La cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques.
Durant les années 90, je passais tous mes week-ends à faire le son dans divers stades de football aux quatre coins de l’Australie. Mais au contraire du public, je n’avais aucune espèce d’intérêt pour le jeu. Je m’interrogeais plutôt sur les raisons qui poussaient tous ces gens à quitter leurs logis bien chauds pour se rendre dans les stades, rester assis sous la pluie (oui, il pleut aussi à Sydney !), faire la queue pour avoir un casse-croûte et une bière, faire la queue pour sortir, faire la queue pour payer le parking en enfin regagner leurs logis chauds et douillets…
Scott Willsallen, Directeur Audio et Sound Designer des cérémonies des Jeux Olympiques d’hiver 2014 à Sochi
Il y a quelque chose de mystérieux autour de la rencontre de deux tribus qui, malgré la pluie, s’affrontent dans un jeu d’adresse devant des milliers de personnes qui les regardent en hurlant. Les systèmes audio de l’époque avaient des capacités limitées, et, au fur et à mesure que les événements sportifs devenaient de plus en plus exigeants, je sentais bien que, si je pouvais améliorer les performances audio des stades, cela pourrait donner à chaque match une ambiance plus captivante et dramatique.
Ma passion pour la sonorisation des stades a été décuplée en 2000. Sydney accueillait alors les jeux olympiques d’été, et je travaillais comme technicien chez un sous-traitant pour le son et les communications des Jeux. Au début 2003, je rédigeais mon mémoire de maîtrise sur l’environnement sonore subjectif d’un stade.
C’est difficile d’expérimenter une théorie sur le son des stades sans y accéder concrètement. C’est donc avec joie que j’ai été embauché comme directeur audio des cérémonies d’ouverture et de clôture de la Coupe du Monde de Rugby qui se sont déroulées au stade olympique de Sydney. Cela m’a procuré tout l’environnement dont j’avais besoin pour vérifier quelques-unes de mes théories et acquérir une expérience dans la sonorisation des stades qui me sera précieuse pour l’avenir.
Depuis lors, avec la société Auditoria que j’ai fondée, j’ai eu la chance de prendre part à l’audio des cérémonies en tant que directeur ou concepteur, ou même les deux, lors de nombreux événements : jeux du Commonwealth de Melbourne (2006) te Dehli (2010), jeux Asiatiques de Doha (2006), Jeux Olympiques de la jeunesse de Vancouver (2010), Singapour (2010), coupe du monde de rugby de 2011, jeux Arabes de Doha (2011), jeux olympique de Londres (2012) et, bien sûr, cérémonies des jeux Olympiques et paralympiques d’hiver de Sochi en 2014. Même si leur environnement complexe est un peu imprévisible, les stades sont des espaces dans lequel je me sens désormais parfaitement à l’aise.
Le stade Fisht avec sa toiture temporaire. Des grands hangars avec des murs composés de panneaux de sandwich de composite non traités ont été construits à chaque extrémité du stade. Durant les cérémonies, ils ont servi de coulisses dans lesquelles les énormes pièces de décor étaient hissées et retirés du système de mouvement automatisé.
Une géométrie compliquée
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Du point de vue architectural, le stade Fisht est beau et complexe. Mais du point de vue de l’acoustique, il est seulement complexe.
Durant les jeux de Londres en 2012, j’ai rencontré les principaux membres de l’équipe de Sotchi autour d’un café. A cette époque, le stade Fisht était à peine plus qu’un trou dans le sol, et dans à peine 18 mois, il devrait accueillir les jeux Olympiques les plus coûteux de l’Histoire.
La conception de l’architecte Populous est unique en son genre. La forme du toit trouve son inspiration dans les montagnes couvertes de neige et le toit, éclairé par l’intérieur, est inspiré du célèbre œuf de Fabergé incrusté de pierres précieuses.
