Royan, La Grande Conche, ses tribunes, ses 6 tours de diffusion et sa scène ouverte aux quatre vents.
L’idée est belle et ne cesse de grandir, en taille, en notoriété et en richesse du plateau d’invités. Pour sa 30è édition, Un Violon sur le Sable a décidé d’améliorer la diffusion principale en faisant confiance à Nexo, sans pour autant chambouler sa régie et ses fidèles acteurs techniques. Royan, sa Grande Conche et son sable aussi fin que redoutable vous attendent. Sortez votre pinceau et un transat, on vous a fait un roman d’été !
L’arrivée sur la plage de la grande Conche a ça de majestueux qu’elle est effectivement grande et surtout qu’elle abrite des gradins pouvant accueillir pas loin de 3800 spectateurs payants, des gradins qui ne se rempliront que peu de temps avant le spectacle.
La fosse en revanche, enfin, la plage de sable fin dont l’accès est totalement gratuit, est déjà parsemée de spectateurs qui en profitent pour bronzer tout en occupant avec des serviettes et des transats les meilleures places.
Les bonnes places gratuites se méritent. Premiers rangs, assis dans le sable, second rang, chaise basses uniquement, troisième rang, fauteuil et tables qui se garniront de jolis flacons la nuit venue !
Notre arrivée se fait donc les pieds dans le sable en admirant les 6 tours qui abritent la diffusion, la scène et ses loges, et derrière cet ensemble, un cadre tubulaire où s’affairent les artificiers de Ruggieri. La régie est placée à bonne distance dos aux gradins VIP, elle aussi dans le sable et sous deux dais qui seront retirés quelques minutes avant le show.
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Yann Heynard, régisseur et moteur du Violon
Yann Heynard, ici à 0 mètres d’altitude ;0)
Accompagné par un sourire aussi adorable que l’homme, Yann Heynard qui est le premier à s’expliquer, nous précise son rôle.
Yann Heynard : Je suis le responsable d’Atlantic Sono, une société implantée à Royan, montée en 1980 et qui est à la base de la sonorisation des Violons depuis les débuts de cet événement il y a pile trente ans.
SLU : C’est un gros événement. Qu’as-tu déployé qui t’appartient ?
Yann Heynard : Beaucoup de matériel. Les deux Midas à la face, la Yamaha et la Digi aux retours, tous les micros, la diffusion des quatre tours de rappels extérieurs en Electro-Voice, toutes les enceintes de retours en Electro-Voice et APG… Ce qui ne m’appartient pas ce sont certains effets à la face et la diffusion principale.
SLU : En deux mots ton activité ?
Yann Heynard : Petits concerts, événementiels, un peu de vente et le tout, soit ici, soit dans les Alpes. Je passe de la mer à la montagne. Au milieu ce n’est pas mon truc (rires).
SLU : Comment en vient-on à sonoriser un tel mastodonte ?
Le pratos du chef d’orchestre Jérôme Pillement faisant face à ses 80 musiciens auxquels s’ajoutent choristes et solistes.
Yann Heynard : Avant de prendre la taille actuelle, le Violon a été tout petit. Un jour Philippe Tranchet, qui en est le créateur et l’organisateur mais qui est aussi un ami de longue date, m’appelle et me demande si je peux sonoriser un orchestre de musique classique sur la plage de Royan. Ce qu’il convient d’appeler la première édition a eu lieu avec un seul violon et pour quelques personnes seulement. Je réponds qu’on va essayer.
En 1988 je plante deux paires d’enceintes de chaque côté, quelques micros devant les 14 musiciens et de fil en aiguille l’événement s’est étoffé et a grandi. On a bénéficié de l’aide de l’équipe du Mondial de Billes organisé aussi par Philippe Tranchet, une dizaine de personnes bienvenues pour transporter le matériel car le sable n’est pas très pratique pour ça… Jusqu’au jour où nous avons enfin bénéficié du Manuscopic, une révélation et une révolution (rires). Cela nous a permis d’apporter beaucoup plus de matériel.
SLU : Il aime l’eau de mer le Manuscopic ?
Yann Heynard : Rien n’aime ni l’eau ni le sable et nous avons hésité longtemps avant d’apporter la première console numérique car les analogiques se sont révélées plus solides. On en a cassé pas mal au début dont une paire de Mackie TT24 dont les faders se sont complètement grippés ce qui n’a pas facilité le show. La marque avait joué le jeu et les avait remplacées. En 3 mois et un Violon, on les avait rincées.
Arnaud Houpert dans la régie son durant les balances et face à ses deux Midas.
Arnaud Houpert (ingé son façade) : Je me souviens avoir dit à Yann « Je vieux bien mettre des cordes, mais je ne peux pas, regarde… » (rires)
Yann Heynard : Encore aujourd’hui on souffre beaucoup de l’air marin et surtout du sable, pas le gros sous tes pieds, mais le très fin plein de sel qu’on ne voit pas et qui pénètre partout. On passe notre temps un pinceau à la main ce qui ne m’a pas empêché de changer tous les linéaires d’une des Pro2 Midas. Ils ont tenu cinq ans mis c’était devenu inmixable et pas la peine de mettre de la bombe, cela crée des pâtés corrosifs.
SLU : Les Violons devient donc avec le temps très gros. Comment cela est géré aujourd’hui ? Appel d’offres et tutti quanti ?
Yann Heynard : Non, c’est resté très simple et géré de façon directe avec la prod. Cela fait 30 ans que je m’en occupe, le prestataire lumière 17 et Arnaud qui mixe 19 ans. Nous sommes des amis et ça fonctionne très bien ainsi, ce qui n’empêche pas exigence et obligation de résultat. Potes ou pas, il faut que ça marche !
SLU : C’est cool, le prix double chaque année alors (rires)
Yann Heynard : Non, justement pas. La confiance ça marche dans les deux sens. Les budgets sont très stables malgré la constante augmentation de la taille de l’événement et du nombre de concerts par année. »
La naissance d’une belle équipe
Les 5 historiques et trois petits nouveaux. Accroupie à gauche, Séverine Gallou au mix retours, à droite Yann Heynard à la régie technique et bien plus. Debout de gauche à droite Carole Marsaud, Ingénieur en acoustique chez Nexo et associée chez Blackline Event, Jean-Jacques Vias, directeur commercial de Nexo et vacancier de passage à Royan, Anna Jedrowski, assistante plateau en charge du prémix des cordes, Pascal Mercier en charge du plateau, Jean-Claude Marsaud, PDG de Blackline Event et enfin Arnaud Houpert, mixeur façade.
SLU : Tu es donc tout seul au début, mais rapidement tu t’entoures.
