Suite et fin de notre reportage sur les retours de Calogéro effectué dans le nouveau Centre des congrés d’Agen.
Après avoir déclaré sa flamme pour les derniers wedges de Clair, Xavier Gendron nous explique pourquoi Midas est resté Midas malgré le passage au numérique, donne la parole à son assistant Romain Dambrine et en profite enfin pour remettre l’église au milieu du village. Amen !!

Midas, ça sonne comme l’analogique, et on n’est pas dépaysé
SLU : Comment te trouves tu avec l’XL8. On t’avait laissé avec deux Paragon !
Xavier Gendron : La technique m’embête au plus haut point. Je m’en sers et apprends à m’en servir parce que c’est indispensable à mon métier, mais ce n’est pas ce qui est fondamental. J’ai une numérique parce que elle était là, et je me suis engagé à ne pas tout changer.

Cela dit, au niveau du son, c’est peut-être ce que j’ai eu de mieux entre les mains. Tu mets une batterie dedans et tu as le son « blah » tout de suite. Ce n’est pas du tout la même chose que la Studer que j’aime beaucoup aussi, mais j’aurais tendance à dire que je préfère le son de la Midas. Il est moins clinique, moins propre. Ils ont manifestement réussi leur coup car quand tu tournes un bouton, t’as l’impression de le faire sur une XL4 et pas sur du DSP.
Au niveau ergonomie, tu fais exactement les mêmes choses, tu vas aux mêmes endroits et elle réagit quasiment de la même manière. Forcément les jeunes trouvent ça archaïque car tu as accès à tout, tout le temps. Tu n’es pas obligé de trafiquer tout dans tous les sens pour avoir les mains sur l’audio.
SLU : Es-tu un adepte de la double tranche pour tes sources afin de gérer indépendamment les wedges et les ears ?
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Xavier Gendron : Non, pas du tout. C’est la même chose qui va partout. Je pars du principe que le son principal c’est celui des wedges, c’est là où je veux que ce soit le plus efficace possible donc j’égalise mes sources en fonction de ça. Ensuite, en me servant de mes ears, je fais une EQ spécifique à chacun. Pour Calo par exemple, je flatte un peu l’aigu pour qu’il écoute moins fort et pour donner la clarté qu’il perd en partie dans ses ears car ce sont des modèles ouverts. Cela étant, je n’aurais pas travaillé de cette manière si j’avais eu des musiciens en wedges et d’autres en ears.

SLU : Tu utilises beaucoup d’effets ?
Xavier Gendron : Essentiellement des délais parce que la musique le demande. Je travaille beaucoup en relation avec Bob (Coke, ingé son FOH NDR). On n’a pas les mêmes machines mais on bosse dans le même esprit. Quand il accroche la note avec un effet de son côté, j’en fais de même du mien. Il y a une fin de titre ou je mets une réverbération de 25 secondes sur la dernière note de la voix et j’entends qu’il en fait de même dans les micros d’ambiance ce qui est très beau. C’est pour ça que quand Calo m’a demandé « j’aimerais bien une longue réverbe… », je lui ai dit que je savais faire (rires !).
J’en ai fait de même avec Damien Saez et c’est grâce à l’école Julio qui en est friand (Iglesias dont XaXa a longtemps fait les retours NDR). Ça m’arrive d’essayer des trucs durant les balances. L’autre jour, j’ai placé un délai qui part en pan dans la réverbe qui a plu à Calo. Il m’a demandé d’en mettre un poil moins et d’en parler à Bob. Comme on s’entend bien tous les deux, les idées de l’un sont naturellement prises par l’autre.

SLU : Les effets sont de ton ressort ou bien les as-tu trouvés de ton prédécesseur aux retours ??
Xavier Gendron : C’est moi qui ai fait venir les deux délais tc 2290. Ils ont beau être vieux, il n’y a rien de mieux. La couleur, le grain, il n’y a pas photo. ( http://www.tc2290.com/home.htm pour les inconditionnels).
Rappelons qu’il est toujours recherché 30 ans après ses débuts ! NDR). Certes c’est un peu fragile ; du coup j’en ai deux, un servant de secours pour l’autre. J’ai aussi une 480 Lexicon que j’ai prise au cas où car c’est un outil que j’adore. Je m’en sers un peu sur la batterie. Sur la voix j’utilise une tc 6000. Je l’ai installée le premier jour et comme Calo a apprécié, je l’ai laissée.
SLU : Combien de traitements dynamiques ? Tu ne risques rien avec la Midas comparé à la Paragon (rires !)
Xavier Gendron : Pas grand-chose, j’ai six compresseurs actifs et deux gates. Je travaille comme d’habitude. Je ne modifie pas l’énergie qu’on m’envoie. Les retours sont faits pour que les gens puissent jouer ensemble, il ne faut pas modifier les équilibres sinon les musiciens se perdent. En plus, les snapshots que tu pourrais faire dans une salle ne marcheront pas dans une autre.