Les infrastructures des tribunes et du toit sont indépendantes et autoporteuses. Les toitures est et ouest abritent la majorité des places assises des intempéries. Elles sont symétriques l’une de l’autre et séparées d’un espace qui expose l’aire de jeu à l’environnement. Chaque structure du toit est supportée par une grosse poutre en treillis d’acier orientée nord-sud, qui s’étend sur toute la longueur du bâtiment et soutient le bord de la toiture permanente ainsi qu’une toiture amovible qui obture l’espace ouvert entre les deux pendant les cérémonies, pour des raisons de sécurité.
Alors que les gradins sont totalement symétriques, l’asymétrie de la structure du toit a rendu difficile la répartition symétrique des grappes suspendues.
Et pour compliquer encore plus la conception sonore, le stade n’a jamais été totalement achevé. Lors des visites du site que nous avons effectuées pendant l’étude, nous n’avons pas pu voir beaucoup plus que des gradins de béton.
Concevoir le son d’après des plans d’architecte, c’est une situation avec laquelle Auditoria est familiarisée. Mais la forme complexe du stade, les hangars Nord et Sud qui ne sont pas négligeables du point de vue acoustique, et les finitions du bâtiment qui se sont poursuivies tardivement, nous ont contraints d’adopter une démarche quelque peu différente.
Le processus de conception
A chaque fois que la géométrie le permet, je conçois la couverture de la tribune supérieure avec un système suspendu et celle de la tribune inférieure avec un système empilé. Cela me permet de préserver la localisation pour le public des gradins du haut et du bas tout en minimisant les recouvrements.
Les 20 systèmes empilés K2/SB28 répartis au sol pour les cérémonies d’ouverture et de clôture des Jeux Olympiques (en jaune
Nous avons commencé à concevoir le système 18 mois avant l’événement. Nous nous étions fixés comme objectif de donner aux équipes techniques les poids des charges, les consommations électriques et les dessins des systèmes pour qu’elles s’organisent en conséquence, et de donner aux équipes de création des indications sur les axes visuels et les points de vue du public.
Ma méthode de conception commence par une étude du lieu en CAO de manière à en appréhender la configuration en détail. Je commence avec un plan de l’aire de jeu et de la tribune inférieure pour faire une étude dans le plan horizontal et déterminer de manière approximative le nombre de points de diffusion nécessaires pour fournir une couverture homogène aux premiers rangs. Dans un premier temps, je laisse toujours une distance d’au moins 10 mètres entre les « stacks » et la première rangée de sièges, car cela procure une couverture plus homogène dans le plan vertical.
Les 16 systèmes suspendus K2/SB28, déployés pour les cérémonies d’ouverture et de clôture des Jeux Olympiques (en jaune)
Si on utilise simplement la loi de décroissance proportionnelle au carré de la distance, les dix premiers mètres amènent une atténuation de 20 dB, les 20 m suivants (soit la profondeur moyenne d’une tribune de stade) se situent à l’intérieur d’une fenêtre de 10 dB SPL. On peut réduire encore cette fenêtre en jouant sur les angles inter-boîte du système ligne source. Je m’attache aussi à la règle du « Ce qu’on ne peut pas voir, on ne peut pas non plus l’entendre ». En vertu de ce principe, je m’assure que toutes les rangées ont une vue directe sur l’enceinte qui est dans leur axe.
Une fois cette distance définie, trouver le nombre de « stacks » qu’il est nécessaire de poser au sol est un exercice élémentaire de CAO qui se fonde sur un angle de couverture horizontale global de 110°. On règle l’azimut de manière à ce que chaque assemblage pointe perpendiculairement à la ligne du premier rang. On détermine le nombre d’enceintes de chaque empilement de manière à dégager le champ visuel du public vers la zone du spectacle, qui, souvent, n’est que de 1,5 m, ce qui laisse juste assez de place pour quatre éléments de line source à deux transducteurs de 12 pouces.
Les 16 systèmes système suspendus K2/SB28 déployés pour les cérémonies d’ouverture et de clôture des Jeux Olympiques (en jaune), représenté avec les arches de toiture.