Yann Heynard : « Absolument. Le premier à m’épauler a été Pascal Mercier au plateau. Puis en 99 j’ai fait la connaissance d’Arnaud Houpert qui a pris en charge la régie façade et le mix, puis Anna qui est venue en stage et revient chaque été depuis 11 ans pour pré-mixer les violons. Grâce à eux, j’ai pu ne m’occuper que des retours et de la régie générale, poste que j’occupe toujours aujourd’hui.
Aussi transparent acoustiquement que visuellement, le système STM de jardin dont on devine le bloc de 9 S118 et les 2 petites M28 en downfill placées à l’aplomb du guide des M46.
SLU : Il y a donc quelqu’un à jardin sous la tente…
Yann Heynard : Oui, Séverine Gallou qui tient les retours depuis trois ans. L’équipe de base compte donc 5 personnes.
SLU : Tu installes ton matériel de diffusion partout sauf dans le gauche/droite principal…
Yann Heynard : Oui, j’ai toujours complété en louant le nécessaire sauf cette année où pour le trentième anniversaire j’ai demandé à Jean-Claude Marsaud et sa fille Carole, deux copains de plus, de venir bosser avec moi, d’où l’arrivée de Nexo que Jean-Claude distribue et utilise avec sa société Blackline Event. Ils ont donc pris en charge la façade avec la collaboration de Nexo et c’est Carole qui a fait le design et le calage. »
Carole Marsaud : « Avec la collaboration plus qu’active de Val Gilbert qui est passé à Royan, et c’est d’ailleurs lui qui a arbitré les derniers choix. Il a un savoir-faire et une expérience immense en Touring. Il n’y a même pas de questions d’égo, c’est lui qui a le dernier mot pour le bien de la prestation. Ca me paraît logique que ça se passe comme ça. En plus je ne veux pas me fâcher avec Val (rires) ! »
Si le nom de Carole Marsaud vous dit quelque chose, vous avez raison, mais nous en parlerons avec elle plus loin dans ce reportage !
SLU : Ca sent un peu le passage de témoin…
Yann Heynard : En quelque sorte. Comme dans quatre ans il est possible que je devienne spectateur, si Jean-Claude se débrouille bien, peut-être qu’il reprendra et sera là pour 20 ans ! Quand je dis que c’est une histoire de famille c’est vrai. Quand je mixais, Arnaud Houpert qui avait 15 ans et venait depuis Paris en vacances avec ses parents, se plaçait devant la scène et…
Arnaud Houpert : J’étais assis et je trouvais ça génial. J’étudiais le violoncelle et déjà à l’époque le fait de l’amplifier m’intéressait car on jouait pas mal de jazz et de pop.
SLU : Vous avez dû être des pionniers du classique amplifié et encore plus en plein air…
Yann Heynard : Et sans bâche aussi ! Oui, on a été les premiers à démocratiser autant le classique et ne parlons pas de le faire sur une plage ! Nos musiciens sont aussi bons que trash, et acceptent ce que d’autres n’imaginent même pas. Notre chef est génial et est là aussi depuis 1992. Le public enfin nous connait, vient chaque année, nous interpelle, félicite, nourrit parfois en nous apportant des victuailles, une vraie histoire de famille !
Nexo, merci Blackline !
SLU : Ce système Nexo alors…
L’incontournable et incollable Jean-Jacques Vias !
Yann Heynard : C’est certainement le haut du panier de la diffusion et nous en sommes particulièrement contents. Quand j’ai commencé ce métier, j’ai d’ailleurs acheté des enceintes de cette marque, des Touring et des PS15, et lorsque j’ai voulu aller plus loin avec eux, j’ai ressenti un certain manque d’intérêt, un défaut de l’époque de nos deux grosses marques nationales et depuis corrigé. (Jean-Jacques Vias, Directeur commercial de Nexo présent lors de cette journée tend l’oreille).
J’ai toujours aimé Nexo (rires) même si le matériel reste pour moi un outil et chaque enceinte a ses qualités et ses défauts. J’ai donc bifurqué vers d’autres marques étrangères qui m’ont servi et me servent au quotidien sans problème.
Jean-Jacques Vias : Nous avons sans doute eu un passage plus difficile autour du lancement de notre première petite ligne source, le S8 où nous avons ressenti le besoin de sélectionner nos clients et surtout éviter de donner des outils complexes à des sociétés qui ne les auraient pas exploités au mieux. Mais nous avons depuis modifié notre politique commerciale et faisons en sorte de toujours assurer la formation et l’assistance, y compris sur des petits systèmes abordables, c’est donc de l’histoire ancienne.
Le moteur STM made in Senlis (Oise) vu côté pile.
SLU : Nexo revient donc aux Violons via Blackline.
Yann Heynard : Oui, mais surtout grâce à la confiance que j’ai en Jean-Claude Marsaud. Aux Violons, on marche à la confiance et on travaille en local, entre prestataires du cru.
On ne va pas aller chercher des systèmes à Paris alors qu’en plus on touche des subventions en local ! Il faut qu’on se soutienne entre nous, tout en faisant en sorte que la qualité de chaque intervenant soit garantie.
Si Jean-Claude n’avait pas du bon matériel et des gens compétents pour le mettre en œuvre, je n’aurais pas pu le faire travailler pour nous et cette collaboration va même au-delà puisqu’on a eu besoin de matériel sur une autre opération et on a fait appel à lui.
Je tiens à préciser qu’Audio Pro à Bordeaux nous a toujours fidèlement accompagnés, on a simplement souhaité cette année faire quelque chose de nouveau et aller vers Nexo pour les 30 ans des Violons.
Arnaud Houpert, du son, et du bon.
SLU : Arnaud, comment es-tu arrivé au son. Violoncelle et puis…?
Arnaud Houpert (ingé son façade) : Ce qui est rigolo c’est que j’ai travaillé avec des gens de chez Nexo au moment où j’ai bifurqué après mon prix du conservatoire en 97. C’est vrai aussi que dès que j’ai eu dix ans et trois ronds, j’achetais un micro. J’étais un fan de l’objet micro, un autiste du capteur sans trop savoir à l’époque pourquoi. Etant au conservatoire à Paris, j’ai aussi eu l’occasion de jouer en studio pour diverses séances où, après la prise, je restais scotché en cabine. J’adorais ça. Le lendemain du prix du conservatoire au petit déjeuner, j’ai annoncé que j’arrêtais le violoncelle.
Arnaud Houpert à gauche en compagnie de Pascal Mercier dans sa régie. Remarquez les parasols, ils mettront du temps à se fermer !
J’avais commencé à 4 ans et j’en avais 19. Plein les bottes. Sur un coup de chance, j’ai rencontré l’équipe de Lagoona Paris, Bernard Duquesne et Didier Jory grâce à la fille de Bernard à laquelle je donnais des cours de violoncelle, et ils m’ont proposé de les rejoindre. J’étais débutant comme tous les débutants, mais j’avais un peu plus d’oreille et terriblement envie de faire ce métier. Ils voulaient en plus augmenter leur part de marché dans le jazz et s’ouvrir au classique.