Du coup je considère que la XL8 est une analogique et je fais tout à la main sans aucune mémoire. J’aurais donc pu mixer sur deux Heritage avec comme seule limitation le nombre de mix car, mine de rien, ils ont beau n’être que 4 sur scène, quasiment tous les départs sont pris. Chaque backliner par exemple a son mix.
Franchement si je dois retravailler avec Calo et je trouve une paire de consoles analogiques en bon état d’entretien, je me ferai plaisir. Les prestataires qui en ont encore, les entretiennent de moins en moins. Je suis retombé sur une des Paragon que j’ai employée pour Saez en 2013 lorsque j’ai mixé quelques dates pour Ayo.
Pour cette tournée je n’employais que le matos que je trouvais sur place. Un jour on a eu une balance à 10h du mat. Tout le monde est retourné à l’hôtel sauf moi. Je n’ai pas décollé de la console que j’ai réparée et j’ai fini par faire ma sieste sous la table, passant encore une fois pour le dingo de service car, à chaque fois que je me réveillais, je la sondais rapidement… Les prestataires qui ont des vieilles analogiques ne s‘en occupent pas car elles ne sortent plus et ce serait une perte de temps et d’argent.

SLU : Il n’y a pas non plus beaucoup d’XL8…
Xavier Gendron : Il n’y en a que 3, une chez Fa (musique), une chez Dushow et la dernière chez On-Off. Les gens de chez EVI ont été très efficaces car on a connu quelques problèmes au début de la tournée mais qui ont été réglés immédiatement. Je l’aime aussi pour ça… On dirait une analogique (rires). Dans le même petit festival, je revois encore le mec qui faisait les retours de Bernard Lavilliers, l’artiste qui passait après Ayo. Il était venu se placer derrière moi et avait lâché un : «woaaa, le son de la batterie, mais tu fais quoi dessus ?? » «Bahh…rien!!».
La Midas c’est un peu comme la Paragon, c’est gros et encombrant, mais quand on envoie du son dans le bois, ça met tout le monde d’accord. Il y a d’autres marques anglaises dont une est très à la mode. Au risque de créer une polémique, je préfère les consoles avec lesquelles on fait du son comme la Midas à celles qui brillent par leurs gadgets.
SLU : Comment tu t’en sors avec la latence d’une numérique, toi qui fréquentes encore volontiers les analogiques ?
Xavier Gendron : Je ne fais rien de spécial, je ne recale pas, et franchement avec une table comme l’XL8, la latence ne me gêne pas, contrairement à d’autres tables où elle s’entend plus.
Dans la Midas, quand tu mets une grosse caisse, elle sonne comme une grosse caisse sans besoin d’aller l’égaliser. Avec d’autres marques, c’est égaliseur obligatoire. Regarde mes EQ (il me montre, c’est très léger NDR), j’interviens à peine sauf sur le micro dans la grosse caisse qui ne dispose pas d’un évent. Je subis l’effet qu’on appelle de ballon de basket qui m’oblige à tailler un peu plus et à utiliser un compresseur de la table déclenché sélectivement à partir de la fréquence qui me gêne.
SLU : Tu ne te sers que des dynamiques de bord ?
Xavier Gendron : Oui absolument. J’utilise aussi une réverbe interne sur la caisse claire, un peu de 480 sur le reste de la batterie, un moteur de tc6000 et la tc2290 sur la voix de Calo et basta.
SLU : Les balances restent studieuses même après de nombreuses dates ?
Xavier Gendron : Ah oui, ça travaille toujours, ça peaufine sans arrêt mais sans prise de tête. Calo est un perfectionniste qui cherche le meilleur arrangement, y compris en tournée. Au début on balançait une heure et demi, dernièrement on dépasse rarement la demi-heure mais quoi qu’il en soit, ça reste sérieux. Ils peuvent faire un bœuf de 10 minutes mais ils enchaÎneront avec 4 morceaux du show. Le gros avantage, c’est l’ambiance qui est vraiment très bonne sur cette tournée.