Cela étant fait, je peux me consacrer à l’étude de la tribune supérieure dans le plan horizontal. Je commence en plaçant une grappe supérieure aux mêmes coordonnées XY que chaque assemblage au sol et je règle la hauteur de sorte que le haut de la grappe arrive deux mètres au-dessus de la dernière rangée. Cette façon de faire implique qu’il y ait autant de points de diffusion suspendus que de points de diffusion au sol, sauf là où la tribune supérieure ne forme pas un ovale complet, auquel cas on supprime du dessin les grappes qui ne sont pas nécessaires.
Chaque système ligne source est réglé en azimut de manière à pointer perpendiculairement à la dernière rangée de siège, ce qui, la plupart du temps, est identique à l’orientation des lignes sources posées correspondantes au sol. Ensuite, on peut les déplacer le long de leur vecteur en direction du public afin de réduire le chevauchement avec les grappes adjacentes et, idéalement, avoir une distance identique pour chacune. A chaque fois que c’est possible, je m’attache à rendre aussi constante que possible la relation entre chaque grappe et chaque zone de couverture correspondante en uniformisant les distances, les réglages de hauteur, les angles d’incidence verticale et les longueurs des grappes. Cette méthode fournit une réponse plus homogène et simplifie la mise au point du système.
Notre système suspendu était relativement simple, à l’exception des coins de la tribune supérieure, qui posaient des problèmes du fait de la proximité des grappes d’enceintes et de l’arche de la toiture principale. Cette zone était aussi très chargée en projecteurs et structures d’éclairage. On a donc décidé de n’en effectuer les réglages de hauteur définitifs qu’au moment de l’installation sur le site. Ayant alors en mains une première esquisse, je pouvais consacrer toute mon énergie au choix de produits adaptés au projet.
Vue rapprochée d’une grappe suspendue de K2/SB28 utilisée pour les cérémonies d’ouverture et de clôture des Jeux Olympiques.
Le choix du K2
Très vite il s’est avéré que le K2 était le seul produit capable de satisfaire les différentes exigences en matière de dispersions horizontale et verticale pour les installations au sol comme pour les grappes suspendues. Cela m’a aussi permis de déterminer le nombre maximum dont j’avais besoin sans pour autant finaliser définitivement la conception.
Le K2 emploie le procédé L-Acoustics Panflex, une technologie de contrôle horizontal unique qui combine des déflecteurs mécaniques réglables et un algorithme de traitement numérique efficace à partir de 300 Hz. Rétrécir ou élargir la directivité horizontale peut servir une multitude d’intentions : s’adapter à la dimension de la zone d’écoute, satisfaire le compromis entre la couverture à courte ou longue distance et le niveau sonore (SPL), réduire ou augmenter les zones de chevauchement et éviter les surfaces réfléchissantes. En combinant la WST (sculpture du front d’ondes) et le Panflex, L-Acoustics traite d’une manière exclusive les questions de contrôle de la directivité dans les plans horizontal et vertical. Par conséquent, le K2 est capable de s’adapter aux formes les plus complexes des lieux publics, avec la meilleure performance d’écoute et le minimum de pollution sonore.
Très vite, j’ai mis le doigt sur trois options différentes provenant de trois fabricants, à partir de critères comme la disponibilité en location et une combinaison de scénarios les plus favorables et les plus défavorables en matière de charge pondérale et d’exigences en puissance acoustique. Durant les quelques mois qui suivirent, j’ai affiné mon projet et en janvier 2013, quelques mois avant que l’offre de Sotchi soit close, j’ai rendu visite à L-Acoustics au retour des réunions de Moscou.
L’équipe était emballée à l’idée de me présenter un prototype en état de marche de ce qui allait devenir le K2. Par la suite, ils m’ont envoyé une version Bêta du logiciel Soundvision avec le nouveau produit qui m’a permis de modeler des designs sonores qui étaient à la foi plus légers, plus flexibles, et qui étaient capables d’utiliser le même produit aussi bien pour les grappes suspendues que pour les assemblages posés au sol.