J’ai ainsi bénéficié d’une formation de deux ans au métier de sonorisateur avec 6 mois de Harting, du déchargement à 6 du mat’ pour voir si le petit violoncelliste sait se « crader » les mains, puis de la Spirit Folio, de la résidence au Splendid et, second coup de bol, un soir Pierre Jacquot déclare forfait, malade, et je le remplace au mix de Dee Dee Bridgewater sur une PM4000 avec une 480 Lexicon et woawwww… ça sonnait tout seul (rires). Ils sont venus me voir, cela leur a plus et j’ai pu partir sur d’autres trucs un peu plus sérieux. Paf, 9 mois après service militaire dans l‘armée de l’air entre Cognac et Salon, je rencontre une chérie, je m’installe dans le Sud-Ouest et inévitablement je tombe sur Yann Heynard qui, ravi de mon passé de violoncelle et de son, me propose la face et comme la greffe a pris, je suis toujours là.
La régie technique son et à gauche éclairage une fois retiré le dais.
SLU : Et quand tu n’as pas un pinceau dans la main et du sable entre les doigts de pied ?
Arnaud Houpert : Je travaille en faisant en sorte d’en faire le plus possible entre le 15 juin et le 1er septembre en festivals pour rester dans la région auprès de ma petite famille. Pour l’hiver j’ai une boite spécialisée dans la captation, le bridging réseau et le micro numérique qui s’appelle U-Fly.
SLU : Ca me rappelle quelque peu le nom et le boulot que fait Alain Roy et son FAN…
Micro numérique Neumann = RCS, le soft de pilotage des préamplis/convertisseurs.
Arnaud Houpert : Non, pas vraiment, on se connait bien avec Alain et on se voit fréquemment chez Neumann, mais ma boîte et mon nom dérivent de ma passion pour l’aérien et la forme en U de mon studio de mastering à la maison. Je mixe donc en concert, assure des captations en numérique et leur conversion à tous les formats existant et enfin je masterise.
SLU : Venons-en à ton travail ici. Tu as deux consoles. Tu assures encore le suivi de la partoche ?
Arnaud Houpert : Non, plus le temps et trop de micros sur scène. J’ai désormais un lecteur qui me signale tous les points importants, les départs de certains instruments pour n’en oublier aucun. C’est d’autant plus nécessaire quand les œuvres en question sont réécrites ou réarrangées et que je n’en connais qu’un MP3…
Des opéras aux étoiles comme toit, un changement radical !
SLU : Ils ont l’air de s’éclater les musiciens.
Arnaud Houpert : C’est le cas. Ils viennent pour la plupart depuis longtemps et ce sont en quelque sorte des vacances, studieuses mais très drôles et puis c’est rare pour un musicien classique d’être sonorisé face à 40 000 personnes, un peu comme U2 !! Quand ils montent sur scène, c’est gigantesque.
SLU : Comment ils s’en sortent hors de chez eux et de leur cocon acoustique ?
Arnaud Houpert : Pour la grande majorité des musiciens, avec un grand effort d’adaptation ils y arrivent. Rappelons qu’ici, si on coupe la face et les retours, à 40 mètres, on n’entend absolument rien, pas même les cuivres. L’air et le sable absorbent tout. Au plateau c’est aussi un peu ça, le son s’évapore. On leur redonne des réflexions de salle et on les entoure d’enceintes. Les habitués du studio s’en sortent très bien. Je pense par exemple à Jean-Philippe Audin, notre premier violoncelliste, qui est rompu à ce genre d’exercice. Il comprend immédiatement, demande juste un petit tutti cordes en retour et ça roule.
Le plateau avec la batterie derrière son plexi, le piano protégé des rayons du soleil par un dais et les sièges décorés des musiciens. On aperçoit les spectateurs massés devant, et qui ne ratent pas une miette des balances.
D’autres comme les cuivres ont besoin d’être plus choyés car, là où ils sont placés, les cordes par exemple ne leur arrivent pas du tout et la façon dont ils entendent leur instrument et l’absence de la moindre réflexion, les handicape plus. Sonoriser un orchestre classique en salle est beaucoup plus facile !
Cela dit, Séverine travaille ses sources, et avant de les envoyer dans ses retours, le son est déjà joli. Son tutti cordes qui rentre dans le line array des retours est très élaboré et n’abîme pas du tout la captation. Les percussions et surtout les claviers demandent énormément de cordes. J’en ai donc beaucoup au repiquage. Je l’entends dans mon Virtual. Je joue donc avec cette repisse cordes d’autant qu’elle n’est pas moche.
SLU : La captation souffre-t-elle du même problème sel/sable…
Le line array des retours, 4 Electro-Voice XLD281 de part et d’autre de l’orchestre.
Arnaud Houpert : Forcément, et le choix des micros s’en ressent. Si je pouvais employer plus de numériques, les problèmes de repisse seraient différents, mais je ne peux pas exposer mes micros que j’utilise le reste de l’année dans d’autres conditions, à ce qu’ils devraient endurer ici.
Je me dois d’offrir avec U-Fly une tête parfaitement aux normes. Même avec une bonnette, l’humidité, la chaleur, le soleil direct, le sable, tout abime les micros. On a quelques numériques pour les soli, mais ce ne sont pas ceux que je vais mettre en priorité le reste de l’année. On en a aussi sur la harpe ou le cor anglais car ce sont par définition des instruments qui n’envoient pas grand-chose.
SLU : J’imagine que le mix se fait par la grâce de la repisse.
Arnaud Houpert : En quelque sorte. Pour placer dans le mix mes cuivres par exemple, je ne les ouvre pas en me disant, et voilà les cuivres. Via la petite harmonie, ils sont déjà naturellement présents par l’aigu. Leurs micros ne me servent qu’à jouer en dessous de 1 kHz leur gras et leur grave. Les micros des cuivres sont d’ailleurs très « shelvés ». Gros avantage, je déclenche la réverbération par la prise de proximité des cuivres, ce qui me permet de lui donner la couleur que je veux. Tout se construit en additionnant. On ne peut rien exclure.
SLU : Comment gères-tu la phase de la captation de ton orchestre.
Petite bonnette indispensable sur cet AT3031 que Pascal Mercier teste. Remarquez son interphonie, un pack émetteur et un récepteur, le grand luxe.
Arnaud Houpert : Les violons sont à temps 0, tous. Ils sont en quelque sorte « chimiques » par leur réverbération et repris en proximité par 40 micros à col de cygne donc pour redonner cohésion, hauteur et effet de masse, je les mouille beaucoup sans premières réflexions, avec un algorithme très dense et malgré tout, le plus naturel possible.