SLU : Deux mots pour conclure. Clair et XaXa c’est pour la vie ?
Xavier Gendron : C’est vrai que je bosse beaucoup pour eux mais je ne sais pas non plus où mon avenir sera, mais (il réfléchit et son visage s’illumine NDR) probablement par là-bas. C’est en discussion. Je m’y reconnais et je m’y plais. J’aime leur philosophie de travail, le respect et la qualité du matériel.
SLU : Tu es américain (rires), mais que penses-tu de ceux qui disent que les français sont certes chiants comme des français mais qu’ils bossent mieux ?
Xavier Gendron : La vérité n’est pas dans un camps ou dans l’autre mais se situe comme toujours entre les deux. Du tac au tac, je dirais que les ricains font plus de la musique, mais j’ai vu des boîtes faire des choses bien et se planter en France comme aux US et des gens se vautrer lamentablement ou au contraire faire du très beau boulot au sein d’une même boite. C’est l’homme qui fait la différence.
Quoi qu’il en soit, je me reconnais de plus en plus dans la philosophie anglo-saxonne, y compris dans la façon avec laquelle sont montées les prods et les tournées. C’est aussi ma manière de travailler. Je suis convaincu qu’il y a un paquet de monde à qui tu ferais écouter mon mix et qui te listera mille défauts rédhibitoires. La vérité n’est pas là. Ce qui compte c’est que le chanteur sur scène prenne son pied. Le reste importe peu. C’est très facile d’aller dans une salle et d’être spectateur, mais un show c’est un tout. Critiquer est un art très français. Il ne faudrait pas oublier que ceux qui critiquent un travail sont ceux qui déjà n’ont pas été conviés à le faire. Il y a peut-être une raison. En termes d’approche du métier, nous n’avons pas de leçons à donner et peut être plus à en prendre.
Tiens, un exemple un peu vache mais qui illustre bien mes propos. Un bon nombre de boîtes françaises travaille avec un système en masse commune, qui ramène diaphonie et buzz, mais passe des heures à couper les cheveux en quatre et les décibels en huit. A quoi bon… On s’en fout de la courbe de réponse ou de la marque d’un matériel. Est-ce que ça sonne ou pas ? J’ai entendu des concerts à tomber par terre sur du L-Acoustics, du Meyer, du Clair et les pires bouses sur les mêmes systèmes, en France comme aux US. Le public s’en fout que le charley soit magnifique à 16 kHz ; ce qu’il veut c’est qu’on le fasse vibrer, qu’il entende les paroles et qu’il sorte de la salle emballé. Il en va de même avec l’artiste.
Calo ne va jamais me dire que le bas mid de la caisse claire est un peu trop prononcé. Il va sortir en disant que c’est génial ou en disant que ce n’est pas terrible et qu’il a eu des problèmes sur un morceau. Pour moi ce qui compte c’est la musique, et nous devons, nous les techniciens, avant tout retranscrire le mieux possible ce qu’on nous envoie et éventuellement, si j’ai le temps et qu’on me laisse le faire, mettre le petit truc à moi qui enjolive.
Et puisqu’on parle de techniciens, je voudrais terminer par un grand bravo et un grand merci à toute l’équipe qui tourne avec moi sur Calo. Face et retour on n’a que des bons !
Les séquences envoyées par Romain Dambrine

Très affairé avec nombre de joujoux tous plus intéressants les uns que les autres, Romain Dambrine, l’assistant de Xavier, prend aussi en charge l’envoi de séquences « enrichissantes » sous certaines chansons (nappes, percus et autres effets), mais cajole aussi l’XL8, gère les HF et a la bonne idée de répondre à nos questions !
SLU : Tu n’envoies que du son ?
Romain Dambrine : Non, j’alimente aussi en time-code le Catalyst. Je le synchronise pour que les vidéos qui ont des labiales soient bien calées avec le chant sur scène. Sur 22 chansons, nous avons seulement 6 titres time-codés.