Le logiciel Soundvision m’a démontré qu’en combinant la dispersion horizontale Panflex ™ du K2 et des angles entre éléments atteignant 10° dans le plan vertical, on obtiendrait une réponse plus homogène dans le plan vertical en utilisant moins d’éléments, et moins de recouvrements préjudiciables dans le plan horizontal, ce qui est très bénéfique pour l’intelligibilité. De plus, le niveau sonore élevé et la large bande passante du K2 (3 dB de moins que le K1, mais avec la même bande passante) convenaient aussi parfaitement aux ambitions créatives des cérémonies et à l’envergure de l’événement.
Pour toutes ces raisons, on a prescrit le K2 et nous avons commencé à rechercher des fournisseurs. L’Italien Agora a verrouillé le contrat et on a mis la pression sur L-Acoustics pour qu’ils livrent 230 K2 plus d’autres matériels nécessaires au projet, à l’échéance de novembre 2013.
En fin de compte j’ai fini par développer deux designs. L’un, destiné aux Cérémonies des Jeux principaux, partageait la couverture des tribunes supérieure et inférieure entre les systèmes suspendus et posés. Dans le second, nous avions tout suspendu, car les cérémonies des Jeux paralympiques exigeaient de faire place nette sur l’ensemble de l’aire de jeu pour y mettre les fauteuils des athlètes.
Le système suspendu de la configuration « Olympique »
Pour les cérémonies d’ouverture et de clôture des jeux Olympiques, nous avons accroché 16 grappes, 8 par côté. Chaque grappe était accrochée à partir d’une poutrelle de 4 mètres qui portait neuf K2 à l’une de ses extrémités et quatre SB28 à l’autre. Les quatre grappes utilisées pour la couverture des virages étaient uniquement composés de K2.
Nous avons accroché nos SB28 à 2,75 m derrière les K2 pour laisser la place aux quatre K2 supplémentaires que nous avons ajoutés pour les cérémonies paralympiques. On a ajusté les grappes en fonction de la hauteur du dernier rang de sièges du public, en maintenant les angles de site à zéro degré.
Représentation de la couverture respective à 70° de deux grappes adjacentes de K2 en utilisant le mode couverture de Soundvision. Notez que les points pleins représentent la couverture utile (-3 dB de l’axe) et servent de référence pour l’ajout des sources adjacentes.
Représentation de la couverture combinée des grappes de K2 adjacentes identiques en utilisant le mode cartographie (Mapping) de Soundvision.
On a optimisé l’uniformité des distances, que nous avons évoquée plus haut, pour une dispersion horizontale des K2 réglée à 70° en utilisant la directivité réglable Panflex.
Les recouvrements constants ainsi obtenus entre grappes adjacentes constituent un compromis entre l’intelligibilité et la spatialisation sonore ressentie par le public.
Dans le plan vertical, le véritable comportement de ligne source (WST) des K2 et sa flexibilité angulaire m’ont permis d’obtenir avec un nombre d’enceintes réduit la couverture et la distribution du niveau sonore attendues. De plus, l’aptitude aux forts niveaux sonores des K2 me garantissait que le système assurerait le spectacle sans s’essouffler.
Représentation de la couverture combinée des grappes de K2 adjacentes identiques en utilisant le mode cartographie (Mapping) de Soundvision.
Le système empilé de la configuration « Olympique »
Vue rapprochée d’une grappe posée de K2/SB28 utilisée pour les cérémonies d’ouverture et de clôture des Jeux Olympiques.
Pour la tribune inférieure, les assemblages au sol étaient répartis sur tout le périmètre du plateau de spectacle. La zone située entre le plateau et la première rangée de sièges était utilisée pour les équipements techniques et les déplacements du personnel et nous laissait juste la bonne distance nécessaire pour fournir une couverture régulière du premier au dernier rang. Nous avons aligné trois SB28, ce qui nous a permis de contrôler le diagramme de rayonnement dans le plan horizontal pour bas du spectre.