Je délaie à partir de la petite harmonie, grande harmonie, cuivres et éventuellement cœurs. Mes micros les plus sensibles étant ceux qui repiquent la petite harmonie, tout est délayé en fonction de ça. L’avantage est que les cordes qui sont devant n’y vont pas ou très peu.
Prise en proximité obligatoire
SLU : Impossible quoi qu’il en soit de laisser un peu d’air à la prise : ni les conditions entre vent et sable ni le gain avant accrochage ne s’y prêtent j’imagine…
Arnaud Houpert : Non, impossible, d’autant que j’ai 16 tours de pyrotechnie et qu’à la fin de chaque show il y a un feu de maboule qui est tiré. Mais même hors pyro, envoyer un philarmonique à 40 000 personnes, même « Rycooté » à mort, à un mètre et demi des cordes, je n’ai pas de niveau, je n’ai pas de marge, ça part à l’accroche partout et surtout Royan est très venté (pas le soir de notre passage, mais durant les balances on a entendu quelques rafales et cela devient mission impossible ! NDR)
Le rack à merveilles d’Arnaud. On reconnait tout en bas les deux PCM 70 et 91 et au-dessus la 96. Encore au-dessus, l’Ibis, un égaliseur en Classe A de Crane Song. En remontant d’un cran le Hedd, le convertisseur colorisateur de la même boîte de David Hill et tout en haut le fameux GML 8900 qu’on ne trouve plus que d’occasion.
SLU : Tu dois faire un gros travail de sélection et de programmation de tes algorithmes de réverbération. (superbe boulot, on en reparlera NDR)
Arnaud Houpert : Oui forcément car je dois parvenir à redonner de l’ampleur et, en même temps, fabriquer cette masse orchestrale qu’une salle réussit si bien. Je le fais avec la programmation des réverbérations mais aussi en jouant avec le ratio entre direct et effet. Je me sers principalement d’une vieille PCM 91 pour noyer les cordes, et d’une PCM 96 pour l’aigu du noyage des cordes car la 91 est très belle dans le grave et le bas mid mais moins dans le haut où la 96 est plus précise, et le second moteur de cette dernière me fait le tutti orchestre.
Avant j’avais une 480 qui était très bien mais à chaque fois elle me coûtait 1500€ de réparation donc je suis passé à la 96 qui est beaucoup plus solide et ne marche pas si mal ! Ici il faut savoir qu’au moins 50 % du son final est composé de réverbération. Il m’arrive de passer une semaine en hiver dans mon studio à travailler mes algos en mouillant les Virtual de l’année d’avant. Un placement raté de micro sur un hautbois ou une flûte ça va me contrarier, une réverbe ratée ou mal dosée c’est juste une cata! Quand tu ouvres les cordes toutes seules, tu t’enfuies en courant ! Sans EQ et sans réverbes… (rires)
SLU : Et la PCM 70 ?
Arnaud Houpert : Elle va servir pour les morceaux d’Eric Serra qu’on va jouer dimanche soir et pour certaines réverbérations très typées sur la musique de film. On aura du Bernard Herrmann, du John Williams et en clôture du Game of Thrones et le Pirate des Caraïbes. Pour passer d’Herrmann au Grand bleu, la couleur de la réverbération sera très utile.
Quelques bijoux bravent les éléments
SLU : Raconte-nous le pourquoi de ces beaux périphériques qui sortent, on s’en doute, de ton studio de mastering.
Arnaud Houpert : Le Hedd de Crane Song a une fonction que j’adore et qui se règle avec le potentiomètre Tape. Elle va arrondir le dessus du grave, disons entre le bas médium et le grave en donnant au son un rendu très Neve. Pour grossir beaucoup le trait, au lieu d’avoir un transitoire qui sonne « tac » dans le grave, il va être enrobé et légèrement adouci, ce que l’on aime dans les consoles Neve en fait. Avec les consoles numériques super carrées et sèches plus anciennes, le Hedd arrange bien la sauce.
SLU : L’égaliseur Ibis et le compresseur GML sont aussi insérés sur les généraux ?
Arnaud Houpert : Oui absolument, ils font partie de ma chaîne de mix en insert sur le gauche/droite. Le Hedd convertit et colore, l’Ibis est un extraordinaire égaliseur qui me sert beaucoup pour donner cette touche de couleur en fonction des compositeurs des musiques de film et le GML me sert à gonfler si nécessaire et de façon absolument indécelable le niveau LUFS. Je lui rentre un peu dedans et le mix se gorge un peu plus. Les dynamiques et les transitoires restent les mêmes.
SLU : Si ce n’est que tu te compliques un peu plus la vie vis-à-vis de l’accrochage. Le STM se comporte comment à cet égard ?
Arnaud Houpert : Très bien, l’onde arrière est très basse, si ce n’est qu’il y a quelques jours j’ai tout fait péter !
On va tirer les marrons du feu !
Arnaud Houpert : Je n’ai pas vraiment l’habitude d’avoir 72 kW par côté. On mixe à 90, 92 dBA, et lors du final je lâche un peu les chevaux. L’autre soir on a fini sur le Boléro de Ravel ou naturellement le niveau augmente, et moi-même j’ai eu tendance à pousser un peu. C’est une volonté du Festival, on met le frisson aux spectateurs et on les colle exprès durant deux minutes au final, ce qui est raccord avec la pyro qui est grandiose et clôture le show chaque soir. J’ai donc fini les dernières notes à 104 dBA à la console.
Trois racks NUAR. On ne dirait pas vu comme ça mais dans chacun de ces amplis sont générés environ 16 kW…et il y en a 6. Par côté. Ouch !
Problème, Ruggieri m’a fait décoller 8 marrons d’air (bombe très sonore tirée au mortier de 50 ou 75 mm NDR) qui ont pété pile sur la dernière note du Boléro et au-dessus de mes 120 micros grands ouverts. Les amplis Nexo ont fait un énorme appel de jus et là, clac, rideau. On a eu la dernière note, un peu sèche car pas vraiment suivie de réverbération, et tout a sauté. (Rire général sous le dais ! NDR) Comme nous sommes ondulés en régie, on a juste entendu le bip nous signalant qu’on était passé en secouru et du fait que les lumières n’ont pas été impactées, personne ne s’en est rendu compte.
On a continué à se parler tranquillement entre régie et plateau, et nos consoles n’ont pas eu besoin de rebooter. Tout le monde un peu hébété venait de se manger pour la première fois la puissance du STM, y compris Philippe le producteur, qui parle en général assez vite à la fin du concert. On a eu 10 secondes d’un silence incroyable dans le public, puis d’immenses applaudissements, pour réarmer tranquillement les disjoncteurs. Philippe est monté sur scène et a pris la parole comme si de rien n’était.
