ensuite, il est acheminé vers la buse d’injection par une vis sans fin tout au long de laquelle sont placés des blocs chauffants qui fondent la matière pour l’amener à température. La matière ne doit pas se dégrader au risque de créer des points noirs. Il faut la fondre progressivement sans la brûler. C’est une cuisine expérimentale, une longue et précieuse expérience.
Le moule est constitué de deux parties. Moule fermé, on injecte. Des sondes de température permettent de commander sa régulation thermique.
Après injection de la matière, on commence le refroidissement. Plus la pièce est grosse, plus le temps de refroidissement sera long car il faut refroidir le cœur tout en maintenant une pression importante pour que la matière ne se fige pas immédiatement à l’entrée du moule.
Il faut maintenir en pression afin d’éviter le redoutable retrait physique de la matière avant son refroidissement.
Evidemment plus le temps de refroidissement est long, plus la pièce coûte cher à fabriquer.
Puis le moule s’ouvre, des éjecteurs poussent l’optique pour la désolidariser du moule et un robot vient la cueillir et la déposer délicatement sur un tapis”.
SLU : Reste le point d’injection, comme un petit bout de cordon ombilical. Yvan, tu le gères comment ?
Yvan : ”Celui-là est effectivement gros… Mais quand on parle de zoom, ce qui est le cas, on a une exigence de positionnement donc cette carotte nous sert. Elle nous donne la position parfaite de la lentille de zoom par rapport au collimateur”.
SLU : Quelle sera la tolérance du défaut de forme de cette optique ?
David Veryser : ”C’est la véritable question qui s’est posée entre l’opticien et le bureau d’études mécanique.
Le premier souhaitant le défaut de forme le plus faible possible et le second soucieux de ne pas atteindre ce niveau d’exigences, le souhaite le plus grand possible.
Un compromis a été trouvé et validé. Une telle optique n’accepte pas une tolérance du défaut de forme supérieure à 100 microns ; au-delà on risque de voir le faisceau se dégrader très rapidement.
Si vous prenez le faisceau d’une puce individuelle, la forme géométrique parfaite est un disque parfaitement rond, si vous ajoutez un défaut de forme, le faisceau devient « patatoïdal », le spot se décentre un peu et les faisceaux ne se superposant plus, le mélange de couleurs se dégrade.
SLU : Quel est le matériau utilisé pour injecter les collimateurs ?
David Veryser : Le PMMA (Polyméthacrylate de méthyle) très connu sous le nom de Diakon® ou Plexiglas® et le polycarbonate sont les deux polymères les plus utilisés en optique. En fonction de l’usage, on choisira l’un ou l’autre car ils présentent des caractéristiques différentes. Le PMMA est rigide et cassant mais il est peu sensible aux rayures. Il a une très bonne transmission optique, seulement 10% de pertes sur une épaisseur de 62 mm. Il tient 90°C ce qui est limite car les Led vont de plus en plus vers les températures hautes.
David Veryser : A l’inverse le polycarbonate est souple et élastique. Solide aux chocs, il peut-être soumis à des contraintes physiques mais il est sensible aux rayures. Exposé aux UV, il se comporte mal, va très vite s’oxyder, jaunir et finalement devenir cassant.
Mais il tient 130°C en température et surtout il a un bon comportement au feu puisqu’il est auto-extinguible alors que, en présence de flamme, le PMMA brûle et projette des gouttes enflammées qui vont propager le feu”.
SLU : Et pour Ayrton ?
Yvan Peard : ”Les collimateurs sont en PMMA et tous nos projecteurs ont une lentille de sortie en polycarbonate par sécurité au feu.”
La mise au point
La plasturgie est une technique ingrate. Toute la précision mise en œuvre pour le design et l’usinage du moule peut être ruinée par les défauts de forme, sans compter les points noirs. Car après injection d’une grosse optique comme le 90 mm Ayrton, le plastique va être refroidi. La peau extérieure se solidifie en premier, le cœur restant chaud et liquide. Vers la fin du cycle de refroidissement, le cœur va se rétracter et provoquer une déformation de l’enveloppe. L’impact sur le collimateur c’est de rater la fonction optique recherchée.
David Veryser : ”Au démarrage d’une production, les metteurs au point pondent les fiches de réglages. Ce sont les cuisiniers. Les régleurs installent le moule et paramètrent la presse à injecter. La production commence. Quand les premières pièces paraissent satisfaisantes visuellement, le contrôleur vérifie plusieurs points mécaniques et optiques avant de valider la production qui sera ensuite contrôlée visuellement pièce par pièce”.
Le Laboratoire photométrique
Puis c’est au tour des techniciens de faire de l’Audit produits. Ils emportent les pièces au labo pour aller plus loin dans le contrôle photométrique à l’aide de deux goniophotomètres : un Radiant Imaging (acquisition sur caméra ProMectric®) et un Ledgon 100 de chez Instrument Systems.
Méfiez-vous des imitations
Le collimateur LEDnLIGHT, LLC49N, de 45 mm fait école, c’est à la fois flatteur et réellement perturbant pour Gaggione qui a réussi à se procurer trois copies, une européenne copie conforme et deux asiatiques avec défauts visuels. Le R&D n’a pas résisté au besoin de les passer au goniomètre, associés à la même Led, pour les comparer au LLC49N original. En apparence, on ne les distingue pas, seule la teinte peut légèrement varier. L’effet visuel, montre un mélange de couleurs de moins bonne qualité et un faisceau plus large.
Et les courbes d’efficacité comparées révèlent que si les cotes ne sont pas tenues avec précision, l’efficacité de l’ensemble Led/collimateur est fatalement remise en question. En clair et selon les courbes, il faudra deux à trois copies (et trois Led) pour égaler les résultats d’un seul collimateur de chez Gaggione ; donc dépenser plus ! Sans parler du refroidissement, du surdimensionnement (encombrement), de l’électronique, etc.
Quand Gaggione réalise une étude sur mesure, le client est certain d’obtenir un résultat final conforme au cahier des charges. Toute l’énergie de l’entreprise s’y emploie ! Alors on l’a bien compris tout au long de la visite et des discussions, la production à bas coût ne fait pas partie de leur vocabulaire. Par contre, les mots qui ressortent à chaque instant sont tolérances et fiabilité ; celles qui conduisent à la sérénité du client quand il intègre son optique à son luminaire et que ça envoie beaucoup, propre et joli.
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