Représentation de la couverture d’un assemblage au sol obtenue avec le mode couverture de Soundvision. Le K2 du bas est réglé à 110° et les autres à 70°.
On a posé quatre K2 sur le SB28 central. On a réglé l’élément du bas sur 110° (H) et on l’a alimenté séparément, alors que les trois du dessus ont été réglés sur 70° et alimentés en groupe. Ainsi, ils fournissaient dans le plan horizontal la couverture d’une même largeur de tribune malgré un écart de distance de 18 mètres.
Dans le plan vertical, l’augmentation de sensibilité des éléments supérieurs réglés sur 70° compense la plus grande distance et permet d’avoir une différence de niveau quasiment inexistante lorsqu’on passe de l’avant à l’arrière.
Cette configuration a apporté d’énormes avantages au niveau du maintien de l’intelligibilité et fournissait des sensations identiques sur toute l’étendue de la tribune inférieure. Le système au sol a été complété par des éléments de diffusion retardés en ARCS II et 12 XT pour fournir une couverture additionnelle des rangées de sièges provisoires placées au niveau des accès au nord et au Sud du stade.
Couverture verticale et uniformité du niveau sonore d’un seul assemblage de K2. On note que l’écart de niveau sonore reste dans une fourchette de ± 1 dB.
La configuration paralympique : le système suspendu
Le système K2 a une sonorité très proche de celle du K1 et le complète très bien. A ce jour, le système s’est comporté à merveille et d’une manière totalement maîtrisable.
Richard Sharratt, FOH Mix Engineer
Vue rapprochée d’une grappe suspendue de K2 et de SB28 utilisée pour les cérémonies d’ouverture et de clôture des jeux paralympiques.
Pour les jeux paralympiques, la conception du plateau des cérémonies réservait aux athlètes handisports l’espace entre la scène et la première rangée de sièges. Nous avons donc dû couvrir la tribune inférieure uniquement à l’aide des grappes suspendues en n’ajoutant que quelques enceintes au sol pour servir les athlètes.
Il n’y a que très peu de temps disponible entre la cérémonie de clôture des Jeux Olympiques et la cérémonie d’ouverture des Jeux Paralympiques. Il y a pourtant un tas de choses à faire durant cette courte période.
Pour effectuer le changement, j‘ai optimisé la conception des grappes suspendues en adjoignant quatre K2, pris sur chaque assemblage au sol, aux grappes accrochées, ce qui les faisait passer de neuf à treize éléments.
Représentation de la zone couverte par une seule grappe obtenue à l’aide du mode Mapping de Soundvision.
Il n’a pas été pas utile de modifier les angles inter-éléments des neuf éléments du haut car l’angle de 10° entre éléments de K2 permettait déjà de couvrir jusqu’au premier rang de sièges. De plus, on a ajouté à chaque groupe suspendu de SB28 deux des subs du sol, ce qui les faisait passer de quatre à six éléments.
Le système de diffusion consacré aux athlètes paralympiques se composait de 64 enceintes 8XT installés au sol sur des supports spécialement conçus, et alignés temporellement sur le système suspendu. On a ajouté des caissons SB28 pour réchauffer le son destiné à la zone réservée aux fauteuils des athlètes.
La couverture verticale d’une seule grappe suspendue de K2. Les irrégularités du niveau sonore tiennent dans une fourchette de ± 1 dB.
Cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques : l’animation du train.
Le système pour les personnalités
La tribune officielle située du côté Ouest du stade, juste au-dessous des salles de commandes, a reçu les dirigeants mondiaux comme Thomas Bach, le nouveau président du CIO, Xi Jinping, Président de la République Populaire de Chine et Ban Ki Moon, le secrétaire général de l’ONU.
Le plan de cette zone n’a été divulgué que très tardivement, si bien que la couverture à partir de nos grands systèmes n’était pas garantie.
J’ai donc conçu un système retardé spécialement pour les personnalités, constitué de 30 enceintes 5XT pour sonoriser la zone VIP dans le médium et l’aigu.