SLU : Ahhh ces PFC, c’est utile parfois (rires)
Jean-Jacques Vias : On essaye d’optimiser tension courant mais il ne faut pas se leurrer, on a un système de forte puissance, et quand on le sollicite, il répond présent, mais il faut lui filer à manger ! (Après ce Boléro mémorable, les armoires vont passer à 63A par côté NDR)
104 dBA en STM
SLU : Et ces 104 dBA dans le STM ?
Arnaud Houpert : Ca ne tasse pas dans le système et tu sens qu’il en reste encore. Pour la première fois, mon son est resté cohérent à fort niveau. Fort mais sans aucune couleur étrange. J’ai pu garder mon grave grâce à l’absence du vent, et pour la première fois j’ai entendu le 30 Hz de ma grosse caisse d’orchestre. En plein air. La différence avec ce que j’ai pu avoir avant est très grande. Le son est beaucoup plus moderne sans pour autant rattacher le moindre côté péjoratif à ce terme.
La dynamique est belle, le grave est splendide, l’extrême aigu est aussi splendide, je ne trouve à redire qu’autour de la petite coloration autour des 3,6 kHz. Y’en a une bien là. 4 dB avec quelques trucs en dessous entre 3 et 3,6 kHz. C’est possible que ce soit le design et cela doit pouvoir se corriger, et en plus on le met en relief avec les micros à quelques centimètres de l’archet.
On dirait des petits frigos ou des petites clims, bref, le look est parfaitement à l’opposé de ce que sont les S118, de vraies pompes à sensations fortes, même en extérieur et en petite quantité comme ici. Rappelons qu’ils n’embarquent qu’un unique 18 pouces mais ultra optimisé et chargé.
SLU : De toute façon il doit y avoir des spécificités liées à la captation en proximité.
Arnaud Houpert : Bien sûr. Les contrebasses ont un effet de proximité entre 110 et 120 Hz, la résonance de la caisse, et les violoncelles c’est autour de 170 Hz. On doit toujours nettoyer, ce qui n’empêche pas d’autres systèmes de se faire piéger et ne pas parvenir à bien reproduire ces fréquences, même taillées. On est tout en bas du bas médium, très près du grave et pas loin du raccord avec les subs, et du coup j’ai souvent connu cette bande de fréquence « bavouilleuse ».
En rock ou en variété, cela peut apporter de la profondeur à la caisse claire, mais sur du classique cela ne pardonne pas. On a toutes les fondamentales de la moitié de l’orchestre qui jouent dedans, aucun doute ou couleur n’est permis. Avec le STM, si je casse entre 110 et 120 Hz, je retrouve vraiment le mordant et le timbre de la contrebasse dans toute sa précision sans être obligé de faire dans l’agricole à l’EQ. Une contrebasse ça doit faire hgrrrrran et pas bwwwwwoum (rires).
SLU : Donc tu es heureux..
Arnaud Houpert : Presque complètement. Est-ce l’accroche ou la nature du STM, je trouve qu’il faut le sortir de sa torpeur, le faire jouer à un certain niveau pour que le son s’envole et prenne toute sa place. A très bas et bas niveau, on a l’impression qu’il pique un peu vers le bas alors qu’à plus fort niveau il s’ouvre, et non seulement il sonne très bien, mais en plus on a l’impression qu’il agite vraiment l’air et habille l’espace. On sent presque la salle. A partir de 90 dBA il prend son essor.
Jean-Jacques Vias : C’est intéressant mais pas évident à traiter comme remarque car d’abord l’oreille n’est pas linéaire et puis il faut savoir comment, au sein d’un preset, on organise cette plage entre 85 et 105 dBA à la console. Est-ce que ton système suit l’oreille ? Est-ce qu’au contraire il croit de façon linéaire ? Il faut peut-être anticiper et modifier légèrement certains équilibres en connaissance de cause.
Arnaud Houpert : Je sais déjà que l’année prochaine je séparerai les subs et le système sur deux matrices différentes. Une des spécificités de cette musique est le besoin de linéarité. Quand on descend de 10 dB, on a l’impression que le sub repousse à l’avant, un phénomène rencontré sur toutes les marques, peut-être psycho acoustique mais quoi qu’il en soit gênant. Je suis à court de ressources cette année mais l’année prochaine je me garderai une matrice !
La captation avec Audio-Technica, Beyer et Neumann
SLU : On a beaucoup parlé de micros, tu nous donnes quelques modèles ?
Arnaud Houpert : Pour les violons et altos j’utilise du Pro 35 Audio-Technica qui a moins de grave, et pour violoncelle et contrebasse, l’ATM 350. Pour les bois, on a un micro à condensateur très résistant tout en étant abordable et très droit, l’AT3031, toujours d’Audio-Technica et hélas discontinué. Quand on a cherché un micro apte à remplacer le MK4 et MK41 Schoeps, le 3031 s’est imposé naturellement au cinquième du prix.
Les timbales sont repiquées par de l’AT4050 et de l’AE3000, les cors le sont par des 201 Beyerdynamic, un de mes micros dynamiques préférés de tous les temps avec le 441 de Sennheiser. J’ai aussi quelques M88. En définitive beaucoup d’Audio-Technica car ça marche bien et c’est surtout très résistant !
Le Pro 35 d’Audio-Technica
L’ATM 350 d’Audio-Technica
Le Beyer 201
l’AT3031 d’Audio-Technica. Choyé par Arnaud car sorti du catalogue du manufacturier japonais.
Retour au système avec Jean-Jacques Vias pour un rapide tour d’horizon sur la venue d’un kit de STM M46 à Royan. 9xM46+B112 prolongés par deux M28 et 9xS118 en montage cardioïde par côtés…
SLU : Comment en êtes-vous venus à fournir les M46 aux Violons ?
Jean-Jacques Vias : Jean-Claude Marsaud, qui vient d’intégrer le réseau Nexo avec sa société Blackline Event, dispose d’un assez large éventail de références dont du M28, mais vu les distances à couvrir en plein air, il nous a semblé important de l’accompagner sur les Violons avec du M46 dont il ne dispose pas, pour avoir un peu de réserve en cas de besoin. Initialement West Evénements devait fournir le kit à Jean-Claude, mais un problème de calendrier vraiment trop serré a fait que nous avons décidé de ne courir aucun risque en livrant notre kit de démo et l’assistance de Val Gilbert pour peaufiner le déploiement en partant du design de Carole Marsaud.
Ce qui est intéressant aussi pour Nexo c’est l’utilisation du STM et spécialement du M46 dans le classique, quelque chose de nouveau, d’autant que ce festival jouit d’une très belle notoriété et que les attentes acoustiques sont grandes à la fois en termes de portée avec 90 mètres à couvrir, de résistance au vent, comme en termes de rendu. Nous sommes très satisfaits du résultat et cela contribue aux remontées de terrain qui nous sont très précieuses pour faire évoluer les outils informatiques et le processing.