SLU : Pour le reste tu ajoutes quoi avec tes pistes audio ?
Romain Dambrine : Des ambiances essentiellement, de quoi étoffer les chœurs puisque les musiciens chantent vraiment, et puis surtout des nappes de synthés. Ils ne sont pas nombreux sur scène ! J’ai 8 sorties par interface, trois paires stéréo et deux clicks. Je dispose de deux unités totalement séparées chacune sur leur mac mini en rack. Les ordis sont montés à l’envers, comme cela j’ai accès facilement aux prises. J’ai exactement les mêmes disques durs dans les deux. et Ils sont verrouillés ensemble en MIDI clock. C’est compliqué à mettre en œuvre mais ensuite ça marche très bien et ça reste accroché dans les boucles, les loops, et ça suit les tempos…
SLU : Comment passes-tu d’une configuration à l’autre en cas de problème ?
Romain Dambrine : J’ai un switcher Radial SW8 pour passer instantanément de l’un à l’autre. Pour le Midi, j’ai bricolé une plaque. Je fais régulièrement des essais pour être certain que ça marche et certains soirs je joue avec la machine de sauvegarde. Pour éviter les switchers au maximum, j’ai deux claviers, deux écrans et deux souris. Les KVM ce n’est pas très fiable.

SLU : Comment gères-tu tes 32 liaisons HF ?
Romain Dambrine : En réseau, avec un routeur Wi-Fi pour me simplifier la vie. Il n’y a pas d’ordinateur dédié car je fais ça avec mon portable qui est dans mon sac à dos (rires).
SLU : C’est assez free style tes antennes ??
Romain Dambrine : (rires) Oh oui, il n’y en avait plus assez de la bonne marque et une est tombée en panne donc on a sorti ce qu’on avait et ça marche ! Il faut aussi dire que nous étions partis pour avoir des musiciens sur fil, et du jour au lendemain on a basculé en HF pour permettre la scénographie de l’ilot central, cela n’a pas simplifié les choses.
SLU : D’où vient le choix de Shure pour les émetteurs micro ?
Romain Dambrine : Je crois que des essais ont été menés mais sans plus, je ne suis pas décideur de ça. Je sais qu’une troisième marque a aussi été évoquée avant que le choix ne se porte sur Shure.
SLU : Tu as l’air très doué pour la technique et les montages bien pensés que je vois là…
Romain Dambrine : Et pourtant je suis plutôt mixeur. C’est la première fois que je m’occupe des séquences et que je monte en plus la configuration de gestion de ces séquences.
En guise de conclusion
Que dire de plus ? Avec XaXa, la passion parle et il est capable de vous écrire tout seul l’intro, le corps et même la conclusion d’un reportage. Il suffit juste d’avoir de la mémoire dans le dicta et des batteries d’avance ! On se fait littéralement avoiner par ses idées, ses avis tranchés et le bon sens presque “ricain” qu’il dispense largement. Ne parlons même pas de ses mix, on dirait qu’Audiard a inventé cette réplique pour lui : “ah, faut reconnaître que c’est du brutal”, et en même temps, quand on écoute attentivement son travail, on retrouve un respect des timbres, une recherche méticuleuse du placement des sources dans l’espace et des effets sobres et très bien fichus. Il a donc la capacité et le talent de faire beau tout en étant terriblement efficace, sans doute la transposition de son crédo : donner envie à l’artiste.

Le CM-22 ? Un magnifique wedge, une enceinte qui pourrait tranquillement figurer dans un salon telle quelle et en berner plus d’un à l’aveugle. Sèche, percutante, magnifiquement exempte de tout traînage, elle délivre une réponse, pardon, une baffe très droite, avec un extrême aigu de toute beauté. L’octave 60-120 est bien ronde, sans aucun bruit d’air, tout en gardant une attaque patateuse comme seul un 12 pouces sait le faire. Le reste du spectre étant flat, naturel mais musclé à la Hulk, on comprend mieux l’emballement de XaXa.
Je vois d’ici pleuvoir les critiques et les commentaires quant à l’indépendance d’esprit d’un technicien qui passe le plus Clair de son temps au sein de ce mastodonte américain. Il a suffi d’un titre, en Flac non masterisé et passé en sortie de mon DAC portable dans la paire de CM-22 en régie, pour comprendre son emballement. Clair tient là un vrai pur-sang qu’il faut savoir monter, et ça tombe bien, Xavier bien entouré par son équipe n’est pas le plus mauvais à ce jeu là.
Peut-être, mais c’est là un avis totalement personnel, des wedges seuls auraient suffi, surtout quand on a un tel spécialiste pour leur donner vie. Un dernier petit mot enfin pour Bob Coke et les gens de la façade que j’ai méchamment snobés. Qu’ils acceptent nos excuses, la prochaine fois ce sont eux qui devront nous déverser des tonnes de passion. L’entonnoir est prêt !
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