On a créé un système de stéréo surround spécialement pour les très hautes personnalités, ce qui nous a permis de leur fournir un son surround à partir des multiples sources vidéo.
Systèmes spéciaux
On a utilisé un système dV-DOSC particulier pour reproduire un bruit de train à l’extrémité Sud du stade. Pour la cérémonie de clôture, il s’est transformé en sono pour le DJ russe au centre de la scène. Pour les cérémonies d’ouverture et de clôture des Jeux Paralympiques, ce système a été placé à l’extrémité Nord du stade pour produire le bruit d’un bateau.
La préparation des systèmes
La qualité du son que nous avons obtenu aux cérémonies de Sotchi surpasse celle de tous les jeux Olympiques précédents.
James Lee, Directeur Technique
Comme il fallait installer le système dès son arrivée à Sotchi, il était indispensable de le tester entièrement avant de l’expédier. Agora a reçu ses K2 à temps pour effectuer un test de réception complet, incluant des mesures en réponse impulsionnelle, en balayage sinusoïdal lent pour vérifier les moindres résonances, l’examen des points d’ancrage, des connecteurs et l’inspection des déflecteurs. J’ai créé une feuille de calcul partagée avec les ingénieurs des systèmes acoustiques d’Agora pour enregistrer et suivre tous les tests des éléments.
Tous les systèmes ont été préparés selon les normes rigoureuses d’Agora et ont été prêts pour être expédiés à Sotchi en temps et en heure. Le transport vers Sotchi ne fut pas une mince affaire car il y avait un engorgement monstrueux à l’arrivée au port. Notre système arriva en retard, ce qui nous laissa juste assez de temps pour effectuer le travail.
L’installation des systèmes
Comme les K2 ne pèsent que 56 kg, ils sont faciles à manœuvrer et la phase d’installation s’est déroulée rapidement. L’utilisation d’éléments de pont pour séparer les K2 des SB28 a permis d’obtenir des écarts constants et a aussi fourni un support pour enrouler les faisceaux de câbles de 200 kg. Au sol, on a commencé par installer les LA-RAK posés par terre et les nœuds réseau de contrôle de sorte qu’on pouvait tester chaque groupe en place au fur et à mesure qu’on ajoutait les enceintes.
Le système de contrôle que j’avais conçu utilisait un câble à quatre fibres optiques. Deux fibres servaient au transport du signal audio sur infrastructure matérielle Optocore et les deux autres s’intégraient dans un réseau maillé Ethernet destiné au contrôle de divers appareils comme les récepteurs de liaison sans fil Shure, des onduleurs, des processeurs Lake et des amplificateurs LA8, et à la fourniture d’accès Internet aux différentes zones de contrôle.
Très tôt on a raccordé les LA-RAK au réseau de contrôle pour permettre à notre responsable technique audio de configurer les amplificateurs et les groupes dans le gestionnaire de réseau LA Network Manager sans attendre que les enceintes soient branchées.
Un assemblage de K2 et de SB28 pendant l’installation
La dernière étape de l’installation a été l’installation des consoles de diffusion et du matériel extérieur. On a utilisé une paire de DiGiCo SD7 en redondance ainsi qu’une paire de processeurs d’effets TC M6000 en redondance, des Vitalizer SPL, un tas de Distressor d’Empirical Labs et des compresseurs multibandes Drawmer S3. Une fois la régie façade fonctionnelle, on a pu entamer la procédure de mise en service et de réception du système de diffusion.
Le test des systèmes
Compte tenu de tous les préparatifs nécessaires, le site travaillait jour et nuit et notre séance de réglages quotidienne se déroulait de 5 heures à 9 heures du matin, aux heures les plus froides de la journée, ce qui a eu pour effet de rendre le fait « de se garder au chaud » la partie la plus délicate de la mise en route ! On a utilisé une combinaison de logiciels de mesure Smaart7 et EASERA Systune avec des micros Earthworks M30 et des liaisons sans fil Lectrosonics.