SLU : Le vent est le grand ennemi des Violons…
Arnaud Houpert : C’est quelque chose qui est devenu imprévisible. Là où il y a une dizaine d’années, quand on avait un gros vent durant les répétitions, il tombait systématiquement à 21:00 et s’arrêtait totalement à 22:00, aujourd’hui ce n’est plus vrai. On peut avoir des balances tranquilles et essuyer des grosses rafales à 22:00. Enfin il y a pour chaque date un jour de repli afin de compenser une grosse précipitation ou autre phénomène atmosphérique.
Le plateau, le règne de Séverine, Anna, Pascal et Benoit
L’équipe plateau complétée par Carole Marsaud pour la photo. De gauche à droite Anna Jedrowski, Pascal Mercier, Séverine Gallou, Benoit Giberteau et donc Carole.
On a bien compris que les retours et le management du plateau sont des postes essentiels aux Violons. Place donc à Séverine Gallou, honneur aux femmes, qui tient avec bonheur les retours avant d’interroger aussi Pascal Mercier qui règne sur le plateau.
SLU : Séverine, tu assures les retours mais pas que. Je vois que tu as deux consoles…
Séverine Gallou : Oui, je récupère 64 entrées dans la CL5 via mes Rio et le Dante, et les stems des cordes en AES, un prémix effectué dans une SC48 Digidesign qui part aussi à la face mais en analogique. La SC et la CL5 sont en 48 kHz alors que la face travaille en 96 kHz. On réduit 40 paires en 8. Il en va de même pour les chœurs qu’Arnaud me prémixe à la face et me renvoie au plateau. 12 paires qui chez moi se transforment en une, car je n’ai que des diffusions en mono, à plus forte raison cette année où aucun artiste invité m’a demandé de ears.
SLU : Comment transportez-vous le signal entre devant et derrière ?
Séverine Gallou : AES50 pour les consoles d’Arnaud et quelques paires analogiques. Je récupère quant à moi les chœurs à partir d’un DL155, et j’exploite soit mes Rio, soit mes Omni in.
La régie de Séverine avec sa CL5 Yamaha. Sable, cagnard, humidité, reflets et heureusement une passion totale pour son métier et toute la précision d’une femme qui a osé me dire «..moi tu sais, la technique… » C’est c’la oui, c’est c’la..
SLU : Il y a une horloge ?
Arnaud Houpert : A la face et pour certains micros numériques, je distribue une horloge Antelope.
Séverine Gallou : De mon côté je suis un peu bloquée par les deux consoles qui ne fonctionnent qu’en 48 kHz et la Yamaha en plus ne veut pas du tout de 96. Comme il n’est pas possible de le convertir en entrée, je récupère les micros numériques en analogiques via des directs out des Midas. C’est dommage, je le sais.
Arnaud Houpert : La CL5 est compatible avec des cartes MY qui acceptent le 96 ; ce n’est probablement qu’un problème de soft. Cela fait des années qu’on attend.
Les 4 têtes Electro-Voice XLD28 utilisées par Séverine pour couvrir essentiellement les cordes et la petite harmonie.
SLU : Ici aussi tu souffres du sable ?Séverine Gallou : Pareil, le patron c’est lui. Je passe mon temps avec le pinceau et dès que je termine les Violons et je rentre chez moi, je démonte mon ordinateur personnel et je le souffle entièrement au compresseur.
SLU : Tu as la responsabilité de créer une conque pour l’orchestre. Tu utilises apparemment beaucoup de retours.
Séverine Gallou : J’ai tout d’abord deux line array Electro-Voice XLD281 : 4 éléments par côté. J’aurais aimé les placer en front de scène pour mieux répartir le son mais le vent m’en a empêché ; du coup ils sont accrochés très latéralement et beaucoup plus proches des cordes. Je charge moi aussi pas mal mon mix de réverbération pour essayer de recréer des murs et rappeler autant que possible une salle ; une tâche pas évidente car le son s’échappe tout de suite. Le but est de donner à chaque ensemble le plus possible de ce qu’il ne peut pas entendre, pas forcément son instrument, mais les autres formant l’orchestre.
Regardez bien, entre les projecteurs se trouvent bien 6 enceintes moulées Electro-Voice, le plafond imaginaire d’une salle qui l’est non moins.
Au-delà de ce premier point de diffusion, j’en ai un second accroché à un pont à l’aplomb de la petite harmonie. Je couvre cette première en douche avec trois enceintes et les cuivres avec trois autres légèrement plus anglées. Le choix de ces 6 boîtes Electro-Voice tient essentiellement dans leur capacité à résister aux intempéries puisqu’on les laisse là-haut durant toute la période des Violons. La connectique est étanchéifiée à l’arrière.
La distance en plus améliore leur rendu, et on parvient à créer un plafond avec une sorte de réflexion comme les musiciens ont l’habitude d’avoir. Nous avons ensuite des appoints partout où cela est nécessaire. Par exemple pour la harpe, pour le Chef, pour le timbalier et pour les percussions j’ai placé des wedges. Les cuivres disposent de petits wedges pour leur apporter de la précision sur leur instrument.
Placés sur un pied, les bons vieux wedges DX12
SLU : Tu gères combien de sorties ?
Séverine Gallou : 18 en tout. Sur la CL5, entre mix et matrices, c’est figé ; du coup je me suis fabriqué trois prémix : petite harmonie, cuivres et percussions. Je n’ai pas fait la même chose avec les cordes car je peux les gérer facilement sur 8 tranches, puisqu’elles sont pré travaillées dans la SC48. Sur les matrix, j’ai mes trois mix pour les solistes.
SLU : Comment peux-tu travailler tes mix à l’avance ?
Une SC48 Digi dans une tâche de pré-mélangeur de cordes assez inhabituelle pour ce type de console d’entrée de gamme mais dont elle se tire très bien d’affaire.
Séverine Gallou : Le premier soir, on fait une grosse balance orchestre d’une heure et une heure pour faire défiler tous les solistes chaque soir. C’est assez peu mais, pour pallier à ce manque, on gère les retours des Violons vraiment à trois. Je suis opératrice à la console mais Pascal et Benoit qui sont sur le plateau et se le partagent géographiquement, collectent et me répercutent les demandes.
Enfin à la régie plateau il y a Anna, l’assistante de Pascal, qui va gérer la console de premix des cordes en écoutant surtout les micros individuellement pour débusquer au plus vite celui qui a une faiblesse.
SLU : Vous avez peu de HF…
Séverine Gallou : Oui, on ne s’en sert que pour quelques solistes. Ce soir par exemple, nous avons choisi d’équiper le DPA qui repique le violon de Nemanja Radulovic d’un pack HF. C’est un artiste qui bouge beaucoup, et ce sera plus confortable pour lui. Lors du dernier concert, nous avons eu D.I.V.A. cinq chanteuses lyriques en HF via des micros dans leur perruques. Cela a été un peu sportif car le vent était de la partie.
Nemanja Radulovic en plein plaisir. Peut-on encore appeler ça du travail…
SLU : Est-ce que comme dans la variété et le rock, les musiciens s’économisent, donnent moins durant les répétitions et les balances ?
Séverine Gallou : Oui bien sûr. Les solistes se donnent un peu plus, mais l’orchestre en garde naturellement sous la chaussure, ce qui est normal car il leur manque aussi le public qui les galvanise.
SLU : Tu disposes de combien de réverbérations ?
Séverine Gallou : J’ai une réverbe orchestre où je passe tout sauf les percussions ou très peu car j’en ai une pour affiner leur son et j’ai une réverbe solistes indépendante. Je ne peux guère en avoir d’autres car je manque de ressources.
SLU : Idéalement tu aimerais avoir quoi pour mixer ?
Le plus ancien et la dernière arrivée aux Violons, Yann Heynard et Séverine Gallou.
Séverine Gallou : Une console qui permette de gérer les VCA dans les Aux. C’est quelque chose qui m’aiderait beaucoup. Cela dit, je travaille bien aussi avec la CL5, en mettant tous mes pupitres sur des DCA, comme ça je retrouve très rapidement mes grands ensembles et je peux facilement les muter. J’ai aussi deux pages de define keys, et ça, c’est la signature des Violons (rires).
SLU : Comment as-tu rencontré l’équipe des Violons ?
Séverine Gallou : Je suis strasbourgeoise, et on s’est rencontré dans ma ville lors d’un de leurs passages pour un show qui reprenait le même concept, la Symphonie des deux rives. Je travaillais pour Lagoona. Je m’occupais à l’époque de tout, du système avec de l’Adamson et de la façade. Maintenant c’est vrai qu’on m’appelle plus pour des retours avec une particularité, celle de travailler pour tous les genres musicaux, de la variété aux musiques du monde, en passant par le classique, le jazz et le contemporain.
SLU : Ton prestataire de référence est toujours Lagoona ?
Séverine Gallou : Oui, ce sont eux qui m’ont mis le pied à l’étrier, mais étant intermittente et heureuse de l’être depuis 14 ans, je travaille de plus en plus pour tout le monde, tout en restant une fervente strasbourgeoise que Paris n’attire pas plus que ça !
Pascal Mercier, l’aiguilleur du plateau
Pascal Mercier avec ses trois accessoires indispensables : la casquette, les lunettes et l’interphonie à l’aide d’un casque ASL et de deux liaisons HF.
Pascal Mercier, le plateau lui appartient. Autant dire que nous profitons d’une rare occasion où il est disponible pour lui tirer quelques mots après l’avoir menotté à une rambarde et lui avoir coupé le pack qui lui sert de talky.
SLU : Ton parcours est assez atypique. Tu adores ton métier mais ne l’exerces plus vraiment à part aux Violons..
Pascal Mercier : Pas loin. Je ne travaille qu’avec Yann et cette prod, parfois pour Arnaud Houpert mais j’ai lâché un peu après 15 ans de régie générale son au théâtre de Cognac.
SLU : Pourquoi ?
Pascal Mercier en train de dénouer Arnaud, l’homme qui manie le pinceau mieux que Rembrandt
Pascal Mercier : Je n’étais plus bien au théâtre et je ne me voyais pas devenir un chasseur de cachets.
SLU : Tu as commencé par la fin… D’abord on tourne et puis on se pose !
Pascal Mercier : C’est un peu ça. Du coup, je suis parti dans l’aménagement et la décoration d’intérieur, et pendant 5 ans le plateau ne m’a pas manqué DU TOUT. Après, j’ai ressenti parfois un petit manque mais que je comble avec les quelques opérations que je fais comme cette semaine. J’ai la chance de pouvoir exercer deux métiers que j’aime !
Anna Jedrowski
SLU : Anna, tu tiens la console de prémélange cordes et assistes Pascal au plateau. Ton parcours aussi est assez inhabituel.
Anna Jedrowski : Il ne faut pas m’interviewer, je ne suis pas du métier (rires) ! Je suis ingénieur acousticienne mais du bâtiment. Je collabore aux Violons depuis 11 ans. J’ai commencé en voulant travailler dans le son, et j’ai fait mon stage ici.
Ensuite, au fur et à mesure de mes études, j’ai dérivé vers l’acoustique et le bâtiment. Je ne viens aux Violons que durant mes congés.
Je tiens la console et j’assiste aussi Pascal au plateau, surtout en ce qui concerne les HF. On se connaît bien et ça va très vite ensemble.
Jean-Claude Marsaud et Blackline Event, des racines solides
Jean-Claude Marsaud est l’homme grâce auquel Nexo a officiellement remis les pieds dans le sable. Impossible de ne pas creuser un peu l’histoire, avant de s’intéresser aussi à sa fille. Quand on vous dit que les Violons c’est une histoire de famille !
SLU : Tu es le P.d.g de Blackline Event, mais comment es-tu venu au son et à diriger cette société.
Jean-Claude Marsaud : J’ai été et je suis toujours directeur technique de festivals et j’ai durant des années été responsable d’un parc de matériel associatif. Cela fait donc 30 ans que je baigne là-dedans. Il y a trois ans et demi j’ai décidé de créer Blackline avec ma femme.
Jean-Claude Marsaud et, de dos, Carole en train de rigoler avec Arnaud Houpert.
Et aujourd’hui nous sommes 6 associés dont Fabien Girard qui est prof en BTS son au lycée de l’image et du son d’Angoulême, Kevin Tranchet qui est salarié, jeune et très bon, Benjamin Delhoume régisseur lumière et diplômé du CFTS et ma fille qui est ingénieur en acoustique et travaille chez Nexo (tiens, tiens, le monde est petit NDR).
Nous venons par ailleurs de racheter la société Audio Mix. L’idée de départ a été de m’entourer de compétence car c’est plus dur à trouver que du matériel.
SLU : Et Nexo dans tout ça ?
Jean-Claude Marsaud : J’ai toujours apprécié cette marque parce que j’aime bien et aussi parce que ce côté rebel me va bien. Alpha E, PS15, Geo S12, puis STM, Geo M6, Geo M10, toute la gamme dont aussi de l’iD24. Outre la carte Nexo, nous avons aussi développé une grosse offre Midas dont nous sommes fans. Nous avons une Pro1, 2, 3, 9 et XL8. Il y a de quoi faire (sourire).
Des petits stacks de Geo M6, une très bonne trouvaille pour les premiers rangs.