La différence de température entre le lever du soleil et l’heure du spectacle était si significative que nous nous sommes concentrés sur la confirmation de la couverture globale du système, la recherche des moindres zones d’ombre, l’élimination par filtrage des bosses les plus évidentes et l’alignement temporel des différentes parties.
Vérification de la couverture
Pour tirer le maximum de la période de réception du système, il est essentiel de se fixer des objectifs clairs et accessibles. Le premier et le deuxième jour ont été entièrement consacrés à mettre de la musique et à parcourir le site. De temps à autre, on remplaçait la musique par un bruit rose ou un micro sans fil.
Il est très important de repérer très tôt les trous dans la couverture, car déplacer un groupe d’enceintes ou installer des enceintes supplémentaires nécessite la coordination avec d’autres services. C’est aussi le moment d’affiner l’orientation verticale ou horizontale de chaque groupe pour assurer que la disposition sur le terrain est rigoureusement conforme au modèle.
La cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques.
Tests et réception de la tribune supérieure…
Une fois satisfait de la couverture du système, je me suis intéressé à la régularité dans le plan vertical en effectuant de nombreuses mesures dans un plan vertical situé dans l’axe d’une seule grappe. Cela me permet d’appréhender les différences de niveau de pression acoustique et celles dues aux effets de l’absorption de l’air à l’intérieur de la zone de couverture verticale et d’évaluer l’équilibre spectral propre à chaque grappe.
Cette méthode renseigne aussi sur la meilleure façon de grouper les éléments des grappes voisines pour le traitement durant la phase de répétition. Par exemple, les quatre grappes centrales de chaque côté du stade étaient à une plus grande distance du public et donnaient des mesures très comparables aux derniers rangs. Les trois éléments supérieurs de chaque grappe, qui étaient tous à la même distance du dernier rang, ont été placés dans un groupe commun pour ce qui est du traitement de compensation d’absorption de l’air.
Cartographie Soundvision du système supérieur.
A Sotchi 2014, c’était la première fois que les K2 étaient déployés sur une grande échelle et on a passé le temps qu’il fallait pour exploiter à fond l’outil « d’array morphing » pour façonner la réponse en fréquence de chacune selon nos besoins.
L’énergie du K2 dans les basses fréquences est étonnante, avec une sonorité énorme, chaude et précise dans les basses, qui se raccorde à la perfection avec le SB28. Une grappe de neuf K2 a une densité et une puissance inattendues. Avec plus de 200 K2 dans un même lieu, le site répondait à l‘énergie du grave et finalement, on a fixé le coefficient de zoom à 0,63 pour le système en l’air et pour le système au sol. Pendant cette phase, on a aussi mesuré et réglé pour chaque grappe le raccordement entre les K2 et les SB28 suspendus.
Dans les hautes fréquences, les trois filtres FIR du gestionnaire de réseau LA Network Manager sont parfaitement placés pour faire exactement ce que demandent les mesures et les écoutes subjectives. La largeur et les fréquences charnières de ces filtres ont la distribution adéquate pour respecter l’équilibre des hautes fréquences.
J’ai également utilisé le filtre de compensation de l’atténuation de l’air qui se comporte exactement comme prévu. On a amplifié chaque grappe de 9 éléments par groupes de trois, ce qui permet trois zones de compensation d’absorption de l’air par grappe. En moyenne on a mis +3 dB de correction dans la partie supérieure de chaque grappe, +1,5 dB dans la partie centrale et aucune sur la partie inférieure.
On a traité chaque grappe de manière séparée pour obtenir une écoute identique sur toute la surface des gradins supérieurs avec un réglage moyen du système.