SLU : Et puis un jour Yann te dit : « c’est les 30 ans des Violons, il faut faire plus, mieux et en faisant un effort, tu en es ? »
Jean-Claude Marsaud : (rires) Voilà, c’est ça ! On en a parlé avec Jean-Jacques et on a trouvé une solution, bonne pour l’événement, pour lui, pour ma société et enfin permettant d’implanter Nexo localement dans une région qui est plutôt portée sur l’Allemagne (rires).
Non Carole, tu n’auras pas de dB magiques, tu es tombée dedans quand tu étais petite !
SLU : Carole, tu es donc associée chez Blackline Events…
Carole Marsaud : Et salariée en CDI chez Nexo ! J’étais d’ailleurs chez Blackline avant d’entrer chez Nexo.
SLU : Qu’as-tu fait comme études ?
Carole Marsaud. Tel père, telle fille !
Carole Marsaud : J’ai étudié à l’ENSIM du Mans, je suis ingénieur en acoustique et j’ai eu la chance de faire mon stage en sortie d’école chez Nexo avec François Deffarges qui était à la tête du R&D en 2013 (François, si tu nous écoutes NDR). J’ai commencé à travailler pour Blackline d’un côté et Nexo de l’autre sur des missions ponctuelles jusqu’en septembre 2016 où François, entre temps devenu responsable du support technique Nexo, m’a proposé de rentrer dans son support technique pour travailler sur des projets d’installations fixes et par la même d’aller vivre dans l’Oise (sourires).
SLU : Tu as le droit de sortir ou bien ils te tiennent enfermée dans le campus Nexo à Plailly ?
Carole Marsaud : Non quand même pas (sourire). C’est certain que j’ai beaucoup de travail dans NS1 et dans Ease pour beaucoup de projets, mais je suis sortie la semaine dernière pour le commissioning du Colisée à Poitiers, et j’ai d’autres visites prévues les prochaines semaines, uniquement des installations, bien sûr. Mon rôle c’est aider le client avant et le supporter après. (Rappelons que supporter c’est donner du support et pas avoir envie de frapper… NDR ;0)
SLU : L’installation est une grosse part de l’activité de Nexo je crois.
Carole Marsaud : Ohh oui et je suis bien placée pour le savoir ! (rires)
Jean-Jacques Vias : Elle est modeste. Elle travaille aussi sur des stades et des formations extérieures ! On donne à Carole des plans tirés des appels d’offres et elle nous livre des beaux dossiers avec des modèles, des simulations acoustiques et des rapports d’études complets. Sa venue a permis d’améliorer sensiblement notre niveau de réponse dans tout ce qui est dossiers d’installation. C’est un gros plus pour Nexo qui comme ça épaule ses installateurs et ses prescripteurs locaux dont on suit presque toujours les choix techniques sauf grosse contradiction.
SLU : Ta passion pour le son te vient d’où ?
Carole Marsaud : Je baigne dedans depuis que j’ai 8 ans grâce à papa que je ne lâchais pas. D’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours traîné avec les équipes techniques aux régies, aux plateaux donc oui, sans doute cela vient de là. J’aidais par exemple papa depuis la console lumière pour envoyer les circuits pendant que sur le plateau ils faisaient les réglages.
Jean-Claude Marsaud : Et elle a compris très vite aussi ce qu’était le circuit symétrique, et dès la terminale elle savait ce qu’elle voulait faire plus tard dans le milieu du spectacle dans lequel elle a baigné de longues années.
Carole Marsaud : Nexo a été une opportunité en or pour moi car je peux exercer mon métier tout en œuvrant pour l’univers du spectacle. L’acoustique en dehors de ça ne m’aurait pas plu. Même en étant permanente chez Nexo j’ai besoin d’être au contact de l’événement, de retrouver les festivals. Je crois que c’est inscrit dans mon ADN, mais je pense aussi que c’est important que je voie ce qui se passe côté exploitation et pas uniquement côté fabricant.
Philippe Tranchet, le créateur du Violon dans le sable, micro en main, sert de Monsieur Loyal et apporte le lien entre chaque extrait d’œuvre.
Complision (Compliments + Conclusion)
Quelques compliments pour conclure. Le premier et non des moindres va au festival dans son ensemble pour l’humanité qui s’en dégage. Techniciens comme musiciens se donnent à fond dans un esprit serein et généreux où le savoir-faire abonde mais l’esprit bon enfant des débuts reste bien ancré dans le sable, notre appareil photo et ses optiques qui n’y ont été exposés que quelques heures ont dû être soigneusement aspirés.
L’autre ennemi, le vent, a fait relâche le soir de notre passage, laissant au bas du spectre toute son extension et à la captation toute sa qualité. Bien sûr, on aimerait un peu plus d’air sur les cordes (de l’air hein, pas du vent) pour leur apporter un surplus de naturel et douceur mais comment concilier l’inconciliable, comment garantir la pression sonore au public et des murs de son aux musiciens autrement qu’en prise de proximité à l’aide de capteurs avant tout solides.
Arnaud en plein show. Il ne faudrait pas qu’un grain de sable…
On ne peut que féliciter Arnaud Houpert pour ce qu’il parvient à délivrer. C’est juste et équilibré, par moments même délicat et toujours très respectueux de l’équilibre du classique, avec un petit côté amplifié, crunchy et rock qui convient parfaitement au lieu, à l’éclectisme de la programmation et à ce que les éléments permettent de faire.
On aimerait aussi moins d’aller retours et une configuration en 96 kHz pour face et retours avec une distribution des signaux qui convienne aux consoles disponibles, mais même comme ça, l’ensemble a fière allure et sent bon la matière grise. Chapeau bas à Arnaud pour ses réverbérations, aussi inaudibles qu’omniprésentes et crédibles. Comme quoi avec pas grand-chose on peut faire du très bon boulot. Un bravo aussi à la prise de son des voix qui ressortent avec naturel et prennent bien aux tripes. Je songe à la magnifique soprano Maria Bochmanova, et à la dynamique d’ensemble qui, sans être trop réduite, tient compte des impératifs propres au plein air, tout en se ménageant une belle progression grâce à la réserve en headroom du STM.
La remarquable soprano Maria Bochmanova. Remarquez la bonnette…
Tiens, parlons-en du système Nexo ! Ces enceintes sont nerveuses, extrêmement puissantes et s’avèrent à leur place aussi dans l’univers du classique avec, comme seule limite, un côté un peu généreux et expressif dans le haut médium mais qui est sans doute aussi mis en exergue par la prise « collée » inévitable en pareil cas. Le bas du spectre porté par les B112 et les S118 donne l’impression d’être en salle. Quel meilleur compliment lui faire. Les S118 notamment sont de vrais monstres d’efficacité, surtout ramenés à leur taille. Bravo à toutes et tous et longue vie au Violon !
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