… et de la tribune inférieure
Cartographie Soundvision du système
La tribune inférieure présentait différents problèmes. L’assemblage typique comportait trois caissons de sub et 3 K2 posés sur le caisson central, mais on a dû en modifier quelques-uns pour des raisons de visibilité. Sur plusieurs d’entre eux, on a posé les K2 devant le caisson central et plusieurs n’ont que deux caissons. Du fait de ces variantes, il a fallu mesurer chaque montage en fonction d’un l’objectif à atteindre, mais encore fallait-il définir le bon objectif. Nous avons choisi d’effectuer les mesures en prenant comme référence le montage de base constitué de quatre K2 posés sur trois SB28.
Comme on pouvait s’y attendre avec un angle d’incidence aussi faible, des changements minimes se traduisent par des écarts significatifs. J’ai fait appel au système de modélisation pour obtenir quelques variantes que nous avons utilisé ensuite pour les comparaisons directes. Pour chacune des trois options, on a mesuré l’homogénéité verticale et l’équilibre tonal. Après avoir déterminé la meilleure, on a on a effectué le raccordement avec les SB28 et on a réglé les angles dans tout le système. On a ensuite mesuré séparément chaque assemblage en de nombreuses positions pour assurer la conformité à notre objectif.
Puis tout l’ensemble
On a ensuite réglé les systèmes supérieur et inférieur l’un en fonction de l’autre. On a ajusté le niveau, l’équilibre spectral et le retard des deux systèmes pour former un système complet et cohérent. L’architecture du stade Fisht a rendu cette étape complexe et problématique. Heureusement, nous avons disposé de suffisamment de temps pendant la phase de réception, pour commettre quelques erreurs et finalement, les corriger.
Vue de l’emplacement d’un des assemblages de K2 au sol.
Soundvision
On ne doit pas surestimer l’utilité de Soundvision, particulièrement dans un contexte pareil, où les risques sont élevés et les attentes sont immenses. Le chantier n’a été terminé que très tard et n’était pas rigoureusement conforme aux plans. L’environnement acoustique était problématique et on s’attend à ce que des événements de cette envergure représentent une expérience extraordinaire. Mais je me suis entièrement appuyé sur Soundvision pour déterminer les caractéristiques en champ direct auxquelles je devais m’attendre. Le logiciel a écarté les aspects les plus incertains de la conception. Je l’ai utilisé comme un élément du processus de décision pour toutes les modifications dans la conception du système acoustique.
Réglage subjectif
Les répétitions commencent avec un système de sonorisation qui est équilibré et aligné temporellement, mais il reste encore à le régler en fonction des goûts. Cette phase continue jusqu’à la répétition finale en costumes dans un stade plein. Le réglage final est le résultat d’une collaboration entre l’ingénieur du son de façade Richard Sharratt, le consultant audio Bobby Aitken et moi-même. Au bout du compte, le système s’est comporté d’une manière brillante, constante et tout à fait prédictible.
Les cérémonies
« Scott et moi, nous avons travaillé pour la première fois ensemble lors des jeux Olympiques de Londres en 2012, respectivement comme concepteur système et sound designer. Quand Sotchi s’est présenté, nous avons pris quelques jours pour écouter le K2 et nous avons décidé qu’il serait parfait. Et il l’a été ».
Bobby Aitken, Audio Mix Consultant
L’ensemble des quatre cérémonies s’est déroulé dans un stade comble et un public bruyant, engagé et impliqué. Lors de la cérémonie d’ouverture, on avait prévu des crêtes à environ 108 dBA, d’après l’expérience des répétitions en costumes, mais avec le bruit du public, nous avons dû augmenter de 4 ou 5 dB durant tout le spectacle.
Le système a très bien réagi à cette augmentation de niveau, les subs sont entrés en limitations à deux ou trois reprises pendant les effets basse fréquence et les systèmes dV-DOSC utilisés pour les effets du train ont presque « explosé ».
De la part de l’équipe de production et du public, nous n’avons eu que des commentaires positifs. J’ai quelques collègues qui ont passé beaucoup de temps dans des stades, devant de gros systèmes d’enceintes, et ils ont été très impressionnés par les performances de ce système, surtout dans un environnement acoustique aussi difficile.
Le stade Fisht vu de la régie façade.
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